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Adolescents sexuellement actifs et contraception

IV. Les savoirs sur la sexualité génitale à l’adolescence et la conception

IV.2. Adolescents sexuellement actifs et contraception

L’entrée en sexualité active est corrélée aux conditions socio-économiques et culturelles dans lesquelles les jeunes évoluent, conditions qui génèrent des normes sociales influentes sur les

comportements sexuels43 (Cloutier, 2003). Dans notre société les pratiques sexuelles des adolescents

ne font plus l’objet de réprobation, à la condition d’être protégées contre le risque de procréation.

Les pouvoirs publics reconnaissent aux jeunes le droit à une sexualité, et dès 15 ans44, mettent à leur

disposition une information et des moyens adéquats afin de leur permettre d’en contrôler les risques (Daguerre, 2010). La transgression réside dans la grossesse, et plus encore dans la maternité. L’adolescente enceinte est jugée coupable de n’avoir pas su gérer son « devoir contraceptif », fautive d’avoir « fait une bêtise », de n’avoir pas su résister et d’être allée au bout (Alvin, 2000). L’utilisation des procédés contraceptifs suppose une information de qualité que les adolescents puisent dans différents espaces : famille, école, centre de planification.

Concernant l'éducation sexuelle familiale, il est difficile de mesurer son implication dans les comportements contraceptifs. Les résistances parentales à évoquer la sexualité avec leurs enfants freinent l'accès à la contraception qui pourrait être à l'origine de certaines grossesses précoces (Herbignieux et Thaiour, 2005). L’absence de communication peut faire naître un sentiment de culpabilité chez le jeune, obstacle à la démarche contraceptive (Aujoulat et al 2007).

les filles, ni l’intérêt des garçons. La première relation reste un moment marquant dans l’histoire individuelle.

41Ce qui constitue l’individualité d’un être en tant qu’il est lui-même et différent des autres.

42L’étude menée en Guadeloupe a fait apparaître que le taux de fécondité des jeunes filles est nettement plus marqué

autour des mois de mai et juin. Il semble que cette période corresponde à un relâchement de l’activité scolaire, alors que les familles n’exercent pas encore le contrôle tel qu’il est organisé en période de vacances (Levy, Chataigne, et al, 1992).

43Une relative précocité s’observe chez les garçons de l’enseignement professionnel, comparativement aux jeunes de

lycée général (47% des garçons et 41% des filles) (C. Ros, 2000).

Concernant l'information dispensée à l'école, la nécessité d'une éducation sexuelle pertinente et juste, dispensée au sein des établissements scolaires fait l’unanimité chez les auteurs et chercheurs

étudiés. Cette population de jeunes, captive au moins jusqu’à 16 ans45, facilite la mise en œuvre

d'actions de prévention dans le domaine de la sexualité. Depuis le début des années1970, l’éducation à la sexualité et à la vie fait l’objet de programmes spécifiques en lycées et en

collèges46. Néanmoins certains auteurs opposent de vives critiques à l’égard de ces programmes.

D’orientation essentiellement informative, s’ils améliorent les connaissances, ils ne seraient pas conçus comme une véritable éducation sexuelle (Loignon, 1996). Leur efficacité est contestée (Aujoulat, et al, 2007). Ils auraient souvent peu d’effets sur les comportements des adolescents faits de conduites d’essais sans projection dans le temps (Le Van 1998). Ils arriveraient trop tardivement par rapport à l’âge d’entrée dans la sexualité génitale de certains jeunes (Nativel et Daguerre, 2003). Pour d'autres auteurs les difficultés à responsabiliser les jeunes vis à vis de leurs pratiques sexuelles ne tiennent pas qu'aux programmes de prévention. Au-delà de la faiblesse des contenus sémantiques

du discours préventif, des conditions et lieux de leur diffusion47, les aptitudes du jeune à les recevoir

ne sont pas prises suffisamment en considération. Il existe un décalage entre ce qui est dit et entendu, su et appliqué par l’adolescent. Ces programmes se heurtent aux résistances psychiques. La psychologie de l’adolescent est incompatible avec un comportement contraceptif approprié, notamment en raison du caractère épisodique des relations sexuelles et d’un goût du risque (Naudin et al, 1992; Duprez, 1990). N’ayant pas encore atteint le stade de la pensée opératoire formelle, malgré un niveau élevé des savoirs, les adolescents manquent de disponibilité psychologique pour adopter un comportement contraceptif adéquat. La pensée magique, les fausses croyances, la représentation de l’amour, sont autant de sources de résistances à l’origine de nombreuses grossesses (Blais, 2005). La maturité du jeune influence son attitude contraceptive (Alvin, 2000). Or, la précocité sexuelle signe une moindre utilisation de contraceptifs. Les mères adolescentes ont souvent débuté précocement leur sexualité (Le Van, 1998 ; Levy et al, 1992).

Face à la persistance des grossesses précoces, l'efficacité des actions de prévention engagées par les pouvoirs publics est mise en question. Une étude menée en 2006 conclut que les interventions n’ont aucun impact ni sur l'âge de la première expérience sexuelle, ni sur l'utilisation d’une contraception,

45Ce qui correspond à la fin de l’obligation scolaire.

46L'article 22 de la loi n°2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception

rend obligatoire l'éducation à la sexualité, qui doit être dispensée de la maternelle au lycée à raison d'au moins trois séances annuelles.

47Les services d’orthogénie sont rarement conçus pour les jeunes qui ne sont pas consultés pour leur mise en place

(Uzan, 2004). L’accessibilité des moyens de contraception n'est pas toujours garantie, particulièrement dans les milieux économiquement défavorisés (Duprez, 1990).

ni sur la réduction de grossesses non désirées (Berrewaerts, Noirhomme-Renard, 2006). Pourtant là où les taux de grossesses sont les plus bas, comme en Suède, l’éducation sexuelle est systématisée dans les programmes scolaires (Charbonneau et al, 1989). A l’inverse, le taux élevé de maternités adolescentes recensé en Grande Bretagne est attribué à une éducation sexuelle défaillante, cause d’une sous utilisation de la contraception (Frade, 1999). Une autre étude conclut que la prévention serait économiquement rentable pour prévenir les grossesses durant l’adolescence (Daguerre, 2010). L'éducation à la sexualité agirait alors favorablement sur les comportements contraceptifs des adolescents en contribuant à la prévention des IVG.

La plupart des jeunes gens déterminés à ne pas concevoir s'en donnent les moyens. Correctement informés, ils anticipent. L’adolescent qui souhaite se protéger se montre sensible aux campagnes d’informations (Cloutier, 2003 ; Naudin et al, 1992 ; Duprez, 1990). S'agissant des grossesses adolescentes il convient alors d'interroger les comportements contraceptifs des deux partenaires. Plusieurs auteurs soulignent l'écart d'âge entre les partenaires au profit du garçon en cas de

grossesse. Ils sont dans la plupart des situations un peu plus âgés que la jeune fille48, et plus la mère

est jeune, plus la différence d’âge est élevée (Aujoulat et al, 2007). Leur immaturité ne peut guère être engagée, la grossesse ne peut être le fruit de la candeur, de l’ignorance ou de l’inexpérience. Mais il est difficile pour les adolescents de parler de leur sexualité. Comme constaté lors de cette recherche, les adolescents peinent à mettre en mots leurs interrogations, à s'adresser à un interlocuteur de confiance. La communication ne s’installe pas toujours au sein du jeune couple sur ces questions par gêne, et par culpabilité (Aujoulat et al, 2007).

La méconnaissance des conséquences de l’acte sexuel, des réalités biologiques comme des méthodes contraceptives est de plus en plus réfutée pour expliquer les grossesses (Fourment- Aptekman, 2007 ; Le Van, 1998). Notre recherche confirme ce qui est observé par d'autres chercheurs, c'est à dire que le manque d'information n'est pas mis en avant par les jeunes mères qui se déclarent informées sur cette question avant la grossesse, particulièrement parmi les plus âgées (Pourchez, Dupe, 2011). Pourtant Christina Meade et Jeannette Ickovics (2005) ont recensé dans leur étude entre 1/3 et 2/3 d'adolescentes enceintes ou mères, n’ayant jamais utilisé aucune contraception avant la grossesse actuelle. Par conséquent, la grossesse par défaut de contraception ne peut rendre compte de la totalité des maternités. Ces constats permettent d'établir que des

mécanismes complexes sont à l'œuvre dans la survenue de maternités adolescentes. Les récits de vie des jeunes mères mettent en évidence cette complexité.

En France, même imparfaite, l’information en matière de contraception est accessible aux adolescents par de multiples moyens. Mais l’utilisation d’une contraception ne relève pas uniquement d’une démarche intellectuelle, nourrie de connaissances. D’autres facteurs déterminent les comportements qui sont adoptés.