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L’Université virtuelle africaine (UVA) est une initiative de la Banque mondiale qui, en 1997, a lancé l’idée d’une formation des ingénieurs en 4 années dans les filières de l’informatique, du génie informatique et du génie électrique. L’université a recours aux enseignants appartenant à des universités nord-américaines, européennes et africaines. Le siège de l’UVA est à Washington aux Etats-Unis d’Amérique.

Les cours dispensés en anglais et en français sont reçus par satellite et enregistrés sur cassettes. Une bibliothèque virtuelle est accessible aux étudiants. Les étudiants peuvent intervenir dans les enseignements en posant des questions. Ils peuvent aussi utiliser la messagerie électronique. Des espaces d’apprentissage sont ouverts dans les universités partenaires. En 2001, on estimait à 24 000 le nombre

total des étudiants inscrits. Ces étudiants émanaient de 15 pays anglophones et 7 pays francophones. En Afrique de l’ouest francophone, plusieurs universités participent à ce programme de formation à distance. On peut citer l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin, celle de Ouagadougou au Burkina Faso, l’Université Cheik Anta Diop et l’Université Gaston Berger du Sénégal et l’Université de Lomé au Togo160. Roberts et al. (1998) affirme que :

La mission de l’Université virtuelle africaine (UVA) est d’utiliser le pouvoir des technologies d’information modernes pour accroître l’accès aux ressources éducatives dans toute l’Afrique subsaharienne. En particulier, son principal objectif est d’améliorer la qualité et la pertinence de l’enseignement des sciences, des technologies et des affaires en utilisant des technologies de vidéo unidirectionnelle par satellite, d’interaction vocale et de données bidirectionnelle161.

Belle ambition pour des pays dont les systèmes universitaires sont en pleine crise depuis plus d’une décennie.

Dans un mémoire en master de recherche en sciences de l’éducation intitulé

L’Université virtuelle africaine, histoire d’une mise scène, Loiret P-J. analyse le

programme initié par la Banque mondiale au bénéficie de l’enseignement supérieur en Afrique. Pour lui, la Banque mondiale justifie le financement de ce programme par le fait que :

l’enseignement supérieur tel qu’il est dispensé actuellement (en Afrique NDLR) n’est pas en mesure de répondre aux besoins de ces pays. Dans ce contexte, le rôle de l’enseignement à distance s’avère de plus en plus important. Il est impérieux que le continent africain, dans son ensemble, intervienne dans le secteur de l’enseignement supérieur afin de résoudre les problèmes d’accès et d’égalité inhérents à cet ordre d’enseignement162

.

Selon Loiret P-J., pour les initiateurs du programme, l’UVA se veut une alternative à l’enseignement supérieur dans sa forme classique dont tout le monde reconnaît la faillite. Elle est aussi une remise en cause du modèle européen d’enseignement et se veut surtout une révolution technologique, un produit nouveau et aussi un parasitisme académique. L’UVA est présenté comme le premier réseau numérique interactif d’éducation dans le monde exclusivement conçu pour fournir aux pays d’Afrique subsaharienne des ressources académiques de niveau tertiaire

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Il faut souligner que la participation de certaines universités ne relève qu’un simple effet d’annonce. Rien n’a été mis en place pour concrétiser cette participation.

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Roberts et al., L’enseignement supérieur à distance en Afrique, vue général et annuaire des

programmes, op. cit. Page 30 162

dans les domaines techniques, scientifiques et médicaux163.

L’UVA viendrait combler les lacunes de l’université classique en Afrique. Ces lacunes sont :

- le manque d’enseignants qualifiés ;

- le manque de structures de recherche performante ; - l’insuffisance de matériel éducatif

- les programmes d’enseignement dépassés ne favorisant pas la pensée critique, la créativité et surtout l’habilité à la résolution des problèmes.

Elle est mise en place dans un contexte marqué par la détérioration des conditions de travail dans les universités et la diminution des ressources affectées à l’enseignement supérieur, par l’agitation politique où l’université est devenu une arène des luttes sociales et politiques. Un contexte marqué aussi par la croissance démographique et celle des besoins d’éducation.

Présenté par la Banque mondiale comme un produit « phare » et mise en œuvre à l’aide d’un marketing efficace, l’UVA se révèle difficile à mettre en œuvre dans le contexte africain.

L’une des raisons des échecs est que ces programmes d’université virtuelle posent en Afrique des problèmes de choix de société, de politique éducative et d’approche pédagogique. Si l’Université virtuelle africaine inspirée du système universitaire anglo-saxon semble être adoptée par les pays anglophones d’Afrique, elle pose des difficultés aux institutions universitaires francophones où la tradition n’est pas à l’enseignement à distance. En effet, les pays francophones ont eu recours à l’enseignement à distance pour former le personnel enseignant et très peu souvent pour former les étudiants. Alors que dans l’espace anglophone, des expériences ont permis d’asseoir une tradition de formation à distance dans l’enseignement supérieur notamment en Afrique du Sud, au Kenya, en Tanzanie, au Ghana, au Nigéria, etc.

Un autre problème est relatif à l’implication des Etats dans ces programmes d’universités virtuelles. Beaucoup de pays notamment ceux de l’espace francophone manque de tradition de formation à distance et de cadre politique permettant d’asseoir une politique éducative axée sur la formation à distance. Les universités

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africaines n’accordent pas à l’enseignement à distance la même importance qu’à l’enseignement classique164. Elles préfèrent investir plus dans l’enseignement de type classique que dans la formation à distance.

Un troisième problème est celui de ce que Loiret P-J. appelle le « parasitisme académique ». Présentée comme un produit nouveau dont l’efficacité réside dans sa rentabilité économique, l’UVA vient s’incruster dans des universités où l’on ne connaît pas la loi du marché et où le rôle de l’Etat reste prépondérant. Mieux les rapports aux partenaires existants se sont établis sur une base faite de déconsidération. Les enseignants des universités africaines deviendraient des « assistants » dont le rôle se limiterait à l’encadrement des étudiants. Mve-Ondo B. (2005)165 constatera tout simplement que la greffe n’a pas pris.

Les deux programmes d’universités virtuelles sont marqués par une très grande implication des partenaires extérieurs. Il s’agit de la Francophonie pour l’université virtuelle francophone et la Banque mondiale pour l’Université virtuelle africaine.

On peut relever les problèmes liés à l’harmonisation des offres de formation des ces programmes avec les celles des institutions universitaires des pays où ces programmes sont opérationnels. En effet les pratiques novatrices qu’induisent ces nouvelles organisations de l’enseignement ne s’inscrivent pas dans les traditions en la matière. Ainsi les institutions sollicitées pour servir de relais aux nouveaux dispositifs de formation éprouvent des difficultés à s’adapter à la nouvelle donne : découpage de l’année universitaire, organisation des apprentissages, validation des acquis.

A cela s’ajoute la question des résistances à l’innovation. La résistance aux innovations a constitué pour les programmes d’enseignement télévisuel menés en Afrique francophone à partir des années 1970, un handicap majeur dans leur mise en œuvre. Cette résistance manifestée surtout par le corps enseignant aux innovations sera observée une fois de plus dans la mise en œuvre des programmes de FAD qui ont souvent recours à l’utilisation des TIC.

Les enseignants formés généralement à la vieille école continuent d’être

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Wallet J. fait remarquer qu’aucun Etat africain francophone n’offre de bourse pour suivre un enseignement à distance.

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porteurs de valeurs qui ne sont pas celles requises dans la nouvelle forme d’organisation. Ils éprouvent des difficultés à s’adapter et/ou organisent un dénigrement systématique de ce nouveau système d’enseignement. Valérien J. (2004) reprenant un constat du Groupe de travail sur l’enseignement supérieur (GTES), écrit :

les enseignants sont très hostiles ou indifférents, très rarement favorables. Ils craignent généralement à la fois un surcroît de travail et un appauvrissement de leur rôle. Quant aux étudiants, outre la motivation économique déjà signalée, ils ne veulent pas de FAD, qui ne leur offre pas toujours de diplômes équivalents166

L’Université virtuelle francophone semble avoir sur certaines de ces questions une approche pragmatique. Elle privilégie les actions qui mettent au devant des initiatives émanant des universités et se cantonnent dans un rôle de facilitateur. Ainsi pour la majorité de la trentaine de formations qu’elle offre, il s’agit d’initiative associant des universités du Nord et du Sud qui mettent en commun leurs compétences ou des formations qui font l’objet d’une forte demande.