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Il est difficile et, peut-être, trop tôt de faire un bilan conséquent des actions menées actuellement dans l’espace que nous avons choisi d’étudier. Cette difficulté est avant tout de type matériel et lié à l’insuffisance de travaux de recherche et de documentation crédible sur les différents aspects de la question. Mis à part des rapports parfois complaisants sur les actions conduites, on ne dispose pas d’études ou de travaux répertoriant les différentes actions ou expériences. Ce manque de ressources conduit le chercheur à dresser son propre inventaire des données. Si certains organismes tentent actuellement d’orienter leurs actions vers un soutien à la recherche sur l’utilisation des TIC en Afrique, les résultats ne sont pas encore au rendez-vous et on peut s’interroger sur la qualité scientifique des travaux en cours.

En outre une évaluation dans un contexte ou les changements sont continus rend le travail de théorisation difficile. Les actions conduites ne datent que d’une

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Valérien J. La formation à distance en Afrique, in Société numérique et développement en Afrique, op. cit. Page 199

dizaine d’années mais les progrès réalisés sont importants. Chaque année apporte sa nouveauté et les logiciels subissent des changements importants au fil des années.

Néanmoins Internet apporte sa spécificité dans la panoplie des innovations qu’entraîne tout progrès technologique. Comme le souligne Flichy P. :

Chaque grande innovation technique s’est accompagnée d’un discours utopique sur les bouleversements sociaux qu’elle allait engendrer. C’est le cas d’Internet qui véhicule lui aussi son lot de rêves et de peurs en matière de communication. Ces mythes ne sont pas simplement des idées fausses : ils participent à la mobilisation des acteurs, à la construction et à la diffusion de la technique elle même167.

Duchateau (1999) nous met en garde contre la fausse croyance à la simplicité d’usage qui entraîne des représentations inadéquates qui provoquent la déception rapide de certains enseignants utilisateurs168.

A cela s’ajoute une prolifération de terminologies qui contribuent au brouillage du débat. Cette inflation terminologique et conceptuelle trouve son origine dans la rapidité des changements technologiques, mais aussi dans le fait que certains prescripteurs ou chercheurs estiment souvent que le recours aux paradigmes de l’enseignement présentiel présente peu d’utilité.

Fait positif à souligner, les pratiques personnelles ou sociales des enseignants intègrent de plus en plus l’usage d’Internet pour les communications et la recherche documentaire. Des formes nouvelles de collaboration interpersonnelles sont en émergence dans la préparation de cours en particulier. Comme on l’a déjà souligné, si l’instituteur de village est encore loin des technologies, les enseignants urbains sont comme tous les jeunes des utilisateurs des cybercafés ou des postes de consultation présents dans les universités169.

Les initiatives d’enseignement et de formation à distance n’échappent pas vraiment à la situation de crise endémique que vivent les universités africaines170 depuis la fin des années 1980. Les rapports émis par la Banque Mondiale sur la

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Flichy P., « Utopies et innovations, le cas Internet », Sciences Humaines N°16, mars 1997

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Duchateau cité par Wallet J. idem

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Wallet J.Usages et bonnes pratiques des technologies et des documents de communication dans

l’enseignement à distance et l’apprentissage libre voir http://www.resafad.asso.fr/adea 170

question soulignent le fait que les gouvernements et les institutions d'enseignement supérieur ont tendance à consacrer peu de financements à l'enseignement à distance. Ce qui compromet son efficacité.

Le sous-financement est particulièrement courant dans les domaines de la fourniture de services de soutien aux étudiants, pourtant essentiels, de la formation et du développement professionnel du personnel. L'affectation de fonds est notamment découragée par le fait que l'enseignement à distance exige normalement un investissement initial important pour former le personnel, concevoir les programmes, préparer les matériels et acquérir la technologie choisie. Le CFAD dans sa volonté d’initier des nouvelles approches pédagogiques a pâti de cette situation. Tout en soulignant l’importance d’aller vers des pédagogies alternatives à la pédagogie traditionnelle, le manque ou le refus d’investir dans la formation à distance vient généralement révéler le manque d’adhésion à la FAD.

Dans l’enseignement supérieur, Wallet J. nous met en garde contre la propension à faire de l’enseignement à distance une solution magique à la crise universitaire en Afrique. Il écrit :

L’enseignement à distance ne vient donc pas « au secours des universités défaillantes »: il n’est dans l’état actuel des choses qu’une solution ponctuelle et très partielle, avec en outre des taux d’abandon importants (un étudiant sur deux en moyenne), et surtout un positionnement variable au sein de la complexité africaine relative au système de bourses en vigueur dans l’enseignement supérieur171.

Les actions menées par la Banque Mondiale dans le domaine de l’utilisation des NTIC dans l’enseignement supérieur relève des intentions plutôt que d’actions effectives. Les résultats n’ont pas été au rendez-vous. C’est ce que dit de façon cinglante P-J. Loiret (2004) en écrivant que « la parousie techno » promise par Baranshamaje et la Banque mondiale n’a pas eu lieu. L’UVA n’a pas permis de

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Wallet J., La place des nouvelles technologies dans les systèmes éducatifs sub-sahariens, in

Enseignement à distance et apprentissage libre, et perfectionnement des enseignants et formateurs pour des stratégies nationales globales et intégrées, disponible sur le site http://www.resafad.asso.fr/adea

créer en Afrique « la masse critique de cadres nécessaires au décollage économique » et ne semble pas prête à pouvoir le faire172

Si le projet d’université virtuelle francophone semble donner plus de résultats, c’est plus parce qu’il a su être plus pragmatique en mettant à la disposition des apprenants un ensemble de services et d’équipements susceptibles de rendre efficient l’action de formation à distance.

Généralement, les dispositifs de formation mis en place sont des formations hybrides associant formation en ligne et présentiel avec des regroupements dont l’objectif est de familiariser les apprenants à l’utilisation de la plate-forme de formation.

Dans la plupart des cas les enseignants sont « utilisés » comme tuteurs locaux. Leur rôle, dans ces formations, se limite à un accompagnement facilitant les activités d’apprentissage ; le système ainsi généré facilite un simple transfert de connaissance des institutions émettrices de formation vers des institutions réceptrices173. Cette situation ne valorise pas les compétences issues des universités africaines. Parfois les enseignants des institutions réceptrices refusent de jouer ce rôle de second rôle, de « tuteurs locaux » sorte d’ « agents indigènes » dont se sert pour traduire les connaissances venant des institutions universitaires du nord174. Peut-on faire autrement quand les cadres font défaut ?

Les publics cibles visés dans le cadres des formations à distance présentées plus haut se limitent aux cadres, aux professionnels et dans une certaines mesure aux étudiants175.

La production locale de matériels de cours semble être une voie à encourager car elle permet d’aider les responsables locaux à sortir d’une logique où ils se considèrent comme simple client ou consommateur. C’est une option qui, en dépit

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Loiret P-J., L’université virtuelle africaine, histoire d’une mise en scène, op. cit. page 202

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L’UVA est la forme parfaite de ce système de formation à distance. Alors que l’Université virtuelle francophone s’efforce d’aider et de faciliter une mise en commun des connaissances et des compétences émanant des universités du Nord et du Sud.

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On peut situer à ce niveau l’une des raisons qui empêchent la réussite des Chaires Unesco

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Le plus souvent il s’agit d’étudiant de troisième cycle (DESS). Très peu de formations sont dirigées vers la formation des étudiants des premier et second cycles de l’université.

des économies qui peuvent être réalisées, constitue un bon moyen de favoriser l'appropriation du programme d'enseignement à distance par les acteurs locaux de l’éducation. La pratique généralement prônée consiste à produire des matériels d'apprentissage en faisant appel à des équipes de conception locales, dans lesquelles chaque membre apporte une compétence particulière selon les schèmes anglo-saxons en vigueur dans ce domaine. En ce sens l’expérience faite par le RESAFAD176 , même si elle reste une initiative émanant du Nord, dans le cadre de la formation des chefs d’établissement a eu un impact important.

Il nous semble évident que la réflexion sur l’enseignement à distance ne peut, quel que soit le contexte géographique, se limiter à la question des rapports entre TICE et système éducatif. Il faut porter la réflexion au-delà de ces rapports pour envisager des comparaisons.

La question des coûts de l’introduction des TICE et de la FAD dans un système éducatif doit être posée. Si nous connaissons les coûts de certaines formations, il est difficile d’obtenir le montant des fonds investis dans le domaine. Il nous faut constater que cette question reste taboue et les indicateurs pertinents font défaut. Cette question reste pourtant centrale au regard du coût onéreux du matériel et des services.

Wallet J. affirme que l’approche pédagogique sur les NTIC ne se suffit à elle même. Elle s’inscrit dans une dimension systémique qui touche les politiques institutionnelles, les relations internationales, le développement durable. Le choix porté sur l’utilisation se trouve être contrarié par certaines options. Il donne en exemple l’accord passé entre Microsoft et l’Etat sénégalais en 2004.

Le champ de recherche aurait certes pu être enrichi, mais les pays choisis nous semblent représentatifs en matière de technologies pour l’éducation. Entre le Sénégal où la volonté politique est évidente et d’autres Etats moins conscientisés dans ce domaine, nous avons conscience que les écarts sont grands, mais nous pensons aussi que les problèmes et les leviers pour éventuellement résoudre ces

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Des cadres locaux de l’éducation ont été associés à la rédaction et à la mise en forme des modules de formation dans le cadre de la formation des chefs d’établissement.

problèmes sont le plus souvent communs. Il se pose alors la question de l’engagement politique des Etats africains en la matière.

Dans le cadre du NEPAD177, la position des Etats africains est prudente. Bien que convaincu des avantages que peuvent procurer ces technologies, le NEPAD déclare :

il est cependant nécessaire de rester prudent à la tentation que les TIC est une panacée pour les problèmes des pays en voie de développement. Il est beaucoup plus prudent de réaliser que les TIC ne sont que des pièces ; et aucune pièce de technologies isolée ne peut résoudre le problème de pauvreté qui a de multiples causes et qui est complexe et multidimensionnelle178.

Le NEPAD lance un appel au renforcement du rôle des organismes internationaux sur le continent. Mais le problème reste celui de l’engagement des Etats dans le développement de l’utilisation des TIC dans les différents secteurs d’activité à commencer par celui de l’éducation et de la formation. A ce niveau on peut distinguer deux catégories de pays. Les pays qui sont avant-gardistes et les pays qui suivent.

Les pays « avant-gardistes » (Sénégal, Burkina) ont définit une politique et une législation nationales ne matière d’intégration et d’utilisation des TIC, disposent de l'existence d'un schéma directeur de déploiement des TICE au niveau national (central et décentralisé). Ils ont adopté une tarification spécifique d’accès à Internet pour les établissements éducatifs, les associations, ont créé des centres de ressources pour la formation des cadres du système éducatif et des fonctions spécifiques de cadres dans le domaine des TICE

Au Bénin, des textes officiels expriment la volonté de développer le secteur des TICE dans les trois ministères du secteur de l'éducation au Bénin. Une tarification préférentielle existe pour la liaison spécialisée des établissements scolaires. Des centres de ressources existent à Porto-Novo, Cotonou et Abomey-Calavi, mais tous sont le résultat d'une initiative et d'un appui de projets de

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Le NEPAD signifie Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique.

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Chetty M., Information et technologies de communication pour le développement de l’Afrique, Conférence ministérielle du NEPAD sur la Science et la technologie du développement, in http://www.nepad.org/2005/fr/documents/57.pdf Page 1

coopération et les ressources humaines nécessaires à leur animation et leur rayonnement sont insuffisantes et mal définies.

Au Togo, l’engagement des autorités togolaises relève des intentions et se situe au niveau ministériel. Le Ministère de l’Education nationale et celui de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle tentent de traduire dans les faits les intentions du gouvernement en matière d’utilisation de TIC dans l’enseignement. S’il n’existe pas actuellement une direction qui a en charge la mise en œuvre des orientations prise par le gouvernement, certaines directions initient des programmes de formation à l’utilisation des TICE dans l’administration et dans l’enseignement179.

Parallèlement, l’Université de Lomé à travers le Centre Informatique et de Calcul (CIC) et le Centre de Formation à Distance fait de l’utilisation des TIC dans l’enseignement leurs priorités. On peut aussi signaler les initiatives de formation des cadres de l’enseignement opérées par le RESAFAD-Togo.

On peut relever pour beaucoup de pays l’inexistence de priorités affichées et surtout celle d’un plan d’ensemble reliant l’administratif et le pédagogique dans le domaine des TIC. Au Bénin les priorités affichées sont différentes selon les différents ministères au Bénin. Le ministère des enseignements primaire et secondaire met l'accent sur le développement de l'usage des TICE, notamment dans les établissements. Le ministère de l'enseignement technique et de la formation professionnelle a inscrit dans ses axes stratégiques le développement de la formation à distance. Mais cela ne signifie pas que cette volonté soit appropriée et relayée par les directions concernées. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique exprime sa volonté de développer la formation à distance entre les pôles universitaires d'Abomey-Calavi et Parakou, notamment par la visioconférence. Dans aucun des ministères, la responsabilité claire et spécifique par une structure identifiée de la prise en charge d'une politique TICE n'est évidente, tant au niveau des directions centrales des ministères qu'au niveau des universités.

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Il vient d’être créé au Ministère des Enseignements primaires et secondaire, une division information chargé de définir une politique et une stratégie nationales en matière de TICE.

Au Togo, il n’existe pas de plan d’ensemble visant à relier l’administratif et le pédagogique en matière de TICE. Néanmoins certaines actions de formations privilégient la formation des cadres de l’administration scolaire à l’utilisation des TIC.

Il faut se demander si les pays africains dans l’espace que nous étudions, ont les moyens d’une politique conséquente en matière d’utilisation des TIC dans l’enseignement. Dans des pays où, il est difficile de construire des classes, du matériel et du personnel enseignant.

Alors la tendance partout en Afrique francophone est de recourir aux partenaires en développement. Ainsi la plupart du temps, les offres viennent directement des ONG et autres initiatives privées. Pour assurer la pérennité de leur action elles impliquent l'Etat qui se charge de les subventionner, elles peuvent également contacter des organismes et autres bailleurs pour avoir les fonds nécessaires pour mener à bien leur projet. Dans ce sens l’Unesco joue un rôle important de facilitation en organisant des rencontres d’opportunité entre les pays et les organismes spécialisés.

Il faut relever le fait que les actions menées ne s’inscrivent pas dans un cadre politique défini par les Etats bénéficiaires et lorsque survient la prise en charge par ceux –ci des projets menés, ces actions s’arrêtent. En outre il manque une synergie dans les actions menées. Ce qui induit des dépenses de matériel importantes et une duplication des actions.

De nombreux projets ne se sont pas maintenus faute d'un engagement réel du gouvernement. Il est donc primordial que les gouvernements soient impliqués dans tout projet afin qu'il le soutienne et assure sa pérennité. Toutefois la lenteur dans la prise de décisions endogènes étant évident, il serait possible de passer par les syndicats des enseignants et des étudiants.

Wallet J. relève que très souvent on observe de la part des organismes de formation une volonté de développer de nouveaux marchés en demandant aux formateurs d'investir ces nouvelles modalités de formation, sans leur en donner les

moyens ou en pensant que cela change peu de choses au regard de ce qu'ils faisaient déjà. Cela conduit fatalement à une erreur d'appréciation qui risque de voir arriver sur le marché des actions de formation à distance factice. Si tous déclarent faire de la FAD, les actions ne bénéficient pas d’un investissement financier, technique et pédagogique dans leur mise en œuvre.

Les formations au renforcement des capacités en matière d’utilisation des TIC se font de façon ponctuelle ou conjoncturelle. Elles ne sont pas intégrées dans une politique de développement de compétences au bénéfice des Etats. Des cadres suivent ponctuellement des formations proposées par un nombre très réduit de partenaires de l'éducation en Afrique francophone (AUF avec le DESS-tice, RESAFAD avec le DUCM). Ces formations ne sont encore jamais l'initiative des ministères qui, dans le meilleur des cas, valident ces acquis en confiant aux personnes formées de nouvelles fonctions pour le développement des TICE.

Il faut souligner le fait que de l’inexistence de centres de ressources peut rendre difficiles les actions menées. Parfois lorsque qu’un programme arrive à sa fin d’exécution, les ressources mises à la disposition des apprenants deviennent l’objet de convoitise de la part de différents de décision. Un cas emblématique a été observé par nous au Togo. En effet, avec le retrait du RESAFAD du programme de formation DUCM, l’Université de Lomé a fait le choix de poursuivre seule la formation compte tenu de la demande croissante de formation, mais le ministère de l’éducation nationale a soustrait à l’université l’utilisation de la salle180 de formation qui dispose de ressources informatiques. L’Université de Lomé a dû chercher une nouvelle salle informatique. La salle en question est restée, jusqu’ici, sans qu’il lui soit défini une utilisation particulière en dépit des courriers envoyés au ministre par le président de l’Université de Lomé.

La grande partie des formations est organisée sur la base diplômation Nord ou de la co-diplômation. Dans le premier cas, c’est une université ou un organisme du Nord qui dispensait ses enseignements et délivre ses diplômes181. Dans le second

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La salle en question est située pourtant dans les locaux de l’Université de Lomé

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On peut mettre sur ce registre les formations CISCO très recherchées en Afrique parce que délivrant des certificats reconnus de façon internationale

cas, une université du Nord s’associe avec une ou des universités du Sud pour organiser la formation et délivrer des diplômes délivrés par les partenaires182.

La diplômation Nord constitue un élément de sensibilisation et d'information dans un contexte où les ressources humaines sont inaptes à collaborer à la production mais où les acteurs prennent conscience des enjeux et observent les méthodes et les techniques à développer. La co-diplômation permet de conserver la valeur nationale, de l'associer aux actions de formation. C'est sans doute la stratégie à privilégier lorsque les ressources locales le permettent, ce qui doit être le souci des institutions et ne constitue pas celui des opérateurs privés.

L'importation de formation ou de contenus de formation a toujours été présentée comme un facteur de l'échec de certains projets de formation en Afrique.