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Les premières utilisations d’ordinateurs dans l’éducation dans les pays de la région remontent aux années 1980. Des initiatives sans grande cohérence vont être conduites dans le milieu universitaire sénégalais et dans les autres secteurs d’activités. En 1983, on chiffrait à 100 ordinateurs le parc d’ordinateurs du Sénégal95. En Côte-d’Ivoire, un recensement effectué par Marchioso et Leborgne-Tahiri C.en 1984 évaluait à une centaine d’ordinateurs le parc d’ordinateurs utilisés en milieu universitaire en Côte-d’Ivoire96.

C’est à partir des années 1990 que l’on assistera à une utilisation massive des NTIC et surtout Internet dans tous les secteurs notamment dans le secteur éducatif. Ce phénomène suivra l’apparition et la généralisation de l’utilisation de la « toile »97. Les services les plus utilisés sont le courrier électronique, les listes de diffusion, les forums ou groupes de discussion, le chat et la recherche sur Internet ou navigation. A cela il faut ajouter la consultation des banques de données.

Donc, c’est avec « frénésie » que l’Afrique aborde la question de l’utilisation des NTIC. Contrairement à toute attente, l’utilisation des ces technologies enregistre une croissance sans pareille dans le reste du monde. Ce constat, Dahmani A. l’atteste quand il écrit :

Au Sud, notamment en Afrique lors de la dernière décennie, les TIC ont connu une croissance considérable. L’engouement des pays d’Afrique pour

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Au Sénégal, certains prix des denrées sont affichés sur Internet ou accessible par téléphone mobile

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Leborgne-Tahiri C., Universités et nouvelles technologies en Afrique de l’Ouest francophone : passé, présent

et avenir, op. cit.. p. 12 96

Leborgne-Tahiri C., Universités et nouvelles technologies en Afrique de l’Ouest francophone : passé, présent

et avenir, op. cit. p.13 97

Ce terme désigne le réseau des réseaux qui permet une interconnexion des ordinateurs à l’échelle mondiale. Le terme anglais désignant la toile est World Wide Web.

ces technologies est réel. La progression des utilisateurs de la téléphonie cellulaire et de connections à l’Internet est impressionnante. Ce développement qui demeure inégal entre les différents pays, et limité en raison de la faiblesse des infrastructures et de la limite des marchés, n’en a pas moins suscité quelques réflexions et projets tendant à présenter les TIC comme le nouveau levier de développement pour les pays en développement (PED)98.

En Afrique, c’est tous les secteurs d’activité qui sont affectés par l’utilisation des NTIC : le travail, la formation, l’éducation, la santé, la culture. Autour de l’idée de l’administration américaine de mettre en place un programme dénommé Global Information Infrastructure (GII) qui a permis la création autour du globe de super-autoroutes de l’information que les peuples du monde entier « emprunteront », les organisations internationales vont y déceler l’occasion pour l’Afrique de sortir de sa situation de crise.

Dès 1995, la Banque Mondiale, dans son rapport intitulé « Rapport sur le développement d’Internet » se fera catégorique sur la question en affirmant qu’Internet :

offre à l’Afrique une opportunité dramatique de bondir dans le futur, de rompre des décades de stagnation et de déclin. L’Afrique doit saisir rapidement cette chance. Si les pays africains ne parviennent pas à tirer avantage de la révolution de l’information et à surfer la grande vague du changement technologique, ils seront submergés par elle99

.

La même année, un colloque régional africain sur la télématique au service du développement réunira 53 pays africains à Addis-Abeba en Ethiopie. A l’issue de ce colloque, il sera créé un groupe de travail dont la mission est de définir un plan d’action pour l’utilisation efficace des TIC en faveur du développement du continent100

Les travaux de ce groupe seront formalisés en un document intitulé « Initiative société africaine à l’ère de l’information (AISI) : cadre d’action pour l’édification d’une infrastructure africaine de l’information et de la communication ». Ce document établira l’agenda numérique africain. Les travaux ainsi réalisés seront avalisés par la conférence régionale africaine sur le développement des télécommunications qui s’est tenue en 1996 à Abidjan et par le sommet de l’Organisation de l’unité Africaine (OUA) tenu en juillet 1996 à Yaoundé (Cameroun).

En octobre 1999, le Forum pour le développement de l’Afrique a demandé aux

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Dahmani A. « Les TIC : une chance pour l’Afrique ? » in Société numérique et développement en Afrique, Paris 2004, Karthala-GEMDEV, p. 13

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Idem, p. 20

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Bounemra K. Soltane, B, Oui, l’Afrique s’intéresse aux TIC. in Le Courrier ACP-UE, mai-juin 2002, page 40

pays africains d’envisager l’exploitation des TIC dans les trois grands secteurs de développement à savoir l’éducation, la santé et le commerce. Pour concrétiser ses intentions qui ne cachent pas les ambitions du continent de s’ouvrir aux TIC, plusieurs programmes verront le jour. On peut citer l’initiative Acacia (Communautés et sociétés de l’information en Afrique) du CRDI101, l’African connection (AC)102 , l’Initiative société africaine à l’ère de l’information (AISI)103, le Bulding digital opportunities104, le Fonds des Inforoutes de la Francophonies105. A ces programmes, on peut ajouter l’Initiative Lelande, le Réseau régional informatique pour l’Afrique (RINAF), etc.

Autour de ces programmes, vont se retrouver des pays et organismes aux intérêts parfois divergents voir contradictoires.

Certaines données permettent de croire que l’Afrique sera submergée par la vague déferlante de la révolution de l’information. En effet en 1992, trois pays africains étaient connectés. Ce chiffre passe à onze en 1996 et trois années plus tard tous les pays africains étaient connectés. On affirme que l’expansion d’Internet est de 36%, ce qui représente le double de la moyenne mondiale et celle du téléphone cellulaire se révèle plus élevée. Cette évolution globale cache difficilement des disparités importantes.

Pour beaucoup de personnes notamment les décideurs politiques, Internet semble être la technologie à laquelle l’on accorde le plus d’importance. Dans un article intitulé « Formes et dynamiques des accès publics à Internet en Afrique de l’Ouest : vers une mondialisation paradoxale ? » Chéneau-Loquay A., s’interroge sur l’engouement que suscite Internet en Afrique de l’Ouest en ces termes :

Parmi les technologies de l’information et de la communication, Internet a tendance à occuper seul le devant de la scène alors qu’il fait appel à une technologie, l’ordinateur et les logiciels associés, qui est complexe, difficilement modifiable, relativement coûteuse, dépendante d’infrastructures de base (téléphone et énergie électrique) très inégalement réparties, qu’Internet est réservé aux lettrés, et diffuse le pire et le meilleur sans garantie de contrôle sur les sources. Et pourtant, avec de telles caractéristiques, le réseau a fait l’objet en Afrique d’un véritable engouement. Comment comprendre un tel paradoxe ? Effet de mode lié au mimétisme

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Centre de Recherche pour le Développement Internationale. L’Initiative Acacia a pour but de donner aux communautés de l’Afrique subsaharienne la capacité d’intégrer les TIC dans leur stratégie de développement.

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L’African connection désigne le plan d’action quinquennal de l’union africaine des télécommunications (UAT) dont l’objectif est : améliorer les infrastructures de télécommunication, de radiodiffusion en Afrique.

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L’AISI a pour but de donner aux Africains les moyens d’améliorer leur qualité de vie et de lutter contre la pauvreté.

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Son objectif est de supprimer les principales entraves aux TIC et de développer celles-ci en vue d’atteindre des objectifs de développement

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Ce fonds apporte un soutien financier aux projets en faveur de l’adoption et de l’utilisation des inforoutes en privilégiant la création de contenus français.

prôné par les médias et les projets ou besoins réels ?106

Parler de l’accès de l’Afrique à Internet cache les énormes disparités qui existent entre les Etats107 et entre les métropoles et les zones rurales108. Pour les spécialistes de la question, la fracture la plus importante reste celle qui sépare les pays développés et les pays en développement notamment africains. Le mode d’accès à Internet est différent selon que l’on est en occident ou en Afrique. Pour Chéneau-Loquay A.:

l’appropriation des NTIC se fait à l’inverse de modèle dominant occidental ; le mode d’accès aux outils de communication est essentiellement collectif étant donné le faible niveau de vie moyen des populations comparé au coût du matériel et de la communication elle-même. Mais outre le facteur économique, deux facteurs entrent en jeu pour déterminer les formes que prend l’accès : la distance au centre en relation avec le niveau de connexion aux réseaux matériels, et le type d’acteurs, public, privé ou associatif, qui gère les espaces109.

Ces différentes fractures n’ont pas empêché de mener certaines expériences d’utilisation des TIC dans l’enseignement. On assiste dès lors à un retour en force de l’enseignement à distance.

Avant 1990, les initiatives de formation à distance qui ont eu lieu en Afrique de l’Ouest Francophone se présentaient sous la forme de cours par correspondance, de radio éducative, d’enseignement télévisuel, de vidéoconférences ou d’audioconférence. Ces initiatives d’enseignement à distance visaient essentiellement la préparation aux examens des élèves du secondaire, la mise à niveau ou la préparation aux examens professionnels des enseignants du primaire et du secondaire. Les supports utilisés étaient le courrier postal, l’imprimé, les cassettes audio et vidéos.

Dans bien de pays l’on utilisa la radio et la télévision pour renforcer ces formations. Au Mali, au Bénin, au Burkina Faso, en Côte-d’Ivoire, en Guinée, au Sénégal, au Niger et au Togo, des programmes de formation des maîtres se mettront en place en

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Chéneau-Loquay A. Formes et dynamiques des accès publics à Internet en Afrique de l’Ouest : vers une mondialisation paradoxale ? in Mondialisation et technologies de la communication en Afrique

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Selon l’IUT, Internet est dans tous les pays mais sa progression se ralentit. On estime à 4,51 millions le nombre d’internautes en 2000, 6,78 en 2001 et à 7,94 en 2002. Sur ce total l’Afrique du Sud regroupe 39% des internautes africains, l’Afrique du Nord (Maroc, Tunisie, Lybie, Algérie) 16% et seulement 29% pour l’Afrique subsaharienne.

108

Lomé la capitale du Togo connaît une concentration importante de télé centres qui se raréfie au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la capitale.

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Chéneau-Loquay A. « Formes et dynamiques des accès publics à Internet en Afrique de l’Ouest : vers une mondialisation paradoxale ? », in Mondialisation et technologies de la communication en Afrique

utilisant ces différents moyens de communication110. Roberts et al. (1998) dresse le constat que :

dans toute l’Afrique, les méthodes d’enseignement à distance sont de plus en plus reconnues comme des outils utiles susceptibles d’apporter une réponse adéquate aux besoins d’enseignement et de formation à différents niveaux, des programmes d’alphabétisation de base jusqu’à la préparation de diplômes universitaires du troisième cycle111.

Quelques années plus tôt, la conférence de Jomtien organisée par l’Unesco sur l’enseignement de base, a mis l’accent sur l’utilisation des NTIC dans l’enseignement pour atteindre l’objectif de l’alphabétisation pour tous en 2000. Cette conférence demandera aux pays participants d’envisager l’utilisation des NTIC dans l’enseignement à distance comme système pédagogique crédible complémentaire à l’enseignement classique.

Dans un premier temps, c’est surtout dans l’enseignement de base ou l’enseignement primaire que l’on a compté utiliser et rentabiliser NTIC. Certains pays iront jusqu’à miser sur l’informatisation pour combler au plus vite le retard technologique de leur pays. Leborgne-Tahiri C. (2002) constate que :

la tendance générale semble être en faveur de l’informatisation de l’école primaire dans le but d’acquérir précocement de nouveaux styles d’apprentissage et de nouveaux comportement. Les pays africains qui ont choisi l’informatisation des écoles primaires, ont un politique éducative fondée sur la formation à la base des enfants, futurs élèves, futurs étudiants, futurs citoyens de leur pays, futurs citoyens du monde112.

Cette ambition de privilégier l’enseignement primaire se trouve contrariée par l’état des lieux dans ce type d’enseignement. En effet l’enseignement primaire souffre de manque de personnel, d’équipement et des locaux rendant toute initiative de son informatisation impossible. Dans l’enseignement supérieur, par contre, les initiatives se multiplieront au point de s’annihiler très souvent.

Les premières initiatives en matière d’utilisation des TIC dans l’enseignement

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Au Bénin, l’Institut national pour la recherche en éducation formera des formateurs à la formation à distance. Au Burkina Faso, la Fad sera essentiellement orientée vers la santé, le monde rural, l’environnement,

l’alphabétisation et la formation des maîtres. En Côte –d’Ivoire, La FAD visera les élèves du secondaire en difficulté et la formation permanente des adultes en cours d’emploi. Au Niger l’enseignent par correspondance a été dirigé vers la formation des professeurs de français du secondaire. Au Sénégal, les cours par correspondance visaient la formation des professeurs du secondaire en didactique du français. Enfin au Togo, la FAD a permis la formation des enseignants et leur préparation aux examens professionnels.

111

Roberts et Associés, L’enseignement supérieur à distance en Afrique, vue générale et annuaire des

programmes, GTES, ADEA, Toronto, 1998, p. 1 112

Leborgne-Tahiri C., Universités et nouvelles technologies en Afrique de l’Ouest francophone : passé, présent

supérieur remontent en 1986 avec le projet Tamtel. L’Association des Universités Partiellement ou Entièrement de Langue Française (AUPELF) a conduit un projet qui avait pour but de mettre à la disposition des universités francophones africaines des minitels qui faciliteraient les échanges entre les centres et les instituts universitaires appartenant à l’association. Ces échanges se feront sous la forme de messagerie, de fichiers d’adresses, de communication plus rapide entre universités du Nord et celles du Sud. Ce projet devait aussi permettre la constitution d’une banque de données bibliographiques.

En 1985, une convention signée avec le président de l’AUPELF permettra l’implantation de plusieurs vidéotex dans sept universités africaines au Bénin, en Côte-d’Ivoire, au Gabon, au Sénégal, à Madagascar, au Togo et au Tchad. Ce projet financé par la coopération française posera comme conditions entre autre la mise à disposition de lignes téléphoniques, l’achat de minitels, les mises à disposition de locaux et la formation de personnels compétents.

Dans la plupart des pays cités, le projet ne resta qu’à l’état de démarrage. Les conditions prévues n’étant pas remplies ou la livraison du matériel étant tardive. On parla de matériel livré dans un état défectueux113. Et pourtant ce projet ne manqua pas de susciter beaucoup d’enthousiasme à ses débuts114. Un autre projet d’audio et de vidéoconférence menés en Côte-d’Ivoire connaitra le même sort.

Ailleurs comme au Burkina Faso, on signale des initiatives allant dans le sens de l’informatisation du milieu universitaire. Les universitaires du Burkina Faso auraient bénéficié non seulement de formation en la matière, mais aussi d’équipement nécessaire.

Il faut noter qu’après 1990, plusieurs pays accèderont à Internet à partir de réseaux européens ou nord-américains. Les différentes actions de formation et surtout de formation à distance qui verront le jour s’appuieront d’avantage sur les NTIC. Leborgne-Tahiri C. (2002) écrit à ce propos :

L’arrivée d’Internet permet de remanier et d’élargir toutes les actions de formation. Les enseignements utiliseraient comme support les multiple services de ce médium pour atteindre les étudiants et leur offrir, en plus des « cours » au sens traditionnel du terme, des prestations indispensables comme la recherche bibliographique et la consultation de livres en ligne, les

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Dans le cas de la Côte-d’Ivoire, non seulement les lignes téléphoniques prévues n’ont pas pu être mises à disposition, mais aussi l’AUPELF livra des minitels six ans plus tard c’est-à-dire en 1991.

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En 1986, le Professeur ROUX de Paris-Dauphine écrivait dans le journal de l’UNACI ceci : « Il ne s’agit pas d’un gadget nouveau média dont le succès tient à la simplicité de son utilisation : il suffit de posséder un téléphone et un terminal à bas prix pour pouvoir se connecter ».

forums avec des pairs, l’interactivité avec les enseignants et les chercheurs115.

Cette analyse est confirmée par Do Nascimento J.(2004) qui affirme que :

Le secteur de l’enseignement en Afrique est ouvert au NTIC. Parmi les usages que l’on y rencontre, trois sont particulièrement représentatifs des modes d’appropriation des NTIC dans ce domaine. Il s’agit de la formation universitaire par voie de vidéoconférence, de la formation à la pédagogique des NTIC, de la consultation documentaire via internet116

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Les différentes actions de « cyberformation » qui se feront en Afrique occidentale francophone viendront corroborer ce constat.