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Idéaux premiers d’un anneau unitaire

Dans le document Etats, idéaux et axiomes de choix (Page 177-182)

Soit A un anneau (non nécessairement commutatif) unitaire.

Un idéal premier P de A est un idéal bilatère propre de A vérifiant l’une des conditions équivalentes suivantes ([43, p.165]) :

1. Pour tout couple d’idéaux bilatères (I, J ) de A tels que IJ ⊆ P , soit I ⊆ P soit

J ⊆ P .

2. Pour tout couple d’idéaux bilatères (I, J ) de A tels que I ⊈ P et J ⊈ P alors IJ ⊈ P . 3. A/P est un anneau premier i.e. {0} est un idéal premier au sens 1 (où 0 désigne la

classe 0 + P de 0 dans A/P ).

4. Pour tout couple d’idéaux à gauche (I, J ) de A tels que IJ ⊆ P , soit I ⊆ P soit

J ⊆ P .

5. Pour tout couple d’idéaux à droite (I, J ) de A tels que IJ ⊆ P , soit I ⊆ P soit

J ⊆ P .

6. ∀(x, y) ∈ A2 (xAy ⊆ P ⇒ x ∈ P ou y ∈ P ).

On appelle spectre de A, et on note Spec(A), l’ensemble des idéaux premiers de A.

Un idéal complètement premier P de A est un idéal bilatère propre de A vérifiant tel que :

∀(a, b) ∈ A2

(ab ∈ P ⇒ a ∈ P ou b ∈ P )

Remarque 6.3.1.

— Dans le cas d’un anneau commutatif, il est clair que les notions d’idéal premier et d’idéal complètement premier sont les mêmes.

— Dans le cas d’un anneau non nécessairement commutatif, un idéal complètement premier est premier.

— La trace d’un idéal complètement premier sur un sous-anneau unitaire B d’un anneau unitaire A est encore complètement premier.

Proposition* 6.3.1. [28, p.47]

Soit A un anneau unitaire. Tout idéal maximal M de A est un idéal premier.

Preuve :

Soit M un idéal maximal. Soient I et J deux idéaux bilatères tels que I ⊈ M et J ⊈ M . Donc I + M = A et J + M = A, puis A = (I + M )(J + M ) = IJ + IM + M J + M2IJ + M

donc IJ ⊈ M .

6.3.1 Exemples

Exemple 6.3.1.

1. Cas commutatifs

— Si K est un corps commutatif, son spectre ne contient que l’idéal nul.

— Les idéaux premiers de l’anneau commutatif Z sont l’idéal {0} et les pZ où p est un nombre premier.

— Dans Z[X] l’idéal (X) engendré par X est premier puisque Z[X]/(X) est iso-morphe à Z donc est intègre.

— Soit n ∈ N. Dans l’anneau Z/nZ, les idéaux pZ/nZ où p est un diviseur premier de n sont premiers.

— Si K est un corps commutatif, le spectre de K[X] s’identifie à l’ensemble des polynômes irréductibles unitaires ainsi que le polynôme nul.

Le spectre de R[X] s’identifie à l’union de {0} et du demi-plan complexe {a +

ib, a ∈ R, b ∈ R+} (en effet les idéaux premiers sont l’idéal nul, les (X − a)R[X] et les (X − a − ib)(X − a + ib)R[X] avec b > 0).

2. Cas non commutatifs

— Soit K un anneau commutatif. Soit n ≥ 2, les seuls idéaux bilatères de Mn(K) sont les idéaux triviaux. Le seul idéal premier est l’idéal nul.

— Un anneau unitaire A est premier si et seulement si l’anneau unitaire Mn(A)

des matrices de taille n × n à coefficients dans A est premier ([43, p.172]).

3. Exemple de l’idéal {0} dans L(E), B(E) ou B(H)

On rappelle que si E est un K-espace vectoriel, on note L(E) le K-espace vectoriel des applications linéaires de E dans E et B(E) celui des applications linéaires continues de E dans E.

Proposition 6.3.2.

DK implique le résultat suivant :

Pour tout K-espace vectoriel E, l’idéal {0} de L(E) est premier (mais pas complè-tement premier en général).

Preuve :

Soient J et K deux idéaux de L(E) tels que J K = {0}. Montrons que J = {0} ou

K = {0}.

Par l’absurde supposons J ≠ {0} et K ≠ {0}. Il existe u ∈ J (resp. v ∈ K) non nul. Il existe donc x ∈ E (resp. y ∈ E) tel que u(x) ≠ 0 (resp. v(y) ≠ 0).

La droite vectorielle engendrée par v(y) admet (avec DK) un supplémentaire H, donc DK assure qu’il existe une application linéaire f ∶ E → E telle que f (v(y)) = x (il suffit de prendre f nulle sur H et telle que f (v(y)) = x). Dans ce cas, u ○ (f ○

v)(y) ≠ 0 et donc J K ≠ {0} : absurde.

On rappelle que HB équivaut à l’énoncé “Dans tout R-espace vectoriel normé E, toute droite admet un supplémentaire fermé”.

Proposition 6.3.3.

Si E est un R-espace vectoriel normé E dans lequel toute droite vectorielle admet un supplémentaire fermé (par exemple si E satisfait CHB) alors l’idéal {0} de B(E) est premier.

Preuve :

Avec les notations de la preuve précédente, les hypothèses assurent cette fois l’exis-tence d’une application linéaire continue f ∶ E → E telle que f (v(y)) = x.

Remarque 6.3.2.

Si on se place dans B(H) où H est un espace de Hilbert, l’idéal {0} est premier dans ZF. En effet, si H est un Hilbert sur C et si a est un élément non nul de H, l’orthogonal de C.a est un supplémentaire fermé de cette droite.

6.3.2 Remarques sur les énoncés D

K

et HB

On rappelle l’énoncé DK : Pour tout K-espace vectoriel E, toute droite vectorielle de

E admet au moins un supplémentaire.

On rappelle aussi que si a est un élément non nul d’un K-espace vectoriel E, on note

La l’idéal à gauche La∶= {u ∈ L(E) ∣ u(a) = 0}.

On obtient les implications suivantes (voir Propositions 6.3.2 et 6.1.5) :

DK

xx &&

P1 ∶Pour tout K-espace vectoriel E, l’idéal {0} est

premier dans L(E).

M1 ∶Pour tout K-espace vectoriel E, pour tout

a ∈ E non nul, l’idéal à

gauche La est maximal.

Question 11.

Que peut-on dire des implications P1DK; M1DK; P1M1 et M1P1? Les Propositions 6.3.3 et 6.1.5 donnent le schéma suivant :

HB

xx &&

P2∶ Pour tout R-espace vectoriel normé E, l’idéal {0} est premier dans B(E).

M2∶ Pour tout R-espace vectoriel normé E, pour tout a ∈ E non nul, l’idéal à

gauche La est maximal.

Question 12.

Que peut-on dire des implications P2HB ; M2HB ; P2M2 et M2P2?

6.3.3 Trace d’un idéal premier

6.3.3.1 Cas commutatif

Dans un anneau commutatif unitaire, la trace d’un idéal premier sur un sous-anneau unitaire est encore premier.

En effet, soient A un anneau commutatif unitaire, B un sous-anneau unitaire de A et

P un idéal premier de A. Montrons que P ∩ B est premier dans B.

Soient x, y ∈ B tels que xy ∈ P ∩ B, alors xy ∈ P : comme P est premier x ∈ P ou y ∈ P . Comme x et y sont déjà dans B on obtient le résultat voulu.

6.3.3.2 Cas non commutatif

La trace d’un idéal premier n’est pas nécessairement premier si l’anneau n’est pas commutatif. Il suffit de trouver un exemple d’anneau non commutatif où {0} est premier, et un sous-anneau où {0} n’est pas premier. Si on considère A = M2(C), l’idéal {0} est premier.

Soit B le sous-anneau de A constitué des matrices diagonales. Montrons que {0} n’est pas premier dans B : il suffit de trouver deux idéaux bilatères non nuls de B, I et J tels que IJ ⊆ {0}.

Posons :

— I l’idéal bilatère de B constitué des matrices de la forme (a 0 0 0) — J l’idéal bilatère de B constitué des matrices de la forme (0 0

0 a)

IJ ⊆ {0} et pourtant ni I ni J n’est nul.

6.3.4 Topologie de Zariski sur le spectre d’un anneau

Soit A un anneau unitaire. On appelle spectre de A et on note Spec(A) l’ensemble des idéaux premiers de A.

On peut munir Spec(A) de la topologie de Zariski : cette topologie est définie par la base d’ouverts formée des Ωa= {I ∈ Spec(A) ∣ a ∉ I} où a ∈ A. Tout ouvert de Spec(A)

est donc réunion d’ensembles du type Ωa.

Remarque 6.3.3.

— Ω1 =Spec(A) et Ω0 = ∅.

— Pour tous a, b ∈ A : Ωa∩Ωb= ⋃

z∈Aazb.

— Pour cette topologie, les fermés sont les FI ∶= {J ∈ Spec(A) ∣ I ⊆ J } où I décrit

l’ensemble des idéaux bilatères de A.

En effet, si a ∈ A alors le complémentaire Ωc

a de Ωa est Ωc

a=FAaA.

Proposition* 6.3.4.

Soit A un anneau unitaire. On rappelle que les fermés de Spec(A) pour la topologie de Zariski sont les FI ∶= {J ∈ Spec(A) ∣ I ⊆ J } où I décrit les idéaux bilatères de A. On dispose des propriétés suivantes :

— FA= ∅ et F{0}=Spec(A).

— Si I1 et I2 sont deux idéaux bilatères de A tels que I1I2 alors FI2FI1. — Si I1 et I2 sont deux idéaux bilatères de A alors FI1FI2 =FI1.I2 =FI1∩I2. — Si (It)t∈T est une famille d’idéaux bilatères de A alors ⋂

t

FIt =F

t∈TIt

: la famille de fermés (FI)I est donc stable par intersection quelconque.

— Pour tout a ∈ A, on note Fa∶=FAaA. Si A est un anneau commutatif booléen ( i.e. dans lequel, pour tout a ∈ A, a2 =a) alors pour tout x ∈ A, alors Fx est fermé et ouvert (puisque Fc

x =F1−x).

Preuve :

— Les deux premiers points sont clairs.

— Comme I1.I2I1 il vient FI1FI1.I2, de même FI2FI1.I2, donc FI1FI2FI1.I2. Si J ∈ FI1.I2 alors I1.I2J , puis comme J est premier on a I1J ou I2J .

Comme de plus I1.I2I1I2I1 on a FI1FI1∩I2FI1.I2. De même pour I2 donc

FI1FI2 =FI1∩I2. — Pour tout s ∈ T, Is⊆ ∑ t∈TIt donc Ft∈TItIs puis F t∈TIt ⊆ ⋂ s∈TFIs. Si J ∈ ⋂

t∈TFIt alors pour tout t ∈ T, ItJ donc ∑t∈TItJ donc J ∈ Ft∈TIt

.

Proposition* 6.3.5.

Soit I un idéal premier d’un anneau unitaire A.

L’adhérence du singleton {I} (pour la topologie de Zariski) est le fermé FI = {J ∈

Spec(A) ∣ I ⊆ J }.

Preuve :

Comme FI est un fermé contenant I, il vient : {I} ⊆ FI.

De plus comme {I} est fermé il est du type FK où K est un idéal bilatère de A et

K ⊆ I, donc FIFK i.e. FI ⊆ {I}.

Conclusion : {I} = FI

Proposition 6.3.6.

Soit A un anneau commutatif unitaire booléen ( i.e. un anneau commutatif unitaire dans lequel a2=a, pour tout a ∈ A). La topologie de Zariski sur Spec(A) est séparée ( i.e. pour tous idéaux premiers P ≠ P de A, il existe deux ouverts disjoints Ω et Ω tels que

P ∈ Ω et P).

Preuve :

Pour tout x ∈ A, on rappelle que Fx ∶= {I ∈ Spec(A) ∣ x ∈ I} = {I ∈ Spec(A) ∣ 1 − x ∉ I}

est à la fois ouvert et fermé (puisque A est un anneau commutatif booléen).

Soient P ≠ Q ∈ Spec(A). Il existe a ∈ P tel que a ∉ Q. Comme a2 = a, il vient a(1 − a) = 0 ∈ Q, et comme Q est premier : 1 − a ∈ Q.

Alors les ouverts Fa et F1−a (disjoints) séparent P et Q.

Remarque 6.3.4.

La topologie de Zariski n’est en général pas séparée.

Preuve : Dans Z, le singleton I = {0} est un idéal premier. On a déjà vu que {I} =

FI =Spec(Z). Le singleton {I} n’est donc pas fermé ; or si la topologie de Zariski était séparée, les singletons seraient fermés.

6.4 Existence d’idéaux premiers dans un anneau

Dans le document Etats, idéaux et axiomes de choix (Page 177-182)