Si X est un ensemble, un “net” de X ( voir Annexe C) est une famille (xi)i∈T
d’élé-ments de X, indexée par un ensemble non vide ordonné (T, ≤) dirigé (i.e. pour tous
i, j ∈ T il existe un élément k de I tel que i ≤ k et j ≤ k). Si X est un espace topologique,
un net (xt)t∈T de X converge vers un élément x ∈ X si pour tout voisinage V de x dans
X, il existe i0∈T tel que pour tout i ≥ i0, xi∈V .
Une unité approchée d’une C∗-algèbre A est un net croissant (ut)t∈T d’éléments positifs
de la boule unité fermée de A telle que ∀a ∈ A, lim
t∈T aut = a (équivalent à dire que ∀a ∈
A, lim
t∈T uta = a).
Théorème* 5.7.1. [51, p.78, Théorème 3.1.1]
Toute C∗-algèbre (non nécessairement unitaire) admet une unité approchée.
Preuve :
On esquisse les étapes de la preuve de [51, p.78] :
— L’ensemble Λ ∶= {a ∈ A+, ∣∣a∣∣ < 1} est un ensemble ordonné avec l’ordre induit par
celui de Asa.
— Le Théorème5.2.1, plus précisément le cas séparable (dans ZF), permet de prouver que Λ est dirigé.
— La famille (λ)λ∈Λ est une unité approchée de A.
Remarque 5.7.1.
L’ensemble c0(N) des suites qui convergent vers 0 est une C∗-algèbre non unitaire.
Elle admet pour unité approchée la suite (up)p∈N∗ définie par : ∀p ∈ N∗ up(n) = 1 si n ≤ p et 0 sinon
Théorème* 5.7.2. [51, Théorème 3.1.2 p.79]
Si L est un idéal à gauche fermé d’une C∗-algèbre A, il existe un net (ut)t∈T d’éléments
positifs de la boule unité fermée de L ∩ L∗ telle que pour tout a ∈ L, a = lim
λ auλ.
Preuve :
Voir [51, p.79] : il applique l’existence d’unité approchée à la C∗-algèbre B = L ∩ L∗.
5.7.2 Conséquences sur les idéaux à gauche fermés propres
Proposition* 5.7.1.
Soit L un idéal à gauche fermé d’une C∗-algèbre unitaire A.
— Pour tout b ∈ L+, b1 2 ∈L. — Pour tout b ∈ L, ∣b∣ ∈ L. — Pour tout b ∈ L∗, ∣b∣ ∈ L∗.
— Soit b ∈ L+. L’idéal à gauche L admet une unité approchée (ut)t∈T. Donc b = lim
t but. Montrons que b12 =lim
t b12ut
±
∈L
, comme L est fermé on aura b12 ∈L.
Notons que comme 0 ≤ ut et ∣∣ut∣∣ ≤1, d’après la Proposition 5.2.3, ∣∣1 − ut∣∣ ≤1. Or ∣∣b12 −b12ut∣∣2 = ∣∣(b12 −b12ut)∗(b1
2 −b12ut)∣∣ = ∣∣(1 − ut)b(1 − ut)∣∣ ≤ ∣∣b − but∣∣ →
t 0 ce qui achève la preuve.
— Soit b ∈ L, comme ∣b∣ = (b∗b)1
2 et que b∗b ∈ L est positif, le point précédent assure
que ∣b∣ ∈ L.
5.7.3 Idéaux à gauche fermés propre et boule unité stricte B(1
A, 1)
Théorème 5.7.3.
Soit A une C∗-algèbre unitaire. Soit L un idéal à gauche fermé propre de A. Alors :
1. L ne rencontre pas la boule stricte B(1A, 1) de centre 1A et de rayon 1. 2. 1A∉L + L∗.
Preuve :
1. D’après la Proposition5.1.1, la boule unité stricte B(1A, 1) de centre 1Aet de rayon 1 est constituée d’éléments inversibles donc elle ne rencontre pas L puisque L ne contient aucun inversible à gauche.
2. Par l’absurde, supposons que 1 ∈ L + L∗ : il existe x, y ∈ L tels que 1 = x + y∗.
D’après le Théorème5.7.2, il existe un ensemble ordonné dirigé T et un net (ut)t∈T
d’éléments positifs de L ∩ L∗ et de norme inférieure ou égale à 1 telle que ∀a ∈
L, lim aut=a.
Or xut=ut−y∗ut∈L∗. En passant à la limite dans le premier membre, puisque L∗
est fermé, on a x ∈ L∗ puis 1 ∈ L∗ : absurde
Remarque 5.7.2.
— Nous montrerons plus loin que B(1A, 1) ∩ (L + L∗) = ∅, et donc 1 ∉ L + L∗
(Propo-sition 5.7.2, page137).
— Lorsque l’on prouve que L ne rencontre pas B(1A, 1), on utilise le fait que L ne
peut pas contenir d’inversibles. Par contre L + L∗ peut contenir des inversibles, et
ce, même si L est maximal.
Par exemple, si on se place dans A = M2(C) (C∗-algèbre ayant pour involution
∗ ∶ M ∈ M2(C) ↦t M ), on considère L l’idéal à gauche engendré par la matrice B ∶= (0 1
0 0). L’élément S ∶= ( 0 1
1 0) =B + B∗ ∈L + L∗ est inversible (symétrie par
rapport à e1+e2).
5.7.4 Construction d’un état associé à un idéal à gauche fermé
propre d’une C
∗-algèbre unitaire
Soit L un idéal à gauche propre fermé d’une C∗-algèbre unitaire A. On va construire,
5.7.4.1 Formes linéaires positives intermédiaires
1. Forme linéaire positive f0 sur V0∶= (L ∩ L∗) ⊕ C.1A
L ∩ L∗ est une ∗-algèbre. On considère f0 ∶ L ∩ L∗⊕ C.1A → C
x + t1A ↦ t . Cette forme
linéaire f0 est positive :
Soient x ∈ L ∩ L∗ et t ∈ C tels que x + t.1A ≥0, dans ce cas Sp(x + t.1A) ⊆ R+. Or
Sp(x + t.1A) = Sp(x) + t ⊆ R+. Comme x ∈ L, x n’est pas inversible donc 0 ∈ Sp(x) donc t est positif.
2. Forme linéaire “positive” f1 sur V1=L ⊕ C.1A
On prolonge la forme linéaire précédente f0 en une forme linéaire f1∶V1→ C nulle
sur L. Montrons que la forme linéaire f1 vérifie la condition de positivité suivante : si x ∈ L et t ∈ C sont tels que x + t1A≥0 alors t ∈ R+.
Soient x ∈ L et t ∈ C tels que x + t.1A≥0. Montrons que t est positif.
x + t1A=x∗+t1A donc x − x∗ = (t − t)1A. Le Théorème 5.7.3 assure que 1 ∉ L + L∗,
donc t = t donc x = x∗ donc x ∈ L ∩ L∗ donc comme f0 est positive il vient t ≥ 0.
Remarque 5.7.3.
Comme V1 n’est pas stable par ∗, on ne peut utiliser le Théorème5.3.1pour déduire la continuité de f1à partir de sa positivité. Cependant on peut quand même prouver que f1 est continue de norme 1 :
En effet, soient z ∈ L et s ∈ C tels que ∣∣z + s1A∣∣ ≤1. Montrons que ∣s∣ ≤ 1.
La boule stricte B(1A, 1) ne rencontre pas L (Théorème 5.7.3 ) donc ∀` ∈ L, 1 ≤ ∣∣` − 1A∣∣.
Donc si s ≠ 0, comme −z
s ∈L on a : 1 ≤ ∣∣zs +1A∣∣ donc ∣s∣ ≤ ∣∣z + s1A∣∣ : donc f1 est continue et ∣∣f1∣∣ ≤1. Comme de plus f1(1) = 1 il vient ∣∣f1∣∣ =1.
3. Forme linéaire “positive” f2 sur V2=L∗⊕ C.1A
De la même façon on peut prolonger f0 en une forme linéaire f2 ∶V2 → C nulle sur V2, continue de norme 1, vérifiant la condition de positivité suivante : si x ∈ L∗ et
t ∈ C sont tels que x + t1A≥0 alors t ∈ R+.
4. Forme ηL sur VL∶=V1+V2 = (L + L∗) ⊕ C.1A
On remarque que V1∩V2= (L ∩ L∗) ⊕ C1A : en effet, si z ∈ V1∩V2, il existe x, y ∈ L
et t, s ∈ C tels que z = x + t1A =y∗+s1A. Ainsi x − y∗ = (s − t)1A, puis comme le
Théorème 5.7.3 assure que 1 ∉ L + L∗, il vient z ∈ (L ∩ L∗) ⊕ C1A.
Les formes linéaires f1 et f2 coïncident sur V1∩V2 donc se prolongent en une même forme linéaire sur V1 +V2 : il existe une unique forme linéaire ηL ∶ VL → C qui prolonge f1 et f2.
5.7.4.2 La forme linéaire ηL∶VL→ C est positive et continue de norme 1
Théorème 5.7.4.
La forme linéaire ηL ∶VL → C construite précédemment (section 5.7.4.1) est positive et continue de norme 1 : c’est un état sur le ∗-espace vectoriel VL.
Cet état ηL sur VL se prolonge de manière unique en une forme linéaire (encore
notée ηL) continue de même norme à L + L∗⊕ C1A (puisque continue donc uniformément
continue à valeurs dans l’espace complet C). Ce prolongement est nul sur L + L∗ et c’est un état sur VL.
Preuve :
Soient x, y ∈ L. Soit t ∈ C tels que x + y∗+t1A≥0. Montrons que t ≥ 0 : On note V la C∗-algèbre engendrée par x, y, y∗ et 1A : V est séparable.
On va construire dans ZF un état g sur V (i.e. une forme linéaire positive de norme 1, et par conséquent unitaire) nul sur V ∩ L :
— On considère la forme linéaire positive f1 précédente (section 5.7.4.1) :
f1∶ L ⊕ C1A → C
z + s1A ↦ s . On rappelle que f1 est continue de norme 1.
— On restreint f1 sur V ∩ (L ⊕ C.1A), cette restriction reste continue de norme 1, et est nulle sur V ∩ L.
Comme V est séparable, grâce au théorème de Hahn Banach dans un espace normé séparable ( page55), on prolonge cette restriction en une forme linéaire g continue de même norme (i.e. ∣∣g∣∣ = 1) sur la C∗-algèbre V . L’application g est définie
sur une C∗-algèbre, de plus elle est continue de norme 1 = g(1) donc est positive
(Théorème5.3.1) : g est un état sur V , nul sur V ∩ L.
— Comme x + y∗+t1Aest positif et que g est hermitienne (voir Section5.3, page117)
et positive on a : g(x + y∗+t1A) =g(x) + g(y∗) +t = t ≥ 0.
En conclusion l’application ηL définie sur VL est positive. Le Théorème 5.3.1 assure que ηL est continue de norme 1.
Remarque 5.7.4.
Si A est séparable, la version séparable du théorème de Hahn Banach ( page 55) permet de prolonger ηL en un état sur A.
5.7.4.3 Conséquences
Deux conséquences importantes de l’existence d’un état sur (L + L∗) ⊕ C1A :
Proposition 5.7.2.
Soit A une C∗-algèbre unitaire. La boule stricte B(1A, 1) de centre 1A et de rayon 1
ne rencontre pas (L + L∗) :
B(1A, 1) ∩ (L + L∗) = ∅
Preuve :
On considère l’état ηL sur (L + L∗) ⊕ C1A nul sur L + L∗ construit précédemment
(Théorème 5.7.4).
S’il existe z ∈ (L + L∗) ∩B(1A, 1) alors ηL(z − 1A) = −1. Or comme ηL est continue de
norme 1 il vient : ∣ − 1∣ = 1 = ∣ηL(z − 1A)∣ ≤ ∣∣z − 1A∣∣ <1, c’est absurde.