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Formes linéaires positives, états sur un R-espace vectoriel ordonné

Dans le document Etats, idéaux et axiomes de choix (Page 82-88)

4.3 Espaces vectoriels ordonnés

4.3.5 Formes linéaires positives, états sur un R-espace vectoriel ordonné

Soit E un K-espace vectoriel ordonné (K sous-corps de R). Une forme linéaire f ∶ E → R est positive si pour tout x ∈ E+on a f (x) ≥ 0 (ce qui revient à dire que f est croissante).

Proposition* 4.3.10. [27, p.99]

Soit E un K-espace vectoriel dirigé. Toute forme additive croissante f ∶ E → R est

K-linéaire.

Proposition 4.3.11.

Soit f ∶ E → R une forme linéaire sur un R-espace vectoriel ordonné avec unité d’ordre e ≥ 0. On munit E de la semi-norme ∣∣ ∣∣e associée à e.

La forme f est positive si et seulement si elle est continue (pour la topologie des unités d’ordre) et de norme f (e).

Preuve :

Supposons f positive. Soit x ∈ E : il existe s ∈ R+ tel que −se ≤ x ≤ se donc ∣f (x)∣ ≤

sf (e) donc en passant à la borne inférieure il vient ∣f (x)∣ ≤ f (e)∣∣x∣∣e, donc f est continue de norme f (e).

Réciproquement supposons f continue de norme f (e). Soit x ≥ 0.

Si x ≤ e alors 0 ≤ e − x ≤ e donc f (e − x) ≤ ∣∣f ∣∣.∣∣e − x∣∣ef (e) donc 0 ≤ f (x). Si

maintenant x ≰ e alors comme il existe s ∈ R+ tel que −se ≤ x ≤ se, en considérant xse

on se ramène au cas précédent. Par conséquent, f est positive.

4.3.5.1 États sur un R-espace vectoriel ordonné avec unité d’ordre

Soit E un R-espace vectoriel ordonné avec unité d’ordre positive e. Un e-état sur E est un e-état sur le groupe sous-jacent (E, +) i.e. une forme additive f ∶ E → R positive telle que f (e) = 1. D’après la Proposition 4.3.10, un e-état sur E est nécessairement linéaire.

D’après la Proposition 4.3.11, les e-états sur un R-espace vectoriel ordonné E avec unité d’ordre e > 0 sont exactement les formes linéaires continues de norme 1 telles que

Remarque 4.3.8.

— Le noyau d’un e-état f sur un R-espace vectoriel ordonné avec unité d’ordre e > 0 est un sous-espace o-convexe maximal.

En effet, la o-convexité résulte de la croissance de f . Comme f est non nulle, ker f est un hyperplan donc nécessairement maximal.

Nous démontrerons plus loin (Théorème 4.5.2) que réciproquement, dans les R-espaces vectoriels ordonnés avec unité d’ordre, tout sous-espace vectoriel o-convexe maximal est le noyau d’un état.

— Si on se place cette fois dans les groupes ordonnés, le noyau d’un e-état est tou-jours o-convexe mais n’est plus nécessairement maximal (parmi les sous-groupes

o-convexes).

Par exemple en considérant le groupe (Z, +) muni de l’ordre associé au cône C = 2N (ce groupe est 2-perforé). Il est clair que e = 1 est unité d’ordre (ni positif, ni négatif). Si on considère l’e-état f ∶ Z → R

xx , ker f = {0} est bien o-convexe

mais pas maximal puisque 2Z est o-convexe.

Par contre, avec HB, on prouvera par la suite qu’inversement, étant donné un sous-groupe o-convexe maximal H d’un groupe ordonné avec unité d’ordre, H est le noyau d’un e-état (Corollaire4.4.4).

Remarque 4.3.9.

Soit E un R-espace vectoriel ordonné avec unité d’ordre e > 0 archimédienne. L’en-semble SE des e-états sur E est un convexe fermé de la boule unité fermée du dual topologique E de E. En effet, si f ∈ SE, il existe une suite généralisée (gi)i∈I SI

E qui converge vers f . Comme f est continue, ∣∣f ∣∣ = lim

i∈I ∣∣gi∣∣ =1.

Si E est séparable alors, le Théorème 3.3.1 page 51 assure, dans ZF, que SE est ∗-faiblement compact.

Exemple 4.3.6.

Si K est un compact séparé et si µ est une mesure de probabilité sur la tribu borélienne de X, alors la forme linéaire ϕµ C(K) → R

f∫ f dµ est un état.

Un état sur un R-espace vectoriel ordonné avec unité d’ordre e > 0 est extrémal, s’il est extrémal en tant que qu’e-état sur le groupe sous-jacent.

Exemple 4.3.7.

Soit K un compact séparé. Les évaluations ˜x ∶ f ↦ f (x) (x ∈ K) sont des états

4.4 Existence d’états sur les groupes et R-espaces

vectoriels ordonnés avec unité d’ordre

4.4.1 Existence d’états dans les groupes ordonnés avec unité

d’ordre, dans ZF+HB

Étant donnés un groupe ordonné G et H un sous groupe de G, on dira que H est

cofinal si pour tout x ∈ G, il existe y ∈ H tel que x ≤ y. Remarque 4.4.1.

— Dire que H est cofinal revient à dire que o-conv(H) = G.

— Si G admet une unité d’ordre positive e alors le sous-groupe gp(e) engendré par e est cofinal.

Soient G un groupe ordonné, H un sous-groupe de G et f ∶ H → R un morphisme croissant. Si x ∈ G, on considère :

pH(x) = sup {f (y)

m m ∈ N, y ∈ H, y ≤ mx} et rH(x) = inf {f (z)

n n ∈ N, z ∈ H, nx ≤ z}

— pH(x) = −∞ si et seulement si pour tout y ∈ H et pour tout m ∈ N on a y ≰ mx. — rH(x) = +∞ si et seulement si pour tout z ∈ H et pour tout n ∈ N on a nx ≰ z. — S’il existe y, z ∈ H et m, n ∈ N tels que y ≤ mx et nx ≤ z alors : ny ≤ nmx ≤ mz

et par croissance de f il vient f(y)

mf(z)

n . En passant aux bornes supérieures et inférieures il vient pH(x) ≤ rH(x).

Donc :

−∞ ≤pH(x) ≤ rH(x) ≤ +∞ Remarque 4.4.2.

— Si H est cofinal alors pH et rH sont à valeurs réelles.

— Si K est un sous-groupe de G tel que H ⊆ K alors pHpKrKrH.

4.4.1.1 Cas dénombrable, dans ZF Lemme* 4.4.1. [27, p.61]

Soient G un groupe commutatif ordonné, H un sous-groupe de G et f ∶ H → R un morphisme croissant. Soit x ∈ G.

1. Pour tout morphisme croissant g ∶ H + Zx → R qui prolonge f on a pH(x) ≤ g(x) ≤ rH(x).

2. Pour tout réel q tel que pH(x) ≤ q ≤ rH(x) on peut prolonger f en un morphisme croissant g ∶ H + Zx → R tel que g(x) = q.

Remarque 4.4.3.

Si par exemple pH(x) = rH(x) = +∞ alors il arrive qu’on ne puisse pas prolonger f en

On considère par exemple le filtre de Fréchet F sur N constitué des parties de complé-mentaire fini, puis le groupe G = RN/F (quotient du groupe (RN, +) par la relation

d’équi-valence RF associée au filtre F définie par (xn)n∈NRF(yn)n∈N si {n ∈ N ∣ xn = yn} ∈ F, voir Annexe D). On injecte R canoniquement dans G par l’application :

can ∶ R → G x ↦ (x, x, x, . . . )

Soit β = (1,12,13, . . . ). Pour tout réel x > 0, β ≤ can(x). En particulier pour tout n ∈ N, nβ ≤ can(1).

Soient H = gp(β) le sous-groupe engendré par β et f le morphisme croissant de H dans R tel que f (β) = 1. Par l’absurde, supposons qu’il g ∶ H + Z can(1) → R un morphisme croissant prolongeant f . Alors on aurait pour tout n ∈ N, ng(β) = nf (β) = n ≤ g(can(1)) :

absurde.

Dans cet exemple pH(can(1)) = +∞ = rH(can(1))

Corollaire 4.4.1.

Soient G un groupe commutatif ordonné, H un sous-groupe cofinal de G (ce qui ga-rantit que pH et rH sont à valeurs réelles) et f ∶ H → R un morphisme croissant. Pour toute partie finie F de G, il existe un morphisme croissant g ∶ gp(H ∪F ) → R qui prolonge f et nécessairement pHg ≤ rH.

Preuve :

On note F = {x1, . . . , xn}une partie finie de G. On notera par la suite Hi =H + Zx1+ ⋅ ⋅ ⋅ + Zxi pour i ∈ {1, . . . , n}.

Comme H est cofinal, pH et rH sont à valeurs réelles.

— Soit q1 ∈ [pH(x1), qH(x1)]. D’après le Lemme 4.4.1, on peut prolonger f en un morphisme croissant g1H1 → R tel que g1(x1) =q1donc pH(x1) ≤g1(x1) ≤rH(x1). — Soit i ∈ {1, . . . , n−1}, on suppose avoir construit un morphisme croissant giHi→ R

qui prolonge f .

Soit qi+1 ∈ [pHi(xi+1), rHi(xi+1)]. D’après le Lemme 4.4.1, on peut prolonger gi en un morphisme croissant gi+1Hi+1 → R tel que gi+1(xi+1) = qi+1 donc pH(xi+1) ≤

pHi(xi+1) ≤gi+1(xi+1) ≤rHi(xi+1) ≤rH(xi+1).

Par récurrence, on obtient le résultat voulu.

Remarque 4.4.4.

Le corollaire précédent se généralise au cas où F est une partie dénombrable de G grâce à une récurrence.

La preuve se fait toujours dans ZF puisque l’on peut choisir dans les segments [a, b] de R (on prendrait par exemple qi le milieu de [pHi(xi+1), rHi(xi+1)]).

Une récurrence transfinie généralise, toujours dans ZF, le corollaire au cas où F est une partie bien ordonnée.

Corollaire 4.4.2.

Si G est un groupe ordonné avec unité d’ordre e > 0, et si G est dénombrable alors il existe un e-état sur G.

Preuve :

Appliquer le Corollaire 4.4.1 à H = Ze.

4.4.1.2 Cas général, avec HB

Il existe une preuve du résultat suivant dans [27, p.61] qui utilise le lemme de Zorn et donc AC. Nous proposons une preuve utilisant uniquement HB :

Théorème 4.4.1.

HB implique le résultat suivant :

Soient G un groupe ordonné, H un sous-groupe cofinal de G et f ∶ H → R un mor-phisme croissant. On peut prolonger f en un mormor-phisme croissant g ∶ G → R.

Preuve :

La preuve proposée utilise les produits réduits (cf Annexe D).

1. Une relation concourante (voir Annexe D pour les relations concourantes) : On désigne par Pf in(G) l’ensemble des parties finies de G et on considère l’ensemble T = {g ∈ RGpHg ≤ rH}.

Soit Rf la relation binaire sur Pf in(G)×T définie par ∀(F, g) ∈ Pf in(G)×T, Rf(F, g)

si : ⎧ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎨ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎩ ∀a, b ∈ F (a + b ∈ F ⇒ g(a + b) = g(a) + g(b))

a ∈ F (−a ∈ F ⇒ g(−a) = −g(a))

a, b ∈ F (a ≤ b ⇒ g(a) ≤ g(b))

a ∈ F (a ∈ H ⇒ g(a) = f (a))

a ∈ F pH(a) ≤ g(a) ≤ rH(a)

— Soit F une partie finie de G. Le Corollaire4.4.1assure qu’il existe un morphisme croissant g ∶ gp(H ∪ F ) → R qui prolonge f et tel que pour tout x ∈ F, pH(x) ≤ g(x) ≤ rH(x).

On prolonge g à G (en notant toujours g le prolongement, on pose par exemple

g(y) = pH(y) si y ∉ gp(H ∪ F )). On en déduit que Rf(F, g).

En notant Rf(F ) l’ensemble {g ∈ RG ∣ Rf(F, g)}, il vient donc Rf(F ) ≠ ∅.

— De plus si F1, . . . , Fn sont des parties finies de G alors ∅ ≠ Rf(F1∪ ⋅ ⋅ ⋅ ∪Fn) ⊆ Rf(F1) ∩ ⋅ ⋅ ⋅ ∩ Rf(Fn). On dit que la relation Rf est concourante (voir Annexe

D).

— On considère donc sur l’ensemble T le filtre Ff engendré par les Rf(F ), où F

2. Produit réduit (voir Annexe D) :

— On dispose d’une relation binaire Qf sur RT définie par :

x = (xg)g∈T, y = (yg)g∈T ∈ RT xQfy ⇔ {g ∈ T ∣ xg=yg} ∈ Ff

Le produit réduit RT/Ff désigne l’ensemble des classes pour la relation Qf pré-cédente (voir Annexe D). On notera (xg)g∈T la classe d’un élément (xg)g∈T de

RT.

— On note can l’injection canonique définie par can ∶ R → RT/Ff

x ↦ (x)g∈T .

— On note L0(RT/Ff) le sous-espace vectoriel L0(RT/Ff) ∶= {z ∈ RT/Ff ∣ ∃α, β ∈

R can(α) ≤ z ≤ can(β)} (c’est le sous-espace o-convexe engendré par can(1), c’est même un o-idéal).

3. Morphisme croissant de G dans L0(RT/Ff) :

Soit ϕ ∶ G → R

T/Ff

x ↦ (g(x))g∈T :

— Montrons que ϕ est un morphisme de groupes. Soient x, y ∈ G, on a (g(x + y))g∈T = (g(x) + g(y))g∈T puisque {g ∈ T ∣ g(x + y) = g(x) + g(y)} ⊇ Rf(F ) où F est la

partie finie {x, y} donc {g ∈ T ∣ g(x + y) = g(x) + g(y)} ∈ Ff.

— Le morphisme ϕ est à valeurs dans L0(RT/Ff) : en effet, si x ∈ G, alors pour tout g ∈ T, pH(x) ≤ g(x) ≤ rH(x) donc can(pH(x)) ≤ ϕ(x) ≤ can(rH(x)).

— Montrons que ϕ est positive. Soit x ∈ G+ :

— La puissance réduite RT/Ff possède une structure de groupe ordonné (puisque c’est le quotient du groupe ordonné RT muni de l’ordre produit par le sous-groupe o-convexe H ∶= {(xg)g∈T ∣ {g ∈ T ∣ xg =0} ∈ Ff}(voir Annexe D). Le cône positif de RT/Ff est C ∶= {(xg)g∈T ∣ ∀g ∈ T xg ≥0}.

— Montrons que ϕ(x) ≥ 0. On définit la famille (xg)g∈G par : pour tout g ∈

T, xg ∶= g(x) si g(x) ≥ 0 et xg ∶= 0 sinon ; la classe (xg)g∈G est un élément

positif du quotient RT/Ff. On remarque que ϕ(x) = (g(x))g∈T = (xg)g∈G

puisque Rf({0, x}) ⊆ {g ∈ T ∣ g(x) = xg} et Rf({0, x} ∈ Ff, donc ϕ(x) ≥ 0. 4. Avec HB : morphisme croissant de L0(RT/Ff) dans R :

On dispose donc du morphisme croissant ϕ de G dans L0(RT/Ff). Grâce à HB, on va construire une forme linéaire de L0(RT/Ff)dans R :

L’espace L0(RT/Ff) est un R-espace vectoriel ordonné avec unité d’ordre can(1), donc c’est un espace semi-normé (avec la semi-norme associée à l’unité d’ordre). Quitte à quotienter L0(RT/Ff)par le sous-espace des éléments de semi-norme nulle, on peut lui appliquer HB ; ainsi, avec HB ([13, p.3]) il existe une forme linéaire continue ψ ∶ L0(RT/Ff) → R de norme 1 telle que ψ(can(1)) = ∣∣1∣∣ = 1 (et ainsi

ψ ○ can = IdR).

La forme ψ est continue de norme ψ(can(1)) donc ψ est positive (en effet dans les R-espaces vectoriels ordonnés avec unité d’ordre, c’est équivalent d’après la Proposition4.3.11, page 79).

On pose ˜f = ψ ○ ϕ : ˜f ∶ G → R est un morphisme croissant.

De plus, ˜f prolonge f puisque si x ∈ H, ˜f (x) = ψ((g(x))g∈T). Or (g(x))g∈T = can(f (x)) puisque Rf({x}) ⊆ {g ∈ T ∣ g(x) = f (x)} et {g ∈ T ∣ g(x) = f (x)} ∈ Ff, donc ˜f (x) = ψ(can(f (x)) = f (x).

Corollaire 4.4.3.

HB implique le résultat suivant :

Soit G un groupe ordonné avec unité d’ordre positive e. Il existe un e-état sur G.

Preuve :

Il suffit d’appliquer le théorème précédent à H = gp(e) (qui est cofinal) et à la forme linéaire (croissante) f ∶ gp(e) → R définie par f (e) = 1.

Corollaire 4.4.4.

HB implique le résultat suivant :

Soit G un groupe ordonné avec unité d’ordre positive e. Si H est un sous-groupe o-convexe maximal de G alors H est le noyau d’un e-état sur G.

Preuve :

Soit H un sous-groupe o-convexe maximal de G. On considère le quotient G/H, c’est un groupe ordonné avec unité d’ordre positive e ∶= e + H. Le Corollaire 4.4.3 assure qu’il existe un e-état f sur G/H.

L’application g ∶ G → R

xf (x) est un e-état sur G et H ⊆ ker g. Comme ker g est

o-convexe, par maximalité, il vient ker g = H.

4.4.2 Existence d’états sur les R-espaces vectoriels ordonnés

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