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Effets de l’entreprise sidérurgique Paz del Río

Carte 18. Origine de la culture de la vigne en Amérique

3.1 Symbolisme et ritualité vitivinicole

3.1.1 Iconographie vitivinicole régionale

La récente apparition de la viticulture dans le Boyacá211, est aussi la manifestation artistique lointaine d’une symbolique qui s’est profondément enracinée dans le monde occidental. Les expressions artistiques vitivinicoles dans ce département appartiennent en majorité au système de croyances chrétien introduit par la Conquête et articulé de manière surprenante à la religion indigène:

“Les religions muisca et catholique avaient certainement des similitudes dans le rituel, les symboles et la fonction, qui facilitèrent la formation d’une synthèse religieuse au sein de la population muisca colonisée, manifesté par un catholicisme régional qui n’est autre qu’un mélange des !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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Cf. M. QUIJANO-RICO, “La región del sol de oro. Terroir y biotecnología de la infamación”, en: Cultura científica, n° 6, Tunja, Instituto de investigaciones Científicas, Inicien, Fundación Universitaria Juan de

Castellanos, 2008., M. QUIJANO-RICO, “El Chicamocha: Río del vino de gran altura”, en: Cultura Científica, n° 5, Tunja, Instituto de investigaciones Científicas, Inicien, Fundación Universitaria Juan de Castellanos, 2007.

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deux systèmes de croyances, différent du système catholique dogmatique, puisque, comme on le sait, la variété et le mélange de coutumes nuance les croyances.”212

La logique consistant à sacraliser la nature, adoptée par quelques religions, dont la religion muisca, semble être le résultat d’une symbiose réussie entre l’homme et la nature, et qui se nomme Agriculture213. Dionysos et Bacchus viennent de la campagne et représentent la végétation; de la même manière, le dieu incarné du christianisme est identifié à une plante et son message s’articule souvent avec des activités agricoles. Tout cela dévoile une scène propice à la continuité du mythe sur le territoire où est née la légende d’El Dorado, où l’on rendait un culte au soleil et où la vie agricole continue à être une expression culturelle primordiale.

L’art vitivinicole du Boyacá est concentré dans les temples chrétiens. Les constructions datent de la moitié des XVI e et XVIIe siècles, à partir de la fondation de la ville de Tunja, en 1539. Les conquistadors et les missionnaires des ordres religieux: dominicains, augustins, franciscains et jésuites214, les ont construits pour servir leur projet d’endoctrinement. Ils furent de prudents stratèges en les dotant de la symbolique de la croix, de la lumière, de l’eau et surtout de la vigne, du blé et de l’olivier, protagonistes dans la structuration des religions méditerranéennes215.

Il semble raisonnable de se demander si l’effort artistique vitivinicole des artistes créoles de l’époque s’est focalisé sur la reproduction des œuvres de cette classe, si l’inspiration directe fut la vigne et les fruits existants ou si les travaux furent élaborés par des artistes du Vieux monde déjà familiarisés avec ce type d’agriculture. Très tôt, le territoire découvert fut “re-territorialisé” par les ordres religieux établis dans la ville.

La présence des ordres religieux par le biais des couvents nécessitait l’établissement d’une règle générale valide pour ce type de vie en communauté: l’autosuffisance. Les moines ne devaient pas seulement respecter les normes spirituelles, mais aussi assurer par l’agriculture et l’élevage la subsistance quotidienne de la communauté. Ces stratégies ont été celles déployées par les

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M. LÓPEZ (1989), op. cit., p. 78.

213 Cf. M. QUIJAN O RICO (2008), op. cit.

214

Cf. J. OCAMPO-LÓPEZ (1997), op.cit.

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communautés du même genre au cours du Moyen Âge européen, pendant lequel le rôle des monastères dans le développement de l’agriculture et de l’élevage a été décisif. La viticulture européenne a donc bien été soutenue, qualifiée, transmise et protégée par les moines216.

Environ 10 couvents ont été fondés et survivent aujourd’hui dans le département du Boyacá. Bien que ces congrégations aient eu comme principe l’autosuffisance, aucune d’elle n’a développé la mentalité de “rentabilité maximum” plus que les jésuites. Cela ne signifie pas que les autres communautés ne l’aient pas tenté, mais dans le cas des franciscains, pour ce qui concerne les ordres mendiants, il est possible qu’ils n’aient pas pris d’initiatives d’ordre entrepreneurial, notamment en ce qui concerne la culture de la vigne.

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171! Tableau 9. Couvents dans le Boyacá

Tableau 10. Églises et couvents les plus anciens de Tunja.

ÉGLISES 1567-1574

Basilique Métropolitaine Santiago

de Tunja 1572

Chapelle de San Laureano 1566

Temple de Santa Bárbara 1623

Couvent de Santa Clara la Real 1571

Eglise et Couvent del Topo 1683

Couvent de San Francisco 1572

Temple de San Ignacio Siglo XVII

Temple de Santo Domingo 1658

Cloître de San Agustín 1537

La présence de personnel féminin et masculin au sein des couvents exigeait une “occupation Sainte du temps” employé en majorité aux travaux agricoles. Les céréales comme le blé et l’orge, les fruits caducifoliées (pommes, poire, abricot, prunes et raisin), les légumes, verts ou non, l’oléagineux tel l’olivier, étaient cultivés. Il est probable que moines et sœurs avaient des visées, non pas entrepreneuriales, au contraire des jésuites avec le blé, la canne à sucre, le cacao ou la

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vigne, mais d’autosuffisance. Mais aucune des possibilités offertes par les tropiques ne permettait de remplacer le “précepte” de l’Eglise imposant la célébration de la messe avec du vin de raisin, des hosties faites de farine de blé, et de pratiquer des rites avec de l’huile d’olive. C’est pour cette raison qu’on peut encore aujourd’hui admirer des oliviers dans le secteur de Villa de Leyva qui comprend les communes de Sáchica, Tinjacá, Ráquira, Sutamarchán, Villa de Leyva; ou encore dans les communes de Tunja, Cómbita, Monguí, Panqueba, San José de Miranda et Santander del Sur, etc. La vigne est aussi répartie sur les communes de la province du nord du département, telles Susacón, Soatá, San Mateo, Guacamayas, et d’autres communes des provinces de Tundama et Sugamuxi.

Ces “bio-indicateurs” viticoles, “vignes plantées dans les cours des maisons” font partie intégrante des stratégies qui ont conduit à la création du “Projet vitivinicole de la Valle del sol et territoires limitrophes”.

“Autour d’une sorte de culte rendu à la vigne, plantée dans les cours intérieures des maisons, se donnaient à voir de faibles signes d’une culture viticole. Ces signaux pouvaient être des indicateurs pertinents de l’aptitude régionale à la viticulture; il valait la peine de vérifier où et dans quel état elles étaient, combien et de quelle sorte il y en avait.

A la fin des années 1960, j’ai commencé à me rendre fréquemment à Firavitoba pour collecter ces informations. Je suis ainsi allé à la maison de Gerardo et Arcelia Figueroa… L’enquête sur les vignes s’est étendue à d’autres villages de la région. Il s’est avéré que c’est à Firavitoba que se concentraient la plupart d’entre elles. Les ceps, en bon état, produisait assez bien. S’agissant de la variété, on a d’abord pensé à la portugaise Azul de Austria (“bleu d’Autriche”). Des observations ultérieures ont permis de déterminer que nous avions affaire à la “Misión” de Californie, la “País” du Chili, ou à la “criolla” Argentine. Elle a pu être introduite

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au temps de la Colonie. Coïncidence, Firavitoba a été pendant cette période un des sièges des jésuites”.217

Une symbolique vitivinicole d’origine artistique peut être observée dans divers temples construits sur le territoire, sous forme de peintures et de sculptures en bois, bronze et or. Elle s’exprime aussi à travers la technique de la broderie en relief, activité pratiquée habituellement par les nonnes cloîtrées: voir, par exemple, le couvent de Santa Bárbara de Tunja.

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M. QUIJANO-RICO, “Los vinos del Valle del Sol. El nacimiento de la viticultura y la enología de clima tropical frío”, en: Cultura científica, n° 1, Tunja, Instituto de Investigaciones Científicas, Inicien, Fundación Universitaria Juan de Castellanos, 2001, p. 8.

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