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Contexte de l’émergence vitivinicole paysanne dans le Boyacá

1. Processus de désarticulation territoriale régionale

1.1 Le département du Boyacá

Ce territoire situé dans la partie centre-orientale de la Colombie est un mélange complexe de biodiversité territoriale tropical: sol, climat et culture, effets de la Cordillère des Andes. Le sol et le sous-sol renferment des richesses minérales significatives qui contribuent à la production régionale de matières premières. Le Boyacá est le plus important producteur mondial d’émeraudes. C’est aussi là que s’est installé le plus grand complexe sidérurgique du pays afin d'exploiter la présence de gisements très importants de minerai de fer, de charbon et de gypse, éléments de base pour la production d’acier, de fer et de ciment34. Ces caractéristiques géologiques expliquent aussi la présence de sources thermales utiles au développement du tourisme et de l’écotourisme.

Le climat déterminé par la latitude et conceptualisé comme le résultat du cumul de l’altitude, de l’ensoleillement, de la température, de l’humidité, de la vitesse du vent, de la pluviosité et de l’évaporation, entre autres, s’intègre au système hétérogène d’ensemble pour venir enrichir une biodiversité qui jusqu’à nos jours a été peu étudiée. Elle est pourtant incontournable pour la réalisation d'études dans des disciplines scientifiques qui souhaitent tenter une approche de la compréhension du contexte.

“Le Boyacá accueille la plus impressionnante et la plus variée des sections de la Cordillère orientale des Andes en Colombie: elle offre au !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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Le secteur minier dans la zone centrale du Boyacá attire depuis le milieu du XXe siècle les capitaux étrangers, qui ont notamment afflué depuis 20 ans.

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voyageur la jungle tropicale, des espaces torrides, des vallées froides, des plateaux, de hauts sommets, des pics couverts de neige perpétuelle. C’est pour cette raison qu’il convient de ne pas énoncer de généralités sur le Boyacá, mais au contraire prendre garde à la description de cette région formée, selon les experts, d’une topographie”35.

Le climat et les sols très diversifiés ont influé sur la diversité culturelle, exprimée par le biais d’une grande variété de coutumes articulées aux processus sociaux de la production agricole, et homogénéisées seulement après la conquête par la religion catholique, les partis politiques et la langue.

Depuis environ onze mille ans, l’homme chasseur, cueilleur et agriculteur est l’hôte du haut-plateau du Boyacá36. A l’arrivée des espagnols, une grande partie du territoire qui fait l’objet de la présente étude était occupé par le peuple Muisca (voir carte 7), dont les activités fondamentales étaient liées à l’accès aux ressources végétales, dans le cadre de l’agriculture.

“Ce territoire fut il y a des millions d’années la langue d’une mer: c’est ce qu’attestent la présence de fossiles de grands dinosaures qui ont plus de cent millions d’années, qui côtoient les restes de crustacés appelés ammonites. L’existence de cette ancienne mer est attestée par la présence de nos jours des gisements de sel de Zipaquirá, Zesquilé, Nemocón. La nature géologique du territoire correspond à des formations du crétacé tertiaire et quaternaire. Les crêtes de la Cordillère orientale qui entourent et traversent le haut-plateau sont des masses montagneuses qui séparent des lacs qui sont les reliquats de l’ancienne mer37”.

Le peuple Muisca appartenait au groupe linguistique chibcha et avait des relations permanentes avec d’autres groupes périphériques, parmi lesquels: Panches, Muzos,

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35

O. FALS-BORDA (1957), op. cit., p. 28.

36

Cf. M. CARDALE SEHRIMPFF, “En busca de los primeros agricultores del altiplano cundiboyacense”, en: Maguaré, n° 5, Bogotá, Unal, 1987.

37

M. MEDINA, Los Muiscas, verdes labranzas, tunjo de oro, subyugación y olvido, Tunja, Academia Boyacense de Historia y Fondo Mixto para la cultura de Boyacá, 2006.

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Colinas, Laches, Teguas, Chitas, U’was et Tunebo, ces derniers étant présents dans la partie nord-orientale du département.

49! Carte 7. Territoire Muisca à l’arrivée des Espagnols

50! Carte 8. Province de Tunja 1539-1607.

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“Les Chibchas étaient installés sur un continent qui ne connaissait pas le cheval, pas plus que les autres grands quadrupèdes, déficiences naturelles qui entraînèrent le retard des populations… la culture Chibcha était une culture attardée qui occupait néanmoins la quatrième place derrière les Mayas, les Aztèques et les Incas… En réalité, l’économie des Chibchas était très rudimentaire, ils utilisaient la massue pour semer le maïs, leur principal aliment, la meule, l’arc et la flèche38”.

La complexité comme conséquence de la diversité39, et plus encore de la biodiversité tropicale andine exprimée par les éléments territoriaux du sol et du climat est, comme nous l’avons déjà évoqué, une limite, et en même temps une opportunité pour comprendre la réalité naturelle et sociale. “Etre du Boyacá” implique pluraliser les éléments d’analyse dans le cadre du processus de compréhension. De manière équivalente à cette expression: “Colombie, pays de régions” énoncée par le Centro de Investigación y Educación Popular, CINEP40 (Centre de Recherche et d’Education populaire), on peut parler du Boyacá comme d’une région de provinces41 et de groupes culturels ou encore de “microcultures”, chacune possédant ses caractéristiques propres qui soumettent “la conscience collective régionale à des différences marquées”, qui déterminent les identités. Les unes et les autres, à des périodes historiques différentes, ont fait l’objet de descriptions. Juan de Castellanos a contribué à “patrimonialiser” la région en l’identifiant comme un paysage recherché et désiré comme un “paradis perdu”:

“Tierra de oro, tierra bastecida; Tierra para hacer perpetua casa; Tierra con abundancia de comida Tierra de grandes pueblos, tierra rasa;

Tierra donde se ve gente vestida Y a sus tiempos no sabe mal la brasa, !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

38

G. HERNÁNDEZ, “Aspectos de evolución histórica del pueblo chibcha”, en: Historia y culturas populares; Los estudios regionales de Boyacá, Tunja, Mora P et Guerrero A. ICBA, 1989, p. 41-46.

39

Cf. I. PRIGOGINI (1997), op. cit.

40

Cf. CINEP, COLCIENCIAS, Colombia país de regiones 2, Región santandereana y región cundiboyacense, Bogotá, Antropos Ltda. 1988.

41

Cf. FALS-BORDA (1957), op. cit., GOBERNACIÓN DE BOYACÁ, Plan de desarrollo departamental. ¡Boyacá! deber de todos, 2004-2007. Tunja, 2004.

52!

Tierra de bendición clara y serena; Tierra que pone fin a nuestra pena

¡Tierra buena, tierra buena! Tierra que pone fin a nuestra pena”42

Des auteurs modernes se sont exprimés dans le même esprit:

“Le haut-plateau du Boyacá, dans les Andes orientales colombiennes, identifie la structure géographique, c’est-à-dire la dimension spatiale du peuple qui habite là; c’est un paysage de montagne et de plateaux, avec ses chemins et ses détours, ses petites vallées et ses collines, ses monts et plus généralement une multitude de paysages minuscules, où les habitants sont surpris à chaque moment43

“Le haut-plateau était fait de vertes prairies vert émeraude, jonchées de chicorées, des peupleraies et des saules qui donnaient de l’ombre, des ponts sur de joyeux torrents et cascades, des collines suaves et rondes, des fleurs aux vives couleurs, des champs semés de blé, de maïs, d’ orge et de pommes de terre; des vaches, des chevaux et des mules paissaient, des canards volaient; des habitants heureux, des cieux clairs et des terres fertiles, des vallées tapissées d’herbe tendre, subdivisées en propriétés dans chacune desquelles se trouvaient des constructions diverses, et une maison et l’heureuse et robuste famille paysanne du propriétaire44”.

Ainsi, avec l’articulation du paysage au processus productif moderne, par le biais du tourisme, s’est fait jour une contribution à l’économie régionale: le paysage a été créé, entretenu, vendu et commercialisé.

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42

G. RIVAS (1997), op. cit., p. 699.

43

J. OCAMPO-LÓPEZ, La identidad de Boyacá, Tunja, secrearìa a de Educación de Boyacá, 1997, p. 5.

44

C. SASKIA LOOCHKARTT et al, Altiplano cundí-boyacense: piezas de naturaleza y otras ficciones célebres

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Malgré la grande diversité territoriale régionale, des tentatives de construction d’une identité partielle-temporelle ont eu lieu, à l’aide de concepts directement liés à la production agricole.

Dire Boyacá revient à se référer de manière générale à la population de paysans, cultivateurs de tubercules et de légumes; à des éléments géographiques tels que des glaciers, des lagunes, des étendues, des promenades; avec l’artisanat de la poterie, du textile, de la vannerie, des meubles rustiques, et les forges, entre autres; d’abondantes expressions religieuses, comme les pèlerinages dans des sanctuaires et des temples, et des géo symboles comme “Le pont de Boyacá”, le “Marais de Vargas”, etc.

Les conditions territoriales, principalement, et le processus historique d’identification, ont contribué de manière catégorique, á la formation des bases culturelles celles - ci étant le moteur permanent des migrations45. Il semble que l’humidité et la température ont été, depuis les temps préhistoriques, les variantes mises à profit par les habitants pour déterminer le meilleur climat dans lequel vivre, ce dernier élément étant un indicateur important dans la transformation culturelle. C’est ainsi que fut décrété que la meilleure altitude pour vivre là se situait entre mille et trois mille mètres46.

Peut-être qu’il y a bien un lien entre elle et l’endroit où se sont installés les Muiscas. Ils ont ainsi marqué l’endroit pour les populations futures… En termes généraux, la perception est que l’environnement physique a influencé le développement sociopolitique des habitants hispaniques de la région et que l’aire mentionnée s’est constituée, depuis l’époque des Muiscas, sur un axe central47.

L’identité est donc une construction permanente, et les concepts évoqués sont venus s’incorporer à la dynamique sociale régionale, contribuant à la “patrimonialisation culturelle” continue. Ce processus s'est enrichi de manière incertaine, car on ne sait pas encore à quel moment historique une activité culturelle peut engendrer plus d’identité. Par exemple, il y a environ, trente ans, le

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45

Cf. K.WONG, “Straniero in una Nuova Terra”, en: Le Scienze, Versione italiana de Scientific American, n° 424,

Roma, 2007.

46

Cf. E. GUHL, Temas colombianos, Instituto Colombiano de Economía y Cultura, 1972.

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concept “carranga” signifiait, dans le contexte, “un vieux cheval, maigre et malade”; aujourd’hui, le concept désigne une musique pour danser, soit, une identité et la représentation d’une région.

“Selon Jorge Veloza, fondateur de “Los carrangueros de Ráquira” et créateur de ce style (musical), il y a à peu près vingt ans, la carranga est devenue un genre musical, un courant de la musique populaire colombienne, avec beaucoup de groupes amateurs et professionnels qui la maintiennent vivante et généreuse, avec aussi plusieurs centaines de pratiquants par monts et par vaux; que la carranga soit aujourd’hui un courant de la musique populaire d’une partie de la région andine, nous ne pouvons guère en douter”48.

Cela signifie que l’individu “incorpore” sa propre expérience dans la recréation, transformation et transmission de la culture49, et montre la contingence et l’immanence sociale et culturelle, processus mobilisé par l’un des nombreux éléments qui intègrent régulièrement le système de revitalisation culturelle50.

“Alors que la culture matérielle et les pratiques sociales changent, ou peuvent changer, avec une certaine rapidité, les systèmes de sens sous-jacents se présentent comme plus stables, leur évolution est plus lente et est marquée en grande partie par l’appartenance aux classes d’âge. Un univers de sens n’est pas pour autant immuable, mais évolue plus lentement: il présente une stabilité plus grande que les éléments visibles de la culture et ils sont plus “volatils”.”51

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48

A. OCHOA, “Entre copla, canto, chiste y chanza. La música carranguera ilustra el debate de las disciplinas musicales”, en: Santiago Castro Editor, La reestructuración de las ciencias sociales en América Latina. Bogotá, Pensar, 2000.

49

Cf. J. GARCÍA RUIZ et F. FIGUEROA “Cultura, interculturalidad y transculturalidad, elementos de y para un

debate”, en: El Cadejo, n° 10, Guatemala, 2003.

50 Cf. F. GÓMEZ-SIERRA, “El vino y la vid en la construcción social: un caso boyacense”, en: Cultura Científica,

n° 3, Tunja, Instituto de Investigaciones Científicas Inicien, Fundacion Universitaria Jaun de Castellanos J, 2005.

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55!