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II. Le logement social

2.2. Histoire du logement social : d’une politique d’aide à l’hébergement à une politique pour les

Il y a déjà 2 000 ans, les patriciens construisaient des logements pour loger les citoyens romains issus du bas peuple et distincts des esclaves. La volonté de loger les personnes les plus modestes est déjà ancienne. Au XVIIIème siècle des pensées utopistes se développent, les villes rationnelles sont pensées pour régler les maux de la société14. Le logement est au cœur de ces pensées. C’est l’exemple de ces utopistes, parfois socialistes : R. Owen, C. Fourier et le Phalanstère, etc. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, les cités ouvrières se sont développées. Ces cités étaient construites par les patrons qui voulaient développer leur entreprise tout en gardant leur main d’œuvre à proximité. Les cités ouvrières peuvent être considérées comme les précurseurs des logements sociaux. Dans les campagnes ce processus se retrouvait aussi avec les ouvriers logés à la ferme. Cependant ces constructions sont des initiatives privées et indépendantes de l’Etat (Le familistère de Godin, la Cité Menier, la Cité Napoléon). Elles ont tout de même permis de montrer l’importance de l’habitat comme facteur de progrès et d’intégration et de faire avancer l’idée d’une nécessaire intervention de la puissance publique dans le problème du logement.

En 1894 pour la première fois l’idée apparaît de construire des « Habitations à Bon Marché » afin de répondre aux problèmes de santé dus au mal-logement et à l’insalubrité. Les logements sont exigus et les maladies se propagent plus rapidement. Les logements sont insalubres, rudimentaires, la promiscuité est importante, les personnes sont entassées et les familles vivent dans une seule pièce. De ce fait les maladies se propagent rapidement et les crises sanitaires se développent. Dans ce cadre il est essentiel d’intervenir et en en 1850 une loi contre l’insalubrité est votée. C’est le début de l’interventionnisme étatique. En 1910 la notion de « droit au logement » va émerger et des questions autour du logement vont être abordées. Le logement social va devenir petit à petit l’objet de politiques publiques avec des objectifs fixés de construction. Les organismes HBM deviennent des acteurs incontournables de la production des logements aidés. Avant la première guerre mondiale quelques lois ont commencé à être instaurées. Les conséquences de la guerre sont multiples : baisse démographique, hausse de l’immigration, exode rural et destruction importante de logement. Une loi qui bloque les loyers est appliquée. De ce fait les investisseurs et l’Etat se tourne de cette question et pendant 10 ans aucune intervention majeure concernant l’habitat ne sera

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Stébé Jean-Marc, Le logement social en France, 4e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2009, 128 pages.

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faite. Quelques initiatives seront prises pour résoudre ces problèmes mais ce sera de nombreux échecs. Les constructions rationnelles, standardisées et mécaniques sont de mises.

Après la seconde guerre mondiale, la pénurie de logements se fait ressentir. Les logements sont insalubres et détruits par les bombardements. Cette période est caractérisée par une volonté de reconstruire le pays rapidement et de loger la population qui est dans le besoin. Cependant, le contexte économique et social fait que l’Etat n’intervient pas aussitôt dans cette crise du logement. La production de grands ensembles va être la réponse apportée à la croissance démographique nourrie par l’immigration et la pénurie de logements. Les HBM deviennent, en 1949, les Habitations à Loyer Modéré (HLM) et la construction de logement est accélérée. Les entreprises vont également participer à l’effort de constructions via le versement d’1% de la masse salariale. En 1954, l’appel de l’Abbé Pierre pour aider les sans- abris va impulser d’autant plus cette dynamique et des cités d’urgence vont être construites sous la pression de l’opinion publique. Cet appel place la question du logement en problème public et de nombreuses mobilisations auront lieu. De nombreuses enquêtes et articles vont paraître dans les mois qui suivent. Les premières réglementations sur les attributions de logement social apparaissent. Le but est de construire plus vite et moins cher. Des ZUP (Zones à Urbaniser en Priorité), remplacées par la suite par les ZAC (Zone d’Aménagement Concerté), sont mises en place et se développent très rapidement. C’est d’ailleurs à cette période qu’une conception ségrégative du logement se développe avec d’un côté un parc social ordinaire et « un parc de transition » qui accueille les travailleurs immigrés. Durant les 30 glorieuses la volonté est de construire et les logements sociaux vont prendre place pour résorber les bidonvilles. C’est en 1971, qu’une politique de résorption des bidonvilles et de relogement des immigrés est lancée.

Des constructions prennent forme de manière rationnelle et standardisée. Ce sont les grands ensembles qui vont se développer pour éviter l’étalement urbain et les morphologies spatiales des villes américaines. On produit en masse des logements collectifs, puis des maisons individuelles par la suite. De 1975 à 1995 le logement va être au cœur de la politique de la ville. Les élus tentent de maitriser les mécanismes de peuplement et pour lutter contre ces pratiques de sélection et d’exclusion, la loi Besson est votée en 1990, elle implique un droit au logement pour tous. L’augmentation quantitative se fait sentir mais la qualité n’est pas au rendez-vous et le bâti se dégrade vite. Le confort des logements reste minime pour certains, dans ce cadre une politique d’amélioration du patrimoine existant et de résorption de l’habitat insalubre est décidée. Les grands ensembles vieillissent mal et on se rend compte de

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leurs limites. A la fin du XXème siècle, le logement des personnes défavorisées est devenu l’axe central de l’intervention des pouvoirs publics dans le domaine du logement social. Ces actions vont se poursuivre et se renforcer. Aujourd’hui la volonté est de rebâtir certains quartiers HLM afin de mieux les intégrer à la ville. Des politiques de réhabilitation sont menées. Les opérations de rénovations urbaines sont contraintes de s’adapter aux évolutions économiques, sociales, politiques et culturelles.

Aujourd’hui la question qui se pose pour les politiques publiques est de faire la mixité sociale dans les quartiers de logements sociaux pour éviter les phénomènes de ségrégation, voir de ghettoïsation de certains quartiers. Ces quartiers concentrent des personnes défavorisées, le contexte économique de hausse du chômage et de diminution des emplois ne favorise pas la mixité sociale dans ces quartiers. Selon Jean-Marc Stébé15, nous sommes aujourd’hui face à des villes à trois vitesses : une relégation des cités de logement social, une périurbanisation des classes moyennes et une gentrification des centres villes. L’objectif est aujourd’hui de freiner la ghettoïsation, c’est ce nouveau défi qui est lancé aux différents acteurs du logement social. Comment concilier la mission sociale d’accueil des plus démunies tout en cherchant la mixité sociale et tout en étant vigilant à la gestion financière du patrimoine ?