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Représentations du sultanat du Borno

A. Histoire des manuscrits

J’ai identifié trois copies subsistantes de ces manuscrits, référencées pour la première fois dans le deuxième volume de la série Arabic Literature of Africa, dirigée par John Hunwick et Rex Sean O’Fahey13. Deux se trouvent à la Royal Asiatic Society (RAS) et à la School of Oriental and African Studies (SOAS), à Londres14. L’autre copie se trouve au Jos museum au Nigeria sous la cote JM/A.MS.12115. Ces copies de l’œuvre d’Aḥmad ibn Furṭū ont une longue histoire. Le manuscrit entreposé à la RAS date de 1853. Il contient les deux textes d’Aḥmad ibn Furṭū, copiés par la même personne. Le manuscrit de la SOAS date des années 1920-1923 ; s’il réunit le K/K et le K/B ainsi qu’une copie du dīwān, ces textes ont été copiés par deux copistes sur deux types de papiers différents. Le manuscrit de Jos est difficilement datable. Il ne comporte qu’une partie du K/K. Enfin, la copie d’Ibadan est une photocopie du précédent qui fut réalisée au lendemain de la décolonisation, probablement dans les années 1960-1970. Il faut également compter avec le manuscrit d’Hambourg, aujourd’hui perdu16, et qui fut réalisé en 1853 à partir du même original que le manuscrit de la RAS (il contenait le K/B et le K/K). La copie conservée à la SOAS en est issue. À partir des commentaires d’H. Barth et de la copie de la SOAS, on peut dégager plusieurs informations à propos de cette copie.

11 HUNWICK, Arabic Literature of Africa…, 1995, p. 27.

12 L’ouvrage de Dierk Lange, A Sudanic Chronicle : The Bornu Expeditions of Idrīs Alauma (1564-1576),

according to the account of Aḥmad ibn Furṭū, écrit en 1987, dresse un état des lieux complet des

manuscrits, éditions et traductions existants du K/B. L’annonce de la publication future d’une édition critique du K/K et d’un glossaire des termes techniques par le même auteur est malheureusement restée lettre morte (LANGE, A Sudanic Chronicle…, 1987, p. 23 n. 57).

13 HUNWICK, Arabic Literature of Africa…, 1995, p. 27. 14 Je n’ai pu consulter que ces manuscrits.

15 Une étude codicologique des manuscrits de la RAS, SOAS et Jos est proposée en annexe 2. On peut aussi

mentionner l’existence d’une photocopie de ce manuscrit conservée à l’université d’Ibadan sous la cote UL, 466M1.

91 Les manuscrits bornouans : copies de Jos et d’al­ḥāǧǧ Bašīr

Le manuscrit qui sert d’original aux copies qu’Heinrich Barth demande auprès du vizir du Borno, al-ḥāǧǧ Bašīr (m. 1853) est presque totalement inconnu. Lors de son premier séjour à Kukawa, la capitale du pouvoir des al-Kanemi, d’avril 1851 à février 1852, H. Barth ne peut toucher le manuscrit d’al-ḥāǧǧ Bašīr et ne fait que l’apercevoir de derrière son épaule17. Compte tenu de la durée de vie du papier dans la région, il est probable que son manuscrit soit déjà une copie. Ce soupçon est renforcé par l’existence du manuscrit de Jos, trouvé par l’officier colonial britannique Sir Herbert Richmond Palmer (1877-1958) au début du XXe siècle. Ce manuscrit comporte des différences assez significatives avec la copie de H. Barth, laissant à penser qu’il s’agissait de deux copies venant d’une version commune plus ancienne, bien qu’H. R. Palmer sous-entende que le manuscrit de Jos dérive de la copie d’al-ḥāǧǧ Bašīr :

Bien que dans les parties communes, le sens des deux manuscrits soit identique ou presque, leur style diffère par endroits, comme il est courant avec les scribes qui regardent l’ipissima verba d’un auteur ordinaire comme un texte en rien sacré, mais plutôt comme un témoignage qu’ils ont la liberté d’amplifier ou décorer selon leur bon vouloir. En général, cependant, le manuscrit de Barth a été suivi18.

Les conditions de conservation et de découverte du manuscrit apportent d’autres indications sur son histoire. Premièrement, al-ḥāǧǧ Bašīr n’a pas conscience qu’il possède un texte d’Aḥmad ibn Furṭū avant sa rencontre avec H. Barth et c’est l’intérêt du voyageur allemand pour l’histoire de la région qui pousse le vizir du Borno à rechercher dans ses archives personnelles de tels récits19. Ainsi, le texte semble être inconnu des autorités du Borno du milieu du XIXe siècle. Cette méconnaissance de l’œuvre d’Aḥmad ibn Furṭū, cinq ans seulement après la fin de la dynastie des Sefuwa, pose la question de sa diffusion au Borno. Dierk Lange va jusqu’à dire que le manuscrit d’Aḥmad ibn Furṭū ne fut jamais diffusé au-delà de la cour des Sefuwa20.

17 BARTH, Travels and Discoveries…, 1857, vol. 2, p. 296.

18 « Though in the parts which are common to both, the sense of the two manuscript is identical or almost

so, they differ in diction in places, as is natural with scribes who regard the ipsissima verba of an ordinary author as in no way sacred, but rather as statements which they are at liberty to amplify or adorn in any way their taste indicates. In general, therefore, Barth's manuscript has been followed » inPALMER, Sudanese

Memoirs…, 1928 (1967), vol. 1, p. 13.

19 BARTH, Travels and Discoveries…, 1857, vol. 2, p. 296. Je ne suis pas convaincu par l’affirmation d’A.

Holl selon laquelle al-ḥāǧǧ Bašīr s’intéressait au manuscrit d’ibn Furṭū pour savoir si l’ancienne capitale des Sefuwa méritait une expédition militaire pour la reconquérir (HOLL, The Diwan Revisited… 2000, p. 24), puisque ceux-ci sont découverts a posteriori.

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L’histoire politique mouvementée du XIXe siècle explique en partie la disparition de l’ouvrage d’Aḥmad ibn Furṭū dans la mémoire collective et dans celle des élites. Les élites rencontrées par Heinrich Barth lors de son voyage se sont renouvelées en profondeur avec le changement dynastique, une partie étant issue de vagues d’immigrations récentes du Kanem21. Lorsque le manuscrit est sorti de l’oubli, celui-ci n’est plus conservé comme à l’origine. Comme le souligne A. Holl, les chroniques d’Aḥmad ibn Furṭū étaient entreposées dans le palais royal des Sefuwa, à Birni Ngazargamu22. Le sac de la ville, en 1809, a délocalisé la conservation de ces archives et il est probable que certaines copies de l’œuvre d’Aḥmad ibn Furṭū furent détruites. D’autres ont pu être pillées ou dispersées entre les mains de personnages politiques ou de particuliers, al-ḥāǧǧ Bašīr réunissant les deux statuts. Dès lors, les archives de la famille sefuwa devinrent nomades, à l’image de leurs souverains23. Ces dernières ont également survécu aux différents pillages de la ville de Kukawa (1817 ou 1820, 184624), sans parler de l’entreprise de destruction de manuscrits par le pouvoir des Kanemi dans les années qui suivirent la fin de la dynastie. Le manuscrit que consulte H. Barth est donc déraciné, décontextualisé, devenu anonyme : il est impossible de tirer plus d’informations sur celui- ci et sur ses conditions de conservation avant le XIXe siècle. Il est très probable qu’il n’ait pas non plus survécu à la chute d’al-ḥāǧǧ Bašīr, en 1853. A-t-il été détruit ? A-t-il changé de main ? Il est impossible de le savoir.

Le manuscrit de Jos, dont je n’ai pas pu consulter l’original, est un point d’interrogation dans l’histoire de la circulation et de la transmission du texte d’Aḥmad ibn Furṭū. En l’absence d’étude codicologique précise, il est impossible de le dater25. Le contexte de réception de ce manuscrit par l’administration coloniale britannique laisse à penser que cette copie partielle du K/K n’est pas une copie de la version d’al-ḥāǧǧ Bašīr. Il appartenait à Maina Gumsumi, le représentant des Sefuwa durant la première moitié du XXe siècle26. Par conséquent, il fait partie de circuits de transmission différents totalement inconnus. Au mieux, on sait que cette version est restée dans les archives personnelles de la famille sefuwa. Enfin, contrairement à la copie d’al-ḥāǧǧ Bašīr, celle-ci ne contient que

21 LAVERS, « Kanem and Borno… », 1980, p. 207-208. 22 HOLL, The Diwan Revisited… 2000, p. 26.

23 Le sultan Dūnama (1808-1817) était surnommé de manière dépréciative le « mai de la calebasse », en

référence aux sacs de voyages (FISHER, « Kūkawa or Kūka », EI², vol. 5, p. 357).

24 FISHER, « Kūkawa or Kūka », EI², vol. 5, p. 357.

25 Toutefois, j’ai pu dégager certaines informations sur cette copie à partir de la littérature secondaire. Voir

annexe 2.

93 la version partielle d’un seul texte27. Le manuscrit est donné à H. R. Palmer ou son administration durant la période coloniale.

De retour en Europe, les copies d’H. Barth

À partir du manuscrit d’al-ḥāǧǧ Bašīr, deux copies des deux textes sont faites à la demande d’H. Barth. Plusieurs épisodes relatent la demande insistante et le don des copies dans son récit de voyage Travels and Discoveries in North and Central Africa. C’est al-ḥāǧǧ Bašīr qui ordonne, à la demande expresse d’H. Barth, la copie de l’œuvre d’Aḥmad ibn Furṭū. Ce geste ainsi que le don qui suit sont d’autant plus étonnants qu’al- Bašīr était le vizir de la dynastie des Kānimī, qui venait de renverser le dernier représentant des Sefuwa, à une époque où toutes les traces écrites de l’ancienne dynastie sont détruites28. H. Barth en demande deux copies. Cette demande est renouvelée peu avant son départ pour Tombouctou en novembre 185229. Finalement, les copies sont réalisées entre mars et juin 1853, selon les colophons des manuscrits30, peu avant la chute et l’assassinat d’al-ḥāǧǧ Bašīr. Le colophon le plus ancien, recopié dans le manuscrit de la SOAS, indique que la première copie du K/K fut achevée le 1er avril 1853. La première copie du K/B fut achevée vingt-deux jours plus tard, le 23 avril. La seconde copie du K/K fut achevée le 3 juin 1853. Rien n’indique quand fut achevée la seconde copie du K/B31.

Une des deux copies est envoyée à Londres au British Foreign Office, avant d’être donnée à la Royal Asiatic Society (RAS) de Londres en 1861, comme l’atteste la notice écrite à la première page du manuscrit :

Histoire arabe des expéditions d’Idris roi du Bornu, Afrique. Présenté à la Royal Asiatic Society par Earl Russel, 1861, 2 parties – 12 cahiers. Traduction par J. W. Redhouse dans le Journal R. A. S. vol. 1932.

« Earl Russel » était le comte John Russell (1792-1878), alors ministre des affaires étrangères britannique (1859-1865). Le manuscrit, qui contient le K/B et le K/K, est

27 Ces éléments ne permettent pas de savoir pourquoi ce manuscrit fut conservé. 28 BARTH, Travels and Discoveries…, 1857, vol. 2, p. 255.

29 BARTH, Travels and Discoveries…, 1858, vol. 4, p. 5.

30 Les colophons sont inscrits dans les manuscrits de la RAS et de la SOAS. Voir annexe 2.

31 Les dates de fin de rédaction des manuscrits semblent indiquer que le copiste mettait vingt jours à réaliser

une copie : vingt jours séparent le premier du deuxième colophon ; quarante jours séparent le deuxième du troisième colophon (voir annexe 2). Peut-on en déduire que cette copie fut finie aux alentours du 12-15 mai 1853 ? Une autre hypothèse serait que les deux copies furent réalisées simultanément par des copistes différents : les commentaires d’H. Barth sur la main de la copie d’Hambourg laissent supposer que les copistes étaient différents (voir annexe 2).

32 « Arabic history of the expeditions of Idris King of Bornu, Africa. Presented to the Royal Asiatic Society

by Earl Russel, 1861, 2 parts – 12 cahiers. Translation by J. W. Redhouse in Journal R. A. S. vol. 19 » in RAS, K/B, f. 1r.

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donné à la RAS. Cette copie est probablement parvenue à Londres via le commerce transsaharien et la route de Tripoli. Celui-ci a dû être réceptionné à Tripoli par le consul britannique, qui s’est chargé de l’envoyer en Angleterre. La seconde copie attend H. Barth à Kukawa. Il la récupère en décembre 1854, peu avant son retour en Europe33. Les copies ultérieures : l’héritage colonial

Le manuscrit de la SOAS est conservé sous la côte Arabic MS 4138434. Il fut réalisé dans le premier quart du XXe siècle, à partir du manuscrit récolté par H. Barth. La colonisation britannique du Nigeria s’accompagne d’un renouveau de l’intérêt pour les textes historiques anciens. L’un des maîtres d’œuvre de ce renouveau est H. R. Palmer. Durant son service au Nigeria (1904-1930), H. R. Palmer gravit les échelons jusqu’au poste de gouverneur du Nord Nigeria, avant de devenir gouverneur de Gambie et de Chypre. Il publie de nombreux articles et ouvrages dans des revues scientifiques historiques35 ainsi que la traduction de nombreux documents qu’il a eu à sa disposition. Cette entreprise n’est pas une initiative personnelle, puisque la collecte d’informations et de documents est activement favorisée par les plus hautes autorités coloniales, comme Lord Lugard, en 1906 :

Les informations historiques ou ethnologiques devraient être incluses sous ce titre pour la compilation de la gazette du Nord Nigeria [Gazeteer

of Northern Nigeria]36.

Cette circulaire est appliquée avec enthousiasme par H. R. Palmer : il organise un réseau d’administrateurs autour de la collecte et de la traduction de documents. Les échanges épistolaires montrent que la collecte, la transcription, la traduction, la copie et la diffusion des manuscrits, des traditions orales et des textes ont pris une grande place dans l’activité des agents coloniaux et qu’H. R. Palmer y apporte un soin tout particulier37.

Les textes d’Aḥmad ibn Furṭū n’échappent pas à l’attention d’H. R. Palmer, qui en recherche les copies existantes. Outre le manuscrit de Jos, trouvé par ses services, H. R. Palmer recherche les copies ramenées en Europe par H. Barth. Sur la foi du récit

33 « C'est seulement à mon retour de Tombouctou que j'ai réussi à me procurer une copie de ce travail

intéressant » (« Erst bei meiner Rückkehr von Timbuktu gelang es mir, mir eine abschrift dieses interessanten Werkes zu verschaffen. »), in BARTH, Reisen und Entdeckungen…, 1857, p. 381.

34 School of Oriental and African Studies, Arabic manuscript n° 41384.

35 Respectivement 35 et 4. Les plus connus sont PALMER, « The Kano Chronicle », 1908 ; PALMER,

« History of Katsina », 1927 ; PALMER, Sudanese Memoirs…, 1928 (1967) ; PALMER, The Bornu Sahara

and Sudan, 1936.

36 « Historical or ethnological information should be included under this head for the compilation of the

Gazeteer of Northern Nigeria »inLUGARD, Intructions to Political…, 1906, p. 17.

95 d’H. Barth, H. R. Palmer se tourne vers le Foreign Office, sans savoir que leur copie du manuscrit a été donnée à la RAS. Ne la trouvant pas, il continue ses recherches jusqu’à avoir connaissance du manuscrit que le voyageur allemand a ramené en Allemagne. Toutefois, il conclut de manière hâtive que le manuscrit allemand était celui du Foreign Office, sans savoir qu’une deuxième copie des textes d’Aḥmad ibn Furṭū existait38 :

[Le manuscrit] fut envoyé par le Dr. Barth au British Foreign Office, d’où, par un coup du sort, il voyagea jusqu’en Allemagne, où il fut trouvé dans les locaux du Secrétariat d’État pour les Colonies, et aimablement photographié par les autorités allemandes en l’année 192139.

D’autres éléments viennent confirmer qu’H. R. Palmer à affaire au manuscrit personnel d’H. Barth, comme le montre la différence entre le colophon du manuscrit de la RAS et de la SOAS.

Les photos qu’il obtient en 1921 par l’entremise du gouvernement allemand sont à l’origine du manuscrit de la SOAS. Celles-ci sont d’abord envoyées au Nigeria pour entreprendre le travail de copie et d’édition, ce qui témoigne au passage de l’extraordinaire circulation des textes d’Aḥmad ibn Furṭū entre le nord du Nigeria, l’Allemagne et Londres, à travers les réseaux académiques et officiels40. Il est très difficile cependant d’identifier les copistes, les commanditaires ou la date et le lieu précis de création. Dans son introduction à l’édition du K/B, D. Lange écrit de manière un peu rapide que :

Ms. B n’est pas un manuscrit bornouan original. C’est une copie d’une copie de Barth qui fut faite avant 1921, peut-être par un étudiant du professeur E. S. Brown. Bien qu’il soit mentionné qu’il a appartenu à H. R. Palmer, il fut déposé à la School of Oriental and African Studies par M. Minns en 192641.

38 La copie personnelle d’H. Barth n’est mentionnée que dans la version allemande de son récit de voyage. 39 « It was sent by Dr. Barth to the British Foreign Office from whence in some mysterious way it wandered

to Germany, where at the instance of the Secretary of State for the Colonies it was found, and photographed by the courtesy of the German authorities in the year 1921 » in PALMER, History of the First Twelve

Years…, 1926 (1970), p. 1. Cette erreur est répétée dans la présentation de la traduction du K/K : « The text

from which this translation has been made is, in the main, that of the manuscript which Barth obtained from the Wazir Haj Bashir in 1853 and sent home to the Foreign Office » in PALMER, Sudanese Memoirs…, 1928 (1967), vol. 1, p. 13.

40 Peut-être que ces photocopies du manuscrit privé d’H. Barth existent toujours dans les archives du

Secretary of State for the Colonies, à Kew en Angleterre. Seule une étude de terrain pourrait permettre d’en

être sûr.

41 « Ms. B is not an original Borno manuscript. It is a copy of Barth's copy which was made before 1921,

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D. Lange ne parle que du K/B. Cependant, la côte MS 41384 regroupe une copie du K/B avec celle du K/K et du dīwān. Contrairement au manuscrit de la RAS, les copies du K/K et du K/B ne proviennent pas du même copiste et ne semblent pas avoir été faites au même endroit. De plus, les notes glissées dans le support du manuscrit et sur lesquelles se base D. Lange pour écrire son introduction peuvent concerner l’ensemble des copies ou une seule d’entre elles. La première note indique qu’au moins une des deux copies a été envoyée à la SOAS en 1926.

Ce MS. nous fut envoyé par M. Minns en octobre 1926. (voir la lettre dans le dossier II. 1. 26)42.

La seconde note évoque directement H. R. Palmer, qui serait propriétaire d’au moins un d’une des deux copies, qui a par ailleurs circulé en Europe, puisqu’elle est passée par Berlin avant d’être récupérée par Edward S. Browne en 1924 :

Ce Ms. appartient à M. Palmer du Nigerian Civil Service, et me fut retourné par Mirzi Bihrviz43 en février 1924, lorsqu’il quitta Berlin pour

la Perse. Edward S. Browne, fév. 19. 192444.

Edward S. Browne est plus connu sous le nom d’Edward Granville Browne45 (1862-1926), orientaliste britannique spécialiste de la Perse et professeur d’arabe à Cambridge. C’est en cette qualité qu’il a pu avoir un texte d’Aḥmad ibn Furṭū entre les mains pour des corrections ou une aide à la traduction. Quoi qu’il en soit, le manuscrit de la SOAS est lié à H. R. Palmer et à la période coloniale. Outre la mention de son nom dans la note associée au manuscrit de la SOAS, deux éléments matériels indiquent clairement que les copies du K/B et du K/K ont été produites au nord du Nigeria, sous supervision des autorités coloniales et très probablement sous les ordres d’H. R. Palmer46. Le premier indice concerne la graphie des textes : si le K/B est écrit en une écriture proche du našḫī, une calligraphie arabe classique, plusieurs caractéristiques de l’écriture

deposited in the School of Oriental and African Studies by Mr. Minns in 1926 » in LANGE, A Sudanic

Chronicle…, 1987, p. 14.

42 « This MS. was sent to us by Mr Minns in October 1926. (See letter on file II. 1. 26) » in School of

Oriental and African Studies, Arabic manuscript n° 41384.

43 Nom illisible.

44 « This Ms. belongs to Mr. Palmer of the Nigerian Civil Service, and was returned to me by Mirzi Bihrviz

in February, 1924, when he left Berlin for Persia. Edward S. Browne, Feb. 19. 1924 » in School of Oriental

and African Studies, Arabic manuscript n° 41384.

45 Le « S. » prête à confusion. Il semble qu’E. G. Browne signait de cette manière, comme l’attestent

plusieurs lettres manuscrites (voir par exemple la référence d’une lettre manuscrite dans l’article de Mitra Sharafi, « Judging conversion… », 2007, p. 177 n. 15).

46 En cela, je m’inscris en faux par rapport à l’hypothèse de D. Lange selon laquelle la copie du K/B aurait

97 se rapprochent du sudānī, la graphie de l’arabe utilisée en Afrique de l’Ouest47. Le K/K, quant à lui, est écrit par un copiste bornouan ou hausa, la graphie étant très clairement du