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Histoire de la Restauration par Lubis 167

Dans le document Jacques Laurent Gilly Général d Empire (Page 110-113)

Histoire de la Restauration par Lubis

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Toulouse tenait encore ; mais l'autorité du commissaire royal n'était plus guère que nominale. Le général Delaborde qui, comme tant d'autres chefs militaires, avait prodigué à M. le duc d'Angoulême les assurances de sa fidélité et de son dévouement, était bientôt entré en communication avec les émissaires de Bonaparte. M. de Vitrolles travaillait avec ardeur à l'établissement d'une autorité centrale ; il s'était mis en correspondance avec vingt-sept départements de la rive gauche de la Loire et du Midi, annonçant que Toulouse allait devenir le siège du gouvernement, que les délégués des conseils généraux devaient y former une sorte de conseil d'état, et que Monsieur était attendu dans cette ville. Pendant qu'il s'occupait de l'administration, M. de Damas Crux, envoyé par M. le duc d'Angoulême, surveillait l'organisation militaire. Le gouvernement de la dixième division avait été confié au maréchal Pérignon. Mais la trahison enveloppait Toulouse de tous les côtés : les généraux Chartrand168, Gilly et Teste, avaient été chargés de faire reconnaître l'autorité impériale dans le Midi.

Le premier se rendit à Toulouse. M. de Vitrolles avait déjà intercepté les dépêches adressées de Paris au général Delaborde, que l'on n'osa pas arrêter dans la crainte d'établir une lutte entre les troupes de ligne et les citoyens. Chartrand transmit secrètement à ce général de nouveaux ordres.

L'autorité de Napoléon était reconnue à Mende et à Clermont. Le mouvement s'étendit aussitôt au Puy, à Rodez, à Tulle, à Cahors : dans cette dernière ville, le duc de La Force, commissaire royal, venait d'être arrêté ; les chefs militaires et les préfets donnaient le signal de la défection. La révolte éclatait dans le bas Languedoc. Le général Chartrand était arrivé le 2 avril à Nîmes où le général Gilly avait déjà préparé les éléments d'une insurrection militaire, et, le 3, la garnison, malgré l'opposition des généraux Pélissier et Briche, avait proclamé Napoléon. À Montpellier, un événement semblable avait lieu le même jour et obtenait le même résultat.

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A onze heures du soir, deux officiers entrèrent dans l'appartement du prince et lui proposèrent de partir sur le champ dans la voiture du ministre de Sardaigne, ou de se jeter dans les montagnes avec une troupe choisie qui le conduirait dans le Piémont. Le prince refusa. Le baron de Damas, sous-chef de l'état-major, partit de suite pour entrer en explication avec le général Gilly et aplanir toutes les difficultés. L'armée continua son mouvement sur la Palud ; le baron de Damas revint, et annonça qu'une convention venait d'être acceptée et conclue de part et d'autre. En conséquence de cette convention, un courrier fut envoyé au général Grouchy pour suspendre sa marche. Dès le lendemain, le duc d'Angoulême fit exécuter la capitulation ; mais le général Grouchy, arrivé en même temps que le prince au pont Saint-Esprit, fit venir le baron de Damas, et lui déclara qu'il ne pouvait ratifier une convention conclue sans sa participation, et qu'il se croyait obligé de retenir le prince au Saint-Esprit jusqu'à ce que l'empereur eût prononcé sur son sort. L'empereur manda au général Grouchy de faire conduire et embarquer le duc d'Angoulême au port de Cette. Le prince y arriva le 16 avril à huit heures du soir, et une heure après il monta sur un bâtiment suédois qui l'attendait169.

167 Histoire de restauration : 1814 - 1830, Volumes 2 et 3 – Paris à la Société de l’histoire de la restauration – 1837.

168 Décoré de la croix de Saint-Louis par Louis XVIII, le général Chartrand avait offert à la fois ses services au duc d'Angoulême et à Napoléon

169 Voici une note que je transcris sur le rapport de l'homme de France qui était le mieux placé pour connaître le fait que je rapporte. « II y eut d'abord entre le duc d'Angoulême et le maréchal Grouchy une sorte de capitulation par laquelle le prince pouvait se retirer en Espagne. Le maréchal en rendit compte par le télégraphe ; l'empereur répondit par la même voie qu'il approuvait. — Peu après, une seconde dépêche télégraphique rendit compte que, pendant l'armistice qui avait précédé et suivi la capitulation, il était survenu un incident qui en avait fait suspecter la bonne foi ; que l'on avait eu recours aux armes et que le duc d'Angoulême était prisonnier.

Le général Ernouf n'avait appris que le 11 avril le résultat de la capitulation de la Palud : il avait espéré jusque-là pouvoir préserver la Provence ; mais la défection du maréchal Masséna paralysa ses dispositions. Lorsque, le 13, il arriva à Marseille avec la cocarde blanche et au cri de Vive le roi, le drapeau tricolore venait d'y être arboré, et il fut obligé de licencier son armée, laissant à chaque soldat la faculté de conserver ses armes. À partir de ce moment, les départements du midi sont traités comme un pays conquis ; les volontaires royaux deviennent, au mépris des sauf-conduits, l'objet de persécutions, de vengeances ou d'insultes. Au Pont-Saint-Esprit, les soldats royalistes sont dépouillés et massacrés sous les fenêtres mêmes du général Gilly ; ceux qui pénètrent dans le Gard y rencontrent les mêmes périls ; les uns sont égorgés comme à Arpaillargues, petit village aux environs d'Usez, et à Yeus, dans des maisons qui leur avaient offert une hospitalité trompeuse : d'autres sont assassinés en plein champ ; des postes de troupes de ligne les dépouillent et les mutilent sur les grands chemins. Une partie de ceux de l'Hérault, qui s'étaient jetés dans la Vaunage, sont traqués avec acharnement. La population presque entière de la Gardonenque, de la Vaunage et du Vauvert, composée de protestants, s'était mise en mouvement, annonçant ouvertement l'intention d'exterminer les catholiques. Les volontaires royaux de Montpellier, Béziers, Toulouse et Perpignan, assaillis à chaque instant sur la route, se voyaient obligés, pour ne pas tomber entre les mains de ces fanatiques, de prendre des chemins détournés ou de se réfugier dans les montagnes. Ceux qui marchaient isolément étaient impitoyablement égorgés. Plus de trois cents royalistes furent ainsi massacrés dans le Gard. Le 10e régiment, resté fidèle au duc d'Angoulême, devint aussi un objet de haine el d'animosité pour les soldats de Bonaparte. Une réaction sanguinaire succéda au règne paisible des Bourbons ; Napoléon ne pouvait plus régner que par la terreur.

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Jamais le cœur du roi n'avait plus douloureusement éprouvé tout ce que ses devoirs pouvaient avoir parfois de rigoureux. Il déclina pourtant cette intervention des étrangers, qui ne blessait pas moins son autorité que sa justice. La question du châtiment des coupables fut soumise au conseil, en vertu des seules déclarations de Cateau-Cambrésis et de Cambrai. Tous les esprits étaient pénétrés de l'idée que le trône avait été renversé par un vaste complot, dont les ramifications couvraient encore le royaume.; Fouché,; accoutumé à se jouer de la vérité et à démentir l'évidence, combattit celte opinion par les arguments spécieux que lui suggéra son habileté. Mais il trouva, a-t-il dit depuis, la conviction qu'il voulait détruire si générale et si profonde, que ceux même qui avaient le plus grand intérêt à le seconder gardaient le silence170. Du reste, le duc d'Otrante ne parut nullement embarrassé de sa position. Il se résigna à fournir une liste des principaux coupables, « afin, disait-il encore, d'enchaîner la réaction, et de diminuer le nombre de ceux qu'elle désirait sacrifier. Sa douleur fut telle, que s'il lui eût été permis d'effacer un seul nom de la liste pour y mettre le sien, il n'aurait pas balancé un moment171.» La vérité est qu'il sentait le besoin de donner à l'opinion royaliste et aux cabinets étrangers des gages qui éloignassent toute défiance. Sa première liste contenait plus de cent noms, et rien n'égale la légèreté avec laquelle elle avait été rédigée. À l'exception de quelques notabilités que la clameur publique désignait trop hautement pour qu'il fût possible de les omettre, il semblait qu'on avait pris des noms au hasard. Le conseil se récria à la vue de ce pêle-mêle de culpabilités, dont un bon nombre ne se méfiaient guère de leur importance ; ce qui fit dire à M. de Talleyrand, habitué à ne pas voir les choses plus sérieusement que le duc d'Otrante, que la liste du ministre de la police contenait beaucoup d'innocents.

On soumit cette seconde dépêche à l'empereur, qui ordonna à M. de Bassano (il avait l'administration télégraphique sous ses ordres) de faire transmettre au maréchal Grouchy que c'était bien. Le premier ordre était parti ; M. de Bassano différa l'expédition du second jusqu'à ce que le premier eût pu arriver et recevoir son exécution. Effectivement, quand le deuxième parvint, Grouchy fit courir après le duc d'Angoulême, mais il n'était plus temps. » - (Mémoires de Rovigo, tome : III.)

170 Il s'était commis bien des indiscrétions pendant les cent jours, alors qu'on croyait n'avoir plus rien à craindre. Le général Exelmans, et je cite un témoignage vivant, se trouvant à Riom avec une partie de l'armée de la Loire, disait à MM. de Chabrol (le père et l'un des frères du préfet de la Seine), «que l'on conspirait, mais sans Bonaparte, qui était venu gâter par son débarquement un plan sagement conçu, et qui eût infailliblement réussi.» On a pu voir, dans le volume précédent, qu'il y avait eu dix conspirations pour une. Toutes ne s'entendaient pas en effet avec Napoléon, toutes ne comptaient pas sur son retour ; mais toutes marchaient au même but, c'est-à-dire au renversement de l'autorité légitime.

171 Lettre de Fouché à lord Wellington

Pour toute rectification, le duc d'Otrante élimina une trentaine de noms. Il en restait près de quatre-vingt, sur lesquels durent prononcer ses collègues. Le roi avait décidé que la liste définitive, une fois arrêtée, serait close à jamais, ne voulant pas laisser planer sur tous ceux que les derniers évènements avaient compromis une incertitude plus cruelle que le coup qui aurait pu les atteindre. On a avancé que plusieurs listes préparatoires avaient été préliminairement discutées, en dehors du conseil, au château : il est vrai que le duc d'Otrante, toujours dans la pensée de s'y faire un mérite de son nouveau zèle contre ses amis, y avait colporté une longue série de noms dont prit ombrage la générosité de la famille royale ; mais elle ne s'interposa jamais que pour effacer. Le conseil procéda d'après cet exemple. La liste fut réduite à cinquante-sept noms, divisés en deux catégories, ceux qui seraient livrés aux tribunaux et ceux qui seraient bannis du royaume.

Une ordonnance, en date du 24 juillet, déclara en conséquence que les généraux et officiers qui avaient trahi le roi avant le 23 mars, qui avaient attaqué la France et le gouvernement à main armée, et s'étaient emparés par violence du pouvoir, seraient traduits devant les conseils de guerre compétents. Dix-neuf prévenus étaient désignés dans cette première catégorie : le maréchal Ney, le colonel Labédoyère, les deux frères Lallement, les généraux Drouet-d'Erlon, Lefebvre-Desnouettes, Amielh, Brayer, Gilly, Mouton-Duvernet, Grouchy, Clauzel, Laborde, Debelle, Bertrand, Drouot, Cambronne, le comte de Lavalette et le duc de Rovigo. À l'égard des trente-huit autres, l'ordonnance remettait aux chambres à statuer sur ceux qui seraient livrés aux tribunaux ou qui auraient à sortir du royaume. Dans cette seconde catégorie se trouvaient compris le maréchal Soult, les généraux Alix, Excelmans, Vandamme, Lamarque, Lobau, Pire, Dejean fils, Hullin, Fressinet, Carnot, les colonels Marbot, Bory-Saint-Vincent, les ducs de Bassano, de Padoue, les comtes Regnault de Saint-Jean-d'Angely, Boulay de la Meurthe, Thibaudeau, Real, Merlin de Douai, Defermon , Garnier-de-Saintes, MM. Félix Lepelletier, Méhée-Latouche, Barrère, Garreau, Bouvier-Dumolard, Durbach, Félix Desportes, Arnault, Harel , Dirat, Mellinet, Pommereul, Cluys, Courtin, Forbin, Janson fils-aîné, Lelorgne-Dideville. Ceux-ci devaient, en attendant la décision des chambres, quitter Paris dans les trois jours, et se retirer sous la surveillance du ministre de la police au lieu qui leur serait indiqué. Ils devaient en outre, au cas où ils se trouveraient ultérieurement condamnés à sortir du royaume, vendre leurs biens ou en disposer dans le délai d'un an, et en transporter le produit hors de France.

Certes, les principaux instigateurs de la révolte n'étaient pas tous sur cette liste. De grands coupables s'envoyaient écartés, tandis qu'on y lisait les noms d'hommes obscurs, étrangers peut-être à toute conspiration, et qui ne se trouvaient là trop évidemment que pour satisfaire aux rancunes personnelles du duc d'Otrante. Des noms insignifiants, rayés dans la discussion du conseil, avaient été rétablis par le ministre signataire de l'ordonnance172, qui se plaignait plus tard audacieusement de n'avoir pu leur substituer le sien. Ceux-là ne lui furent pas sans doute imposés par les alliés, comme il s'en plaignait encore. A l'entendre, la coalition ne demandait rien moins comme préliminaire de la paix que l'exil de trois cents personnes. Sans cette cruelle extrémité, sa main, ajouta-t-il, se serait desséchée plutôt que de signer la proscription des patriotes, de ses amis, qui n'avaient d'autre tort à ses yeux que de s'être abandonnés à ses promesses. Mais fallait-il se retirer et laisser faire aux autres le mal qu'ils auraient fait si grand ? Ne valait-il pas mieux rester au contraire, et user soi-même de la douloureuse nécessitée de proscrire, de peur qu'on n'en abusât ?

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D'autres volontaires royaux furent tués sur la route du Pont- Saint-Esprit à Nîmes. Il résulte en outre, du relevé des registres de l'état civil et des renseignements que nous avons nous-mêmes recueillis, que le 26 mars le sieur Lajuste, volontaire royal de Montpellier, fut tué dans Nîmes d'un coup de couteau ; que le sieur Lamy eut un œil arraché dans le même mois, uniquement à cause de son zèle pour la cause royale. On va voir que dix autres personnes ont été tuées dans la ville même de Nîmes par les partisans de l'usurpateur.

Dès le 25 juin, la ville de Beaucaire avait arboré le drapeau blanc, et aussitôt toutes les villes et toutes les communes catholiques du département du Gard l'imitèrent. Le parti protestant, qui s'était rendu maître de Nîmes, attaqua Beaucaire, mais il fut repoussé. Enfin, le 15 juillet, le général Gilly ayant 172Ceux, entre autres, de MM. Cluys, Courtin, Dirat et Garreau

évacué la ville, les volontaires royaux qui y avaient rapporté le drapeau blanc se présentèrent devant les casernes pour recevoir l'artillerie et la conduire aux Arènes, suivant ce qui avait été convenu entre le maire de nomination royale et le général qui se trouvait remplacer le général Gilly ; mais une vive fusillade partit des fenêtres des casernes où s'étaient renfermés les fédérés, et tua ou blessa plusieurs royalistes. Voici les noms de ceux qui furent tués : Mazorier, Dressant, Castor, Aymé, Maurin, Nouvel, Daussac, Sadoul, Aigon et Françoise Pourriet. « La trahison aurait été plus complète, raconte M. le comte René de Bernis, sans le noble dévouement d'un officier d'artillerie de la garde urbaine. Une pièce de canon chargée à mitraille était placée sous la porte de la caserne ; il emporta les boule-feux et il sauva ainsi la vie à une infinité de citoyens. »

Il n'avait pas tenu à M. de Bernis que ces malheurs ne fussent évités. Six jours avant, le 9 juillet, il avait écrit, en qualité de commissaire extraordinaire du roi, la lettre suivante à M. Madier-Montjau, membre du conseil municipal des cent jours, et député de Nîmes : « Mettons un terme aux calamités qui affligent notre pays ; que la ville de Nîmes redevienne française, qu'elle se soumette à son roi, qu'elle cesse d'être la capitale de M. le général Gilly. Elle évitera des malheurs prêts à fondre sur elle.

Plus de la moitié de la population du département est prête à s'y précipiter : j'ai peine à la contenir.

Qu'elle fasse quelque chose pour se sauver. Je vous l'ai promis, je vous le répète, j'ai la volonté d'y ramener l'ordre et la paix.

Je sais que si elle renferme des coupables dans son sein, a majorité des hommes bons ou seulement égarés est immense, et, vous le savez comme moi, la clémence de notre roi est plus immense encore.

Qu'on y recoure donc, qu'on s'entende avec moi ; et, en agissant d'accord, nous sauverons nos concitoyens »

Le général Gilly s'était retiré dans les Cévennes et dans la Gardonnengue, où sa présence fomentait de nouveaux troubles. On rapportait que les rassemblements s'élevaient de six à sept-mille hommes.

Le 24 août, les chasseurs d'Angoulême furent attaqués à l'improviste dans le village de Ners par des paysans insurgés. Il leur fallut évacuer ce village et se replier sur celui de Baucairan. Ce nouveau rassemblement de rebelles devint assez considérable pour que le général comte de Starenberg crût nécessaire de faire soutenir les chasseurs français par des troupes autrichiennes et de l'artillerie. Le lendemain, 25, un engagement assez sérieux eut lieu effectivement en avant du village de Baucairan, où les rebelles furent battus et dispersés.

C'est dans un moment où les protestants faisaient la guerre aux troupes du roi dans le département même, où l'on entendait encore les cris de vive l'Empereur ! vive Napoléon II ! que de déplorables représailles ont eu lieu à Nîmes. Les efforts des hommes les plus considérés, qui parcouraient les divers quartiers de la ville nuit et jour, et qui coururent les périls les plus imminents pour calmer le peuple exaspéré par le souvenir des massacres commis après la capitulation de La Palud, ne purent empêcher qu'il ne pérît cinq protestants. Le nombre des assassinats récemment commis contre les catholiques s'élevait à quatre-vingt-quinze. Et il est fort important de remarquer que ces cinq protestants ne furent pas sacrifiés à des haines politiques ; ils périrent sous les coups des parents de ceux dont ils avaient été les meurtriers.

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Dans le document Jacques Laurent Gilly Général d Empire (Page 110-113)