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Le général Jacques Laurent Gilly par Christian Hérail Gilly

Dans le document Jacques Laurent Gilly Général d Empire (Page 84-87)

Le général Jacques Laurent Gilly par Christian Hérail Gilly

Dans les dernières années du dix-septième siècle, une jeune fille de Mazan, dans le comtat Venaissin, épousait un marchand originaire du diocèse d'Embrun ainsi qu'il est écrit dans le registre paroissial qui enregistra, en latin, cette union.

De quelle marchandise faisait commerce cet homme ? De drap ! On en fabrique dans Embrun avec la laine des moutons de la montagne, ou bien de soie tissée. On y produit aussi des cordages et des instruments aratoires : autant de moyens de vivre par leur exportation vers des contrées plus favorisées.

Notre marchand avait suivi le cours de la Durance, entre les monts qui la bordent et la conduisent vers la plaine où elle se joindra au Rhône.

Ce grand fleuve, lui aussi descend des Alpes, après avoir servi de passage naturel aux barbares du Nord, et aux barbaresques venus de la mer, avait désormais un rôle plus politique.

Chaque année, dans la dernière semaine du mois de juillet, en face, très exactement de Tarascon, l'immense champ de foire de Beaucaire et toute la ville, jusqu'à la plus chétive maison, étaient envahis par les anciens ennemis que n'affrontaient plus que les rivalités commerciales.

D'Arahé ou de Germanie, d'Afrique, d'Orient ou des Pays-Bas, s'amarraient de lourds vaisseaux qui repartiraient chargés de marchandises échangées. D'autres venaient par voie de terre avec leurs immenses chariots et ceux des montagnes avec leurs mulets bâtés ; des Cévennes, des Monts du Fory, des pays de la Drôme ou du Massif Central et aussi des vallées alpines. Il y avait ceux de Carcassonne fabricants de drap, ceux du Lauragais apportant leur précieuse cocagne et d'autres, des peausseries de la montagne noire.

La route vers Mazan n'est certes pas celle de la Durance ; mais d'Avignon il y a peu jusqu'à Carpentras où se tient aussi une foire annuelle à l'automne, pour la saint Siffrein. Pendant deux jours la ville est un immense marché. Carpentras est le centre d'une étoile de routes, d'Orange, de Vaison, de l'Isle sur la Sorgue ; on y vient du pays d'Apt et du pays de Sault. Des marchands descendent leurs brebis même d'au-delà du Rhône que d'autres marchands viennent acheter depuis Marseille. Marché aux chevaux, aux ânes, aux mulets, la capitale du Comtat Venaissin est une puissante et riche cité.

Mazan est à quelques kilomètres. Peut-être celui qui s'était arrêté dans Avignon et qui était venu à Carpentras a-t-il eu l'idée dans les temps de presse de se loger à Mazan ?

Pour cette raison, ou pour tout autre, notre marchand d'Embrun devait être connu à Mazan.

Peut-être y avait-il établi une sorte de dépôt ou seulement un relais coutumier. Sinon quelle famille eût-elle accordé sa fille à un homme de passage ! Les itinérants sont toujours suspects. Il fallait qu'il fût connu et reconnu pour un garçon sérieux et de parole, sachant économiser, capable de fonder une famille respectable.

Le nôtre s'appelait Antoine Gilli ; celle qu'il prit pour femme, fille naturelle et légitime, comme tiennent toujours à l'affirmer les actes, était l'enfant de Louis Lausier et Marie Catui : elle se prénommait Louise137.

Mariés en 1695, ils eurent un garçon l'an qui suivit : on le baptisa Antoine, comme son père.

Fût-il le seul au foyer, des frères, des sœurs ! Très égoïstement et par esprit de simplification nous ne retiendrons ici que cet Antoine de la fin du XVIIIème siècle, deuxième du prénom et qui, sans aucun doute, est notre ancêtre.

Malgré le plaisir que nous en aurions, nous ne pouvons en dire plus ; sauf qu'il vécut ses années d'enfance sous la juridiction de l'évêque de Carpentras, gouverneur de toutes les communes du Comtat. Antoine reçut, à n'en pas douter, une solide instruction puisque nous le retrouvons exerçant la digne profession de régent des écoles, non pas dans les États du Pape mais en Languedoc.

La Durance conduit ses eaux au Rhône à peu de distance au midi d'Avignon ; la rivière du Gard fait de même, sur la rive opposée à deux ou trois lieues plus bas. Ainsi les eaux d'Empire et de royaume se mêlent elles presque ensemble dans le fleuve qui sert de frontière, encore pour les bateliers.

Le premier Gilli qui passa le fleuve s'installa très exactement dans cette région, à mi-chemin entre l'un et l'autre confluent ; ce faisant, il mit un "y" à la fin de son nom pour faire plus français.

D'où venait cette race des Gilli de la vallée d'Embrun ! De quelques villages proches ou bien d'au-delà des monts138 ? Le cul de Mont Genèvre est plus un passage qu'une frontière. Aussitôt franchi celui qui vient du Val d'Aoste ou de la campagne de Turin se trouve en pays nouveau : c'est Briançon, c'est Digne et, tout naturellement cette route que trace la Durance vers le soleil. Combien de familles dont les noms se terminent en "o" ou en "i" en sont venues, et qui l'ignorent !

Pour les Gilly quelle que soit l'orthographe finale, il y en a tout le long de la Rivière, et, comme on voit, au-delà. C'est comme un chemin de petit Poucet tout marqué de ci de là. Par la seule rechercher du minitel qui ne donnent que les abonnés au téléphone j'en ai repéré beaucoup. Il y en a à Forcalquier, à Valensale, à Manosque, comme à Barcelonnette, à Cereste, à Digne, etc…

Antoine Gilli, régent des écoles, épousa à Fournès, Marie Isnard qui, elle aussi était originaire de l'autre rive, son père Pierre Isnard était maître chirurgien à Quinson diocèse de Riez, en Provence.

137 La consultation des actes nous conduit à rectifier ce passage, il s’agit de Louise Lauriane, fille de Jean qui épousa le 25 juin 1689 Antoine Gilli (BMS Mazan - Mariages 1689-28 novembre 1697 - vue 5) « L'an que dessus et le 25 juin, après une seule publication de bans faite la veille, jour de la St Jean-Baptiste, au cours d'une messe solennelle, les autres renvoyées après le mariage, ainsi qu'il ressort de l'autorisation donnée par le Rd Me La Royer, Vicaire Général et Official de Carpentras, en date du 21 dudit mois, que je conserve chez moi, je, soussigné, ai uni solennellement en mariage, après avoir reçu leur mutuel consentement par paroles de présent, Antoine GILLY, fils de Jean du lieu de la Roche, diocèse d'Embrun (Hautes-Alpes), dispensé par son Illustrissime Messire Charles Brulard de Gentis, archevêque, et prince d'Embrun, des 3 publications ainsi qu'il apparaît des lettres signées et scellées (marquées d'un sceau) dudit Illust. Archevêque, en date du 4 juin sus-dit, et Louise LAURIANE, fille de feu Jean dudit lieu de Mazan, en présence des témoins connus etc. ... » (Traduit du latin).

138 L’acte de mariage d’Antoine Gilli et Louise Lauriane nous permet de savoir qu’il était originaire de La Roche-de-Rame, non loin d’Embrun dans les Hautes-Alpes (Voir ci-dessus)

Désormais les Gilly feront souche aux lieux où ils ont atterri. Antoine et Marie Isnarde, ainsi qu'elle est nommée, par féminisation de son patronyme, eurent sept enfants : d'abord deux filles, puis deux garçons, encore trois dont un seul mourut au berceau, exploit rare dans cette époque ou la mortalité infantile était considérable : preuve de la solidité de la race peut être !

Il nous faut ici abandonner cette abondante parentèle pour nous intéresser à l'aîné des garçon, Louis, né en 1740 et qui allait vivre jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix ans. C'est de celui-là que nous procédons directement.

Louis Gilly, petit-fils d'un marchand, fils d'un maître d'école était entreprenant et sérieux : il devint propriétaire, négociant et homme d'importance. S'étant marié, en 1768, avec la fille d'un maître chirurgien de Remoulins portant le beau nom de Raison, Louis s'installa très vite dans le bourg, sans pour autant abandonner ce qu'il possédait à Fournès.

À Remoulins, il prit de l'importance : Le Duc d'Uzès le choisit, vers 1740, pour son viguier de la baronnie de Remoulins. À ce titre, il devint l'homme le plus important du pays, celui par qui passent toutes les affaires.

Louis et Suzanne, son épouse, s'étaient mariés le 18 octobre 1768. Deux cent quatre-vingt seize jours plus tard, le 10 août 1769, naissait, à Fournès, le premier garçon. On le baptisa deux jours plus tard, ayant pour parrain et marraine, selon la vieille coutume, un grand-parent de l'un et l'autre côté : Jacques Raison et Marie Gilly ; il reçut les prénoms de Jacques Laurens, Laurens avec un "s".

Une fois de plus nous négligerons le frère et la sœur de Jacques Laurent, ayant décidé pour ne pas nous égarer, de tenir pour seul guide, l'aîné, notre aïeul dont la carrière allait dépasser les espoirs qu'eût pu concevoir cent ans plus tôt le marchand du diocèse d'Embrun.

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Interrogations et hypothèses

Il faut savoir, par des documents directs et locaux quelle était la vie de cette famille de Louis et de Marie dans Remoulins et Fournès.

La qualité de propriétaire (l'importance des terres), les autres revenus et ce que représentait la charge de viguier du Duc d'Uzès. Qui et quelle était Marie Raison, l'importance de la position des Raison, maître chirurgien depuis combien de génération : leur situation de fortune, la dot de la jeune femme (mariée le 18 octobre 1768), le contrat de mariage, s'il y a lieu.

Établir aussi la position de départ de Jacques Laurent, où il a été élevé, car il n'est pas possible d'imaginer qu'un homme qui écrivait admirablement et sans la moindre incorrection de langue ou d'orthographe a été enseigné dans une bonne maison et non par hasard.

Il est probable qu'il a été au collège ou peut être comme cela se pratiquait et s'est pratiqué longtemps, dans un petit séminaire. Lequel ? Uzès, Nîmes, Avignon, les deux derniers semblent peu probables à cause de la distance, Uzès peut-être à cause des fonctions de Louis.

Cette instruction a dû avoir lieu aux environs de 1780 et jusqu'à 1785, c'est à dire de 11 à 16 ans. Et après ?

Dans le document Jacques Laurent Gilly Général d Empire (Page 84-87)