• Aucun résultat trouvé

Le Duc d’Angoulême 150

Dans le document Jacques Laurent Gilly Général d Empire (Page 95-98)

ANGOULÊME (LOUIS-ANTOINE DE BOURBON, duc d'), Monseigneur, neveu du Roi, fils ainé de MONSIEUR, comte d'Artois, et de Marie-Thérèse de Savoie, né à Versailles le 6 août 1775, grand prieur de France en 1776, et chevalier de l'0rdre du St-Esprit en 1787.

[…]

Le duc se dirigea ensuite sur Montpellier et Nîmes. Les dispositions du général Gilly qui commandait dans cette dernière ville, ayant paru suspectes, S. A. R. l'exila dans sa terre de Remoulins. Cependant quelques régiments de ligne, plusieurs milliers de gardes nationaux, s'étaient réunis sous les étendards du duc d'Angoulême. Encouragées par les acclamations d'une population toute dévouée à la cause des Bourbons, ces troupes fidèles arrivèrent jusqu'à Montélimart sans avoir occasion de signaler leur bravoure. La première action entre l'armée royale et les insurgés eut lieu, le 30 mars, en avant de cette ville. Ce combat fut à l'avantage des royalistes. Cependant le duc d'Angoulême était au Pont-St.-Esprit ; il dirigeait de là les mouvements de ses troupes. Le 1er avril, il fit son entrée à Montélimart, où il fut reçu avec transport ; et il se mit en marche pour Valence à la tête de son armée, forte d'environ 3000 hommes d'infanterie et 100 chevaux. Son intention était de se porter rapidement sur Lyon ; et il espérait, en s'emparant de cette importante cité, contrebalancer les progrès de Buonaparte, et l'obliger à revenir sur ses pas. Le duc rencontra les rebelles près de Loriol, à quatre lieues au-dessus de Montélimart. S. A. R. voulait faire arrêter les troupes pour leur donner un moment de repos ; mais l'ardeur des compagnies légères engagea l'action : les gardes nationales, secondées par les voltigeurs du 10e de ligne, réussirent, après deux heures de fusillade, à débusquer de position en position l'ennemi qui s'était retiré sur les hauteurs de Livron, défendant le pont de la Drôme avec son artillerie. Là commença une action des plus brillantes, dans laquelle les voltigeurs et les grenadiers du 10e de ligne, et les gardes nationaux, se couvrirent de gloire, culbutant et mettant en fuite les colonnes rebelles. La perte de l'armée royale n'excéda pas 20 hommes tués et 40 blessés : 3oo insurgés restèrent sur le champ de bataille ; et 2 pièces de canon, 2 drapeaux, 60 chevaux et 800 prisonniers tombèrent au pouvoir des royalistes. Le duc d'Angoulême montra pendant toute la journée un sang-froid, une intrépidité qui redoublèrent l'enthousiasme de ses troupes. Il traita les prisonniers avec une bonté touchante. La ville de Valence, dans laquelle il entra le lendemain, fut le prix de cette victoire. Le surlendemain le duc était maître de Romans ; le drapeau blanc flottait à Tournon : une partie de ses troupes s'était portée sur la rive droite du Rhône ; enfin il était en pleine marche sur Lyon, où l'attendait avec impatience tout ce qui dans cette ville populeuse ne faisait pas partie des dernières classes de la société. Les forces commandées par le duc d'Angoulême étaient de 7 à 8000 hommes avec 10 bouches à feu. Le 10e de ligne, le 1er étranger et le 14e de chasseurs à cheval, formaient l'élite de ce corps ; le reste se composait de volontaires royaux et de gardes nationales. La colonne qui avait passé sur la rive droite du Rhône était forte de 1000 hommes : une 3e colonne, aux ordres du général Ernouf, composée du 83e régiment et de Marseillais, menaçait Grenoble. Le général Debelle était en pleine retraite ; et les insurgés n'avaient pour s'opposer aux progrès du duc d'Angoulême, que 840 hommes d'infanterie, qui, sous les ordres du général Piré, avaient pris position à Saint-Rambert. Dans cet état de choses, le général Grouchy prit des mesures pour faire insurger Lyon et le département de l'Isère contre le duc d'Angoulême, ébranler les généraux qui lui étaient demeurés fidèles, et arrêter la marche de S. A. R..

Pendant ce temps les troupes qui se trouvaient à Nîmes et à Montpellier, excitées par le général Gilly, s'étaient insurgées. De nouvelles forces, qui marchaient de Lyon contre le duc d'Angoulême, se joignirent à la troupe du général Piré151, et elles attaquèrent le 6 avril l'armée royale, déjà affaiblie par 150 Biographie des hommes vivants ou biographie par ordre alphabétique de la vie publique de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs actions ou leurs écrits - Ouvrage entièrement neuf rédigé par une société de gens de lettres et de savants - Tome premier, à Paris chez L.G. Michaud imprimeur-libraire, rue des Bons-Enfants - numéro 34 - Septembre 1816.

151 Hippolyte-Marie-Guillaume de Rosnyvinen, comte Piré, né le 31 mars 1778 à Rennes en Ille-et-Vilaine et mort le 20juillet 1850 à Paris, est un général français de la Révolution et de l’Empire

Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême Anonyme, musée de la Légion d'honneur.

les défections. Une action vive s'engagea au port St-Jacques : le duc d'Angoulême fit en vain des prodiges de valeur : il fut repoussé et se retira sur Valence : mais apprenant que le général Gilly marchait sur le Pont-St.-Esprit, il s'avança jusqu'à la Palud152, où il prit position le 8. Le même jour, le Pont-St.-Esprit tomba au pouvoir des rebelles. (Voy. GILLY.) D'après ce mouvementée prince, trahi par une partie des siens, se trouvait enfermé entre la Drôme qu'il venait de repasser, le Rhône à sa gauche, les montagnes du Dauphiné à sa droite, et la Durance derrière lui. D'un autre côté, le général Grouchy, ayant réuni des forces supérieures, menaçait le duc d'Angoulême ; un corps d'année marchait contre lui d'Avignon, et les gardes nationales de l'Isère le menaçaient aussi du haut de leurs montagnes. Voici comment S.A.R. a rendu compte elle-même de cette expédition : Le 30 mars, Amédée d'Escars repoussa le général Debelle en avant de Montélimart : le 2 avril, nous battîmes complètement l'ennemi au passage de la Drôme. Deux canons, deux drapeaux et 800 prisonniers tombèrent entre nos mains. La possession de Valence et du cours de l'Isère fut le fruit de ce succès.

Le 3, j'appris que le général Ernouf, abandonné par le 58e régiment, avait été forcé de rétrograder vers Sisteron, et que Nîmes, ainsi que Montpellier, avaient arboré le signe de la rébellion. Déjà les généraux Grouchy et Piré étaient partis de Lyon en force supérieure, et marchaient contre moi, tandis que le général Gilly se dirigeait de Nîmes sur le Pont-Saint-Esprit. Je me vis contraint de songer à la retraite. M. Ferdinand Berthier arriva le 6, et m’apprit que Bordeaux et Toulouse étaient entre les mains de l'ennemi. Ce fut alors que le général Piré, ayant tenté le passage de l'Isère, fut repoussé, quoique les avis désastreux arrivés de Nîmes et de Montpellier eussent déjà occasionné une grande désertion dans mes troupes. Le 6, je quittai Valence à dix heures et demie du soir. Je bivouaquai avec le10e régiment de ligne ; puis je me mis en marche pour Montélimart, où j'arrivai le 7 à quatre heures du soir. Le colonel du 14e de ligne qui m'avait rejoint le 5, me dit qu'il n'était plus le maître de son régiment, qui en effet m'abandonna et se dirigea sur Valence. On m'avait proposé de partir seul de cette ville, et je l'avais refusé. Le 10e régiment d'artillerie, que le parti rebelle avait corrompu, était prêt à me quitter : on me renouvela, dans ce moment, la proposition de partir seul ; je la rejetai encore, mais j'envoyai le général d'Aultane153, chef de mon état-major, au général Gilly, qui était au Pont-Saint-Esprit, afin de faire avec lui une convention, pour qu'il me laissa passer avec mon corps et me retirer sur ta Durance. Le 8, je me remis en route. Bientôt le colonel du 10e régiment de ligue (Colonel-général) vint m'annoncer que le tiers de son régiment avait déserté, et que le reste ne se battrait pas. L'artillerie était encore plus mal disposée : il ne me restait que 800 hommes de gardes nationales. Le général d'Aultane trouva au Pont-Saint-Esprit le colonel Saint-Laurent, du 10e de chasseurs, et convint avec lui que je me retirerais sur Marseille, escorté du 10e régiment de ligne ; mais le général Gilly s'y refusa ensuite.

Cet avis me parvint à Pierrelatte ; et comme on retenait le général d'Aultane prisonnier, j'envoyai le baron de Damas, sous-chef de mon état-major, pour conclure une convention avec le général Gilly.

L'ennemi s'était rendu maître de la route d'Avignon ; ce qui me fit rester, afin de pourvoir à la sûreté de ceux qui m'avaient suivi. Je ne partis donc que le 10 au soir ; mais je fus arrêté au Pont-St.-Esprit, où j'ai été retenu prisonnier pendant six jours au mépris de la convention. Pendant M dix heures, j'ai eu dans ma chambre un officier de gendarmerie, qui avait ordre de ne pas me perdre de me. Je u ne m'en suis délivré qu'en lui donnant ma parole, que je ne chercherais point à me sauver. Les soldats et gendarmes que l'on avait choisis pour me garder paraissaient être dans des dispositions détestables.

C'est le général Grouchy, qui est arrivé le 9 au Pont-St-Esprit, qui m'a fait arrêter. Ce qui peut l'excuser, c'est qu'il avait avec lui un général Corbineau, aide-de-camp de Buonaparte, chargé de veiller sur lui. Le baron de Damas, qui a vu plusieurs fois le général Grouchy, n'en a pas été très mécontent. Le dernier jour, ce général étant parti pour Marseille, Corbineau envoya chercher le baron de Damas, pour ajouter à la convention deux nouveaux articles, qu'ils ont signés et auxquels j'ai consenti, ayant trouvé qu'ils ne m'engageaient à rien. J'ai été relâché le 15 ; et le lendemain je suis arrivé à Cette [Sète], où je me suis embarqué le même jour à huit heures du soir, accompagné de dix-sept personnes Ce départ était bien douloureux. Tout le pays que j'ai traversé est excellent. Partout on me comblait de bénédictions. L'armée seule et la gendarmerie se sont montrées parjures, Cependant mes vingt-cinq chasseurs du 14e m’ont été fidèles jusqu'à la fin et voulaient me suivre 152 Village du Vaucluse située à 25km au nord d’Orange

153 Joseph Augustin Fournier de Loysonville dit Joseph Daultanne, marquis d'Aultane, né le 18 août 1759 à Valréas dans le Comtat Venaissin et mort le 7 janvier 1828 dans cette même ville, est un général français de la Révolution et de l’Empire.

partout, ainsi que plus de quarante officiers. Le prince n'a oublié dans ce court exposé que les circonstances qui caractérisent le mieux sa valeur et son admirable générosité ; nous ne pouvons omettre la plus remarquable. Au moment où l'avant garde de Grouchy allait paraître, au moment où le péril devenait imminent, et que le salut de S.A.R. dépendait d'une résolution prompte, à onze heures du soir, deux officiers entrèrent dans son appartement, et, lui exposant rapidement tous les dangers dont il était menacé, lui proposèrent de partir sur-le-champ, avec une troupe choisie, qui la conduirait en Piémont. S.A.R. les interrompant avec vivacité, leur demanda s’ils n’avaient jamais pu croire que lui, prince et chevalier français, abandonnât au moment du danger, comme un lâche déserteur, une armée qui s'était u rassemblée à sa voix, qui avait déjà versé son sang pour lui. En vain les deux officiers voulurent-ils revenir à la charge, S. A.R. déclara que, quel que fussent les desseins de la Providence à son égard, il n'abandonnerait jamais, sans convention et sans sûreté, des amis, des compagnons qui avaient suivi son étoile. Le prince s'embarqua à Cette, sur le bâtiment suédois le Scandinavia; et il fut conduit au lieu de son embarquement par le général Radet. S.A.R. fit voile vers Barcelonne, accompagnée de quelques sujets fidèles, et de là se rendit à Madrid, où le roi Ferdinand VII accueillit son cousin avec tous les égards et tous les honneurs dus au malheur et au sang royal. Le duc d'Angoulême ne tarda pas à se rapprocher de la frontière de France, afin d'y préparer des moyens d'attaque contre Buonaparte. S.A.R. était à Puycerda le 10 juillet, lorsque l'on y apporta la nouvelle que Marseille avait secoué le joug de l'usurpateur. Le prince écrivit aussitôt au comité royal qui s'était formé dans cette ville : Je n'ai reçu qu'ici vos deux lettres des 26 et 29 juin ; car si j'avais encore été à Barcelone, je me serais rendu sur-le-champ au milieu des bons Marseillais, pour vaincre ou périr avec eux. Leur conduite me fait le plus grand plaisir, mais ne m'étonne pas ; je savais que le Roi pouvait tout attendre de leur dévouement. Vous avez été les derniers à conserver le drapeau blanc, et les premiers à le relever. Je me fais gloire d'avoir une pareille ville dans mon gouvernement Les événements du Nord me donnent la confiance que la Providence, qui ne nous a jamais abandonnés, veillera sur Marseille, et qu'elle n'aura aucun danger à courir. J'avais pourvu d'avance à ce que vous me demandez, en nommant le lieutenant général marquis de Rivière gouverneur de la 8e division militaire; et en lui confiant les pouvoirs nécessaires, j'ai cru faire en lui un choix agréable à la ville de Marseille : s'il n'était pas a encore arrivé, le général vicomte de Bruges remplirait provisoirement ses fonctions Le duc d'Angoulême se disposait à rentrer en France à la tête d'un corps royaliste qu'il avait formé sur les frontières d'Espagne , lorsque les succès des armées alliées en Belgique ouvrirent à Louis XVIII les portes de la capitale. S.A.R. entra alors dans le royaume, et se rendit à Bordeaux, puis à Toulouse, où, en vertu des pouvoirs que S. M. lui avait conférés le 3 juin 1815, le duc rétablit le gouvernement légitime. On ne peut décrire les témoignages d'amour avec lesquels il fut reçu dans les provinces qui avaient été témoins de sa valeur. Ces témoignages ne se bornèrent pas à des acclamations. À sa voix et en peu de jours, on vit se former des bataillons de volontaires royaux engagés pour quatre ans, composés, en grande partie, de soldats de la ligne, qui avaient abandonné le drapeau tricolore. Les forteresses qui défendaient les Pyrénées, les Alpes, et le littoral des deux mers, cédèrent à l'autorité de ses ordres ; Marseille et Toulon se soumirent : en un mot, il ne resta plus dans le midi un seul point militaire qui ne fût sous la puissance du Roi ; et ce qui ne donne pas au duc d'Angoulême moins de droit à la reconnaissance des Français, c'est que S.A.R.

entra sur le sol de France sans aucun secours étranger, qu'il opéra de même ces heureux changements, et que ce fut à sa médiation que le Midi dut le bonheur d'être préservé de l'invasion des troupes espagnoles. Des 7e, 8e, 9e, 10e, et 11e divisions militaires qui composaient le gouvernement de S.A.R., le Dauphiné seul fut envahi ; encore fût-ce avant le retour de ce prince. Les mesures les plus sévères fuient prises par S. A. R. pour désarmer les fédérés, attendu, disait ce prince, qu'il est urgent d'ôter le moyen de nuire aux hommes qui ont fait partie des fédérations armées contre leur roi et leur patrie. (Ordonnance rendue à Toulon le 28 juillet.) Le duc donna en outre tous ses soins à l'administration des finances, et proposa pour les hautes places judiciaires et administratives, des sujets invariablement attachés à la cause des Bourbons.

[….]

*******************

Biographie des hommes vivants, ou histoire par ordre alphabétique de la vie

Dans le document Jacques Laurent Gilly Général d Empire (Page 95-98)