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Cette première catégorie de secteurs institutionnels regroupe ceux dont l’objet économique est le plus affirmé. Ils sont explicitement intégrés dans l’univers économique et dotés de puissantes institutions, ancrées historiquement et socialement. Il s’agit du secteur institutionnel de l’agriculture (auquel nous ajoutons la forêt) et de celui des réseaux publics.

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La présentation est effectuée à partir du secteur institutionnel de l’agriculture. Pour la forêt, le fonctionnement du secteur institutionnel est sensiblement identique. Les éventuelles spécificités concernant la forêt seront précisées au cours du texte.

a. Objectif commun de production de biens primaires

L’objectif commun du secteur institutionnel de l’agriculture et de la forêt est représenté par la production de biens primaires. Pour l’agriculture, il s’agit principalement de nourrir les hommes en fournissant des biens agricoles, alors que pour la sylviculture, c’est la

production forestière (bois et autres produits) qui représente le principal objectif commun aux membres du secteur institutionnel.

Cet objectif commun constitue un élément fortement intégrateur pour le secteur institutionnel, parce qu’il lui offre une forte légitimité. Cependant cette légitimité est aujourd’hui partiellement remise en question par les effets externes négatifs générés par les systèmes de production agricole (cf. chapitre I, section 3). De nombreux travaux mettent d’ailleurs en évidence cette difficulté que rencontre aujourd’hui l’agriculture pour trouver une nouvelle légitimité (Lacombe, 2002 ; Miclet et al., 1998).

Cependant, des conflits existent au sein du secteur institutionnel de l’agriculture pour désigner le rôle central des agriculteurs. Fouilleux (2000, p. 280) fait état de deux modèles en concurrence au sein du secteur : « On peut citer l’agriculture conventionnelle (dite “moderne”) intensive et spécialisée d’une part, et l’agriculture biologique (et ses variantes, comme l’agriculture biodynamique) refusant tous les intrants chimiques, d’autre part. » Nous y ajoutons le modèle de l’agriculture territorialisée ouverte sur les autres acteurs ruraux et les demandes multiples de la société.

b. Forte présence institutionnelle

Le secteur institutionnel de l’agriculture et de la forêt s’organise autour des agents économiques producteurs : le groupe des agriculteurs et celui des propriétaires forestiers. Chacun de ces deux groupes sociaux est très fortement organisé, même si des différences de conditions de travail et de revenu sont manifestes.

Si l’on s’attache à décrire en détail les institutions gestionnaires de l’agriculture, on met en évidence plusieurs administrations publiques spécialisées, depuis l’échelon européen jusqu’à celui du département français, qui s’intègrent dans le secteur institutionnel. Il s’agit de la direction générale de l’Agriculture à la Commission européenne, du ministère de l’Agriculture, des services déconcentrés de l’État (DRAF, DDAF) et des services spécialisés des conseils régionaux et des conseils généraux. Les organisations professionnelles agricoles ont constitué leurs propres administrations souvent dotées de missions de service public : chambres d’agriculture, associations départementales d’aménagement des structures des exploitations agricoles.

Pour la forêt, le secteur institutionnel présente une particularité : la présence de l’Office national des forêts (ONF), établissement public sous tutelle de l’État. L’ONF, gérant les forêts publiques, joue un rôle important au sein du secteur institutionnel. Mais, bien que partageant un objectif de gestion de la forêt et de production de bois comme les propriétaires forestiers, l’ONF ne fonctionne pas selon la même logique. Il agit plus comme un gestionnaire d’une catégorie d’espace public, au même titre que les membres du secteur institutionnel des réseaux publics, comme la direction départementale de l’équipement ou Électricité de France. En parallèle, les centres régionaux de la propriété forestière, qui sont des établissements publics administratifs, aident les propriétaires privés dans leur gestion forestière. Des organisations professionnelles existent au sein du secteur, notamment les syndicats de propriétaires forestiers sylviculteurs.

c. Des politiques publiques variées

Les politiques incitatives, les lois et réglementations propres au secteur institutionnel sont intégrées au Code rural. L’agriculture et la forêt constituent des domaines où l’intervention publique est importante, fruit d’une longue histoire de cogestion des politiques publiques par les organisations professionnelles sectorielles et les pouvoirs publics (Muller, 1984). Les rapports formels ou informels entre les gestionnaires des biens-supports et les

institutions de régulation publiques, para-publiques et privées y sont fortement développés (Servolin, 1989).

Certains auteurs parlent de néo-corporatisme (Muller, 1984), dans la mesure où les agents économiques de base, par le biais de leurs organisations professionnelles, prennent en charge une partie de la régulation du secteur institutionnel, notamment l’accès au statut de producteur professionnel, la distribution de certaines aides publiques ou encore le mode de formation professionnelle.

Aujourd’hui, il existe un certain nombre de politiques publiques dont le rôle est de limiter les conséquences néfastes de la production agricole (et secondairement de la production sylvicole) en incitant à la production de services environnementaux (cf. chapitre I). Rappelons qu’elles ont émergé dans les années soixante-dix à partir des politiques foncières (OGAF) et se sont progressivement ouvertes à d’autres thématiques (MAE, PDD, FGER) pour se concentrer aujourd’hui sur une politique à visée multifonctionnelle : le CTE.

La cogestion de la politique agricole n’est pas sans influence sur la nature des services environnementaux produits dans le secteur institutionnel de l’agriculture : les politiques publiques proposent des services environnementaux quasi exclusivement centrés sur l’agriculture, sans prise en compte d’une véritable dimension territoriale.

d. Biens-supports

Le secteur institutionnel de l’agriculture et de la forêt s’ancre sur des catégories de biens-supports nombreux dans l’espace rural, bien délimités et principalement tournés vers l’usage de production agricole ou forestière (parcelles agricoles, forêts productives, bâtiments de production agricole). Ces biens-supports, principalement de propriété privée, occupent à eux seuls plus des trois-quarts de la superficie des espaces ruraux 34.

Les services environnementaux qui émergent au sein du secteur institutionnel de l’agriculture et de la forêt ont principalement pour biens-supports des parcelles agricoles ou forestières, du fait de l’emprise quasi exclusive des membres du secteur sur ces catégories de biens-supports. Ainsi, ce sont principalement des biens-supports de propriété privée sur lesquels sont produits les services environnementaux au sein de ce secteur institutionnel.

e. Multifonctionnalité et services environnementaux

Concernant l’agriculture, il s’agit de faire accepter socialement son évolution productive. En effet, l’agriculture, en se spécialisant de plus en plus sur sa fonction productive, a été souvent accusée d’oublier les autres missions qu’elle remplissait (cf. chapitre I). Produire un certain nombre de services environnementaux peut être un moyen de concilier ou de segmenter les différentes fonctions de l’agriculture et ainsi de justifier des transferts publics (Hervieu, 2002 ; Lacombe, 2002). Ces services environnementaux constituent le plus souvent un prolongement direct de l’activité agricole.

Il en va de même pour la sylviculture. La prise en compte des usages non marchands de la forêt, plus ancienne que pour l’agriculture, date de la mise en place de l’État forestier au

XIXe siècle et de certains accidents climatiques qui ont marqué les esprits.

Retenons que le secteur institutionnel noue avec le domaine des services environnementaux un rapport qui concerne principalement la thématique de la gestion des externalités positives et négatives de l’agriculture et de la forêt.

34. Les surfaces cultivables gérées (en fermage ou en propriété) par les agriculteurs représentent 55 % du territoire national. En métropole, la forêt couvre un peu plus du quart du territoire. 70 % de la forêt sont de propriété privée, répartis entre 3,8 millions de propriétaires.

Les institutions de l’agriculture et de la forêt vont agir non seulement du côté de l’offre de services environnementaux, c’est-à-dire auprès des agriculteurs pour les inciter à s’engager dans tel ou tel service environnemental, mais vont aussi participer à la formulation de la demande de service. En effet, elles contribuent (avec d’autres acteurs et institutions) à la définition des règles en matière de services environnementaux impliquant les agriculteurs et les propriétaires forestiers. Elles peuvent ainsi agir sur la nature économique du bien-support agricole ou du bien-support forestier, qui peuvent devenir l’objet de certains services environnementaux et acquérir un statut partiel de bien public.

Les rapports avec les autres secteurs institutionnels sont présentés dans les points suivants.

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a. Un objectif de gestion des réseaux publics

Ce secteur institutionnel réunit des acteurs et des institutions autour de la création, de l’entretien et de la valorisation de grands réseaux publics (public utilities). Ces réseaux publics représentent de grandes infrastructures, telles que le réseau routier, le réseau ferroviaire, le réseau électrique, le réseau des télécommunications (câble, téléphone) ainsi que les réseaux concernant l’eau (adduction, traitement des eaux usées).

Les objectifs communs des membres du secteur institutionnel concernent la bonne gestion des réseaux publics. Il s’agit alors, pour les membres du secteur institutionnel, de gérer des flux à travers l’équipement en réseau : flux de marchandises, d’énergie, de télécommunications, d’individus ou encore d’eau.

Les réseaux publics constituent les bases matérielles de services collectifs, au sens de l’économie publique (Terny, Prud’homme, 1986). Cependant, ces services collectifs ne sont pas systématiquement délivrés à tous les agents, mais uniquement à ceux qui payent pour pouvoir en disposer (sauf dans le cas des réseaux routiers national et local, libres d’accès). L’usage d’une personne n’empêche pas celui d’autres usagers, c’est pourquoi on les envisage classiquement comme des réseaux publics.

b. Grande variété d’agents économiques et d’institutions

Le secteur institutionnel des réseaux publics présente la particularité de ne pas s’appuyer sur une catégorie d’acteurs particuliers, mais sur des acteurs économiques de statut

différent, selon le type de réseau considéré.

Pour appréhender les agents et les institutions, il convient de repartir des infrastructures dont ils ont la tutelle. C’est l’objet du tableau 8. Ce sont précisément ces infrastructures qui vont représenter les biens-supports des services environnementaux.

Tableau 8 – Principaux agents économiques du secteur institutionnel

INFRASTRUCTURES DE RESEAUX PUBLICS ACTEUR ECONOMIQUE GESTIONNAIRE

Routes nationales et autoroutes non concédées État (ministère de l’Équipement)

Autoroutes concédées Sociétés d’aménagement à capitaux mixtes ou privés Routes départementales Conseils généraux

Routes communales Communes

Canaux Voies navigables de France Lignes électriques Électricité de France (EDF)

Voies ferrées Société nationale des chemins de fer (SNCF) et Réseau ferré de France (RFF)

Les grands opérateurs du secteur institutionnel sont souvent des monopoles nationaux ou locaux. Cette gestion en monopole naturel (ou quasi-monopole) s’explique par les coûts fixes très importants pour la création et l’entretien des réseaux publics, ainsi que par le caractère décroissant des coûts marginaux.

À ces grands gestionnaires des réseaux de transport, de télécommunications ou d’énergie s’ajoutent les promoteurs des infrastructures. Le poids des entreprises du bâtiment et des travaux publics, ainsi que celui des chambres de commerce et d’industrie, est particulièrement important dans le secteur institutionnel des réseaux publics. En effet, les travaux publics routiers représentent le quart du chiffre d’affaires des entreprises de travaux publics françaises au niveau national et local (Réocreux, Dron, 1996).

La principale administration de tutelle du secteur institutionnel des réseaux publics est représentée par le ministère de l’Équipement. Son personnel est souvent assez proche des sociétés d’aménagement et des entreprises du bâtiment et des travaux publics. Pour les équipements créés en milieu rural, l’administration de tutelle est représentée par le ministère de l’Agriculture, par l’intermédiaire du service des équipements des DDAF.

Certains auteurs expliquent la proximité entre ces deux ministères et le secteur institutionnel des réseaux publics par des réflexes culturels corporatistes et par les systèmes de primes (Réocreux, Dron, 1996) au sein des deux ministères (versements d’un pourcentage des dépenses de construction au fonds commun des corps techniques concernés par les travaux publics). Au-delà de la logique d’intérêt, la convergence est également forgée par une même culture technique.

c. Poids important des politiques publiques

Le secteur institutionnel des réseaux publics suscite des politiques publiques nombreuses, anciennes et engageant des budgets très importants. Cela s’explique par le caractère de bien public de la plupart des grands réseaux, même si une partie d’entre eux est aujourd’hui progressivement privatisée.

Les politiques publiques concernent des réseaux publics variés : transport, fourniture d’énergie, fourniture d’eau potable… Elles constituent des instruments d’aménagement du territoire national à travers la péréquation des tarifs et la question de la desserte des diverses régions, en particulier des zones rurales (Lajugie et al., 1985). On vise ainsi, à travers les équipements, à favoriser la naissance d’effets externes positifs.

d. Services environnementaux et acceptabilité sociale des réseaux publics

Les grands réseaux publics sont parfois générateurs de nuisances. C’est pourquoi le secteur institutionnel a un rôle important dans la gestion des effets externes négatifs générés par les réseaux publics. Pour leurs concepteurs dans le secteur institutionnel des réseaux publics, les services environnementaux ont pour rôle de favoriser l’acceptabilité sociale des

réseaux publics. Cette dernière est fréquemment recherchée par l’intégration paysagère des

réseaux : enfouissement de lignes électriques ou téléphoniques, traitement paysager des abords d’une autoroute.

Notons une politique novatrice, qui s’inscrit précisément dans la fourniture de services environnementaux en compensation de la création d’un nouvel équipement : la politique du 1 % autoroute. Mise en place pour la première fois en 1989, elle vise à consacrer 1 % des crédits du chantier autoroutier à l’intégration paysagère de l’autoroute (restauration des sites dégradés), à la mise en valeur des paysages et des ressources des territoires traversés par l’autoroute.

En parallèle, les missions de certaines de ces institutions ont évolué et intègrent dorénavant la production de services environnementaux. Du fait de la montée des préoccupations environnementales et paysagères, certaines institutions ont cherché à valoriser leurs actions classiques en les ajustant à la production des services environnementaux. Une structure comme VNF intervient dans la production de services environnementaux pour développer l’usage touristique des canaux qu’elle gère. Il s’agit par exemple de l’entretien des chemins de halage bordant les canaux du domaine de l’État.

e. Des rapports parfois contradictoires avec les autres secteurs institutionnels

Le secteur institutionnel des réseaux publics peut se trouver en synergie ou en contradiction avec celui du développement local. L’implantation d’une desserte autoroutière, par exemple, peut donner lieu à des opérations complémentaires, sur l’initiative des élus, visant à valoriser les ressources locales (développement d’entreprises, promotion des produits de la région). L’hybridation peut être relativement forte dans le cas de certains syndicats intercommunaux de gestion des réseaux publics. Par exemple, le syndicat intercommunal d’électricité et de gaz (SIEG) est un EPCI agissant sur l’ensemble du département du Puy-de-Dôme. Il a la charge de représenter les communes pour les questions de distribution d’électricité. En effet, le réseau électrique basse et moyenne tension appartient aux communes et EDF n’en est que le concessionnaire. Les communes se sont regroupées dans un syndicat intercommunal pour gérer collectivement les problèmes posés par la distribution d’électricité. Le SIEG est situé entre le secteur institutionnel du développement local et celui des réseaux publics.

Inversement, l’aménagement peut entraîner plus de nuisances que d’agréments pour les populations. Dans le cas de l’implantation de la ligne Méditerranée pour le train à grande vitesse (TGV), certains des débats sur la localisation de la ligne de chemin de fer ont porté sur les nuisances engendrées et sur les moyens de les limiter par des services environnementaux d’intégration paysagère.

Les contradictions sont également importantes avec le secteur institutionnel de la protection de la nature, car certains réseaux publics traversent et détruisent des sites naturels remarquables. Les services environnementaux sont au cœur de ces controverses, parce qu’ils représentent une forme de compensation pour satisfaire les groupes de pression qui appartiennent au secteur institutionnel des milieux naturels. Certains chantiers autoroutiers sont retardés ou annulés en raison de risques pour les milieux naturels traversés (cas de l’autoroute Tours-Angers).

La prise en compte de la compensation peut s’appuyer sur une estimation des dommages subis. À ce titre, l’économie de l’environnement peut apporter une aide en fournissant une base de calcul pour estimer les valeurs d’usage et certaines valeurs de non-usage (Cohen de Lara, Dron, 1998 ; Henry, 1997) des biens supports devant être modifiés par une infrastructure.

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