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DE L'HEMOTYPOLOGIE A LA GENETIQUE DES POPULATIONS : NAISSANCE DE L'ANTHROPOLOGIE BIOLOGIQUE

L'EVOLUTIONNISME EN OCCIDENT A L'EPOQUE DE LA CONQUETE COLONIALE

DE L'HEMOTYPOLOGIE A LA GENETIQUE DES POPULATIONS : NAISSANCE DE L'ANTHROPOLOGIE BIOLOGIQUE

A la fin du XIXe, les conceptions de l'évolution se heurtaient à l'énigme de l'hérédité. Darwin pensait que les éléments de l'hérédité parentale se mélangeaient dans la descendance, à la manière dont l'eau et le vin se mélangent dans un verre, et que les variations se faisaient graduellement par la modification d'éléments du mélange, faisant évoluer les traits morphologiques de façon lente et continue, se traduisant par de légers changements à chaque génération dans un processus fondamentalement lamarckien. Il n'est donc pas étonnant que les premières approches pratiques ou expérimentales, en l'absence de prise en compte des apports mendéliens, aient été anthropométriques : il s'agissait d'apprécier les transformations par la mesure quantitative très fine des caractères. Cette approche a été celle des contemporains de Darwin, Francis Galton son cousin, puis Karl Pearson, sous le nom de Biometry. Mais après que August Weismann ait démontré une stricte séparation physique entre le "soma" du corps et les cellules germinales, les expériences de Mendel pouvaient être mieux comprises et intégrées à la recherche d'expériences démontrant l'existence de mutations spontanées. C'est en Angleterre aussi, et aux Etats-Unis que s'est développée cette recherche, propre à l'école dite "mutationniste" ou "mendélienne", qui s'opposait alors, du moins en Angleterre, à l'école biométrique.

Cette approche dédoublée, par la génétique et la biométrie, s’est greffée dans les premières décennies du XXe siècle sur les découvertes de la biologie du sang, elles-mêmes fruits de la recherche médicale : la mise en évidence du premier polymorphisme humain était susceptible de donner un

145 souffle nouveau à la recherche sur les mécanismes de l'évolution par mutation, et donc sur les origines de l'Homme et des "races".

Avant de résumer cette aventure intellectuelle, il faudrait une mise au point : analyser les relations que la génétique des populations a entretenu avec la problématique du peuplement de l'Afrique, qui durant des décennies ne fut qu'un succédané de la question raciale, c'est s'intéresser surtout aux démarches les plus contestables de cette science. Après la deuxième guerre mondiale, d'autres thèmes ont été au coeur des recherches : l'étude des mécanismes de mutation et d'adaptation, les interrelations entre l'homme et son environnement, les relations de dépendance entre les vivants, ont pris place dans les travaux qui ont soutenu ceux de la recherche médicale. De plus, des anthropologues et des généticiens se sont penchés sur la question des races avec la préoccupation d'en examiner les fondements. Les milliers de polymorphismes connus à ce jour, leur recensement, leur cartographie, l'étude de leurs relations témoignent de l'accomplissement d'un travail colossal pour une science aussi jeune.

La période 1900-1940 est donc une période de balbutiements au cours de laquelle se mettent en place les premiers concepts de génétique des populations, avec notamment les travaux de Fisher, Haldane et Wright. Dans les décennies suivantes la nouvelle science développe ses outils, teste ses résultats. Parallèlement la biologie du sang met à la disposition des généticiens un matériel propre à l'étude de populations. Enfin la recherche anthropologique se saisit de ces informations pour les interpréter dans un contexte qui est d'abord celui de l'entre-deux-guerres, où s'exacerbent les questions raciales, puis de l'après-guerre, où d'autres discours apparaissent. Ces faits s'entrecroisent bien sûr, mais pour des commodités didactiques, ils seront décrits ici séparément et successivement.

146 1,31 - FISHER ET LES DEBUTS DE LA GENETIQUE DES

POPULATIONS

1,311 - La controverse Biométrie-mendélisme (1900-1930)

C'est en Angleterre que la scène s'est jouée. Francis Galton (1822, 1911), cousin de Darwin, fondateur de l'eugénisme (Natural Inheritance-

L'hérédité naturelle, 1889) y avait créé la biométrie, technique de la mesure

de l'hérédité182, dans laquelle il voyait un moyen commode d'établir les

assises scientifiques d'une réforme eugénique. Cette école de pensée a été développée à Londres par un groupe de mathématiciens mené par Karl Pearson (1857-1936).

Karl Pearson enseignait les mathématiques à l’University College de Londres depuis 1884, où il s’intéressa aux corrélations. Il découvrit avec enthousiasme le travail de Galton sur l’étude statistique des variations. Chez Galton les notions de variation et de régression traduisent et éclairent ce constat qu’il existe des corrélations mesurables entre les caractéristiques des parents et des enfants. Il avait défini la possibilité de mesurer des taux de régression de variations héréditaires, ce qui ensuite rendait possible des comparaisons de ces taux de régression entre espèces. Ceci ouvrait la voie à l’étude statistique des corrélations. Les deux hommes partageaient la même conviction que la connaissance des lois de l’évolution devait guider l’action collective ; ces affinités débouchèrent sur une entreprise commune scellée par des liens d’amitié : en 1845 ils fondaient un laboratoire de biométrie, en 1902 son organe de communication, le journal Biometrika.

Pearson voyait dans l’étude des corrélations le fondement d’une approche mathématique des phénomènes, en biologie comme en d’autres

147 disciplines. Véritable scientiste, Pearson prétendait remplacer les débats publics, religieux ou philosophiques, par les décisions politiques des hommes de science. Aussi conférait-il à la notion de corrélation un statut philosophique et épistémologique extraordinaire par lequel elle se substitue à celle de cause. Pour lui, une relation nécessaire n’est qu’une modalité de la corrélation définie par la corrélation maximale : le déterminisme absolu dans cette perspective n’est qu’un cas particulier de corrélation183.

Le travail de Pearson tendait à substituer l’approche mathématique, par le truchement de la statistique, à l’approche matérialiste qui avait jusque là prévalu dans la recherche sur l’évolution. Là où Galton avait toujours tenté de rapprocher la réflexion anthropométrique des développements de la recherche biologique, le travail développé avec Pearson apparaît comme une discipline abstraite dégagée de tout intérêt pour les processus biologiques sous-jacents. Du reste Pearson se méfiait des théories explicatives, la science devant selon lui décrire précisément les phénomènes.

Pearson tenait pour erronées les conclusions de Galton en vertu desquelles les croisements effectués à partir d’individus présentant des variations exceptionnelles devaient subir une régression vers la moyenne. Pour lui on devait aboutir à un déplacement de la moyenne elle-même. En 1898 Pearson livra une formulation mathématique de cette loi de l’hérédité ancestrale, bien différente de celle de Galton mais qu’il appela pourtant “ The Galton’s law of ancestral heredity ”. Norton résume la formule établie par Pearson de la façon suivante: "xo= a1x1+ a2x2+ a3x3+ ... + anxn où x0 est la taille (ou l'intelligence, ou n'importe quel autre caractère) que devra avoir le descendant, x1 à xn représentant la taille du père, de la mère, du grand-père,

183PEARSON K. Grammar of Science., 1892, tel que présenté par THOMAS J.P. Les fondements de l’eugénisme, p.75. Dans cette position réside sans doute la genèse d’une

confusion assez courante entre “ cause ” et “ corrélation ”, à la source de bien des malentendus, et qui bien que souvent dénoncée, continue d’intoxiquer la pensée scientifique. En vertu de cette confusion, l’existence d’une corrélation positive entre deux phénomènes résulterait d’un lien de cause à effet entre ces deux phénomènes.

148 de la grand-mère etc., telle qu'elle a été mesurée. Les coefficients a1, a2, ..., an sont fonction des coefficients de corrélation, de variabilité et d'autres données statistiques simples"184.

Selon Jean Gayon l’analyse de Pearson, “ très raffinée, est fondée sur l’utilisation de la corrélation multiple. Elle conduit, sur les données mêmes qui étaient celles de Galton (taille humaine) à une série de coefficients fractionnaires qui n’est pas la série géométrique 1/2, 1/4, 1/8... et dont la somme n’est pas égale à 1. Cette série en outre n’a aucune raison d’être la même pour tout caractère, ni constante dans le temps" :

“ La loi de Galton fait de l’ampleur de l’hérédité une constante absolue pour chaque paire d’apparentés. Il semblerait ainsi qu’elle ne soit pas un caractère de la race ou de l’espèce, et qu’elle ne soit pas modifiable par la sélection naturelle. Ceci me semble a priori extrêmement improbable. J’imagine plutôt que l’hérédité plus ou moins grande des qualités ancestrales puisse être un avantage ou un désavantage, et nous devrions nous attendre à ce que l’hérédité soit sujette au principe d’évolution. On pourrait venir à bout de cette difficulté en introduisant le coefficient que je propose d’appeler le coefficient d’hérédité, et que je considère comme modifiable à la fois du point de vue du caractère et de la race185. ”

Commentaire de Karl Pearson sur la nature de ladite loi :

“ La loi de l’hérédité ancestrale ” dans sa forme la plus générale n’est aucunement une hypothèse biologique, c’est simplement l’énoncé d’un théorème fondamental de la théorie statistique de la corrélation multiple, appliqué à un type particulier de données statistiques. Si les statistiques de l’hérédité sont elles-mêmes correctes, alors les résultats déduits de ce théorème resteront vrais quelle que soit la théorie biologique de l’hérédité que l’on propose. ”

Cette interprétation méthodologique de la loi d‘hérédité ancestrale est l’idée cruciale sur laquelle les biométriciens se sont appuyés à partir de 1900 pour contester l’universalité des lois de Mendel186.

184NORTON B. 3La situation intellectuelle au moment des débuts de Fisher en génétique des

populations3. in: Fisher et l'histoire de la génétique des populations, Revue de synthèse 3e série, n°103-104, Albin-Michel, Paris, 1982, pp.231-250, p. 236.

185Cette approche, qui envisage comme raciaux non seulement les caractères hérités, mais

aussi les processus héréditaires eux-mêmes (la capacité à hériter) autorise une vision plus outrée des distinctions raciales; elle favorise évidemment les visées eugénistes, notamment contre le métissage. Elle a été défendue ardemment aux USA par le chef de file de la pensée ségrégationniste, le botaniste Gates (cf. infra).

186Tous commentaires et citations empruntés à GAYON J. Darwin et l’après-Darwin..., p.146-

149 De son côté l'école mutationniste ou mendélienne, était représentée en Grande-Bretagne par William Bateson (1861-1926) à l'Université de Cambridge.

Ces deux approches étaient en situation de rivalité car Pearson refusait de s'intéresser à des entités théoriques comme les "facteurs génétiques", qui transmettraient des caractères non mélangés de génération en génération. Il croyait aux changements graduels, aux variations continues qui permettent une évolution continue, alors que Bateson croyait, comme avant lui Hugo de Vries (cf §1,131-C), en l'existence de "sauts" dans le processus de l'évolution, c'est-à-dire en la possibilité d'apparition soudaine de formes nouvelles dues à une ou plusieurs mutations spontanées. D'après Bernard Norton187, Bateson

aurait espéré que le mendélisme permettrait de contredire la théorie darwinienne de la sélection naturelle, laquelle lui paraissait liée à l'existence de variations continues et d'une hérédité par "mélanges". On voit que, une fois encore, les questions philosophiques pourraient avoir sous-tendu la controverse scientifique188. Celle-ci a revêtu en Angleterre un caractère

violent, en raison de la personnalité des protagonistes. A première vue il s'est agi d'un débat local, spécifiquement anglais, mais qui ne doit pas cacher que pour les scientifiques de ce temps, il pouvait exister des incompatibilités entre le mendélisme et la théorie darwinienne de l'évolution. La position des scientifiques était d'ailleurs très diversifiée à cette époque, ainsi que le montre William Provine dans son livre Les origines de la génétique des

populations189. Ainsi Thomas T.H. Morgan refusa à la fois le mendélisme et

187NORTON, ibid.

188mais que nous simplifions aussi : NORTON, op. cité p.235-236 énonce des divergences

concernant la philosophie des sciences, qui auraient sous-tendu les positions des deux hommes, mais ceci n'entre pas dans nos préoccupations.

189PROVINE W. The Origins of Theoretical Population Genetics. Chicago, University of

150 le darwinisme ; ce n'est que vers 1912 qu'il commença à se rapprocher des conceptions darwiniennes de l'évolution.

1,312 - L'école de Morgan et la mouche du vinaigre: la théorie chromosomique de l’hérédité

A partir de 1910, l'Américain Hunt Morgan, au départ adversaire des conceptions mendéliennes, se convertit à elles après avoir observé chez la mouche drosophile la transmission de certains caractères régissant la couleur des yeux et la forme des ailes. Entre cette date et la fin des années vingt, il développa le travail initié par le moine autrichien. Il montra que les mutations spontanées observées sur les drosophiles pouvaient être subites mais de faible amplitude, produisant la plupart du temps des changements légers dans les caractères existants190. Il énonça le principe selon lequel les particules héréditaires énoncées par Mendel étaient situées sur les chromosomes de la cellule, et comme enfilés sur ceux-ci à la manière des perles d’un collier. L’école de Morgan expliqua comment ces particules (qui ne s’appelaient pas encore gènes) ne se comportent néanmoins pas toujours à la manière de billes indépendantes, -ce qui était un obstacle à la crédibilité de la théorie- au moyen des importantes notions de linkage (enchaînement sur une partie de chromosome de plusieurs gènes se transmettant ensemble comme un seul bloc héréditaire) et de crossing-over (échanges de morceaux d’un chromosome à l’autre). On lui doit également d'avoir supposé l'existence de différents variants d'un même gène (les allèles).

Avec le mécanisme des mutations, le principe biologique de l’hérédité (les gènes sur les chromosomes), ainsi que les principes statistiques de la

190Dans notamment deux articles: MORGAN T.H. "Factors and unit characters in Mendelian

heredity". American naturalist., 1913, 47, 5-16. et "Concerning the mutation theory".

Scientific Monthly, 1918,, 25, 385-405, cité par WEISS et CHAKRABORTY : "Genes,

151 transmission héréditaire, la biologie était dotée des outils qui permettaient de vérifier mais aussi de réviser la théorie de Darwin en une théorie dite “ globale ” ou “ synthétique ”, ou encore néodarwinienne.

1,313 - La synthèse

Ronald Aylmer Fisher (1890-1962) était étudiant en mathématiques à Cambridge. Il s'est intéressé à l'hérédité et à la théorie de l'évolution en raison de l'importance sociale qu'avait en Grande-Bretagne le développement des idées eugénistes, soutenues par les classes moyennes et les professions libérales dans un contexte de grande tension sociale. Fisher lui-même, alors jeune étudiant, s'est occupé de la création d'une société d'étudiants eugénistes en 1911 ; il était lié d'amitié à ce titre avec le fils de Charles Darwin, Léonard Darwin (1894-1943) qui était alors président de la Société d'éducation eugénique191. Il semble que le désir de synthèse entre

biométrie et mendélisme ait été souhaité par Fisher comme devant favoriser le progrès du mouvement eugéniste alors en développement. Cette tentative a débouché sur la publication en 1918 d'un article sur la question de la corrélation entre parents dans l'hypothèse de l'hérédité mendélienne192, dans

lequel il démontre, contrairement aux thèses de Pearson, que la théorie de Mendel peut parfaitement rendre compte de l'hérédité de caractères continus. Notamment il suffisait de diviser la variance en différentes fractions. Il discuta ces conclusions en parallèle dans un article publié dans Eugenics

191Ces éléments de la biographie de Fisher sont empruntés par NORTON, op. cité à la

biographie publiée par sa fille J. FISHER BOX, R.A. Fisher: the Life of a scientist., NY, Wiley, 1978.

192FISHER R.A. "The Corrélation between Relatives on the Supposition of Mendelian

152

Review où il développait l'utilité de ces constatations pour l'argumentation

eugéniste193.

Il ne faudrait pas imaginer que Fisher fut un cas unique. Ce qui le rend unique est d'être issu des mathématiques mais, en Angleterre, nombreux furent (selon Robert Olby) les scientifiques qui s'intéressèrent à l'évolution dans le cadre de la problématique eugéniste. Leurs préoccupations, dans les années vingt, est de résoudre le problème si discuté des mutations, de l'isolement et de la sélection naturelle dans l'évolution, dans le but de trancher entre les diverses théories de la spéciation et de l'adaptation, afin aussi d'établir une base solide de planification de l'évolution contrôlée chez l'Homme. Depuis le XIXe (déjà Gobineau), les Puissances s’interrogeaient sur le déclin des civilisations et vivaient dans l'angoisse du leur. Ce souci rendait nécessaire une synthèse.

La plupart des historiens de la théorie de l'évolution s'accordent à désigner la période autour de 1930 comme celle où s'est faite cette synthèse. Beaucoup de sciences y ont contribué : paléontologie, systématique, éthologie, écologie, mais surtout la génétique des populations. Dans ce dernier domaine, qui est chronologiquement l'un des premiers, Fisher son fondateur apparaît comme un des principaux artisans de l'accord synthétique du mendélisme, de la biométrie et du darwinisme. Robert Olby194, dans une

étude de l'ouvrage majeur de Ronald Fisher, la théorie génétique de la

sélection naturelle195, rappelle que 10 % des sources mentionnées par l'auteur

sont constituées des oeuvres de Darwin et que 40 % du livre sont consacrés à la discussion des aspects socio-politiques de la vie de l'Homme et de la

193FISHER R.A. "The causes of Human Variability", Eugenics Review, 10, 1918, p.213-220. 194OLBY R. "La théorie génétique de la sélection naturelle vue par un historien", in : R.A.

Fisher et l'histoire de la génétique des populations., op. cité p.252.

195FISHER R.A. The genetical theory of natural selection. London and N.York. Oxford

153 société. Voilà résumées de manière percutante à la fois la source d'inspiration et les préoccupations de Fisher196.

Dans ce livre, Fisher faisait bien de la mutation, de l'isolement reproductif et de la sélection naturelle trois facteurs indispensables ensemble à l'évolution, là où beaucoup ne retenaient que l'un (mutation ou sélection) à l'exclusion de l'autre. Fisher se démarquait aussi de toute idée "d'hérédité des caractères acquis", contrairement aux vue de Darwin lui-même et de certains néo-lamarckiens (qui participaient également aux activités de la société d'éducation eugénique, comme W. Mac Bride). Il se tenait également très informé des développements de la génétique. Mendel avait déjà résolu le problème darwinien de "l'effet de dilution" du croisement entre mutants et non mutants, en montrant que les éléments germinaux étaient distincts du corps physique. Dès 1908, on savait que les facteurs mendéliens réalisaient l'équilibre des fréquences géniques dans des populations où les croisements se font au hasard (lois de Hardy-Weinberg197) et à partir de 1912, nous l'avons

vu, Morgan avait en observant ses mutations sur des lignées de mouches drosophiles, proposé la théorie chromosomique de l'hérédité. Des difficultés théoriques ont subsisté cependant sur la question des variations continues ou discontinues, lesquelles sont restées au coeur des controverses entre 1915 et 1930, pendant que Fisher, avec ses convictions propres, Haldane et Sewall Wright développaient les aspects théoriques de la génétique des populations.

196La théorie synthétique de l'évolution est réellement liée à la pensée eugéniste en Angleterre.

Le mot même de synthèse ou théorie synthétique a été popularisé par Julian Huxley à cause du titre de son livre qui l'annonçait comme réalisée: Evolution, The Modern Synthesis. (London, G. Allen and Unwin, 1942). Pour Huxley, biologiste, le résultat de la spécialisation était l'accroissement de l'adaptation et d'une extinction massive. Le progrès est le fait majeur de l'évolution dans le passé, mais il est limité à quelques lignées choisies. Huxley cite particulièrement les travaux de Fisher et Haldane, dont il associe la contribution à ce mot de "synthèse". In : OLBY R., op. cité, p. 255-256.

197Ainsi nommées parce qu'elles ont été établies simultanément et de façon indépendante par

HARDY G.H. "Mendelian proportions in a mixed population". Science, 1908, 28, 49-50. et WEINBERG W. "Uber den Nachweis der Vererbung beim Menschen". Verein für

154 Un des aspects fondamentaux du problème mutation-sélection fut livré par la démonstration que les mutations récurrentes, telles qu'on pouvait en constater l'existence, étaient compensées par la perte de gènes pathologiques en raison de la sélection négative. Cette hypothèse, d'abord envisagée par Danforth en 1921198, fut perfectionnée par Haldane en 1927199.

Une autre contribution importante de la période est le développement mathématique du concept de dérive génétique, réalisé par Sewall Wright à partir de 1929200. Le phénomène envisagé décrit la fluctuation des fréquences