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Hannibal, Junon et Jupiter :

II 1 Hercule est ses héritiers dans les Punica

VI.7. Hannibal, Junon et Jupiter :

Les Sagontins criblent Hannibal de traits pour protéger leur cité.

Hannibal, encerclé par les Sagontins reçut un trait et il est blessé, il se trouve victime d’un moment de faiblesse mais il se reprend rapidement toutefois il est à nouveau victime d’une blessure d’un trait lancé par une main anonyme.559

« Hic subitus scisso densa inter nubila caelo

erupit quatiens terram fragor, et super ipsas

559 Silius Italicus, Punica, I, 536-540. « Tout à coup la nue épaisse s'entr'ouvre; un fracas horrible se fait entendre

: la foudre a jailli, et la terre en est ébranlée. Jupiter tonne deux fois sur les combattants. Parti de la nue, le trait vengeur de cette horrible guerre, emporté au milieu d'un tourbillon impétueux, va frapper la cuisse d'Hannibal, et s'y attache. »

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bis pater intonuit geminato fulmine pugnas. inde inter nubes uentorum turbine caeco ultrix iniusti uibrauit lancea belli

ac femine aduerso librata cuspide sedit »

Cette blessure intervient au moment même où Jupiter, à deux reprises, frappe la terre de sa foudre. Ainsi, le trait qui touche le Punique semble provenir du père des Olympiens, et

devient ainsi un signe de la colère divine et par là même une alerte divine.

Il quitte le champ de bataille, et c’est Junon qui est venue lui enlever le trait de la cuisse. Ce passage est à mettre en parallèle avec un autre passage de l’Enéide : quand Enée, au dernier chant, reçoit un trait et que sa mère divine vient le lui enlever. En effet, Enée est à son tour touché d’un javelot lancé par une main anonyme560, et c’est grâce à l’intervention de sa mère

que ses hommes ont pu lui enlever le trait de la blessure et qu’il a la vie sauve561

:

« Hic Venus, indigno nati concussa dolore, dictamnum genetrix Cretaea carpit ab Ida,

560

Virgile, Enéide, XII, 318 - 324 : « Has inter uoces, media inter talia uerba

ecce uiro stridens alis adlapsa sagitta est incertum qua pulsa manu, quo turbine adacta, Quis tantam Rutulis laudem, casusne deusne, adtulerit: pressa est insignis gloria facti. nec sese Aeneae iactauit uulnere quisquam. »

«Pendant qu'il parlait ainsi, au milieu de ce discours,

voilà qu'une flèche ailée siffle et atteint le héros; on ne sait quelle main la lança, quel tourbillon la dirigea, quel hasard, quelle divinité offrit une telle source de fierté

aux Rutules; la gloire de cet exploit insigne resta cachée, et personne ne se vanta d'avoir blessé Énée. »

561 Enéide, XII, 411- 424 : « Alors Vénus, émue par la souffrance imméritée de son fils,

en bonne mère, va cueillir sur l'Ida de Crète une tige de dictame, garnie de ses jeunes feuilles et de sa chevelure de fleurs de pourpre; (les chèvres sauvages connaissent bien cette plante,

lorsque les flèches rapides se sont plantées dans leur échine) : Vénus, entourée d'un nuage qui dissimulait sa présence, apporta cette herbe et, oeuvrant secrètement en médecin, elle la fit infuser dans l'eau d'un splendide bassin, y répandant les sucs bénéfiques de l'ambroisie et l'odorante panacée.

Le vieux Iapyx, sans rien savoir, soigna la blessure avec cette eau, et soudain, en effet, la douleur s'éloigna du corps d'Énée ;

tout le sang au fond de la blessure cessa de couler.

Bientôt, la flèche obéit à la main de Iapyx et tomba d'elle-même ; les forces premières d'Énée revinrent, toutes nouvelles. »

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puberibus caulem foliis et flore comantem purpureo; non illa feris incognita capris gramina, cum tergo uolucres haesere sagittae: hoc Venus, obscuro faciem circumdata nimbo, detulit; hoc fusum labris splendentibus amnem inficit occulte medicans spargitque salubris ambrosiae sucos et odoriferam panaceam. Fouit ea uolnus lympha longaeuus Iapyx ignorans, subitoque omnis de corpore fugit quippe dolor, omnis stetit imo uolnere sanguis ; iamque secuta manum nullo cogente sagitta excidit, atque nouae rediere in pristina uires. »

Hannibal, tout comme Enée est gravement blessé. Une déesse intervient : Junon. Le Punique jouit d’un statut particulier : il n’est pas un simple ennemi humain des Romains, et son action guerrière, de bout en bout, est favorisée par l’époouse divine de Jupiter. Hannibal, tout comme Enée, ne peut être blessé par un guerrier particulier. Une déesse intervient également pour le sauver, lui aussi.

Le parallélisme entre le passage des Punica et ceux de l’Enéide rehausse le statut particulier du Barcide. Son action, sa geste attirent l’attention même de divinités qui

interviennent pour lui prêter assistance. La combinaison des deux passages de l’Eneide dans l’épisode de la blessure du Punique lui octroie une forte charge dramatique, et traduit

l’ambivalence de ce personnage qui apparaît tour à tour comme un ennemi public et un favori des dieux.

La blessure est l’opportunité de la première intervention des deux divinités suprêmes de l’Olympe : Jupiter et son épouse qui interviennent au combat autorur du Punique. L’intérêt que porte le couple divin au Carthaginois est tout à fait particulier. Il souligne en même temps l’ambiguité du personnage.

D’ailleurs, Silius confère à la blessure du Carthaginois une importance toute nouvelle : au lieu d’un châtimet divin dû à une grande impudence et à une grande imprudence, ce moment

181 constitue chez le poète une halte et un moment d’arrêt avant les exploits guerriers. Le Punique s’en trouve, du coup, rehaussé et mieux mis en avant.

Cette blessure est ainsi l’opportunité de la première intervention des deux divinités suprêmes de l’Olympe, qui interviennent dans cette guerre menée par le Carthaginois.

L’intérêt que porte le couple divin au chef punique met en avant Hannibal et toute son action guerrière.

A partir d’un détail historique, Silius y additionne des détails mythologiques. Ce qui permet de conférer à l’histoire toute une connotation nouvelle riche de significations. Par ailleurs, en inversant le contexte historique de la blessure,le poète choisit délibéremment d’en inverser la symbolique : au lieu d’une punition due à une grande imprudence de la part du

Barcide,comme c‘est le cas chez Tite-Live et Zonaras562, elle constitue chez le poète une halte qui permet au héros de se ressourcer.

562 Tite- Live, Histoire Romaine, XXI, 7,10 : « Dum ea Romani parant consultantque, iam Saguntum summa ui

oppugnabatur. Ciuitas ea longe opulentissima ultra Hiberum fuit, sita passus mille ferme a mari. Oriundi a Zacyntho insula dicuntur mixtique etiam ab Ardea Rutulorum quidam generis; ceterum in tantas breui creuerant opes seu maritimis seu terrestribus fructibus seu multitudinis incremento seu disciplinae sanctitate qua fidem socialem usque ad perniciem suam coluerunt. Hannibal infesto exercitu ingressus fines, peruastatis passim agris urbem tripertito adgreditur. Angulus muri erat in planiorem patentioremque quam cetera circa uallem uergens; aduersus eum uineas agere instituit per quas aries moenibus admoueri posset. Sed ut locus procul muro satis aequus agendis uineis fuit, ita haudquaquam prospere, postquam ad effectum operis uentum est, coeptis succedebat. Et turris ingens imminebat et murus, ut in suspecto loco, supra ceterae modum altitudinis emunitus erat, et iuuentus delecta ubi plurimum periculi ac timoris ostendebatur ibi ui maiore obsistebant. Ac primo missilibus summouere hostem nec quicquam satis tutum munientibus pati; deinde iam non pro moenibus modo atque turri tela micare, sed ad erumpendum etiam in stationes operaque hostium animus erat; quibus

tumultuariis certaminibus haud ferme plures Saguntini cadebant quam Poeni. Vt uero Hannibal ipse, dum murum incautius subit, aduersum femur tragula grauiter ictus cecidit, tanta circa fuga ac trepidatio fuit ut non multum abesset quin opera ac uineae desererentur. Obsidio deinde per paucos dies magis quam oppugnatio fuit dum uolnus ducis curaretur; per quod tempus ut quies certaminum erat ita ab apparatu operum ac munitionum nihil cessatum. Itaque acrius de integro coortum est bellum pluribusque partibus, uix accipientibus quibusdam opera locis, uineae coeptae agi admouerique aries. Abundabat multitudine hominum Poenus; ad centum enim quinquaginta milia habuisse in armis satis creditur; oppidani ad omnia tuenda atque obeunda multifariam distineri coepti non sufficiebant. Itaque iam feriebantur arietibus muri quassataeque multae partes erant; una continentibus ruinis nudauerat urbem; tres deinceps turres quantumque inter eas muri erat cum fragore ingenti prociderunt. Captum oppidum ea ruina crediderant Poeni, qua, uelut si pariter utrosque murus texisset, ita utrimque in pugnam procursum est. Nihil tumultuariae pugnae simile erat, quales in oppugnationibus urbium per occasionem partis alterius conseri solent, sed iustae acies, uelut patenti campo, inter ruinas muri tectaque urbis modico distantia interuallo constiterant. Hinc spes, hinc desperatio animos inritat, Poeno cepisse iam se urbem si paulum adnitatur credente, Saguntinis pro nudata moenibus patria corpora opponentibus nec ullo pedem referente ne in relictum a se locum hostem immitteret. Itaque quo acrius et confertim magis utrimque pugnabatur, eo plures uolnerabantur nullo inter arma corporaque uano intercidente telo. Phalarica erat Saguntinis missile telum hastili abiegno et cetera tereti praeterquam ad extremum unde ferrum exstabat; id, sicut in pilo, quadratum stuppa circumligabant linebantque pice; ferrum autem tres longum habebat pedes ut cum armis transfigere corpus posset. Sed id maxime, etiamsi haesisset in scuto nec penetrasset in corpus, pauorem faciebat quod, cum medium accensum mitteretur conceptumque ipso motu multo maiorem ignem ferret, arma omitti cogebat nudumque militem ad insequentes ictus praebebat. Cum diu anceps fuisset certamen et Saguntinis quia praeter spem resisterent creuissent animi, Poenus quia non uicisset pro uicto esset, clamorem repente oppidani tollunt hostemque in ruinas muri expellunt, inde impeditum trepidantemque exturbant, postremo fusum fugatumque in castra redigunt. Interim ab Roma legatos uenisse nuntiatum est; quibus obuiam

182 ad mare missi ab Hannibale qui dicerent nec tuto eos adituros inter tot tam effrenatarum gentium arma nec Hannibali in tanto discrimine rerum operae esse legationes audire. Apparebat non admissos protinus Carthaginem ituros. Litteras igitur nuntiosque ad principes factionis Barcinae praemittit ut praepararent suorum animos ne quid pars altera gratificari populo Romano possetItaque, praeterquam quod admissi auditique sunt, ea quoque uana atque inrita legatio fuit. Hanno unus aduersus senatum causam foederis magno silentio propter auctoritatem suam, non cum adsensu audientium egit, per deos foederum arbitros ac testes obtestans ne Romanum cum Saguntino suscitarent bellum; monuisse, praedixisse se ne Hamilcaris progeniem ad exercitum mitterent; non manes, non stirpem eius conquiescere uiri, nec unquam donec sanguinis nominisque Barcini quisquam supersit quietura Romana foedera. "Iuuenem flagrantem cupidine regni uiamque unam ad id cernentem si ex bellis bella serendo succinctus armis legionibusque uiuat, uelut materiam igni praebentes, ad exercitus misistis. Aluistis ergo hoc incendium quo nunc ardetis. Saguntum uestri circumsedent exercitus unde arcentur foedere; mox Carthaginem circumsedebunt Romanae legiones ducibus iisdem dis per quos priore bello rupta foedera sunt ulti. Vtrum hostem an uos an fortunam utriusque populi ignoratis? Legatos ab sociis et pro sociis uenientes bonus imperator uester in castra non admisit; ius gentium sustulit; hi tamen, unde ne hostium quidem legati arcentur, pulsi, ad uos uenerunt. Res ex foedere repetuntur; publica fraus absit: auctorem culpae et reum criminis deposcunt. Quo lenius agunt, segnius incipiunt, eo cum coeperint uereor ne perseuerantius saeuiant. Aegates insulas Erycemque ante oculos proponite, quae terra marique per quattuor et uiginti annos passi sitis. Nec puer hic dux erat sed pater ipse Hamilcar, Mars alter, ut isti uolunt. Sed Tarento, id est Italia, non abstinueramus ex foedere, sicut nunc Sagunto non abstinemus; uicerunt ergo di hominesque et, id de quo uerbis ambigebatur uter populus foedus rupisset, euentus belli uelut aequus iudex, unde ius stabat, ei uictoriam dedit. Carthagini nunc Hannibal uineas turresque admouet: Carthaginis moenia quatit ariete. Sagunti ruinae - falsus utinam uates sim - nostris capitibus incident, susceptumque cum Saguntinis bellum habendum cum Romanis est. dedemus ergo Hannibalem? Dicet aliquis. Scio meam leuem esse in eo auctoritatem propter paternas inimicitias; sed et Hamilcarem eo perisse laetatus sum quod, si ille uiueret, bellum iam haberemus cum Romanis, et hunc iuuenem tamquam furiam facemque huius belli odi ac detestor; nec dedendum solum id piaculum rupti foederis, sed si nemo deposcit, deuehendum in ultimas maris terrarumque oras, ablegandum eo unde nec ad nos nomen famaque eius accedere neque ille sollicitare quietae ciuitatis statum possit, ego ita censeo. Legatos extemplo Romam mittendos qui senatui satisfaciant, alios qui Hannibali nuntient ut exercitum ab Sagunto abducat ipsumque Hannibalem ex foedere Romanis dedant, tertiam legationem ad res Saguntinis reddendas decerno. » « Tandis qu'à Rome on se prépare et l'on délibère, déjà Sagonte était attaquée avec la plus grande vigueur. C'était la plus puissante des cités au-delà de l'Èbre, environ à un mille de la mer: dans l'origine, colonie de l'île de Zante, elle avait reçu le mélange de quelques Rutules de la ville d'Ardée. Bientôt sa prospérité s'était élevée au plus haut point, soit par les richesses que lui prodiguaient à la fois la mer et la terre, soit par l'accroissement de sa population, soit par l'austérité de principes qui lui fit garder jusqu'au dernier moment la foi jurée à ses alliés. Annibal, qui a paru sur son territoire, à la tête d'une armée menaçante, qui a porté la désolation dans les campagnes, vient attaquer la ville de trois côtés à la fois. Un angle de la muraille donnait sur une vallée plus unie et plus découverte que tout le terrain des environs. Ce fut par là qu'il se proposa de conduire les galeries qui devaient le mettre en état de battre la muraille à coups de béliers. Tant qu'on fut loin des murs, le sol aidait au transport des mantelets; mais des difficultés presque insurmontables se présentèrent, lorsqu'on vint à effectuer les attaques. D'abord une tour immense dominait tous les ouvrages; et, comme la faiblesse de cet endroit était suspecte, les murailles présentaient là plus de force et d'élévation qu'ailleurs. Enfin l'élite des guerriers, au poste du péril et de l'honneur, opposait une plus grande résistance. D'abord une grêle de traits, repousse l'ennemi, sans laisser aux travailleurs la moindre sûreté. Bientôt ils ne se bornent plus à lancer leurs javelines du haut des murs et de la tour; ils s'enhardissent jusqu'à fondre sur les ouvrages, sur les postes ennemis; et, dans ces mêlées, il succombait presque autant de Carthaginois que de Sagontins. Hannibal lui-même, qui s'est avancé au pied du mur avec trop peu de précaution, est grièvement blessé à la cuisse d'un trait qui le renverse. Aussitôt parmi les siens, épouvante, confusion; peu s'en fallut que les ouvrages et les galeries ne fussent

abandonnés. Pendant quelques jours, ce fut plutôt un blocus qu'un siège. Les Carthaginois attendaient la guérison d'Hannibal. Alors point de combat; mais la construction des ouvrages et les fortifications continuèrent avec la même activité. Aussi les attaques recommencèrent avec plus de vigueur et sur plusieurs points malgré des obstacles inouïs, on fit avancer les galeries et le bélier. Le Carthaginois avait une armée considérable; elle montait, dit-on, à cent cinquante mille hommes. Les assiégés, pour tout défendre, pour tout surveiller, furent contraints de diviser beaucoup leurs forces: aussi ils allaient succomber; car le bélier battait les murailles, et plusieurs parties étaient ébranlées. Une large brèche laissait d'un côté la ville à découvert; ensuite trois tours et la muraille qui se trouvait dans l'intervalle s'étaient écroulées avec un horrible fracas, et les Carthaginois avaient cru que cet écroulement mettait la ville en leur pouvoir. Les deux partis s'avancent par là au combat, comme si chacun eût été protégé également par un rempart. Ce n'était point ces mêlées irrégulières qui ont lieu dans tous les sièges lors d'une brusque attaque, mais deux armées rangées en bataille comme dans une plaine découverte, entre les décombres du mur et les maisons de la ville placées à peu de distance. D'un côté l'espérance, de l'autre

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le désespoir, irritent les courages. Les Carthaginois se croient maîtres de la ville s'ils font un dernier effort; les Sagontins couvrent de leurs corps une patrie qui n'a plus de remparts. Aucun d'eux ne lâche pied; car l'ennemi s'emparerait du terrain abandonné. Aussi plus la lutte était serrée, opiniâtre, plus elle devenait sanglante: aucun trait ne portait à faux entre les armes et le corps. Les Sagontins avaient une sorte de trait qu'ils nommaient falarique, dont la hampe, de bois de sapin, était cylindrique dans toute sa longueur, à l'exception du côté d'où sortait le fer. Carré comme dans notre pilum, le fer était garni d'étoupe et enduit de poix: il avait trois pieds de long, pour qu'il pût transpercer l'armure et le corps. Mais, lors même que la falarique se serait arrêtée sur le bouclier sans pénétrer jusqu'au corps, elle répandait encore l'effroi, parce qu'on ne la lançait qu'embrasée par le milieu, et que le mouvement seul donnait à la flamme une telle vivacité que le soldat, contraint de jeter ses armes, était exposé sans défense aux nouveaux coups qui pouvaient l'assaillir. Le combat avait été longtemps indécis. Les Sagontins sentaient redoubler leur ardeur, parce qu'ils résistaient contre toute espérance; et les Carthaginois se croyaient vaincus, parce qu'ils n'avaient pu vaincre, lorsque tout à coup les assiégés poussent un cri, et font reculer l'ennemi jusqu'aux ruines du mur. Le désordre, la confusion est dans ses rangs; il s'ébranle ; enfin il fuit, il est en déroute et chassé dans ses lignes. Cependant on annonce l'arrivée de la députation romaine. Hannibal envoie à sa rencontre jusqu'à la mer, afin de lui signifier qu'il n'y a point de sûreté pour elle à s'avancer au milieu d'une foule de nations sauvages qui ont les armes à la main; que, pour lui, dans une conjoncture si critique, il ne peut donner audience à des ambassadeurs. Il était clair qu'après ce refus, ils iraient droit à Carthage: aussi, pour les prévenir, une lettre, un courrier, sont expédiés aux chefs de la faction Barcine, qui, d'avance, doivent disposer les esprits à rejeter toutes les concessions que le parti contraire pourrait faire aux Romains. Cette fois les députés furent admis et entendus, mais encore sans fruit et sans succès. Hannon seul, malgré l'opposition du sénat, parla en faveur du traité: il se fit un grand silence, tant l'orateur imposait à

l'assemblée qui ne partageait point son avis. "Au nom des dieux, arbitres et garants des traités, il les avait avertis, conjurés de ne point envoyer à l'armée le fils d'Hamilcar. Les mânes, le rejeton d'un tel homme, s'indignent du repos; et jamais, tant qu'il restera quelqu'un de la race ou du nom de Barca, l'alliance avec Rome ne sera paisible. Un jeune homme brûlait du désir de régner; une seule voie, à ses yeux, pouvait le conduire au trône, c'était de semer guerres sur guerres, de vivre toujours entouré d'armes et de légions. Eh bien! Vous avez alimenté ce foyer terrible ; Hannibal est à la tête de vos armées. Vous seuls avez donc allumé l'incendie qui vous dévore. Vos soldats ont mis le siège devant Sagonte, d'où les écarte un traité solennel. Bientôt Carthage verra sous ses murs les légions romaines, guidées par les mêmes dieux, qui, dans la guerre précédente, ont vengé les infractions des