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professionnel en cours de constitution

B. Formation, trajectoire et processus de professionnalisation

4. Un groupe professionnel en construction

La « médiation culturelle » constitue un champ professionnel aux contours indéfinis, recouvrant différents types d’activités, sous des désignations multiples et des titres plus ou moins reconnus dans différentes institutions. Si ces activités ont pour point commun de contribuer au développement des pratiques culturelles et artistiques et à la fréquentation des institution culturelles et des œuvres d’art, la multiplicité des termes dans lesquelles elles sont désignées, reconnues, rémunérées, ou présentées est telle qu’il est impossible de décrire l’ensemble de ces activités comme si elles relevaient d’une profession établie ou unifiée. On peut néanmoins désigner l’ensemble des agents qui exercent ces activités comme un « groupe professionnel »339 en cours de constitution. Déterminer la forme de ce groupe, ainsi que la nature et l’intensité des phénomènes agrégatifs qui le composent, impose de confronter les renseignements que nous avons recueillis auprès des médiateurs culturels aux différents paradigmes forgés par les travaux de sociologie des professions.

Selon les travaux de Charles Everett Hughes, les métiers et les professions sont définis par le fait de disposer d’une « licence exclusive d’exercer certaines activités » et d’un « mandat pour définir les comportements que devraient adopter les autres personnes à l’égard de tout ce qui touche à leur travail »340. Si la licence est « conçue comme l’autorisation légale d’exercer un type d’activité », le « mandat » est le produit de la mobilisation des propriétaires de cette licence pour avoir le monopole et le contrôle de cette activité. Selon Hughes, licence et mandat sont le résultat « d’un travail d’élaboration et de définitions des besoins nés des interactions sociales et des

339 Au sens que lui donne Claude Dubar : « Un ensemble flou, segmenté, en constante évolution,

regroupant des personnes exerçant une activité ayant le même nom doté d’une visibilité sociale et d’une légitimité politique suffisantes, sur une période significative. Le terme vient de Durkheim qui, dans la préface de la seconde édition de sa thèse De la division du travail social (1902), appelait de ses vœux la renaissance des groupes professionnels comme instances de régulation de la vie économique et sociale. (...) L’expression est préférable en français, à celle de “ profession ” étant donné l’extrême polysémie de ce terme qui désigne aussi bien n’importe quelle activité rémunératrice (le sens de “vie professionnelle”) que “ branche économique organisée” (cf. le terme syndicat professionnel), que “déclaration d’une croyance” (cf. l’expression “profession de foi”) ou que “groupes de personnes faisant le même métier” (synonyme alors de corporation). C’est ce dernier sens que spécifie l’expression “groupe professionnel” qui suppose l’existence d’un nom de métier reconnu, partagé, ayant une valeur symbolique forte ». DUBAR Claude, « Sociologie des groupes professionnels en France : un bilan prospectif » in MENGER Pierre-Michel, Les Professions et leurs sociologies, Modèles théoriques, catégorisations, évolutions,

Actes du colloque de la société française de sociologie, Maison des sciences de l’homme, Paris, 1999, pp. 51-60, p. 52.

340 HUGHES Charles Everett, Le Regard sociologique : essais choisis, Editions de l’EHESS, Paris, 1996,

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changements sociaux en cours »341. A cet égard la médiation culturelle est loin de

constituer un « métier » : il n’existe pas de titre, de diplôme ou de statut qui soit une condition requise pour exercer des activités de médiation, et le champ professionnel ne voit pas de groupes tenter de définir et de s’approprier un « mandat » de contrôle sur ces activités.

Pourtant, de nombreux signes à l’intérieur du champ de la médiation culturelle indiquent que les agents tendent à s’inscrire dans un processus de professionnalisation : multiplication des filières de formation, organisation de groupes de réflexion pour définir collectivement les normes de l’action342, revendication d’une identité propre aux fonctions de médiation etc. L’inachèvement de ces mouvements amène Vincent Dubois à évoquer la « professionnalisation paradoxale des intermédiaires culturels »343, opérée à partir des années 1980 sous l’impulsion d’une politique nationale de professionnalisation des emplois culturels344.

« Cette professionnalisation [des intermédiaires culturels] revêt (...) des formes particulières, qui ne correspondent que très partiellement aux critères habituellement retenus par la sociologie des professions. Tout d’abord ce processus ne prend pas appui sur les positions les plus instituées de la gestion publique de la culture – bibliothécaires, conservateurs de musées – dont la professionnalisation est plus ancienne, mais donne lieu à la promotion de généralistes prétendant aux critères du professionnalisme. Ensuite il affecte une nébuleuse d’agents spécifiques : des fonctionnaires des administrations nationale et locales, des responsables d’institutions, des intermédiaires “de terrain”. Enfin, s’il se fonde sur le développement de savoirs et savoir-faire spécialisés – en matière d’administration et de gestion, tout particulièrement – ce processus tient tout autant de l’affirmation rhétorique et de l’effet de croyance. L’usage insistant des termes de profession et de professionnalisation par les intéressés eux-mêmes en témoigne : tout autant qu’à des éléments objectifs, le changement qui s’opère tient à la revendication croissante de l’identité de professionnel par des agents occupant souvent des positions mal établies, au regard de leurs homologues de secteurs connexes de l’action publique, tels que l’éducation ou le social, par exemple » 345.

Vincent Dubois décrit ici le phénomène contre lequel bute l’analyse de la « médiation culturelle » comme groupe professionnel. Si les signes de reconnaissance officielle d’une profession établie manquent, les agents tendent à s’inscrire dans un processus de

341 Ibidem, p. 134.

342 Notamment par l’association Médiation Culturelle, issue du milieu muséal, auteur d’une charte de la

médiation culturelle présentée en janvier 2008 à la Villette (cf. annexe).

343 DUBOIS Vincent, La Politique culturelle, op. cit., p. 239.

344 « A cette augmentation budgétaire s’ajoutent des changements dans les orientations données à la

politique culturelle gouvernementale, qui favorisent également l’émergence d’une politique de professionnalisation. Ce changement tient d’abord à l’abandon progressif de la référence à l’animation socioculturelle longtemps dominante dans les programmes culturels du parti socialiste au profit de la valorisation de la “qualité” et de la “création” et de nouvelles figures emblématiques tels que celle de “créateur” ou de “médiateur culturels” », ibidem, p. 244.

161 professionnalisation et à agréger pour ce faire, autour d’une définition générale et floue, des activités et des cadres d’emploi extrêmement variés :

« Si cette professionnalisation tient pour une part de la manipulation ostensible des signes extérieurs de la professionnalité, elle n’en est pas moins réelle dans ses modalités et ses conséquences. En revendiquant pour eux l’identité de professionnel, les agents qui exercent les fonctions hybrides et non codifiées de la “médiation” ou de l’administration culturelle contribuent bien ce faisant à dessiner les contours d’une identité professionnelle, agrégeant un ensemble de positions quand bien même elles demeurent objectivement hétérogènes.

(...) La revendication de la professionnalité, si elle affecte la manière dont les producteurs de politique culturelle pensent leur position, transforme également leurs pratiques : la constitution progressive d’un groupe de pairs conduit à l’édiction de normes qui, si elles sont rarement codifiées, ne doivent pas moins être respectées »346.

En l’absence d’une définition claire des missions de la médiation culturelle, et d’une instance de contrôle du droit d’exercer ces activités, les agents de la médiation culturelle ne peuvent qu’investir imparfaitement la revendication identitaire et la réflexion sur les normes de l’activité. Néanmoins cet investissement incomplet est l’amorce d’un véritable processus de professionnalisation.

En effet les travaux récents de sociologie des professions347 insistent sur le caractère continu et réversible des processus de professionnalisation. Comme le signalent Claude Dubar et Pierre Tripier348, reprenant les travaux d’Andrew Abbott349, il n’existe pas de profession « séparée »350, « unifiée »351, « établie »352 ou « objective »353. Selon Abbott, une profession se constitue lorsqu’elle se fait reconnaître

346 Ibid., p. 240-249.

347 Même si le terme est imparfait, comme l’écrivent Claude Dubar et Pierre Tripier : « Il n’existe aucun

“modèle universel” de ce que doit être une profession, pas de définition “scientifique” de ce qu’est un groupe professionnel. (...) En ce sens, il n’existe pas une sociologie (même anglo-saxonne) des professions, mais des approches sociologiques de groupes professionnels, dans des acceptions très variables », DUBAR Claude, TRIPIER Pierre, Sociologie des professions, Colin, Paris, 1998, p.244.

348 Ibidem.

349 ABBOT Andrew, The system of professions. An essay on the division of Expert Labor, University of

Chicago Press, Chicago, 1988.

350 « Pour comprendre un groupe professionnel quel qu’il soit, le sociologue a toujours intérêt à le

replacer dans le système professionnel auquel il appartient ou dont il est issu », DUBAR Claude, TRIPIER Pierre, Sociologie des professions, op. cit., p.247.

351 « Il n’y a pas de profession “unifiée” mais des segments professionnels plus ou moins identifiables,

plus ou moins organisés, plus ou moins concurrentiels. (...) Chaque fois que les sociologues “vont y voir de près”, ils découvrent “sur le terrain” des segmentations, des différenciations, des processus d’éclatement. C’est aussi vrai des médecins français ou américains… dont les revenus, les carrières, les formes de reconnaissance varient beaucoup selon qu’ils sont généralistes ou spécialistes, hospitaliers ou consultants, libéraux ou salariés », ibidem.

352 « Il n’y a pas de profession “établie” mais des processus de structuration et déstructuration

professionnelles dont les rythmes historiques, les formes culturelles et juridiques, les configurations politiques sont très variables. (...) Il y a autant de mouvement de déprofessionnalisation que l’inverse (mais les rhétoriques professionnelles ne retiennent que cette dernière) », ibid.

353 « Il n’y a pas de profession “objective” mais des relations dynamiques entre des institutions ou

organisations de formation, de gestion, de travail, et des trajectoires, cheminements et biographies individuels au sein desquels se construisent (et se détruisent) des identités professionnelles, tout autant

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le droit, au détriment des autres groupes professionnels, d’intervenir sur un type de problème qu’elle a préalablement défini. Pour comprendre comment un groupe professionnel peut faire reconnaître juridiquement une « compétence », il faut élucider et comprendre l’articulation entre les « trois opérations de base de la pratique professionnelle : la triade diagnostic, inférence, traitement ». L’inférence constitue le cœur de la résolution de problèmes et articule « le savoir formel et l’efficacité pratique, les connaissances abstraites et les procédures concrètes, les classifications légitimes et les actions professionnelles »354 : c’est l’appropriation de ce lieu par différents groupes professionnels qui explique que les compétences et les juridictions puissent être redéfinies dans le temps. Abbott constate en effet qu’il « n’existe aucune stabilité, sur la longue durée, au découpage des champs d’activité de service et donc aux monopoles d’y exercer pour les professions : “les frontières des compétences sont perpétuellement en débat” (1988, p. 2) »355.

Ce détour par les définitions possibles des processus de professionnalisation permet d’éclairer autrement la constitution d’un groupe professionnel au sein de la médiation culturelle : si les médiateurs culturels ne peuvent inférer l’identification d’un problème – le caractère inégalitaire de l’accès aux arts et à la culture par exemple – à un champ de compétences, c’est que l’articulation du « savoir formel et de l’efficacité pratique », qui constitue le lieu de l’inférence, est précisément en cours d’élaboration. Les enquêtes réalisées pour cette recherche montrent que le champ professionnel de la médiation culturelle est traversé d’interrogations sur le nominalisme des activités, le caractère contradictoire et parfois confus des visées affectées à la médiation culturelle, ainsi que sur les gages d’une efficacité pratique. On voit ainsi émerger au sein de chaque discipline, des formes d’organisation qui visent à mutualiser les réflexions et à définir le cadre des pratiques de médiation : l’association Médiation Culturelle, issue du secteur muséal, a proposé à destination de l’ensemble du champ professionnel, une « charte de la médiation culturelle »356 ; dans le secteur du spectacle vivant, j’ai assisté à deux journées de réflexion sur la médiation culturelle réunissant des médiateurs et des “sociales” que “personnelles”. Non seulement les faits professionnels sont des processus, mais ce sont des processus identitaires, des formes typiques de trajectoires individuelles et de “mondes sociaux”, des systèmes de croyances et de pratiques, des habitus (au sens constructiviste de Bourdieu) et des “carrières” (au sens interactionniste de Hughes), des “projets de vie” au sens du modèle collégial/réformé et des moyens de réussir sa vie au sens du modèle smithien », ibid.

354 Ibidem. 355 Ibid., p. 134.

163 chercheurs357 ; le secteur de l’éducation artistique en milieu scolaire fait régulièrement

l’objet de journées de débats et de colloques, qui tentent de formaliser les savoirs théoriques et pratiques acquis sur le terrain par les agents qui en ont la charge358 etc. En revanche, les tentatives de fédération transdisciplinaire paraissent modestes, et infructueuses359. Si l’on se souvient qu’il y a « autant de mouvements de professionnalisation que de déprofessionnalisation », force est de constater que la tendance perceptible dans le champ de la médiation culturelle amorce un véritable processus de professionnalisation, qui s’en tient pour l’instant aux étapes d’identification des « problèmes » et des « compétences »360.

L’analyse de la dimension identitaire du processus de professionnalisation de la médiation culturelle bute sur un double écueil : d’une part le caractère flou, mal défini et souvent déprécié du terme général qui sert pour le moment à désigner ce champ professionnel, terme dans lequel les « médiateurs » peinent à se retrouver ; d’autre part une revendication identitaire forte appuyée sur la mise en avant de vocations, de projets et de pratiques communs ou similaires. Aurélie Peyrin décrit avec précision la difficulté des médiateurs de musées à se reconnaître dans le terme de médiation : plutôt que de dire qu’ils sont « médiateurs », ils préfèrent, la plupart du temps, « décrire ce qu’ils font »361. Dans les entretiens que j’ai menés, les enquêtés ajoutaient systématiquement à

357 Organisées à l’initiative du Centre National de la Danse, en partenariat avec le service de médiation de

la Villette en 2005-2006.

358 Un des signes de cette dynamique réflexive réside par exemple dans l’organisation, à l’initiative du

ministère de l’Education Nationale et le ministère de la Culture et de la Communication (et non pas directement des acteurs cette fois), d’un « symposium européen sur l’évaluation des effets de l’éducation artistique » au Centre Georges Pompidou en janvier 2006. Actes publiés in Evaluer les effets de

l'éducation artistique et culturelle, Symposium européen et international de recherche, Centre Georges Pompidou, La Documentation française, Paris, 2008.

359 Lors de la journée de présentation de la Charte de la Médiation Culturelle par l’association Médiation

Culturelle, certains participants soulignèrent le « caractère muséo-centré » de l’action de l’association et des préoccupations de la Charte.

360 D’ailleurs ce processus qui commence à s’amorcer en France de façon visible est également avancé

dans d’autres pays francophones : ainsi la charte des médiateurs de musées de Genève (cf. annexe) s’inscrit dans une entreprise de conquête d’une reconnaissance officielle du statut de médiateurs (définition claire du « mandat », référence et articulation avec les textes officiels de l’ICOM référençant les professions muséales etc.) ; au Québec, le groupe de recherche « Médiation culturelle » associe chercheurs (de l’Université du Québec à Montréal) et acteurs associatifs (de l’association Culture pour

Tous) autour de questions relatives à la définition et à la description de la médiation culturelle et organise des journées de réflexion et un séminaire « professionnel » de la médiation culturelle. Cf. http://www.culturepourtous.ca/mediation/index.htm

361 « (...) Faute de la distinction établie entre conférenciers (intervenants ponctuels) et médiateurs

(membres du service à part entière), ce groupe incertain ne peut pas être désigné par une dénomination commune. L’analyse des termes employés dans les musées pour désigner les médiateurs, et des formes d’identification évoquées par ceux-ci au cours des entretiens indique l’absence flagrante de consensus sur le nom à donner à ceux qui exercent la fonction, et confirme donc l’absence d’identité sociale et professionnelle des médiateurs de musée », PEYRIN Aurélie, Faire profession de l’amour de l’art, op. cit., p. 244

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l’énoncé de leurs titres des précisions sur la signification des termes, surtout si ceux-ci comprenaient le mot médiateur. D’un autre côté, une fois ces précisions faites, presque toutes les personnes interrogées reconnaissaient mener des « activités de médiation culturelle », quelles que soient les critiques apportées à la formule. Claude Dubar et Pierre Tripier distinguent trois dimensions ou trois enjeux de la constitution en profession :

- « Les professions représentent des formes historiques d’organisation sociale, de catégorisation des activités de travail qui constituent des enjeux politiques, inséparables de la question des rapports entre l’Etat et les individus. (...)

- Les professions sont, enfin, des formes historiques de coalitions d’acteurs qui défendent leurs intérêts en essayant d’assurer et de maintenir une fermeture de leur marché du travail, un monopole pour leurs activités, une clientèle assurée pour leur service, un emploi stable et une rémunération élevée, une reconnaissance de leur expertise (...).

- Les professions sont aussi des formes historiques d’accomplissement de soi, des cadres d’identification subjective et d’expression de valeurs d’ordre éthique ayant des significations culturelles. L’origine religieuse du terme “profession” pose aux sociologues les questions du sens subjectif des activités de travail, de la dynamique des cultures professionnelles et des formes d’individualités qui constituent, depuis Max Weber, des préoccupations centrales de la sociologie »362.

Si les deux premières dimensions – l’organisation sociale et le fonctionnement économique du marché du travail – sont encore peu investies par les mouvements de professionnalisation à l’œuvre dans le champ de la médiation culturelle, la dimension identitaire est clairement engagée dans les évolutions récentes du champ. Claude Dubar et Pierre Tripier proposent une typologie des formes identitaires, élaborées à partir des théories indigènes de la profession363 :

362 DUBAR Claude, TRIPIER Pierre, Sociologie des professions, op. cit., p. 13.

363 A propos des logiques subjectives qui relient le sens accordé au travail, l’anticipation du parcours et

les croyances sur les savoirs utiles, Claude Dubar et Pierre Tripier écrivent : « Ce sont ces logiques qui sont appelées formes identitaires, dans le champ professionnel, et qui constituent aussi des dynamiques professionnelles, c’est-à-dire des parcours typiques d’emploi-formation liés à des croyances subjectives sur le travail. Il s’agit de véritables théories indigènes de la profession, ancrées dans l’expérience du travail, reliées à des formes typiques de socialisation professionnelle », ibidem, p. 237. Claude Dubar et Pierre Tripier précisent eux-mêmes que les appellations qu’ils ont choisies sont « critiquables et peuvent faire l’objet de désignation différentes », mais qu’elles permettent de les rattacher aux différentes significations du terme « profession » dans la langue française, ibid., p. 238.

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Formes

identitaires Définition de la profession Trajectoires subjectives Mondes vécus dans le travail Conceptions du savoir

« Hors travail » Emploi Mobilité

contrainte Instrumental Pratique (sur le tas) « Catégoriel » Métier Blocage Spécialisé Alternance « D’entreprise » Fonction Promotion

interne Responsabilité Gestionnaire « De réseau » Groupe professionnel Mobilité volontaire Autonomie Théorique (diplômes) Accréditant l’hypothèse d’un mouvement effectif de professionnalisation, les enquêtes montrent que les médiateurs culturels relèvent de la forme identitaire dite « catégorielle » - la logique catégorielle mêle « l’attachement au métier, la progression “bloquée” le long de filières spécialisées et la formation alternée, appelée spécialisation/blocage »364. On peut aisément faire l’hypothèse que cette dimension identitaire forte du processus de professionnalisation des médiateurs culturels pourra appuyer, dans l’avenir, des formes d’organisation dotées de la capacité de revendiquer une « compétence juridique », et de faire reconnaitre un savoir susceptible de constituer des marchés fermés du travail365.

364 Ibid., p. 238.

365 Sans que l’on puisse préjuger du temps ou de la forme que prendront cette ou ces organisations (qui

pourraient être sectorielles ou transdisciplinaires), ou de leurs éventuels effets. Selon Claude Dubar et Pierre Tripier, il existe deux voies historiques différentes pour relier savoir et pouvoir pour construire et faire reconnaître une profession : « la première s’appuie principalement sur l’initiative de l’Etat qui crée des “titres scolaires” servant ensuite à réguler l’accès à des statuts sociaux de groupes professionnels en situation de monopole. La seconde repose d’abord sur l’action collective d’élites sociales, faisant reconnaître une discipline, se dotant de dispositifs cognitifs et pratiques et obtenant des pouvoirs publics le monopole d’un marché pour une profession », ibid., p. 136.

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Conclusion partielle : la force d’attraction et de répulsion d’un agrégat flou

A condition de ne pas préjuger de l’issue finale des mouvements de