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APPERCU HISTORIQUE SUR LE GABON PRECOLONIAL

II- Les peuples Bantous : origines et migrations

5- Le groupe du Nord

5- Le groupe du Nord

Le nord du territoire est habité par les Fang dont les parents sont restés au Cameroun (Ewondo, Eton, Bulu, Béti). La migration des Fang au nord date des XVIIe et XVIIIe siècles. Leur arrivée sur le littoral se situe au milieu du XIXe siècle72. Le mouvement

      

71 Chérubin Délicat a étudié la société Lumbu du Gabon des origines jusqu’aux implantations.

72 Georges Roullet, Les « Pahouin, leur origine, leurs mœurs, leurs coutumes », Annales des Voyages, t. III, août 1867, p. 149.

migratoire est constitué par les Bétsi qui se dirigèrent vers l’estuaire du Gabon et le sud-ouest par Mitzic, Médouneu ou par l’Okano, l’Abanga et la Bokwé. Ils atteignirent aussi Ndjolé et Lambaréné. L’autre groupe actif est représenté par les Zamane et les Chiwa qui se déplacèrent entre l’Okano et le Mvung en évitant l’embouchure de l’Ivindo. Ils occupent la rive droite de l’Ogooué, établissant deux solides ponts à Ndjolé et à Booué aux dépens des Kélé et des Kota de ces régions. Les Ntumu restèrent sur le plateau du Woleu-Ntem, tandis que les Mvaî peuplèrent le haut-Ntem73. Hippolyte Obame-Mana apporte quelques éclaircissements à propos de ces migrations :

«Befang be ne Makokou bâ sô Cameroun. Vena befang ba sô Igypte e vôm be nga tupe b’arabe. Eyong be nga siane Cameroun, be Bulu ye be Ewondo be nga tôbê. Be Okak be kélé paňa, be Ntumu ye be Nzamane be nga sili Gabon. A sia ya Gabon binga tabê Minkebé. A kuré ya Minkebé e be ôtertera kira ô sui Nyune ye Nsie.

Binga ke a kale bia ké bia ndzan nku ye e mamevoghe binga woghe na me be Ndjolé. E yeme fê na be mvama ba be nga bêlé nku wô e be ondzuk ya bô. Eyong ne nga woghe na nku e be Ogooué, be nga ke ba dzan wô. Ngura bot be ya ayong nda be nga liri Minkebé ye Mimvoul, be vôghe be nga sili e Nyune ye sia Ivindo e nzé kui Makokou.

A yulu tê, ngura bot be nga siane Mvung, abe be Ess Mboune. Be vor a yi nina b’essansia, b’essindouk de nga sô Oouah. Ebi be nga liri Minkebé be tô na Ntoutoume Mexame be nga tupe b’allemands ye be nzu kua ne bié Makokou »74

Traduction littérale

« Ces Fang que l’on rencontre à Makokou viennent du Cameroun.

Mais en principe, les Fang viennent tous de l’Egypte où ils ont fuit les Arabes. Une fois au Cameroun, les Boule et les Ewondo se fixèrent pour de bon. Les Okak partirent en Guinée-équatoriale alors que les Ntumu et les Ngaman descendirent au Gabon. Une fois au Gabon,

      

73Anges Ratanga-Atoz, 1985, op.cit, p. 8.

nous nous sommes installés à Minkébé. Notre départ à Minkébé s’est fait par lentes migrations à travers les rivières Nyune et Nsie.

Ces migrations étaient la conséquence de notre désir d’entrer en possession du sel et d’autres richesses dont les rumeurs venant de Ndjolé nous parvenaient. A propos, ils convient de signaler que nos parents utilisaient un sel local difficile à travailler. Et dès lors qu’ils ont pris vent de l’existence du sel vers l’Ogooué, ils sont partis à sa recherche.

Une partie de notre groupe est restée dans la région de Minkébé et de Minvoul, une autre (c’est-à-dire nous) est descendue par les rivières Nyune et a atteint l’Ivindo et de là nous nous sommes établis ici à Makokou.

Au cours de cette migration certains sont passés par la rivière Mvung, c’étaient les Essa Mboune. D’autres en l’occurrence les Essansia, les essindouk sont venus par la rivière Ouah. Ceux qui étaient restés à Minkébé à l’instar de Ntoutoume Mexame ont fui les Allemands et nous ont rejoints ici à Makokou »

Un autre informateur nous a donné le récit qui suit dit ceci:

« Be fang bas o ve? Be fang ba so okui. Mvele en gab o be bita, ane be nga siguele ye zu kui adzap ka fez en ane be nga sile nsek Biere sen ewo o’nga ozo be na zen e ne adzap e te. Belore beyo vone ten a odza mboga. Akui be nga zu kui yom ka fe zen, ane benga yen gno e bo o chi a yop e gne benga lot eve.

Alot Fang benga mane lot, Mvele e kulu ovus. A lot Mvele ba sun lot e gne mbo’o atsa gno akong a mbe abele, ane gno d’Adzang o’ehi te be se be be mane wu.

Gniene be nga ki gane yom abim e so be n’sa me ye ewondo be ye Cameroun. Eba be vogue be siguele ane benga kui ntam ye Ayina. Be so be e be bene mwai Minvoul ye a suanke e congo ye nzamane Mekogou. Abin vo enga ligue, enga siguele e fa me yom e be bene ntumu Oyem ye Bitam, Okak a Pagna, Meke be Yok, Betsi e Lambarene ye Ndjelé »75

      

Traduction littérale

« D’où viennent les Fang? Les Fang reviennent d’Okui ou du Nord. Ils quittèrent leur village poursuivis par les conquérants Mvelé. Sur leur chemin, ils trouvèrent un profond ravin et un énorme adzap qui leur firent obstacle. Inquiétés, ils consultèrent le Nsekh-Biere qui leur dit de transpercer l’Adzap. C’est à travers ce trou que le chef Kui et son groupe se frayèrent un passage. Cette étape s’appelle Odzo-Mboga. Ils arrivèrent chemin faisant sur le rivage du fleuve Yom dont la traversée s’effectue sur le dos d’un gros serpent reliant les deux rives.

Derrière eux apparurent les Mvelé à leur poursuite, ceux-ci essayèrent d’emprunter la même voie. Avant qu’ils n’eussent atteint l’autre rive, le gros serpent s’enfonça sous l’eau sous le choc provoqué par un coup de sagaie qu’un guerrier venait de lui administrer. Tous les guerriers périrent noyés.

Après la traversée de Yom une fraction du groupe s’installa sur sa rive gauche. Cette fraction constitue les Bulu et Ewondo du sud Cameroun. Une deuxième fraction se dirigea vers le sud-est, aboutit aux sources de Ntam et d’Ayina. Cette fraction constitue les Mvai de Minvoul de Suanke au Congo et les Nzamane de l’Ogooué Ivindo.Quand à la troisième fraction, elle se dirigea vers le sud-ouest. Elle se compose de Ntumu d’Oyem et Bitam, des Okak de Guinée Equatoriale, des Meke de l’Estuaire et des Bétsi de l’Ogooué ».

Les deux récits évoquent une migration nord-sud. Les informateurs sont donc unanimes pour dire que les Fang viennent de la région du Cameroun et que leur présence dans l’habitat n’est que la conséquence des différents sectionnements du groupe.

Le groupe du nord comprend en outre les Bekwel venus au-delà des sources de l’Ivindo. Ils s’établirent sur le haut-Ivindo jusqu’à Makokou et au nord de Mekambo. Les Chiwa, ou Fang Makina, sont les Ossyéba pour les Européens. Ils sont venus du

nord s’installer dans la région de Booué et sur le Moyen-Ogooué aux dépens des Bougom et des Okandé76.

Photo n° : Carte des migrations Fang du XIXe siècle. (Cadet Xavier, 2005. p. 265.)