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Grands projets d'équipement

Par l'importance de leurs impacts et la diversité des intérêts qu'ils mettent en jeu, les grands projets d'équipements publics et privés sont de ceux qui sem-blent exiger des processus de conduite innovateurs. Ces projets ne sauraient évidemment échapper aux exigences, parfois renforcées, des procédures et des normes légales: procédure spécifique d'affectation avec ou sans plan de quartier, étude d'impact sur l'environnement, étude de risques, etc. De sur-croît, ces procédures doivent être coordonnées sur le plan matériel et juridi-que, dans le but d'éviter les contradictions et de raccourcir autant que possi-ble les délais d'approbation. Le fort impact public de ces projets multiplie les risques d'oppositions et de recours, tandis que leur conception peut évoluer de manière importante jusqu'à la demande définitive d'autorisation de cons-truire. Enfin, les mesures d'accompagnement nécessaires peuvent couvrir des domaines relativement étendus, avec la probabilité de répercussions secon-daires. Toutes ces caractéristiques multiplient les partenaires concernés et obligent le plus souvent à mettre en place des structures spécifiques de con-duite du projet, impliquant simultanément l'administration publique et les entrepreneurs privés. Ils 'y ajoute un besoin essentiel de concertation avec les partenaires de la société civile.

Bien que les enjeux soient plus importants que pour les projets courants, leur mise en balance n'est pas très différente sur le fond. Les promoteurs ont pour intérêt de maximiser la capacité du projet, quelle que soit la manière de la définir, tandis que les pouvoirs publics ont à défendre, d'une manière géné-rale, la qualité du cadre de vie et la viabilité des finances publiques. Dans certains cas, les pouvoirs publics peuvent être intéressés à des contreparties directement liées, telles que l'opportunité de développer les transports pu-blics ou la mise à disposition d'installations.

Dans cette pesée des intérêts, les problèmes liés aux déplacements en-gendrés et à leurs répercussions prennent une importance majeure, de même que l'intégration du projet dans le paysage urbain et le réseau des espaces publics. La détermination du nombre de places de stationnement, voire la génération de trafic admissible, constituent des paramètres-clés pour le dimensionnement et 1' organisation du projet6.

6 La modification déjà citée de la Loi vaudoise sur l'aménagement du territoire et les constructions (art. 47 LATC, introduit en 1998) inclut expressément la génération de trafic comme possibilité de mesure de l'utilisation du sol.

GILLES ÜARDET

Plus encore que dans de petits projets, les instruments réglementaires classiques peuvent s'avérer d'une application difficile, soit que leur portée soit insuffisante, soit au contraire qu'ils imposent une rigidité excessive, peu compatible avec 1' évolution souvent inévitable- et souhaitable- des grands projets. Il y a donc intérêt à envisager le développement de ces projets dans 1' optique contractuelle, en appui tout au moins des procédures habituelles.

Les conditions d'un tel processus sont évidemment plus complexes que pour les projets courants, notamment du fait de la multiplication des parte-naires et des intérêts enjeu, mais comme pour ceux-ci, deux d'entre elles au moins doivent être réunies au niveau des instruments d'aménagement:

Des marges de négociation doivent être ouv~rtes dans le cadre du plan d'affectation ou dans celui des autres conditions légales applicables au projet.

Les pouvoirs publics doivent être au clair sur les objectifs d'aménage-ment généraux et particuliers qu'ils entendent invoquer pour négocier des contreparties ou des mesures d'accompagnement.

Quelques exemples récents, pas forcément aboutis, peuvent être évoqués très sommairement, sachant que chacun d'entre eux pourrait fournir matière à un exposé entier:

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L'implantation d'un complexe cinématographique àBussigny-près-Lau-sanne, dans une zone industrielle non desservie par les transports pu-blics, a pu être réglée en partie par le biais d'une convention entre la commune, le promoteur et le département des infrastructures de 1 'Etat de Vaud. La localisation étant admise dans son principe, la négociation a porté essentiellement sur des contraintes en matière de desserte publique et d'aménagements routiers, donc externes au périmètre du projet lui-même. Le promoteur, qui s'est également engagé à une tarification dé-gressive en fonction de 1' occupation des véhicules privés ou de 1 'usage des transports publics (billet combiné), fournira à la commune une con-tribution financière directe à la mise en place d'une ligne de bus régulière desservant le futur complexe. Cette opération, utile à d'autres secteurs du territoire communal, ouvre la voie à l'intégration de la commune dans le système des transports lausannois (TL). La convention tripartite doit être accompagnée de deux conventions bilatérales réglant certains dé-tails d'application entre le promoteur et la commune, respectivement les

QUELLES CHANCES POUR UN URBANISME CONTRACTUEL?

TL. La décision finale sur le rapport d'impact s'appuie expressément sur cette convention, qui engage les partenaires sur les modalités d'exé-cution des conditions posées.

La réalisation d'un garage public souterrain au centre de Genève (place Neuve) a fait l'objet d'une négociation complexe entre la Ville de Ge-nève, 1 'Etat (département de justice et police et des transports), et les groupements représentant d'une part les milieux économiques et d'autre part les association défendant la protection de l'environnement. L'ac-cord passé portait finalement sur un ensemble de mesures débordant très largement le périmètre strict du projet, qu'il s'agisse du réaménagement des espaces publics ou de la réorganisation des circulations. Cet accord, qui constituait une innovation de première importance pour 1' évolution simultanée de l'aménagement urbain et de la politique des transports, s'est rompu au moment de 1' octroi par la Ville de Genève du droit de superficie nécessaire à la réalisation du garage collectif. L'obstacle final est certainement provenu de la difficulté à assurer 1 'engagement des grou-pements d'intérêts et l'implication de leurs membres au gré d'une négo-ciation de plusieurs années. L'analyse de cette échec devrait permettre de tirer les leçons d'une expérience qu'il ne faut pas considérer comme per-due à toutjamais7.

Plus récemment, la réalisation d'un stade de grande capacité et d'un important centre commercial en bordure de la zone industrielle urbaine de La Praille à Genève, a mobilisé des enjeux comparables. Ceux-ci ont été réglés progressivement au gré de la procédure d'affectation, jusqu'au traitement des recours. Les accords passés finalement, en échange du retrait des plus importants d'entre eux, touchent à nouveau la gestion des circulations et 1' accessibilité. Cette solution conventionnelle, imposée par le recours d'une association, a permis de dépasser les normes légales habituelles en matière de gestion du stationnement. Les contreparties négociées permettront, comme dans le cas de Bussigny, de contribuer au financement d'une meilleure desserte par les transports publics, avec des répercussions qui dépassent largement le périmètre du projet.

Les trois exemples évoqués autorisent à penser que le succès de la voie conventionnelle, en particulier pour des projets complexes, dépend d'une part

7 Lendemains d'échec, Conduite de projets et aménagement d'espaces publics à Genève, sous la direction d'O. Soderstrom, Fondation Braillard Architectes, Genève, mai 2000.

GILLES GARDET

d'une détermination précise des règles de jeu à respecter par les partenaires tout au long de la négociation, et d'autre part d'une politique d'aménagement suffisamment explicite. On revient ainsi au rôle de la planification directrice.