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LE CONTENTIEUX CANTONAL

J. Coordination des procédures LDFR et LAT

II. LE CONTENTIEUX CANTONAL

1. Les exigences de la LAT

a. Une voie de recours cantonale

L'art. 33 al. 2 LAT prescrit aux cantons de prévoir au moins une voie de recours contre les décisions et les plans d'affectation fondés sur ladite loi et sur les dispositions cantonales et fédérales d'exécution. A contrario cette exigence ne vaut pas pour les plans directeurs.

La jurisprudence du Tribunal fédéral a tenté, non sans difficulté, de pré-ciser la notion de décision fondée sur la LAT et ses prescriptions d'exécution.

Sont ainsi considérées comme dispositions d'exécution au sens de l'art. 33 LAT celles qui ont trait principaJement à 1 'aménagement du territoire et ser-vent à assurer une utilisation judicieuse du sol et une occupation rationnelle du territoire. Dans cette optique, remplissent une fonction d'aménagement non seulement les mesures de planification proprement dites, mais aussi tou-tes les prescriptions de construction qui donnent un contenu concret à la ré-glementation des zones. Tel n'est en revanche pas le cas des dispositions cantonales et communales sans rapport direct avec ces questions, comme les règles relatives à l'aménagement de locaux d'habitation et de travail en sous-sol, aux dimensions des équipements, à la notion d'accès insuffisant ou à

1 Voir, entre autres, XI'F 124 II 252, 254ss Einwohnergemeinde Mülheberg; 120 lb 207, 212 Gemeinde Wangen, et les références citées.

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1' esthétique et à la protection du patrimoine2. Cette jurisprudence a été criti-quée au motif qu'elle instituait à propos des autorisations de construire une distinction artificielle et source de difficultés procédurales entre leur compo-sante de pure police des constructions et celle relevant de 1 'aménagement du territoire3. Dans le canton de Genève, la distinction ici en cause n'a qu'une importance pratique limitée, les voies de droit en matière d'autorisation de construire répondant d'une manière générale aux exigences de 1 'art. 33 LAT, la question du libre pouvoir d'examen en matière d'autorisations dérogatoi-res impliquant toutefois un effort d'interprétation conforme du droit gene-vois4.

L'art. 33 al. 2 LAT n'oblige pas les cantons à prévoir un recours à une autorité judiciaire, ni même d'ailleurs un véritable recours à une autorité différente de celle qui a pris la décision attaquée5• Une procédure d'opposi-tion, par laquelle l'autorité cantonale compétente, gouvernement ou parle-ment, statue à la fois sur l'adoption ou l'approbation de l'objet du litige (en général un plan d'affectation) et sur les oppositions élevées par les intéressés à l'encontre du projet mis à l'enquête publique suffit6.

b. La qualité pour recourir

L'art. 33 al. 3 let. a LAT prescrit au droit cantonal de prévoir, pour la voie de recours visée à 1' al. 2, que la qualité pour recourir est reconnue au moins dans les mêmes limites qu'en matière de recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral. Cette exigence va donc plus loin que le principe, admis

2 ATF 125 II 10, 15/16 X.; 121 II 171, 173 D. etH.; 118 lb 26, 30ss X, et les références citées.

3 AEMISEGGER!HAAG, no 30.

4 Infra B, 2, let. b ).

5 Une partie de la doctrine, notamment SCHÜRMANN/HANNI, p. 412 et 422, et parfois la jurisprudence (ATF 109 lb 121, 124 E. Pfister & Co AG) posent l'affirmation générale contraire: il faut une autorité de recours indépendante de l'autorité décisionnaire. La jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux cantons de Genève et de Vaud (cf. note

suivante) contredit pourtant bel et bien ce postulat.

6 ATF 108 lb 479, 482ss Desbaillets; 111 lb 9, 11/12 Konikoff; 112 lb 164, 167ss P.; 114 la 233, 236 Gemeinde Miinnedorf. Le Tribunal fédéral a toutefois jugé insuffisante, du point de vue de l'art. 33 al. 2 LAT, une procédure dans laquelle une autorité communale se prononçait sur des oppositions en tant qu'autorité chargée d'adopter un plan d'affec-tation, ATF 109 lb 121, 123/124 E. Pfister & Co AG. Voir ROUILLER, p. 27; HALLER!

KARLEN, no 950.

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depuis longtemps par la jurisprudence et expressément consacré aujourd'hui par l'art. 98a al. 3 OJ, qui interdit aux cantons d'avoir une qualité pour agir plus étroite que pour le recours de droit administratif lorsque celui-ci est ouvert contre la décision cantonale de dernière instance 7. En effet, elle vaut également pour les décisions cantonales qui ne peuvent être portées devant le Tribunal fédéral que par un éventuel recours de droit public au sens de l'art. 34 al. 3 LAT8.

Cela signifie que la qualité pour agir générale des administrés doit repo-ser sur le critère de l'atteinte directe à un intérêt digne de protection, au sens de l'art. 103let. a OJ, intérêt qui, selon la jurisprudence, peut être de simple fait. Le droit cantonal ne peut donc exiger, comme c'est le cas lorsque la qualité pour agir dépend d'une atteinte à un intérêt juridique, que l'intérêt allégué par le recourant soit protégé par la norme dont la violation est invo-quée. Le recourant doit cependant être touché davantage que la généralité des administrés9.

La doctrines' est demandé si l'art. 33 al. 3 let. a LAT accordait en procé-dure cantonale la qualité pour agir à l'office fédéral du développement terri-torial (OFDT)10, qui est habilité à former, le cas échéant, un recours de droit administratif (art. 48 al. 4 OAT en relation avec l'art. 103 let. b OJ). La réponse est certainement positive dans les cas où la décision cantonale de dernière instance peut faire l'objet d'un recours de droit administratif. La lettre de l'art. 33 al. 3 let. a LAT ne l'exclut nullement dans les autres cas, mais cette solution apparaît assez problématique du point de vue du respect du fédéralisme 11 •

S'agissant des organisations habilitées à recourir au sens de l'art. 103 let. c OJ, soit en pratique les organisations de protection del' environnement visées par les art. 55 LPE et 12 LPN, ainsi que les organisations mentionnées à l'art. 14 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les chemins pour piétons et les

7 SJ 2000 I p. 129, 133 Ligue suisse du patrimoine national; ATF 125 II 10, 13 X.; 108 lb 245, 250 Bircher; Kë>LZIHÂNER, no 848; KLEY-STRULLER, p. 152.

8 AEMISSEGERIHAAG, no 35; critique sur ce point, GADOLA, p. 92/93.

9 Voir, parmi une très abondante jurisprudence, ATF 121 II 171, 174 D. etH.; 121 II 176, 177 Leisinger-Bolleter; pour une étude complète et récente de cette question, HÂNER, nos 519ss.

10 Anciennement Office fédéral de l'aménagement du territoire.

11 AEMISSEGERIHAAG, no 49; SCHÜRMANN/HÂNNI, p. 429.

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chemins de randonnée pédestre (LCPR)12, il ne fait pas de doute qu'elles peuvent faire usage des moyens de droit cantonaux lorsque la voie du recours de droit administratif est ouverte contre la décision cantonale de dernière instance. Ce principe, qui découle déjà de la jurisprudence susmentionnée 13,

est aujourd'hui expressément ancré aux art. 12 al. 3 let. a LPN et 55 al. 3 LPE.

Reste à savoir si ces organisations sont aussi habilitées à recourir, en vertu du droit fédéral, lorsque la décision cantonale de dernière instance est définitive sous réserve du recours de droit public. La réponse est négative, car la qualité pour agir n'est accordée aux organisations, sur le plan canto-nal, que dans les limites où elle leur est conférée par les art. 12 al. 1 LPN et 55 al. 1 LPE14, qui ne visent en fait que des cas où le recours de droit admi-nistratif au Tribunal fédéral est ouvert15

Dans ce contexte, on peut relever que le droit fédéral ne fait pas qu'auto-riser les organisations de protection de 1 'environnement à faire usage des voies de droit cantonales, il les y oblige sous peine d'être privées de leur qualité pour agir sur le plan fédéral, sauf si la décision a été modifiée, sur recours, en faveur d'une autre partie et qu'elle leur porte atteinte (art. 12a al.

3 LPN, art. 55 al. 4 LPE)16Cette obligation s'étend aux éventuelles procé-dures d'opposition cantonales antérieures à la prise de décision (art. 12a al. 2 LPN, art. 55 al. 5 LPE).

12 RS 704.

13 Supra note 7; voir aussi, en ce qui concerne plus particulièrement les organisations de protection de l'environnement, ATF 118 lb 381, 393ss WWF.

!4 Sur ces limites, cf. infra III, B; en ce qui concerne 1 'art. 12 LPN, la qualité pour agir sur le plan cantonal ne vaut, comme sur le plan fédéral, que pour les décisions prises dans l'accomplissement d'une tache de la Confédération, mais il n'est pas nécessaire que le projet incriminé touche effectivement à l'application du droit matériel de la Confédéra-tion, SJ 2000 1 p. 129, 133/134 Ligue Suisse du patrimoine national.

15 Cf. AEMISEGGERIHAAG, no 50; dans le cas mentionné à la note précédente, la cause a été jugée sur le fond par le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 3 LPN, dans le cadre du recours de droit administratif, quand bien même cette application du droit matériel fédéral n'avait pas été considérée comme déterminante pour la qualité pour agir canto-nale de l'association recourante.

16 Cette obligation avait été à l'origine posée par la jurisprudence: ATF 1161b 119, 122/

123 WWF; 116 lb 418, 429ss Associazione svizzera del traffico; cf. KELLER, ad. art.

12a, nos Sss; HANER, nos 346ss.

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c. Le pouvoir d'examen de l'autorité de recours

L'art. 33 al. 3 let. b LAT exige qu'une autorité de recours au moins ait un libre pouvoir d'examen. Par libre pouvoir d'examen, il faut entendre non seulement 1 'examen des faits et du droit, mais aussi celui de 1 'opportunité 17.

L'autorité de recours peut toutefois faire preuve d'une certaine retenue dans 1 'interprétation de notions juridiques indéterminées et dans le contrôle de 1' op-portunité, lorsque l'autorité décisionnaire jouit d'un large pouvoir d'appré-ciation18.

L'exigence d'un pouvoir d'examen s'étendant à 1' opportunité peut poser des problèmes en matière de plans d'affectation, pour l'établissement des-quels une large liberté d'appréciation est par définition présente, lorsque 1' auto-rité qui adopte les plans dispose d'une beaucoup plus grande légitimité démo-cratique que 1 'autorité de recours. Tel sera le cas lorsque le plan d'affectation est adopté, comme à Genève, par le parlement cantonal avec 1 'approbation expresse ou tacite des électeurs, vu l'existence d'une possibilité de référen-dum. Il peut en aller de même, à un degré un peu atténué, lorsque le plan d'affectation émane du gouvernement cantonal ou a reçu l'approbation du corps électoral d'une commune.

Une autre difficulté peut résulter des règles figurant dans nombre de lois cantonales de procédure administrative déniant aux juridictions administrati-ves le droit de contrôler 1 'opportunité des décisions qui leur sont déférées sauf disposition légale contraire19. Lorsque ces juridictions constituent la seule ou la première autorité de recours cantonale, il y a lieu de considérer que l'art. 33 al. 3 let. bLAT est une disposition légale spéciale imposant à la juridiction en cause d'étendre son contrôle à l'opportunité20.

Se pose encore la question de savoir si, à 1 'occasion d'un recours dirigé contre un acte appliquant un plan d'affectation, un contrôle préjudiciel de ce dernier est possible. La jurisprudence du Tribunal fédérall 'exclut en prin-cipe21, sous deux réserves: le contrôle préjudiciel est admis si le recourant 17 ATF 119 la 321, 327 D.; 109 lb 121, 124/125 E. Pfister & Co AG; DFJP/OFAT,

p. 345/346.

18 Idem; ATF 115 la 5, 8 P.

19 HALLERIKARLEN, no 954.

20 ATF 1091b 121, 122ss E. Pfister & Co AG.

21 ATF 120 la 227, 232 M.; 116 la 207, 211 X.

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intéressé n'avait pas pu protéger à temps ses intérêts ou se rendre compte de la portée juridique des restrictions imposées22 ou si les circonstances de fait ou de droit ont changé de manière telle que le propriétaire est en droit de demander un nouvel examen du plan23.

d. La coordination formelle

Il résulte des art. 25a al. 1 et 33 al. 4 LAT que lorsque l'implantation ou la transformation d'une construction ou d'une installation nécessite des déci-sions émanant de plusieurs autorités, les recours contre ces décidéci-sions doivent être portés devant une autorité de recours unique24. Cette règle, introduite dans la LAT par la révision de 1995 entrée en vigueur le 1er janvier 1997, avait déjà été posée auparavant par lajurisprudence25.

2. Les autres exigences du droit fédéral

a. L'art. 98a OJ

Conformément à l'art. 98a al. 1 OJ et à l'art. 1 al. 1 des dispositions finales de la modification de l'OJ du4 octobre 1991, les cantons avaient jusqu'au 15 février 1997 pour instituer des autorités judiciaires statuant en dernière ins-tance cantonale, dans la mesure où leurs décisions peuvent directement faire l'objet d'un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéraF6 . Si, d'une manière générale, cette règle était déjà largement respectée en ce qui concerne les autorisations de construire et les décisions sur expropriation matérielle, il n'en n'était pas de même en matière de plans d'affectation. Or, la jurisprudence du Tribunal fédéral a progressivement ouvert la voie au re-cours de droit administratif contre les plans d'affectation dans une mesure beaucoup plus large que l'art. 34 LAT ne le laissait supposer27,

22 ATF 116 la 207, 211 X.

23 ATF 120 la 227, 232 M.; TANQUEREL (1999) nos 25/26; HALLERIKARLEN, nos 1066ss.

24 AEMISEGGERIHAAG, nos 77ss.

25 ATF 116 lb 50, 57/58 Hoirie X. (affaire de Chrüzlen).

26 Sur cette disposition, KôLziHÂNER, no 848; KLEY-STRULLER, p. 153ss; ROUILLER, p. 28ss; HALLERIKARLEN, nos 957/957a.

27 Infra III, A.

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N'ayant pas respecté la date limite du 15 février 1997, notamment en ce qui concerne les plans d'affectation, le canton de Genève avait adopté un règlement transitoire qui ouvrait le recours au Tribunal administratif «si aucun recours devant une autre autorité judiciaire cantonale n'est prévu», «dans les cas où la décision cantonale de dernière instance peut directement faire 1 'ob-jet d'un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral»28 . Face à la

difficulté de prévoir à l'avance pour quels plans d'affectation le recours de droit administratif était en définitive ouvert, la solution d'une clause de sau-vegarde modulée, au sens du règlement précité, ne pouvait toutefois consti-tuer qu'un pis-aller provisoire. L'exigence de 1' art. 98a OJ conjuguée avec la jurisprudence du Tribunal fédéral sur la recevabilité du recours de droit ad-ministratif en matière de plans d'affectation a donc, en pratique, conduit les cantons qui ne 1 'avaient pas encore fait à généraliser l'institution d'une voie de recours judiciaire contre les plans d'affectation29.

Nous avons déjà évoqué plus haut l'exigence posée par l'art. 98a al. 3 OJ quant à la qualité pour recourir, qui doit être aussi large que pour le recours de droit administratif. Il faut cependant relever que l'art. 98a al. 3 OJ exige également que les motifs de recours soient aussi largement admis que pour le recours de droit administratif. Dans ces conditions, un canton ne pourrait pas limiter le pouvoir d'examen de l'autorité judiciaire cantonale aux griefs déjà soulevés dans une procédure d'opposition préalable, en tout cas en ce qui concerne les moyens juridiques. En effet, la jurisprudence admet que de nouveaux moyens de droit peuvent être invoqués pour la première fois dans un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral, car ce der-nier applique dans ce cas le droit d'office30Il ne serait donc pas compatible avec 1 'art. 98a al. 3 OJ qu'un grief admissible devant le Tribunal fédéral ne puisse pas être pris en considération par l'autorité judiciaire cantonale31 •

28 Art. 1 al. 1 du règlement transitoire d'application de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 3 mars 1997. Il n'était cependant pas certain que ce règlement couvrait également les décisions prises par le Grand Conseil, ce qui ouvrait la voie à une application directe de l'art. 98a OJ, ATF 123 II 231, 234ss WWF. Sur cet arrêt, voir le commentaire de PEREGRINA.

29 Pour le canton de Genève, cf. Mémorial des séances du Grand Conseill997, p. 9425 et 9431/9432.

30 ATF 126 II 26, 29 X., et la jurisprudence citée.

31 Le Tribunal fédéral semble être de cet avis, tout en ayant pu, en l'état, laisser laques-tion ouverte, ATF 126 II 26, 28/29 X.

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b. L'art. 29a Cst. féd.

Le récent art. 29a Cst. féd., non encore en vigueur, qui garantit à toute per-sonne le droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire, s'appli-que au contentieux de l'aménagement du territoire, dès lors s'appli-que cette disposi-tion ne fait aucune distincdisposi-tion quant à la nature de la cause visée ou au domaine dans lequel elle s'inscrit. Cependant, comme 1 'art. 29a Cst. féd. permet à la Confédération et aux cantons d'exclure l'accès au juge dans des cas excep-tionnels et que, justement, les cas où un administré partie à un litige d'aména-gement ne peut s'adresser à un juge sont désormais plus qu'exceptionnels, ce nouveau principe constitutionnel ne devrait pas avoir de portée pratique sur 1 'évolution du contentieux de 1' aménagement du territoire.

3. L'art. 6 CEDH

Le domaine de 1 'aménagement du territoire est 1 'un de ceux, traditionnelle-ment considérés en Suisse comme relevant du droit public, dans lesquels la jurisprudence de la Cour européenne des droits de 1 'homme et, à sa suite, celle du Tribunal fédéral ont étendu la notion de «contestations sur des droits et obligations de caractère civil» figurant à 1' art. 6 al. 1 CEDH32. La consé-quence en a évidemment été d'étendre à ce domaine l'exigence d'accès à un tribunal indépendant et impartial qui constitue le cœur de cette disposition.

Entrent ainsi dans le champ d'application de l'art. 6 al. 1 CEDH les contestations relatives à la possibilité de procéder à une expropriation33, la protection de cette disposition devant être offerte déjà au stade où le principe de l'expropriation est enjeu, qui peut être celui de l'adoption d'un plan d'af-fectation34, L'art. 6 al. 1 CEDH s'applique également en cas de refus d'auto-riser une construction en zone à bâtir35, en cas de modification d'un plan d'affectation dont l'effet est de restreindre le droit de bâtir ou le droit d'ex-ploitation dont sont titulaires les propriétaires des biens-fonds concemés36,

en cas de mesure de protection d'un bâtiment portant atteinte aux droits du propriétaire37 et encore en cas de contestation sur l'existence d'une obliga-32 ROUILLER, p. 22ss; HALLERIKARLEN, nos 959ss.

33 SJ 1997 p. 158, 159 Fiat Auto.

34 ATF 120 la 209, 213ss O.

35 ATF 117 la 522, 528ss G.

36 ATF 119 la 88, 93 La Genevoise.

37 ATF 121 l 30, 34ss Banque Nationale Suisse; 119 la 88, 91ss La Genevoise.

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tion de classer certaines surfaces en zone à bâtir lors de l'établissement d'un plan d' affectation38 .

La palette des litiges relatifs à 1 'aménagement du territoire et au droit de la construction qui sont soumis à l'art. 6 CEDH est donc aujourd'hui particu-lièrement large. Comme un gouvernement cantonal ne saurait être considéré comme un tribunal indépendant et impartiaP9 et que le recours de droit pu-blic, compte tenu des limites qu'il impose à la cognition du Tribunal fédéral, ne peut toujours satisfaire aux exigence de l'art. 6 CEDH40, la nécessité de se conformer à cette disposition a contribué autant que 1 'art. 98a OJ à la généralisation du contrôle judiciaire cantonal en matière d'aménagement du territoire41.

Il faut toutefois relever que le contrôle judiciaire imposé par 1 'art. 6 CEDH ne s'étend pas à l'opportunité42, contrairement au contrôle sur recours (pas nécessairement judiciaire) prévu par l'art. 33 al. 2 et 3 LAT.

B. L'organisation du contentieux cantonal genevois

1. En ce qui concerne les plans

On relèvera en passant que le droit genevois ne prévoit aucune voie de droit contre le plan directeur en tant que tel. Celui-ci ne pouvant en particulier être considéré comme une décision au sens de 1' art. 4 LPA 43, la voie du recours au Tribunal administratif au sens de l'art. 56A al. 2 LOJ44 n'est pas ouverte.

S'agissant des plans d'affectation (plan des zones de construction et plans d'affectation spéciaux)45, il faut remarquer que leur procédure d'adoption

38 ATF 122 I 294, 297ss Hoirie Marcuard.

39 ATF 119 la 321, 330 D.

40 ATF 119 la 321, 330/331 D.

41 Pour Genève, cf. Mémorial des séances du Grand Conseil 1997, p. 9423/9424 et 9431/

9432.

42 ATF 123 1 87, 90 B.

43 Loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (RS/GE E 5 10).

44 Loi sur 1' organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (RS/GE E 2 05).

45 Sur le régime général de ces plans, cf. BELLANGERILEBET, passim; TANQUEREL (1988), p. 230ss.

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comporte une forte composante démocratique46: une première enquête publi-que permettant à chacun, sans aucune restriction, de faire des observations (art. 16 al. 1 et 2 LALAT47, art. 5 al. 1 et 2 LExt48, art. 6 al. 1 et 2 LGZD49 ),

la possibilité de lancer un référendum contre le préavis communal requis lors

la possibilité de lancer un référendum contre le préavis communal requis lors