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Chapitre III : Les différents types syntaxiques des GP régis par à

III.1. La complémentation en à dans une structure simple

III.1.1. SN1 Verbe à SN2

III.1.1.4. GP compléments de verbes connaissant l'emploi dit

« /.../ la plupart des verbes transitifs sont susceptibles d’être employés « absolument », c'est­à­dire sans complément d’objet explicite et avec des effets de sens

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liés à cette absence » (Riegel et al., op. cit. : 220). Ces verbes suffisent alors à indiquer une caractéristique intrinsèque du sujet, spécialement s'ils sont associés à un adverbe de fréquence. Nous les nommons « verbes adjectivables » de par leur parallélisme avec une structure attributive.

A. LES VERBES «ADJECTIVABLES »

Il s'agit de verbes qui sont morphologiquement liés à un adjectif énonçant la qualité en question, par exemple : Elle sourit ≈ Elle sourit toujours ≈ Elle est souriante ≈ Elle est d'un naturel souriant50. Le GP n'apparaît pas indispensable du fait que l'action exprimée par le verbe peut s'interpréter de deux manières : ou bien il s'agit d'une qualité de la personne, dans ce cas le verbe est employé absolument ; ou bien il s'agit de l'actualisation de cette qualité, qui se manifeste en réaction à un événement extérieur : un spectacle attendrissant ou amusant déclenche un sourire chez le spectateur. Dans ce cas, le verbe est employé avec un complément, dont le rôle est de préciser la raison ou la portée de l'action. Le corpus est le suivant :

sourire (à quelqu'un, à quelque chose) ; déplaire (à quelqu'un) ; mentir (à quelqu'un); désobéir / obéir (à quelqu'un, à quelque chose) ; résister (à quelqu'un, à quelque chose) ; nuire (à quelqu'un, à quelque chose) ; importer (à quelqu'un, à quelque chose).

La double interprétation est corrélable à des propriétés linguistiques, d'ordres distributionnel, morphologique et syntaxique.

Sourire

Elle sourit (toujours) / Elle est souriante / Elle est d'un naturel souriant vs

Elle sourit à un enfant (« voir l'enfant déclenche en elle un sentiment qui se manifeste par un sourire ») – la paraphrase adjectivale est impossible avec la préposition à mais elle est possible avec avec (*elle est souriante à un enfant/ elle est souriante avec les enfants).

Elle sourit à cette remarque (« entendre cette remarque déclenche en elle un sentiment qui se manifeste par un sourire ») – la paraphrase adjectivale est impossible (*elle est souriante à cette remarque).

Les périphrases aspectuelles ou temporelles ne sont possibles que dans la deuxième interprétation : elle se met à sourire ou elle va sourire, elle vient de sourire ne renvoient pas à la qualité, de même que certains temps : Elle a souri implique qu'un événement quelconque l'a fait sourire, comme la combinaison avec un causatif : Tu la fais sourire / Cela me fait sourire ou encore le mode impératif : Souris, de temps en temps !

50 L'adjectif convenable existe face au verbe convenir, mais il n'indique pas une caractéristique intrinsèque : on ne dirait pas *Ce discours est d'un naturel convenable, *Cette secrétaire est d'une nature convenable.

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Déplaire

Il déplait (toujours) / il est déplaisant / il est d’un naturel déplaisant vs Pierre déplaît à Marie (cela ne l’empêche pas de plaire à d’autres femmes). La paraphrase adjectivale avec à est également impossible (*Pierre est déplaisant à Marie). Cependant, elle est possible avec la préposition avec (il est déplaisant avec moi mais pas avec les autres).

Mentir

Il ment (toujours) /il est menteur (« tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux » (Musset) vs Il ment à ses parents (à propos de ses notes), donc il n’est pas menteur de nature mais il lui arrive de mentir dans certaines circonstances. Dans ce dernier cas, comme pour sourire ci­dessus, sont possibles des périphrases aspectuelles ou temporelles, ou certains temps et modes exclus dans la première interprétation : Il vient de mentir !

Désobéir

Il désobéit (toujours) / C’est un enfant désobéissant / Il est désobéissant de nature vs il désobéit à la maitresse lorsqu’il est contrarié. La paraphrase verbale n’est pas possible avec à (*il est désobéissant à sa maîtresse), mais elle est acceptable avec avec (il est désobéissant avec sa maîtresse).

Les propriétés notées plus haut pour opposer les deux acceptions de sourire ou mentir valent ici également.

Résister

Il résiste aux problèmes / c’est un homme résistant dans le sens de « fort » vs Il résiste à la tentation, à la proposition (même si, de nature, ce n’est pas quelqu’un de fort). La paraphrase adjectivale est aussi impossible (*il est résistant à la tentation,*il est résistant avec la tentation), comme les autres propriétés inventoriées pour distinguer précédemment les deux acceptions du verbe.

Nuire

Le tabac nuit (à la santé) / il est toujours nuisible vs Cette histoire nuit à sa réputation (mais elle n’est pas nuisible à tout le monde et dans toutes les situations). Dans la première occurrence, la paraphrase adjectivale est possible (le tabac est nuisible à la santé) mais ? cette histoire est nuisible à sa réputation ne nous paraît pas très acceptable.

Dans le premier cas, la spécification de l’objet n’est pas nécessaire parce qu’elle est dictée par le sens de l’énoncé. Donc ce cas se rapproche de celui de convenir en ceci que la définition du sujet, en l'occurrence le tabac, suppose en elle­même le trait « nocif » : naturellement, le tabac nuit à la santé. Etre nuisible est donc une qualité intrinsèque au sujet (le tabac). En revanche, dans le deuxième énoncé, la spécification de l’objet est

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nécessaire pour l’interprétation de l’énoncé puisque le sujet (cette histoire) n’est pas intrinsèquement nuisible. De même, dans http://fr.wiktionary.org/wiki/nuisible :

Les champs d’avoine sont, certaines années, envahis par des plantes nuisibles telles que les chardons, les sanves, les moutardes sauvages, les ravenelles ; […]. — (Bulletin de la Société des lettres, sciences et arts du département de la Lozère, 1903 :24)

Nuisible n’est pas une qualité intrinsèque du sujet plantes caractérisant tout type de plante, donc la spécification des plantes qui sont nuisibles est nécessaire.

importer

La réussite importe (à toute la famille) / La réussite importe toujours/ Elle est toujours importante. Nous avons ici une adéquation entre le sens de la réussite et le sens du verbe importer (c’est le même comportement que pour le verbe convenir dans le discours convient expliqué supra et celui de nuire ci­dessus). La paraphrase adjectivale n’est pas possible avec à mais avec pour (elle est importante pour toute la famille).

Pour répondre à la question de l’interdépendance du verbe et de son complément, nous considérons que le GP introduit par un verbe dont le rôle est d'attribuer au sujet un état temporaire est obligatoire, donc, sa place sur l’échelle est au­dessus du GP introduit par un verbe dont le rôle est d’attribuer au sujet une qualité permanente qui, n’étant pas obligatoire, se situe en­dessous du premier.

L’adjectivation nous permet de dire que les GP sont formellement supprimables. Cette suppression n’est pas sémantique puisqu’elle est sous­jacente au sens de l’adjectif lui­même.

B. LES VERBES NON -ADJECTIVABLES

Dans les énoncés suivants : Je ne céderai pas à ses caprices, il renonce à un héritage, il sert au jardinage, il est possible de supprimer les GP mais non d'associer au verbe un adjectif morphologiquement apparenté – autrement dit, des verbes connaissent l'emploi absolu sans pour autant être en mesure d'exprimer une qualité intrinsèque du sujet au moyen d'un adjectif. Nous empruntons à Riegelet alii (1994 op. cit. :220) les exemples suivants (où c'est un objet direct qui n'est pas spécifié) :

« Ne le dérangez pas, il est en train de lire (peu importe ce qu’il lit) » A trois ans, il sait déjà lire et écrire

Qui cherche trouve

Il aime bien recevoir, mais il ne donne jamais

Dans le premier exemple, « la spécification de l’objet est possible mais n’est pas jugée pertinente pour le propos » (op.cit. : 220). Dans les trois derniers, « l’objet reste

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indéterminé parce qu’il recouvre la gamme entière des objets possibles du verbe » (op.cit. : 220).

Comme avec les verbes précédemment décrits, l’emploi absolu peut correspondre à une action spécifique (Ah tiens, tu as remarqué ? Elle sourit...), mais aussi à un énoncé « générique » qui permet de caractériser le sujet par une propriété intrinsèque. On peut dire ainsi : C'est quelqu'un qui cède (facilement) / ne cède pas, C'est quelqu'un qui renonce (vite) / ne renonce jamais, C'est quelque chose qui sert au jardinage. Dans ces différents cas de figure, l’emploi absolu est possible sans pour autant que le verbe soit adjectivable. Ces propriétés s'observent aussi pour les verbes inventoriés supra : C'est quelqu'un qui sourit (facilement) / ne sourit jamais ; C'est quelque chose qui déplaît (toujours) / qui ne déplaît jamais ; C’est quelqu’un qui lit beaucoup vs qui ne lit jamais ; C’est quelqu’un qui aime bien recevoir, qui n’aime pas recevoir. Réciproquement, les propriétés citées pour les emplois précédents se retrouvent ici : des énoncés tels que : Il a cédé, Elle le fait céder, Renonce ! / Ne renonce pas !, Il va / vient de servir s'interprètent comme des actions passagères et non comme des qualités permanentes.

La conclusion (provisoire) susceptible d'être tirée des observations précédentes est que le GP est supprimable (donc l'emploi absolu est possible) lorsque le verbe est susceptible d'exprimer une qualité générale du sujet (c'est­à­dire une propriété intrinsèque indépendante des causes particulières qui peuvent en déclencher la manifestation, lesquelles sont précisément exprimées par le complément) :

Elle sourit (facilement) décrit une aptitude naturelle (elle est de nature souriante) Cet emploi absolu, aboutit tantôt à des verbes adjectivables (elle est souriante) et tantôt à des verbes non adjectivables (elle aime recevoir). Nous placerons au même niveau de l’échelle les GP dont les verbes suffisent à indiquer une caractéristique intrinsèque du sujet et tolèrent donc l’emploi absolu (tel que ce discours convient).

En revanche, Elle sourit à un enfant décrit le cas, ou l'un des cas, où l'aptitude au sourire se concrétise / est déclenchée (l'énoncé peut aussi enregistrer un simple événement ponctuel, un constat : « au moment où je l'observe, elle est en train de sourire à un enfant »). Ici, le complément doit être exprimé et se place ainsi vers le haut de l’échelle. Il témoigne d'un lien plus fort avec le verbe que les GP employés avec les verbes absolus).En effet, selon nos conventions, moins le GP est supprimable, plus il est placé en haut de l’échelle.

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