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Chapitre IV : Constitution d'un corpus pour tester nos propositions

IV.2. Mise au point du corpus faisant l'objet du test de nos hypothèses et

IV.2.2. Le corpus retenu pour la vérification de l'hypothèse sémantique

Sur le plan du sens, notre hypothèse est que la préposition possède un signifié qui fait qu’elle est choisie par le verbe en l’une des acceptions de ce dernier, selon le principe heuristique que toute forme a un sens et que la langue fonctionne selon la relation forme­ sens. Notre entreprise consiste donc à dégager la relation sémantique qui existe entre le verbe, la préposition et le complément.

Pour vérifier cette hypothèse, nous retenons d’abord les exemples où les GP sont le plus étroitement attachés au verbe, c'est­à­dire les GP non supprimables. Nous traitons ensuite les exemples dont le GP a le statut de complément tout en étant moins attaché au verbe (GP supprimables et pronominalisables, ou non supprimables et pronominalisables). Et enfin le cas de type à sa famille avec enlever / kidnapper un enfant (le GP est supprimable, voire déplaçable, mais d’autres propriétés l’opposent à l’ajout). Ainsi, le classement par opérateur, qui a permis dans un premier temps de gérer la base de données présentant un corpus très exhaustif, sera exploité dans un deuxième temps pour rassembler les verbes susceptibles de constituer une classe sémantique.

embesogner : on embesogne Paul à nettoyer la cour. Rappelons que le corpus classifié par J. Dubois & F. Dubois­Charlier a été rassemblé à partir de divers dictionnaires de langue dont ceux du XIXe s. – lesquels enregistrent des emplois antérieurs aux usages effectifs de l’époque, ce qui explique que les locuteurs actuels du français ne les reconnaissent pas comme constitutifs de leur compétence.

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Deuxième Partie

La recherche dans son aspect sémantique : la

relation entre le verbe et la préposition à

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Chapitre I : L’identité sémantique de la préposition à :

état des lieux

Introduction

L'étude de à figurant dans la complémentation verbale qui nous a amenée, dans la première partie de cette recherche, à distinguer les différents types de constituants introduits par cette préposition en vérifiant l’hypothèse de la scalarité, était basée sur une démarche purement formelle, et n’a pas encore donné lieu à une interprétation aux fins de définir l’identité sémantique de la préposition.

Dans la continuité du principe de naturalité associant indissolublement forme et sens, en effet, nous avançons l’hypothèse que la préposition à, longtemps qualifiée de « vide » (J. Vendryes 1921), « écrasée » (C. de Boer 1926 ou 1954), « faible » (A. Séchehaye 1950), « incolore » (E. Spang­Hanssen 1963), « abstraite » (P. Cadiot 1997) a une identité sémantique. Pour le démontrer, et déterminer quelle est ce signifié, nous nous fonderons sur l’interprétation de la distribution des compléments syntaxiques qui ont fait l’objet de notre première partie, afin de vérifier l'hypothèse selon laquelle la préposition a une identité fondamentale qui fait qu’elle est choisie par le verbe en l’une de ses acceptions afin de véhiculer un certain sens.

Ce principe de naturalité sous­tend de fait le principe heuristique qui constitue le fondement de notre démarche, selon lequel toute forme a un sens et réciproquement : la langue fonctionne selon la relation forme­sens. Ainsi, trouver le signifié d’une unité grammaticale comme la préposition à n’est possible qu’à partir de l’interprétation des formes, c'est­à­dire de l’interprétation des possibilités et impossibilités des contraintes distributionnelles et syntaxiques des formes (Ibrahim 2000 : 82) : « les significations des mots /.../ sont en partie déterminées à partir de leurs combinaisons plutôt qu'à partir de leur stricte identité » (Harris 1988 trad. 2007 : 37). Cette dernière est d'autant plus difficile à saisir qu'un mot ne peut entrer dans de multiples distributions (ce qui est la condition du fonctionnement du système linguistique) qu'en y perdant une partie de sa signification au profit du sens de la structure qui les accueille, tout en gardant, « dans le sillage d'une sorte d'individuation originelle, des significations spécifiques indépendantes des significations matricielles où ils sont appelés à s'insérer » (Ibrahim 1994 : 31). C'est cette « signification spécifique » que nous essayons de saisir par la comparaison de verbes diversifiés mais qui ont en commun de tous construire leur complément avec la préposition à, sur la base méthodologique que :

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I. En tant qu'environnement de la préposition, le verbe qui se construit avec elle nous renseigne sur son identité (par exemple : penser renseigne sur le sens de à dans penser à) ; II. Réciproquement, en tant qu'environnement du verbe, la préposition qui introduit son

complément nous renseigne sur son identité (par exemple à renseigne sur l'identité de penser dans penser à) ;

III. Dans cette optique, on peut admettre à titre d'hypothèse heuristique que le renseignement apporté par à au sens du verbe est toujours le même, quel que soit le verbe (penser à, tenir à, s'attacher à, etc.), sinon, on ne voit pas comment la langue pourrait fonctionner comme système arbitraire (relativement au monde objectif ou mental) si ses unités n'avaient pas un minimum d'identité stable et variaient au gré de chaque environnement.

Cette recherche s'inscrit donc dans le cadre global de la théorie sémantique harrissienne, selon laquelle la langue inclut sa propre métalangue. On ne peut rendre compte du sens des énoncés qu'en les explicitant par une paraphrase « longue » qui rend compte de tout ce qui fait qu'on les comprend et les interprète (et de ce fait fournit les instructions permettant de les comprendre et les interpréter). Les énoncés effectifs sont donc conçus comme le résultat, par effacement (« réduction »), de ces descriptions que A. H. Ibrahim a popularisées sous le terme de « matrices définitoires » (Ibrahim 2000), structures simples de base qui contiennent toute l'information exprimée dans la langue.

Ces représentations ne peuvent constituer une grammaire crédible que si elles respectent des règles qui leur sont communes (ainsi, elles mettent toutes en jeu des termes « supports », « classifieurs »,« appropriés »... tous clairement définis) et si elles se fondent sur le résultat d'un travail préalable aboutissant à une (hypothèse d') identité sémantique relativement fiable pour chacune des composantes de l'énoncé (et non sur la simple intuition) : notre objectif est en l'occurrence de procurer quelques éléments pertinents concernant la préposition à. Il va sans dire que nous n'innovons pas en la matière, c'est pourquoi la section suivante est consacrée à l'évocation de l'apport d'un certain nombre de devanciers qui considèrent que la préposition à possède une valeur intrinsèque et qui, par conséquent, réfutent pour à le statut de préposition vide – section qui précède notre étude de la préposition dans sa relation avec le verbe et le complément à partir du corpus extrait de LVF.

I.1 Le point de vue de la grammaire classique sur