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Chapitre IV : Limites de la recherche précédente et remédiation apportée à

IV.3. Conclusion des tests

Le but de l’emploi des tests empruntés à Boons d'une part, Anscombre et Ducrot de l'autre, était de vérifier l'idée de transfert et de confirmer l’appartenance à la classe des datifs de certains emplois reconnus par LVF en tant que datifs, de par leur structure syntaxique et l’expression sémantique de l’échange entre deux individus humains. Il s’agit des cas les plus incontestables.

147 Le renseignement a été forcément transféré au sujet puisque un renseignement est par définition obtenu par une autre personne, un organisme, etc.

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D’autres exemples, ne répondent pas aux mêmes critères syntaxiques (tels celui de la cliticisation) ou sémantiques (soit que l’échange ne concerne pas un objet mais une notion abstraite, soit que les deux actants donateur et donataire ne correspondent pas à des N humains,… etc.) mais laissent ouverte, intuitivement, leur appartenance au datif de par l’interprétation dative et le sémantisme du verbe qui implique l’idée d’un transfert. Cela nous a conduite à la recherche d’autres tests qui justifieraient notre intuition, tels que celui de Boons et celui d’Anscombre et Ducrot. Ces tests ont permis d’affirmer que :

1. Les datifs supprimables, d'abord retenus sur la base d'une interprétation intuitive, sont confirmés en tant que datifs par le test de transfert.

2. Le test de Boons, que nous considérons comme un test discursif, s’ajoute aux deux tests distributionnel (celui de la substitution) et syntaxique (celui de la cliticisation) pour justifier l’appartenance des exemples au datif sur le plan formel.

3. Le test de Boons répond au mieux à l’interprétation dative en ce sens qu’il est en cohérence avec l’idée du mouvement linéaire propre à la définition de à, ce qui permet de dépasser la détermination classique du datif, fondée sur un classement formel prenant en compte une structure ternaire avec un N1 et un N3 humains ainsi qu'un N2 désignant un objet concret : or le transfert ne s'opère pas forcément entre deux humains, mais il s'avère en revanche toujours lié au passage d’une situation à une autre où l’unité transférée n’apparaît pas toujours d’une manière concrète (en particulier si le GP inclut un N abstrait).

4. Dans le cas de certains GP abstraits, le transfert passe du sujet (N1) au C.O.D (N2) et non de N1 à N3 (On appelle les ouvriers à la grève), ce qui a empêché l’interprétation dative avant l’application de ce test.

5. Parmi les verbes de LVF appartenant à la classe « communication » présentés par Marque­Pucheu, seuls ceux qui ont une structure ternaire peuvent être retenus en tant que datifs. Cependant, le test de Boons appliqué sur des exemples comme sourire à un enfant, téléphoner à quelqu’un s’adaptent au modèle du datif par le sémantisme du verbe puisqu’ils peuvent être paraphrasés en adresser un sourire à quelqu’un et passer un coup de fil à quelqu’un qui montrent qu’il y a transfert d’une entité (le sourire, le coup de fil) : un objet implicite caché dans le sémantisme du verbe. De même, la structure ternaire peut prendre la forme d’un verbe pronominal où l’objet et le patient représentent le même actant (se résoudre à une solution). Qui plus est, dans les exemples de type hurler à quelqu’un de sortir, l’entité transférée n’est pas un objet concret que désignerait N2 mais le contenu d'un message se présentant sous forme de + inf qui a trait à une action.

6. Des verbes de sémantique spatiale, employés au sens figuré, peuvent appartenir au datif malgré leur structure actancielle non ternaire vu le changement de situation : on court

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au désastre suppose que l'on n'est pas au départ dans une position désastreuse mais que l'on va bientôt s'y trouver ; la santé revient à Paul suppose que Paul n'est pas initialement en bonne santé mais qu'il est en train de retrouver sa forme.

7. Avec certains verbes comme donner un rhume à quelqu’un, réciter un texte à quelqu’un, le transfert se fait d’une manière partielle en ce sens que le donateur transfère une entité sans pour autant en être lui­même privé à la fin du processus. En effet, donner un ballon à quelqu’un suppose que le sujet n’est plus finalement en possession du ballon alors que donner un rhume à quelqu’un n'implique pas que le sujet ne soit plus enrhumé après avoir passé son rhume.

8. Avec un énoncé de sens privatif comme résister à une proposition, l’idée du transfert n’est pas très apparente dans la mesure où le verbe n’accepte pas la restitution d’un complément d’objet direct, mais le problème a été résolu par le recours à un verbe support et la paraphrase en « opposer une résistance » qui suppose un transfert – celui d'une proposition, même si le sujet la refuse.

9. Le test d’enchaînement en donc d’Anscombre et Ducrot s’applique à tous les exemples de LVF qui ont été vérifiés par le test de Boons et étaye encore davantage leur appartenance au datif. Son application avec un verbe psychologique comme ce renseignement suffit à Paul, qui a posé plus de problèmes, a montré que le transfert véhiculé par le sujet (renseignement), suppose une étape antérieure où le renseignement a été obtenu.

10. L’enchaînement en donc par une proposition coordonnée à la forme négative confirme le sens privatif du verbe, dont l’agentivité (et celle de son sujet) justifie l’appartenance au datif et l'hypothèse sémantique concernant l’emploi de la préposition à (Melis, op. cit., Ville­Ometz, op. cit., Marque­Pucheu, op. cit.).

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Au terme de cette recherche, l'objectif initialement défini a été atteint, qui consistait à montrer que la préposition à possède une identité sémantique, laquelle s'actualise notamment en harmonie avec celle du verbe lorsqu’elle est employée dans une construction transitive indirecte, c'est­à­dire lorsqu’elle figure dans un groupe prépositionnel (GP) complément, cas où elle est justement le plus souvent soupçonnée d’être une préposition vide ayant un rôle uniquement grammatical et traitée comme un simple mot de liaison. Dans le paradigme des verbes avec lequel elle est employée, Le verbe qui sélectionne la préposition à marque un mouvement d'approche vers un objectif, une visée prospective ou un transfert d'un objet ou d'une entité, d'une situation à une autre et la préposition introduit l’objectif, le point d’aboutissement. Ce résultat a été obtenu en partant du principe heuristique consubstantiel à la théorie de Saussure (op. cit.), selon laquelle chaque unité de la langue possède une identité qui la distingue des autres unités du système linguistique et que le sens, n’étant pas préétabli, se construit à partir de l’interaction des éléments dans un environnement linguistique, en l’occurrence, celui de à. Notre travail a donc porté sur la relation de la préposition avec le verbe qu’elle accompagne et avec le syntagme prépositionnel qui la suit. Par conséquent, il est indéniable pour nous que la fonction sémantique est associée à la fonction syntaxique, ce qui justifie la répartition de notre recherche en une première partie formelle et une deuxième partie sémantique.

I. Apport de la partie formelle

Un premier examen syntaxique, objet de la première partie, s’est imposé pour la distinction entre les différents types de complément introduits par à, au cours duquel nous avons d’abord eu recours aux théories de la grammaire classique, longtemps préoccupée par cette distinction (notamment entre le complément du verbe appelé « complément d'objet indirect » (C.O.I.) et le traditionnel « circonstanciel » ou « circonstant » et désormais « ajout »), mais les frontières restent floues : la définition du complément n’est syntaxiquement pas au point et suppose une étude sémantique des verbes susceptibles de se construire avec un GP. Pour tenter de fournir des critères plus fiables, nous avons eu recours à l’article de B. Lavieu (op.cit.), qui, à la suite de J.­M. Marandin (op. cit.), propose une reconfiguration terminologique et taxinomique distinguant entre « constituants » d'une part, recouvrant « compléments et ajouts », et « incidents » d'autre part. La manipulation des exemples nécessite de faire appel à l’intuition sémantique dans les jugements d’acceptabilité, et aux tests classiques comme celui de la suppression, de la pronominalisation et du déplacement ainsi qu’à d’autres tests comme celui de la paraphrase, de la substitution et de l’adjectivation. L'application de ces critères et le test de

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leur fiabilité sur un corpus élargi a permis d’identifier les différents types syntaxiques des GP en à et d’évaluer leur degré d’attachement au verbe, ce dont nous proposons de rendre compte au moyen d’un classement scalaire, valable sur les différentes structures relevées contenant un GP dans une construction simple d'un côté, et à double complémentation d'un autre côté.