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Comme nous l’avons vu dans notre chapitre dédié à la gouvernance climatique, il n’existe pas une seule échelle d’action appropriée ou une ‘bonne‘ échelle d’action pour répondre à l’urgence climatique, ce qui appelle à considérer l’ensemble des actions menées par une multitude d’acteurs situés à différentes échelles territoriales et leurs articulations. En d’autres termes, tout se joue dans la prise en compte de l’effort de l’ensemble des niveaux d’action, qui appelle à un changement de paradigme dans l'analyse de la régulation du changement climatique et des processus d’institutionnalisation susceptible de prendre en compte ces multiples échelles et modes de gouvernance, afin que ces derniers soient intégrés aux négociations internationales. En outre, le chapitre dédié aux TS et aux STS a permis d'identifier les limites de leur conceptualisation des processus urbains de transition énergétique, de leur caractère multiscalaire et de leurs interactions avec les autres échelles territoriales de gouvernance. Dès lors, la mobilisation de l’outil conceptuel de la gouvernance multi-niveaux (GMN) nous semble un cadre d’analyse particulièrement approprié pour nos études de cas empiriques, afin de traiter les processus urbains de transition énergétique, leur caractère multiscalaire et leurs interactions avec les autres échelons territoriaux.

Le champ de la gouvernance multi-niveaux prend racine dans le contexte européen et ce dernier le façonnera. Sachant que nos études de cas ont été réalisées dans des villes européennes, le choix de la gouvernance multi-niveaux semble plus approprié que la gouvernance polycentrique définie par Elinor Ostrom. En guise d’introduction de ce chapitre, il est utile de rappeler la filiation directe de la gouvernance polycentrique, telle que conceptualisée par Elinor Ostrom, avec la GMN. En effet, les travaux pionniers d’Elinor Ostrom sur le polycentrisme (1961), conceptualisé à partir d’études empiriques réalisées aux Etats-Unis, ont considérablement influencé le débat européen de la GMN. La définition des deux types de GMN de Lisbet Hoogue et Gary Marks s’inspire directement des travaux d’Elinor et de Vincent Ostrom (Toonen, 2010). Ces deux concepts de science politique ont en commun l’intérêt d’expliquer les processus complexes de dispersion de l’autorité centrale des gouvernements, à la fois verticalement – vers des acteurs et des institutions supranationales et infranationales - et horizontalement – vers des acteurs non- gouvernementaux. Ils sont également tous deux particulièrement adaptés pour étudier les dimensions multiscalaires de la gouvernance climatique et énergétiques.

Dans ce chapitre, il s’agira tout d’abord de définir le concept et d’évoquer son contexte d’origine. Puis, nous exposerons comment ce concept cristallise les évolutions des modes de gouvernance en Europe. Certains auteurs ont tenté une clarification du concept, nous en proposons une synthèse. Enfin, nous exposerons les avantages et les limites de la GMN. En guise de perspective, nous discuterons des implications empiriques de la gouvernance multi- niveaux, en tant qu’outil conceptuel particulièrement adapté pour rendre compte de la géographicité des processus urbains de transition énergétique et leurs interactions avec les autres échelons territoriaux.

1. Contexte d’origine et définition du concept de la GMN

1.1 Contexte d’origine du concept de la GMN

Selon James Rosenau, l’intérêt de la gouvernance multi-niveaux, en rapport au changement de position de l’Etat-nation, a pour origine l'insatisfaction contemporaine généralisée concernant la manière de gouverner des États-nations actuels, combinée à une explosion de nouvelles formes de gouvernance et à la prolifération de nouveaux ensembles de règles et de mécanismes de pilotage, pour répondre à la transformation profonde de nos sociétés au cours de la seconde moitié du XXe siècle (Rosenau, 2004). Ces processus reflètent à la fois la baisse du monopole de l'Etat central et une volonté portée par différents acteurs politiques de s’affranchir du contrôle des Etats-nations pour investir d'autres organismes et institutions. Cette évolution appelle ensuite une gouvernance multi-niveaux, qui doit faire face à la dissociation croissante entre certains aspects territoriaux et fonctionnels de l'Etat-nation centralisé, autant au niveau infranational qu’au niveau supranational (Gamble, 2004).

Dans cette perspective, à l’échelle de l’Europe, trois tendances se sont dessinées au cours des cinquante dernières années : de nombreuses vagues successives de décentralisation depuis les années 1960 ; l’apparition et la multiplication de réseaux publics et privés du niveau local au niveau international (Hoogue et Marks, 2004). Cette complexification du contexte et des formes de l’autorité a donné lieu à un corpus littéraire tentant de capturer les processus de gouvernance à l’œuvre. Il en ressort que la dispersion de la gouvernance à travers de multiples juridictions est à la fois plus efficace et normativement supérieure au monopole central (Marks et Hoogue 2000, in Hoogue et Marks, 2004). Ce corpus converge pour affirmer que la gouvernance doit opérer à de multiples échelles afin de traiter les nombreuses externalités que génère la définition territoriale du pouvoir (Rosenau, 2010 in Emelianoff, 2011) Autrement dit, afin d’internaliser les externalités, la gouvernance doit être

multi-niveaux (Hoogue et Marks, 2004). D’autres arguments de chercheurs tendent à valoriser la diversité des juridictions car elles seraient susceptibles de refléter l’hétérogénéité de préférences parmi les citoyens. Ces multiples juridictions facilitent l’innovation et l’expérimentation (Gray, 1973, in Hoogue et Marks, 2004).

Selon Andrew Gamble (in Bache et Flinders, 2004), la gouvernance multi-niveaux est à la fois l’un des sujets les plus anciens et les plus récents dans les études de sciences politiques. En effet, le sujet demeure ancien depuis qu’une réflexion s’est engagée sur la politique et la nature des processus de mondialisation, opposant les conceptions monistes et pluralistes et les processus top-down et bottom-up. Toutefois, elle a la particularité d’être novatrice, en ce sens où elle participe au renouvellement de la manière d’aborder et de penser le politique en général et plus spécifiquement la dispersion de l’autorité, la nature et le rôle des Etats-nations, ainsi que les modes de gestion de l’action publique, en s’affranchissant de l’analyse conventionnelle des procédures gouvernementales qui caractérisait un certain type de science politique. La GMN permet un regard réflexif sur le rôle des Etats-Nations et les modes de gouvernementalité centralisée en élargissant la focale à d’autres échelles et d’autres acteurs. En effet, elle s’intéresse aux processus de décentralisation et de pilotage des sociétés et des systèmes politiques et juridictionnels de plus en plus différenciés et de moins en moins centralisés.

1.2 Définition du concept

La gouvernance multi-niveaux tend à estomper les frontières académiques entre différentes sous-disciplines de la science politique, notamment entre les politiques domestiques – tradition moniste, centrée sur l’Etat et privilégiant l’inter-gouvernementalisme – et les relations internationales – tradition pluraliste, néo-fonctionnaliste qui défend une consolidation des interdépendances, donnant plus de légitimité aux acteurs supranationaux et aux groupes d’intérêt pro-européens (Gamble, 2004 in Bache et Flinders, 2004). En effet, elle tend à hybrider les théories des relations internationales et des politiques domestiques pour mieux caractériser l’Union Européenne – en tant que système politique – et ses interactions multi-niveaux. A travers ce concept, l’on assiste à une nouvelle vague de pensée qui considère l’Union Européenne en tant que système politique distinct (Gamble, 2004 in Bache et Flinders, 2004). Cet outil conceptuel est alors ancré et marqué spatialement par une empreinte européenne forte.

Le terme ‘gouvernance multi-niveaux’ est employé pour la première fois en 1992 par Gary Marks, dans la perspective d’illustrer les développements de la politique structurelle et du principe de partenariat de l’Union Européenne, à la suite de sa réforme majeure en 1988 (Bache et Flinders, 2004 : 3). Voici quelques définitions :

“Un système de négociation continue entre les gouvernements imbriqués à plusieurs niveaux territoriaux“ (Marks, 2004).

“Le concept de gouvernance multi-niveaux tente d’expliquer ‘la dispersion de l’autorité du gouvernement central à la fois verticalement, à des acteurs localisés à d’autres échelles territoriales, et horizontalement, à des acteurs non-étatiques“ (Bache, Flinders, 2004).

“La GMN évoque l’idée d’arrangements de plus en plus complexes pour arriver à des décisions légales dans des réseaux de plus en plus denses d’acteurs publics et privés, individuels et collectifs. En particulier, elle est considérée pour capturer les caractéristiques importantes de la façon dont les décisions contraignantes sont envisagées au sein de l'Union Européenne“ (Piattoni, 2010 : 1).

Pour définir la GMN, Gary Marks mobilise le concept de réseaux de politiques publiques (policy networks), issu du champ des politiques domestiques, pour appuyer l’idée selon laquelle les gouvernements, aux différents niveaux territoriaux – supranationaux, nationaux, régionaux, locaux – sont pris dans les mailles des réseaux de politiques publiques. ‘Multi- niveaux’ se réfère à l’interdépendance croissante des gouvernements opérant à différentes échelles territoriales, alors que la gouvernance signale l’interdépendance croissante entre acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux à des niveaux territoriaux variés (Bache et Flinders, 2004 : 3). Il semble nécessaire ici de clarifier la question des niveaux dans la GMN, qui peut être interprétée soit comme niveau territorial, soit comme niveau juridictionnel. Selon Simona Piattoni (2010 : 30), “les niveaux doivent en priorité être compris comme des gouvernements territoriaux (supranational, national et infranational), plus que comme des juridictions fonctionnelles. Finalement, l’Union Européenne en tant que système politique pousse à une redéfinition des frontières respectives des territoires et des juridictions, aux niveaux supranational et infranational de même que la GMN défie les frontières analytiques entre les sphères d’autorité publiques et privés et entre les théories des relations internationales et des politiques domestiques“. Dès lors, la dimension territoriale revêt une dimension plus substantielle que procédurale et le processus

d’européanisation dans sa globalité vient brouiller les lignes d’anal yse tant sur le plan théorique qu’empirique.

1.3 Deux types de gouvernance multi-niveaux ?

Dans un souci de clarté, Lisbet Hoogue et Gary Marks identifient deux visions contrastées sur les modalités d’organisation de la GMN :

Tableau 1. Type de GMN

Type 1 Type 2

Juridictions d’intérêt général

Appartenance exclusive des membres Juridictions à un nombre limité de niveaux

Architecture de l’ensemble du système

Juridictions d’intérêts spécifiques

Appartenance non exclusive des membres Nombre de niveaux juridictionnels non- imités Design flexible

La GMN de type 1 se fonde sur la théorie du fédéralisme et conçoit la dispersion de l’autorité à un nombre limité de juridictions – international, national, régional, local - qui sont d’intérêt général. Ce système, à l’image de poupées russes, de juridictions imbriquées, est composé d’une seule juridiction pertinente et stable à chaque niveau territorial, évitant ainsi les chevauchements de compétences entre niveaux. La GMN de type 1 est plus appropriée pour étudier la réorganisation de l’autorité dans l’Union Européenne, comme un processus de création d’un système politique, dans lequel l’autorité et les prises de décision sont partagées à de multiples niveaux de gouvernement – infranational, national et supranational. Ce type de GMN met particulièrement l’accent sur la verticalité des relations en contraste avec la GMN de type 2 davantage horizontale.

La GMN de type 2 se fonde sur les théories néo-institutionnalistes de la gouvernance polycentrique (Ostrom et al., 1961) et conçoit la dispersion de l’autorité vers de multiples juridictions, spécialisées, flexibles, n’ayant pas d’échelles d’application spécifiques. Des phénomènes d’enchevêtrement ont lieu, révélant une intersection de plusieurs territoires et échelles. C’est la fonction qui marque l’étendue de l’application plus que le territoire. La flexibilité des juridictions se cristallise dans leur apparition et leur disparition selon les besoins. Dans cette conception, même si ce type de gouvernance n’a pas d’architecture, une approche horizontale s’en dégage, que l’on pourrait qualifier de gouvernance en réseaux, composée d’un large éventail d’acteurs publics et privés qui collaborent et rivalisent dans des coalitions changeantes (Hoogue et Marks, 2004). Peut-on alors considérer ce type de

GMN encore comme ‘multi-niveaux’, renvoyant à des formes plus diffuses de l’exercice de la gouvernance ? (Faludi, 2011).

Finalement, Lisbet Hoogue et Gary Marks considèrent que les deux types de GMN, l’une davantage hiérarchique et verticale et l’autre flexible et horizontale, sont complémentaires (2004 : 29). Ces modèles de gouvernance caractérisent la relation du global au local des modes de gestion de manière différente, l’une plus descendante – des décisions à l’échelle globale sont retranscrites à l’échelle nationale et locale – et l’autre dans une visée en réseau, où des acteurs s’organisent selon un problème qui touche différentes échelles et où les échelles globales et locales se juxtaposent et s’enchevêtrent dans une perspective non- hiérarchique. Cette différenciation entre deux types est toutefois schématique, car elles semblent intriquées dans la réalité.

2. Apports et limites de la GMN

Comme Lisbet Hoogue et Gary Marks (2004 : 29) le soulignent, son principal avantage repose sur sa flexibilité d’échelle. D'autre part, placer la GMN dans le contexte du débat intergouvernemental / supranational dans les études sur l’Union Européenne en permet une bonne compréhension, comme une alternative aux perspectives centrées sur l’Etat (Bache et Flinders, 2004 : 200). En effet, l’apport significatif de la GMN repose sur le fait que les niveaux pertinents du ‘jeu européen’ ne sont pas uniquement le niveau national et supranational, mais intègrent d’autres niveaux auxquels il s’agit d’accorder une certaine importance : le niveau local, le niveau régional et celui des groupes d’intérêts, traitant directement avec les acteurs supranationaux (Marks et al., 1996, in Piattoni, 2010). De plus, la GMN constitue une hypothèse alternative à la hiérarchie des niveaux de gouvernance qui subit une érosion progressive. Même si le rôle des gouvernements centraux demeure important, la GMN contribue à affirmer de nouvelles modalités de gouvernance qui tendent à modérer leur rôle dans le système de gouvernance de l’Union Européenne (George, 2004 : 125).

Toutefois, des limites sont soulignées par de nombreux chercheurs. D’abord, il est souligné que la GMN semble uniquement dévolue à l’étude de l’Union Européenne. Ensuite Andrew Jordan identifie sept critiques clés de la GMN appliquées à l’Europe (George, 2004 : 107) :

- elle fournit une description de l’Union Européenne et n’est pas une théorie ; - elle surestime l’autonomie des acteurs infranationaux ;

- elle adopte une vue top-down des acteurs infranationaux ;

- elle se focalise sur les acteurs infranationaux jusqu’à l’exclusion d’autres acteurs infranationaux ;

- elle confond la preuve d’une mobilisation des acteurs infranationaux à l’échelle européenne avec une preuve d’influence des acteurs infranationaux à l’échelle européenne, ce qui selon l’auteur n’est pas explicite ;

- elle néglige les moteurs internationaux de la politique de l’Union Européenne.

Regard critique de James Rosenau et son concept de ‘Spheres of Authority‘

Les thèses de James Rosenau, plus qu’une critique détaillée, ouvrent des perspectives de réflexion sur les modes de gouvernance actuels et futurs et privilégient le concept de ‘sphères d’autorité’, plus que de gouvernance multiniveaux (Rosenau 1997, in Rosenau 2010). La gouvernance est, pour James Rosenau, un système de règles du jeu politique à la fois formelles et informelles. La manière dont il l’analyse s’inscrit dans une perspective de résolution des problèmes globaux. Ainsi quand il aborde la gouvernance multi-niveaux c’est avec une vision globale des interactions et non plus centrée uniquement sur l’Europe. Pour tenter de capturer les deux principales forces d’unité et de diversité à l’œuvre au sein de nos sociétés, il crée le concept de ‘fragmegration’37. Ce processus de ‘fragmegration’ exprime la nécessité de penser des formes nouvelles et pertinentes de gouvernance. En ce sens, il considère que l’on peut conceptualiser les politiques par un système intégrant d’un côté une approche centrée sur l’Etat et de l’autre un ‘système multicentrique’, contenant un large spectre de collectivités, qui ont émergé comme sources d’autorités rivales des Etats. Celles - ci peuvent soit coopérer, soit rivaliser avec les Etats dans ce 'système multicentrique'. Ainsi, malgré les qualités de la GMN, il préfère toutefois le concept de sphères d’autorité (Spheres Of Authority - SOAs) – celles-ci assurant que les règles sont respectées, avec pour caractéristiques le fait d’être ni hiérarchiques, ni territoriales et, pour partie, non gouvernementales (Rosenau, 1997 in Rosenau, 2010).

Ce type de gouvernance lui semble plus solide que la GMN pour canaliser les tensions de ‘fragmegration’ vers des directions constructives. Cela se justifie du fait que la notion de

37 Contraction des termes de fragmentation et d’intégration, se référant aux forces diverses et

contradictoires qui peuvent être rés umées dans l’opposition entre d’une part globalisation, centralisation et intégration et d’autre part de localisation, décentralisation et fragmentation.

‘multi-niveaux’, selon lui, induit des hiérarchies gouvernementales, en positionnant, de manière explicite, les niveaux comme verticalement structurés en couches d’autorité ; alors que la demande croissante de gouvernance est davantage horizontale, engendrée par des sphères d’autorité plus ou moins dispersées, et pas nécessairement intégrées dans des hiérarchies stratifiées (Rosenau, 2004). Nous considérons que le concept de sphère d’autorité est pour le moins pertinent et engage les prémisses d’une conceptualisation de nouveaux modes de gouvernance, même si, élaboré dans des termes généraux, il n’en demeure pas moins relativement flou. Et dans le cadre de nos travaux, il nous paraît, pour cette raison, difficilement opérationnel.

3. Perspectives empiriques de la GMN

En dépit des limites et des critiques faites à la GMN, elle constitue un outil conceptuel adapté aux analyses empiriques. Tout d’abord, il s’agira d’évoquer les enjeux de GMN dans les processus européens ainsi que ses perspectives opérationnelles (Marks 2004, in Gamble, 2004 ; Calame, 2014). Puis, nous étudierons spécifiquement la portée d’une approche bottom-up de la GMN et les interactions entre les niveaux infranationaux et la société civile, à partir des travaux empiriques de Simona Piattoni (2010). Enfin, nous traiterons de la manière dont le champ de la géographie urbaine s’appuie sur le concept de GMN pour étudier les dimensions multi-niveaux des processus de transition énergétique urbaine et leurs interactions avec les autres échelles d’action.

3.1 Le contexte et les perspectives d’opérationnalisation de la GMN en Europe

Dans une perspective empirique, Gary Marks est d’avis que le rôle croissant des acteurs supranationaux, infranationaux et des groupes d’intérêts influence la manière dont la Commission Européenne prend des décisions ; ce qui viendrait confirmer que les décisions européennes sont multi-niveaux (Gamble, 2004). La gouvernance multi-niveaux, concept hybride, permet ainsi aux chercheurs en sciences sociales de saisir les formes contemporaines d’interdépendance et de coopération au sein des systèmes politiques (Gamble, 2004).

Un autre point soulevé par Pierre Calame (2014), faisant écho au concept de ‘fragmegration’ de James Rosenau, est que l’Union Européenne, en tant qu’entité politique, met en relation

les principes d’unité et de diversité au cœur même de sa définition. Pourtant la gouvernance européenne s’appuie fondamentalement sur des directives uniformes visant à assurer les conditions d’une parfaite concurrence. Mais au-delà de la promulgation de ces règles uniformes, l’Union Européenne promeut la méthode de la ‘coordination ouverte’, principal mode de mise en œuvre de la gouvernance multi-niveaux, souvent caractérisée par les fonctionnaires européens comme une gouvernance de ‘seconde zone’, dite ‘molle’ (Calame, 2014 : 8). Pierre Calame révèle dans ces analyses la difficulté sur le plan pratique à mettre en œuvre ce mode de gouvernance. En effet en 2000, Romano Prodi, alors président de la Commission Européenne, lance le Livre blanc de la gouvernance qui met l’accent sur la gouvernance multi-niveaux. Mais cette initiative fut a priori balayée par la coalition franco- allemande (Calame, 2014). D’un côté, les responsables français y voyaient une menace pour l’architecture centralisée de leur système de gouvernement et les responsables allemands la considéraient sous le prisme des conflits potentiels entre l’Etat fédéral et les Länder. Une nouvelle tentative d’intégrer ce principe s’est matérialisée dans le Livre blanc du Comité des Régions de l’Union Européenne (Calame, 2014). Ainsi, sur le plan d’une mise en œuvre des principes de la GMN, des formes de résistance des Etats membres de l’Union Européenne ont vu le jour.

Les implications fondamentales de la gouvernance multi-niveaux renvoient à la question de