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LA GESTION DES RESSOURCES PAR LES AUTORITES DE CONCURRENCE

§ 1 LES RESSOURCES DES AUTORITES DE CONCURRENCE

B- LA GESTION DES RESSOURCES PAR LES AUTORITES DE CONCURRENCE

d‘affecter et de demander des emplois prévus dans la dotation en personnel globale (planta global) en fonction de la structure, des plans, des programmes, des projets et des besoins du service366. Ceci nous amène à la deuxième étape de notre analyse : l‘examen de l‘autonomie des autorités de concurrence dans l‘administration et la gestion de leurs ressources matérielles et humaines.

B- LA GESTION DES RESSOURCES PAR LES AUTORITES DE CONCURRENCE

Les prérogatives dont disposent les autorités participant à l‘organisation de la régulation de la concurrence en Colombie pour aménager et distribuer, selon les besoins du service, le nombre de postes en fonction de leur dotation en personnel, peuvent constituer une manifestation de l‘autonomie administrative et de gestion des autorités de concurrence. En vertu de cette autonomie d‘administration et de gestion, une des fonctions du Superintendant de l‘industrie et du commerce est celle de « nommer, de licencier et d‘administrer le personnel de la Superintendance en accord avec les normes en vigueur »367. Cette activité est réalisée en coordination avec la division administrative et financière du secrétaire général368 et la Commission du personnel, organe de conseil et de coordination de la SIC 369.

Toutefois, les modifications de dotation en personnel de la SIC sont soumises aux directives législatives et exécutives dans ce domaine. La configuration de la dotation en personnel de l‘autorité de concurrence est une compétence qui appartient

a priori à l‘exécutif. Ce dernier la détermine en fonction du budget, de la structure et

366

Article 6, décret 3524 de 15 septembre 2009.

367

Notre traduction de « nombrar, remover y administrar el personal de la Superintendencia de

acuerdo con las normas vigentes », article 3- 41 du décret 3523 du 15 septembre 2009. 368

Il revient au secrétaire général de la SIC de « conseiller le Superintendant dans la formulation des politiques, règlements et procédures applicables à l‘administration des ressources humaines, physiques, financières et à la gestion des documents de l‘entité », article 15-1 du décret 3523 du 15 septembre 2009.

369

Voir article 18 du décret 3523 du 15 septembre 2009. En vertu de la loi 443 de 1998, certains organes de l‘ordre national, tels que la SIC, doivent compter avec une commission du personnel chargée, entre autres fonctions, de connaître en première instance des réclamations formulées par les fonctionnaires de carrière administrative. Selon la jurisprudence du Conseil d‘Etat colombien, les avis des commissions du personnel sont obligatoires. Conseil d‘Etat colombien, section du contentieux, deuxième chambre, arrêt du 1er juin 2006, n° 76001-23-31-000-2001-04797-01(5977-05).

des fonctions de l‘autorité de concurrence et selon les lignes directrices tracées par le législateur dans ce domaine. Il faut pourtant préciser que la compétence de configuration de la dotation en personnel peut être attribuée par les pouvoirs publics à l‘autorité de concurrence370. Par exemple, lorsqu‘une réforme de la dotation en

personnel de la SIC implique la suppression d‘employés ou de postes, mais n‘entraîne pas une modification de ceux qui sont maintenus, l‘autorité de concurrence n‘a pas à obtenir l‘autorisation préalable du gouvernement371

. Dans cette hypothèse, seule la notification des suppressions des postes à la direction générale du budget du

ministerio de hacienda et au département administratif de la fonction publique est

requise. Dans toutes les autres cas, l‘autonomie administrative et de gestion des ressources humaines de la SIC peut rencontrer des limites.

Lorsqu‘elle souhaite modifier les emplois de sa dotation en personnel, la SIC doit obtenir l‘autorisation préalable de la direction générale du budget du ministerio

de hacienda372 et du département administratif de la fonction publique373. Le respect des droits des fonctionnaires de carrière administrative apparaît aussi comme une forme de restriction à l‘autonomie administrative et de gestion des autorités de concurrence. Selon cette exigence, la suppression de postes et le retrait d‘employés doivent être accompagnés des garanties nécessaires pour que les droits des travailleurs ne soient pas méconnus pendant le processus de réaménagement du personnel de l‘autorité de concurrence, et pour éviter que celui-ci ne constitue « un élément générateur d‘injustice sociale »374

. De même, la jurisprudence du Conseil

370

Cour constitutionnelle, arrêt de constitutionnalité C -209 de 24 avril 1997.

371

Article 33 du décret 2153 de 30 décembre de 1992.

372

En ce qui concerne la disponibilité budgétaire de l‘Etat pour réaliser de telles modifications. La direction générale du budget dispose de 30 jours ouvrables pour décider sur la demande de modification du personnel de la SIC. Au-delà de ces 30 jours, et dans le silence de la direction générale du budget, la demande faite à la SIC est implicitement approuvée. Article 33 du décret 2153 de 30 décembre 1992.

373

Ce dernier vérifie que les modifications d‘emplois envisagées par l‘a utorité de concurrence sont conformes aux dispositions en vigueur, notamment en matière de classement et de nomenclature des emplois publics. Le délai pour le département administratif de la fonction publique (ancien département administratif du service civil) est de 15 jours ouvrables. Passé ce délai, et dans le silence du département administratif de la fonction publique, la demande formulée auprès de la SIC est implicitement approuvée. Article 33 du décret 2153 de 30 décembre de 1992. Les normes relative s à la nomenclature des emplois publics actuellement en vigueur figurent dans le décret 770 de 2005.

374

Cour constitutionnelle, arrêt de constitutionnalité C-209 de 24 avril 1997. Hormis une partie des employés du bureau du Superintendant – y compris ceux des delegaturas de la SIC –, qui peuvent librement être détachés de leurs charges, la plupart des fonctionnaires de la SIC relèvent de la carrière administrative. Le réaménagement de la dotation en personnel d‘une autorité de concurrence peut comporter le détachement des employés de leurs fonctions dans une perspective de rationalisation des

ZARATE-PEREZ Anibal-Rafael| Thèse de doctorat | juin 2011

d‘Etat colombien exige l‘élaboration d‘une étude technique préalable à la restructuration de la dotation en personnel375. Mais, pour le juge administratif, la suppression des emplois peut être justifiée en présence d‘un intérêt général, sans que puissent être opposés les droits afférents à la carrière administrative376. Enfin, les employés inscrits au tableau d‘avancement ne perdent pas leurs droits quand un poste de carrière est transformé en poste de libre nomination et révocation377. A contrario, par conséquent, la stabilité propre à la carrière administrative peut être également perçue comme une garantie d‘indépendance du personnel des autorités de concurrence. Dès lors que la pratique décisionnelle de l‘autorité de concurrence se fonde principalement sur le travail préalable des services techniques – secrétaire général, directeurs de services et Superintendants délégués– et, dans certains cas, sur le personnel dans son ensemble, ces autorités devraient disposer des garanties

ressources humaines. Dans ce cas, l‘autorité de concurrence devra indemniser ces employés pour la terminaison unilatérale du contrat de travail sans juste cause (Cour co nstitutionnelle, arrêt de constitutionnalité C-209 de 24 avril 1997). Mais le réaménagement de la dotation en personnel peut comporter la suppression de certains postes et la création de nouveaux postes. Dans cette hypothèse, le fonctionnaire pourra choisir entre l‘indemnisation ou son reclassement dans un nouveau poste, selon ses qualifications et les caractéristiques (nomenclature, classement technique, etc.) du nouveau poste. Pourtant, en cas de contentieux, il appartient au fonctionnaire de démontrer là où il peut être reclassé : « al no demostrarse en cuál podía ser reubicado por parte del afectado con la supresión no

procede acceder a ella » (Conseil d‘Etat colombien, section du contentieux, deuxième chambre, arrêt

du 9 juin 2005, n° radication 73001-23-31-000-1999-1873-01(1921-02)). L‘option pour une pension de vieillesse anticipée s‘agissant des fonctionnaires proches de l‘âge de la retraite constitue également en droit colombien une alternative pour l‘autorité de concurrence en cas de réaménagement de sa dotation en personnel (v. Cour constitutionnelle, arrêt de constitutionnalité C -644 de 31 mai 2000). Et En outre, conformément à la législation colombienne en la matière, les femmes célibataires chef de famille sont prioritaires pour conserver leur ch arge. Cour constitutionnelle, arrêt de constitutionnalité C-644 de 31 mai 2000.

375

Selon le Conseil d‘Etat, « el estudio técnico constituye un requisito para suprimir un cargo de

carrera administrativa ». Conseil d‘Etat colombien, section du contentieux, d euxième chambre, arrêt

du 26 juin 2008, n° radication 54001-23-31-000-2001-00445-01(7793-05). Voir également l‘article 41, loi 443 de 1998. Ces études techniques doivent comporter un ou plusieurs des aspects mentionnés dans le décret 2504 de 1998, tels que l‘évaluation des services et le profil des employées. Conseil d‘Etat colombien, section du contentieux, deuxième chambre, arrêt du 1er

juin 2006, n° 76001-23-31- 000-2001-04797-01(5977-05).

376

Pour le Conseil d‘Etat, « malgré la stabilité qu‘implique la carrière administrative, il existe des situations qui méritent la suppression de la charge ». Dans cette hypothèse, le fonctionnaire de carrière a toutefois droit à la réparation du préjudice subi par la suppression du poste. Conseil d‘Etat colombien, section du contentieux, deuxième chambre, arrêt du 9 juin 2005, n° 73001 -23-31-000- 1999-1873-01(1921-02). La restructuration de la dotation en personnel peut être justifiée par l‘intérêt général, par les besoins du service ou par des raisons de modernisation. Ce s objectifs devront, dans tous les cas, être fondés sur des études techniques. Article 41, loi 443 de 1998. Disposition réitérée par l‘article 148 du décret 1572 de 1998.

377

Conseil d‘Etat, section du contentieux, deuxième chambre, arrêt du 14 avril 1971. En droit colombien, les postes de libre nomination et révocation, par opposition à ceux de carrière administrative, sont ceux à la libre disposition de l‘organe de nomination qui a tout pouvoir pour

d‘indépendance pour éviter toute influence de la part d‘entités extérieures. En outre, l‘extrême spécialisation des compétences requises conduit à ce que, parfois, les employés soient recrutés à la suite de leur activité au sein d‘entreprises régulées, et notamment dans le secteur privé. Or ce phénomène implique un risque de capture de la part des opérateurs économiques régulés378.

L‘autorité transversale de la concurrence colombienne a la capacité contractuelle pour les biens et services nécessaires à accomplir ses missions379. A titre d‘exemple, il incombe au Superintendant de l‘industrie et du commerce de coordonner et de diriger l‘exécution du budget de l‘entité380

, en coordination avec la direction administrative et financière du secrétaire général de la SIC381. Cette direction est chargée d‘élaborer les minutes des contrats et conventions, les cahiers de charges des contrats, les projets de résolution, de publication, de liquidation des contrats conclus et autres actes administratifs nécessaires en vue de l‘exécution des contrats afférents aux missions de la SIC382.

L‘autonomie administrative et de gestion, renforcée par l‘attribution de la personnalité morale en 2007, peut déterminer la quantité et la qual ité des ressources dont dispose la SIC. En ce sens, seule une gestion efficace des ressources lui permet d‘assurer le personnel et les moyens financiers suffisants pour réaliser ses missions.

nommer, révoquer ou renouveler l‘intéressé dans ses fonctions. Cour constitutionnelle, arrêt de constitutionnalité C-506 du 14 juillet 1999.

378

L‘activité du secrétaire général, du directeur général et des directeurs de services étant journalière, leur position institutionnelle apparaît, dans la pratique, surexp osée au phénomène de capture par les groupes d‘intérêts publics et privés. Pour Hubert DELZANGLES, la révocation des dirigeants des services devrait être assortie de garanties sérieuses, et toute intervention des pouvoirs publics dans leur nomination ou révocation devrait être exclue. Ces éléments pourraient de même participer à la garantie de l‘indépendance dans le processus pré-décisionnel, ce qui aurait des conséquences au sein même du processus décisionnel. Hubert DELZANGLES, op.cit., p. 362.

379

Décret 111 de 15 janvier de 1996. Cette fonction incombe à la direction administrative et financière de la SIC. L‘article 3-4 du décret 3523 de 2009 dispose qu‘il appartient à cette direction : « atender las actividades relacionadas con la adquisición, almacenami ento y suministro de bienes y

servicios que requieran las diferentes dependencias de la entidad ». En l‘absence de personnalité

morale de la SIC, la loi 80 de 1993 (régime général des marchés publics) l‘autorise à contracter au nom de la nation.

380

Décret 3523 du 15 septembre 2009, article 3-38. Pour une description plus détaille de la manière dont la SIC administre ses ressources voir les différents budgets de la SIC, ainsi que ses rapports de gestion, disponibles sur le site institutionnel de la SIC.

381

Au travers de sa direction financière et administrative, la SIC réalisé son plan annuel d‘acquisitions de l‘entité. Article 16-5, décret 3523 du 15 septembre 2009.

382

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L‘insuffisance des ressources peut constituer, à son tour, une contrainte tangible à la capacité des autorités de concurrence de réaliser des enquêtes, par exemple, en matière de concurrence déloyale383. Celles-ci, face au manque de personnel pour mener des enquêtes ou réaliser de vérifications sur le terrain, font souve nt recours aux services de l‘Administration. Cette pratique qui semble fréquente en droit colombien n‘est pas sans exclure tout risque de capture du régulateur par l‘exécutif.

De manière générale, certains auteurs estiment que l‘activité de contrôle de fusions et acquisitions est privilégiée par les autorités de concurrence, notamment en raison des délais stricts dans lesquels elle est enfermée par la loi. Ces auteurs fondent une telle explication du comportement des autorités de concurrence sur un exame n de l‘expérience américaine. Par exemple, selon Darren BUSH, de tels délais semblent en effet permettre à l‘autorité de concurrence de calculer avec davantage de certitude les coûts et le temps à consacrer à une affaire384. Il apparaît également que l‘allocation de ressources est intimement liée à la probabilité de succès du résultat : les ressources seraient alors allouées en fonction du caractère et de la structure du secteur économique concerné, des immunités et exceptions de ce secteur par rapport au dro it applicable, des preuves initiales réunies du comportement anticoncurrentiel présumé des opérateurs économiques concernés, etc. Plus l‘enquête administrative tend vers un résultat positif (positive outcome), plus grande semble être la volonté de l‘autorité de concurrence d‘assigner des ressources à une affaire385

. Enfin, dans une perspective

383

Darren BUSH, « The Incentive and Ability of the FTC to Investigate Real State Markets: An Exercise of Political Economy », in Real State Law Journal, n° 35, été 2006, p. 38.

384

Darren BUSH, ibid., p. 38.

385

Nous pouvons citer par exemple le cas américain. Darren BUSH, ibid., p. 38. Une partie de la doctrine en science administrative et économique a tenté de fournir quelques aperçus sur le processus interne d‘allocation de ressources des autorités de concurrence. William LONG, Richard SCHRAMM et Robert TOLLISON (V. William LONG, Richard SCHRAMM et Robert TOLLISON, « The Economic Determinants of Antitrust Activity », J.L.& Econ., octobre 1973, pp. 351-364.) ont exploré les déterminants économiques de l‘activité de la division antitrust du département de la justice américain. Ils ont employée de l‘information économique collectée auparavant par Richard POSNER pour réaliser des tests empiriques du model de coûts -bénéfices dans l‘allocation des ressources rares dans l‘application des règles de la concurrence (antitrust enforcement). Dans les études de ce type, le modèle conceptuel est généralement celui d‘une approche des coûts-bénéfices pour choisir entre les différentes activités possibles. La division antitrust est attendue, suivant cette approche, d‘allouer davantage de ressources à ces activités où le bénéfice excède les coûts d‘une application efficace des règles de la concurrence. Les bénéfices sont divisés en deux catégories : premièrement, les bénéfices d‘efficience économique (efficiency benefits), lesquels sont mesurés avec la méthode traditionnelle du triangle « dead-weight-loss » qui résulte d‘une concurrence imparfaite et (2) les bénéfices d‘une redistribution des revenus, mesuré par les excédents des profits. Pour ces auteurs, la pondération adéquate de l‘efficience et de la redistribution des revenus dépende de fonctions abstraites de bienêtre social (social welfare). Si bien que la pondération adéquate de ces deux objectifs devra être

d‘efficacité, les autorités de concurrence semblent davantage enclines à allouer des ressources pour la poursuite d‘entreprises ayant un impact significatif sur les marchés, et sur la société en général386.

L‘autonomie administrative et de gestion paraît ainsi permettre aux autorités participant à l‘organisation de la régulation de la concurrence en Colombie de détenir un pouvoir discrétionnaire plus important en vue de déterminer la forme de régulation à choisir387. Il s‘ensuit que les décisions de divisions chargées du management des autorités de concurrence apparaissent étroitement liées à celles des divisions chargées de l‘application des règles de concurrence et de leur mise en œuvre. Comme dans tout système, l‘activité d‘organisation de la régulation de la concurrence exige un travail coordonné entre les différents organes composant la structure de l‘autorité administrative. Une présentation complète de l‘architecture des autorités de concurrence, sous l‘angle de la notion d‘indépendance, implique par conséquent l‘examen des différentes structures qui la composent.

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