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LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE L’EXTERNALISATION DES AUTORITES DE CONCURRENCE

§ 2 L’EXTERNALISATION DES AUTORITES DE CONCURRENCE

A- LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE L’EXTERNALISATION DES AUTORITES DE CONCURRENCE

En l‘absence d‘externalisation de la régulation de la concurrence en droit

colombien247, une démarche comparative doit nous permettre d‘identifier les éléments

juridique, Association Henri Capitant, Quadrige, PUF, 8e éd. 2007, cité par Hubert DELZANGLES,

ibid., p. 37.

246 Il faut remonter au premier exemple connu d‘autorité de régulation « externalisée ». L‘Interstate Commerce Commission (ICC) américaine, qui a été placée à l‘origine sous l‘autorité du secrétaire de

l‘intérieur lors de sa création en 1887, lequel devait approuver ses nominations, le régime salarial et ses dépenses, a deux ans plus tard été « externalisée » par le biais de la suppression du pouvoir de tutelle du secrétaire de l‘intérieur sur les salaires de ses fonctionnaires et ses dépenses ; voir sur les origines de l‘ICC, Ari HOOGENBOOM et Olive HOOGENBOOM, A History of the ICC: From Panacea to Palliative, New York : Norton, W. W. & Company, 1976, p. 32-38 ; James LANDIS, The Administrative Process, New Haven: Yale University Press, 1938; Gabriel KOLKO, Railroads and Regulation : 1877-1916, Princeton : Princeton University Press, 1965 ; Stephen SKOWRENEK, Building a New American State: The Expansion

of National Administrative Capacities: 1877-1920, Cambridge : Cambridge University Press, 1982.

247 Conformément à la définition ici retenue de l‘externalisation, seuls les organes « autónomos » de

ZARATE-PEREZ Anibal-Rafael| Thèse de doctorat | juin 2011

justifiant l‘attribution de cette fonction à des autorités « indépendantes ». A travers l‘examen des motivations ayant présidé à l‘externalisation de la régulation de la concurrence en France et aux États-Unis, il est possible de développer des arguments en vue de justifier une éventuelle indépendance statutaire des autorités administratives de concurrence en Colombie.

Malgré l‘objectif commun de confier l‘organisation de la régulation de la

concurrence à un organe « indépendant » du pouvoir exécutif, les modèles248 français

et américain d‘autorité de concurrence indépendante présentent des différences quant à leurs origines et leurs fondements, différences qu‘il nous revient d‘identifier.

Comme dans la plupart de pays de l‘Europe communautaire249, l‘indépendance

de l‘organe auquel on confie la régulation de la concurrence est souvent considérée en

droit colombien. Nous nous concentrerons sur une présentation générale des raisons qui ont permis l‘externalisation de certaines compétences des acteurs intervenant dans le domaine économique : la Banque centrale et la Commission nationale de télévision. Comme en droit espagnol, la neutralité, l‘objectivité, l‘impartialité et la soustraction à la pression politique – que l‘on peut garantir moyennant le recours à des autorités ou organismes indépendants des pouvoirs classiques de l‘Etat, que ce soit l‘Exécutif ou le Congrès, pour le développement des fonctions de régulation – font partie des raisons justifiant l‘établissement de ce genre d‘autorités. V. not., l‘arrêt de constitutionnalité C- 827 de 8 août 2001, l‘arrêt de constitutionnalité C-208 du 1er mars 2000 - à propos de la Banco de la

Républica - et l‘arrêt de constitutionnalité C-532 de 12 juillet 2006 en ce qui concerne l‘indépendance

de la CNTV. Dans ce dernier arrêt le juge constitutionnel précise par exemple que : « la Constitution a voulu qu‘elle [la CNTV] agisse en toute indépendance et impartialité dans la direction et exécution de la politique de télévision et dans l‘intervention du spectre électromagnétique destiné à ces finalités ». Le débat sur les raisons justifiant la consécration d‘autorités administratives « indépendantes », notamment de la Banque centrale, a été relativement développé par la doctrine (V. par exemple Roberto JUNGUITO BONNET, « La independencia de la Banca central en America Latina », Borradores Semanales de Economía, Banco de de la República, 1994, n°2 ; Hernando VARGAS, « Sobre las consecuencias de las a la independencia del Banco central », Borradores

Semanales de Economía, Banco de de la República, 1994, n°18 ; Adolfo MEISEL, « Autonomía de la

Banca central e inflación, la experiencia colombiana, 1923 -1995 », Borradores Semanales de

Economía, Banco de de la República, 1996 n°49; Alberto ALESINA, Alberto CARRASQUILLA et

Roberto STEINER, « The Central Bank in Colombia », Working Paper Series – Fedesarrollo, document de travail 003568, 2000).

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Par « modèle », il faut entendre une institution qui a d‘abord fait preuve d‘une continuité suffisante pour éviter d‘être qualifiée de simple exemple, et qui a ensuite su résister aux critiques et aux remises en causes pour bénéficier d‘un « consensus » général. Franck MODERNE, « Etude comparée, les modèles étrangers », in Gérard TIMSIT, Claude -Albert COLLIARD (dir.), Les

autorités administratives indépendantes, les voies du droit, PUF, 1988, p. 186. 249

« En Europe continentale l‘impartialité est le facteur qui justifie, d‘une part, que le droit communautaire interdise le cumul des fonctions d‘opérateur et de régulateur entre les mêmes m ains et, d‘autre part, la création de la figure juridique de l‘autorité administrative indépendante ». Hubert DELZANGLES, op. cit., p. 120.

France comme un moyen pour garantir l‘impartialité250

de la fonction de régulation. Il serait nécessaire de prévoir l‘intervention d‘un tiers indépendant251

non seulement des opérateurs économiques, mais aussi de l‘Etat252. L‘externalisation réalisée au profit

des autorités « indépendantes » chargées de veiller en aval au respect des règles de concurrence – règles qui, tout au plus, pourraient être imposées en amont par l‘Etat –,

250

En Europe continentale, le principe d‘impartialité a été imposé par le droit communautaire lors des processus de libéralisation des certains secteurs économiques – tels que celui de l‘électricité, du gaz naturel, ou des télécommunications –, entrepris dans les différents Etats membres. Le principe communautaire d‘impartialité, dégagé par la jurisprudence de la CJCE, condamne les effets anticoncurrentiels dérivés du cumul des fonctions de régulation et d‘exploitation sur un même marché (voir par exemple, C.J.C.E., arrêt du 20 mars 1985, République Italienne c. Commission, aff. 41/83, concl. M. DARMON, du 16 janvier 1985, Rec. 1985 p. 873 ; C.J.C.E, arrêt du 19 mars 1991,

République française c. Commission, aff. C-202/88, AJDA, 1991, p.538, note Pierre LEMIRE ;

C.J.C.E, arrêt du 17 novembre 1992, Espagne c. Commission, aff. C-271/90, C.J.C.E, arrêt du 27 octobre 1993, Decoster, aff. C-69/91). Ce cumul des fonctions de régulateur et d‘opérateur est susceptible, selon la jurisprudence de la Cour, de rompre l‘égalité de chances entre concurrents (voir par exemple, C.J.C.E, arrêt du 19 mars 1991, République française c. Commission, précité, pt. 51). Dès lors, toute entreprise qui est à la fois opérateur et qui régule un marché se trouverait dans une situation de conflit d‘intérêts. Ce qui conduirait à un abus quasi-automatique de position dominante (voir C.J.C.E., 13 décembre 1991, RTT c/ GB INNO BM SA, aff. C-18/88, Concl. M. DARMON, 15 mars 1989, Rec., p. I-5941, pt. 20. La Cour énonce aussi le principe d‘impartialité dans l‘exposé des faits de la même affaire, pt. 12). De même, la directive du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communication électronique précise que « les Etats membres qui conservent la propriété ou le contrôle d‘entreprises qui assurent la fourniture de services […] veillent à la séparation totale et effective de la fonction de réglementation, d‘une part, et des activités inhérentes à la propriété ou à la direction des entreprises, d‘autre part ». Directive 2002/21/CE, J.O. L 108 du 24 avril.2002, pp. 33-50. Pour une présentation exhaustive de l‘impact de l‘Europe sur l‘organisation administrative française, v. Jean -Louis AUTIN et Catherine RIBOT, Droit administratif général. 5e éd., Paris : Litec , LexisNexis, 2007.

251

Il est important de souligner la façon dont certains auteu rs assimilent l‘exigence communautaire d‘impartialité à la soumission exclusive des décisions des autorités de concurrence aux critères techniques et d‘expertise requis par la fonction de régulation, selon la pensée économique aujourd‘hui dominante. (V. par exemple, Elisenda MALARET, « La Comisión nacional del mercado de valores »,

Revista española de derecho administrativo, Civitas, 1992, n° 76, p. 573). Dès lors, le

professionnalisme – ou l‘expertise – des membres des autorités de concurrence « indépendantes » constitue également une des raisons souvent évoquées pour justifier l‘idée de l‘externalisation de la fonction de régulation en concurrence vers une autorité « indépendante ». Toutefois, tel que nous l‘avons signalé lors de l‘examen de la spécialisation organique des autorités de concurrence, l‘idée d‘une légitimité par les « outputs » plutôt que par les « inputs » ne suffit pas à expliquer l‘indépendance des autorités de concurrence.

252

Comme le souligne Martine LOMBARD, cette approche part d‘une ass imilation des libertés économiques aux autres libertés. L‘Etat constituerait alors une menace pour ces libertés, de telle sorte qu‘il n‘aurait non seulement plus de légitimité comme opérateur économique, mais il serait également suspect comme arbitre du jeu économique. Martine LOMBARD, « Introduction générale », in

Régulation économique et démocratie, op. cit., p. 4 (v. sur le sujet des autorités de régulation et les

libertés économiques, Guillaume DRAGO et Martine LOMBARD, Les libertés économiques. Paris : Éd. Panthéon-Assas, 2003). De même, « la première justification, à savoir offrir à l‘opinion une garantie renforcée d‘impartialité des interventions de l‘Etat, est probablement la raison la plus importante et en tout cas le motif transversal de la créatio n de l‘essentiel des autorités administratives indépendantes. Elle est née d‘une méfiance à l‘égard du pouvoir politique et du pouvoir administratif », in Conseil d‘Etat, Rapport public 2001, « Les autorités administratives indépendantes », op. cit., p. 275 et 381.

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constituerait, en ce sens, une garantie d‘impartialité de l‘action de l‘Etat dans l‘économie253

.

Avant que ne soient entamés les processus d‘externalisation de la régulation réalisés dans les différents Etats membres254, ces derniers étaient, et restent pour la plupart d‘entre eux, impliquées dans la direction et/ou le capital des opérateurs historiques. Il s‘agit alors de savoir à partir de quel degré d‘intervention l‘Etat n‘est plus dans une situation de cumul de fonctions d‘opérateur et d‘arbitre sur le secteur économique régulé. Il n‘existe pas, à notre connaissance, une réponse claire à cette question. Toutefois, certains auteurs ont proposé une approche pratique afin de déterminer si l‘Etat se trouve ou non dans une situation d‘impartialité. Il faut par exemple regarder si l‘Etat dispose d‘une partie du capital de l‘entreprise agissant sur le marché concerné, des sièges dans son conseil d‘administration, ou bien de la possibilité de nommer ses dirigeants ou d‘influencer sa politique commerciale255. S‘il

se dégage que dans la pratique l‘Etat n‘est plus en situation de conflit d‘intérêts – et s‘il n‘est plus tenu par les textes nationaux et communautaires de confier l‘organisation de la régulation de la concurrence à des organes indépendants pour satisfaire les nécessités d‘impartialité –, il pourra confier l‘organisation de la régulation de la concurrence à une autorité appartenant au gouvernement. Qu and la situation de conflit d‘intérêts (Etat régulateur – Etat opérateur économique) cessera, les conséquences institutionnelles pourront en effet disparaître. En outre, certaines autorités de régulation sectorielles « indépendantes » qui participent à l‘organisation de la régulation de la concurrence, pourraient disparaître avant même que l‘Etat n‘ait plus d‘intérêts patrimoniaux dans le secteur économique respectif. Lorsque les marchés ouverts à la concurrence seront suffisamment mûrs, le législateur pour ra, par exemple, transférer la mission de police économique à une autorité transversale de concurrence « indépendante ». A l‘occasion, il pourra décider soit de supprimer des

253

C‘est le cas par exemple en France du Conseil de la concurrence, créée sous l‘impulsion communautaire, par l‘ordonnance du 1er

décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Cette autorité, chargée d‘une mission de police spéciale économique, consistant principalement à appliquer et à faire respecter certaines dispositions de ce texte se rapportant au droit des pratiques anticoncurrentielles.

254

Pour une description générale du processus d‘externalisation de la fonction de ré gulation économique à des autorités de régulation dans les différents Etats membres de l‘UE, voir Hubert DELZANGLES, op.cit., pp. 134 et s.

255

autorités sectorielles, soit de les « rattacher » à la structure traditionnelle de l‘administration.

Des références à l‘exigence d‘impartialité ont été également évoquées en droit

colombien pour élaborer et canaliser l‘intervention de l‘Etat dans l‘économie256

dans un contexte de privatisation des entreprises publiques, dotées ou non de monopoles, et d‘ouverture à la concurrence de certains secteurs économiques et services publics257. Mais, contrairement au cas français, l‘exigence d‘impartialité ne s‘est pas traduite, dans la pratique colombienne, par l‘externalisation des fonctions des différentes autorités qui participent à l‘organisation de la régulation de la concurrence. A titre d‘exemple, lors de la restructuration de l‘autorité transversale de la concurrence opérée en 1992258, le choix du politique a été celui de renforcer l‘autonomie fonctionnelle de la SIC plutôt que d‘externaliser son activité dans un organe « indépendant ». Parmi les raisons pouvant expliquer l‘absence d‘adaptation institutionnelle des autorités de concurrence à cette exigence d‘impartialité en Colombie, figure au premier rang l‘attribution constitutionnelle expresse au Président des fonctions de vigilance et de contrôle de la prestation des services publics259 et de fixation des politiques générales d‘administration et de contrôle de l‘efficience des services publics domiciliaires260. A cela peuvent s‘ajouter une forte tradition unitaire

256

V. par exemple, Alberto MONTAÑA PLATA, « Manifestaciones normativas de las Comisiones de servicios públicos », op. cit, p. 32.

257

L‘article 365 de la Constitution colombienne dispose à cet égard que « les services publics sont soumis au régime juridique établi par la loi, et pourront être fournis par l‘Etat, directement ou indirectement, par des communautés organisées, ou par des particuliers. Dans tous les cas, l‘Etat maintiendra la régulation, le contrôle et la vigilance sur ces services ».

258

Décret 2153 du 30 décembre 1992. La SIC demeure rattachée au Ministère du commerce, de l‘industrie et du tourisme. De même, les commissions de régulation créées par le législateur colombien dans le contexte d‘ouverture à la concurrence entrepris à partir des années 1990, ont été placées sous la tutelle d‘un ministre, telles que la Commission de régulation de télécommunications (CRT) rattachée au ministère de télécommunications. Cette tendance continue encore aujourd‘hui. Récemment, l‘Agence nationale du spectre électromagnétique (loi 1341 du 30 juillet 2009) a été également placée sous la tutelle du ministre des télécommunications.

259

L‘article 189-22 de la Constitution colombienne attribue au Président la fonction de « inspección y

vigilancia de la prestación de los servicios públicos ». 260

Selon l‘article 370 de la Constitution, il appartie nt au Président de signaler, en conformité à la loi, les politiques générales d‘administration et de contrôle de l‘efficience des services publics domiciliaires, et d‘exercer au travers de la Superintendance des services publics domiciliaires le contrôle, l‘inspection et la vigilance des entités qui les fournissent. Il est possible de considérer qu‘une interprétation rigide de ces dispositions aurait empêché l‘externalisation de ces fonctions au profit d‘une autorité de régulation sectorielle « indépendante » ; même dans un contexte de libéralisation de certains services publics – tels que ceux de l‘électricité, des télécommunications, des eaux et du traitement des déchets –. A titre d‘exemple, lors de l‘adoption de loi 142 de 1994 relative aux services publics domiciliaires, les fonctions de contrôle, d‘inspection et de vigilance des

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de l‘exécutif261

– renforcée en grande mesure par la réforme de l‘administration centrale de 1968262 –, une interprétation rigide du principe de détermination et de coordination de la politique des secteurs économiques par les ministères263, ainsi que le peu de critiques formulées quant au caractère adapté au système colombien du modèle des autorités administratives indépendantes, y compris leur adéquation constitutionnelle264.

entreprises prestataires des services publics domiciliaires n‘ont pas été « externalisées » dans une autorité de régulation indépendante. En effet, à cette occasion, le pouvoir politique colombien a décidé de placer la Superintendance des services publics domiciliaires mise en fonctionnement par cette loi, de conformité à l‘article 370 de la Constitution, sous la tutelle du Departamento nacional de

planeación (DNP). De plus, une distinction entre les activités de régulation et celles de police des

services publics domiciliaires ne semble pas avoir été formulée en droit colombien.

261

En droit colombien, le modèle de la décentralisation administrative par services lui -même a toujours eu comme présupposé un pouvoir de supervision et d‘orientation s‘exerçant dans l‘appréciation de l‘harmonie entre les décisions des organes des entités décentralisées avec les politiques générales adoptées, dans la pratique, par délégation du président, p ar le ministre du secteur. Pour le juge constitutionnel ce contrôle a d‘ailleurs été avalisé par le constituant dès qu‘il a décidé d‘adopter cette forme d‘organisation administrative. V. Cour constitutionnelle, arrêt de constitutionnalité C- 727 du 21 juin 2000.

262

Acte législatif n° 1, du 11 décembre 1968; Journal officiel année. cv. n° 32673, 17 décembre, 1968. p. 641. La décentralisation administrative par services en droit colombien comporte, dès 1968, l‘idée d‘un lien entre l‘organe fonctionnellement décentralisé et un ministère ou département administratif conservant un contrôle de tutelle, afin d‘obtenir la coordination de la fonction administrative. Pour la Cour constitutionnelle: « el control de tutela parte de la base de la distinción entre organismos superiores e

inferiores dentro de la estructura administrativa ». Cour constitutionnelle, arrêt de constitutionnalité C- 727

du 21 juin 2000.

263

L‘harmonisation et la coordination des politiques administratives sont expressément exigés par la Constitution (article 208). Les fonctions de supervision et d‘orientation, qu‘exerce le ministre sur les organes déconcentrés et décentralisés par services, constituent une manifestation pratique de cette disposition. Le contrôle ministériel, dans le cas des organes décentralisés par services, ne concernerait ni la liberté d‘appréciation, ni la prise des décisions, qui relèvent du cadre légal des compétences de l‘organe décentralisé. Une interprétation contraire dénaturerait le mécanisme de la décentralisation (v. Cour constitutionnelle, arrêt de constitutionnalité C -727 du 21 juin 2000). Ceci a amené certains auteurs à conclure que les superintendances et les commissions de régulation sont des autorités « indépendantes » (v. Jaime VIDAL-PERDOMO, « Las comisiones de regulación de servicios publicos en la jurisprudencia constitucional colombiana », op.cit., p.11). Toutefois, dans la pratique, l‘absence de garanties d‘indépendance, tels que le maintien du pouvoir de nomination et de la séparation du poste des représentants légaux des entités déconcentrées et décentralisées par services, peut poser des obstacles à l‘indépendance fonctionnelle de superintendances et commissions aujourd‘hui « rattachées » aux ministères. Rappelons-nous par exemple du cas de la SIC, autorité de concurrence transversale, lors de la fusion entre les compagnies aériennes Avianca et Aces, déjà évoqué dans le paragraphe relatif à la spécialisation organique.

264

Il faut toutefois noter qu‘un examen critique du modèle des autorités administratives indépendantes et de leur adéquation constitutionnelle au système colombien, même s‘il s‘effectue davantage sous forme de bilan, a récemment commencé à attirer l‘attention d‘une partie de la doctrine. Voir à titre d‘exemple, Alberto MONTAÑA PLATA, « Manifestaciones normativas de las Comisiones de servicios públicos », op.cit, p.32; Hugo Alberto MARIN, « Norma regulatoria: ¿mito o realidad? », Revista Digital de Derecho Administrativo, Universidad Externado de Colombia, segundo semestre 2009, n° 3; pp. 27-66.

Cependant, d‘un point de vue prospectif, l‘exigence d‘impartialité peut justifier l‘externalisation, au moins provisoire, des autorités chargées de l‘organisation de la régulation de la concurrence en Colombie. D‘abord, les processus d‘ouverture au commerce international et de libéralisation des secteurs économiques et services publics constituent un élément central de la politique gouvernementale en matière économique265. Mais si une analyse économique peut conclure que les marchés colombiens n‘ont pas encore atteint un niveau suffisant de maturité ou de concurrence effective, il n‘en demeure pas moins que le maintien de l‘organisation de la régulation de la concurrence au sein une autorité gouvernementale peut apparaître, au moins dans la pratique, comme un obstacle pour le déploiement de la concurrence sur ce marché. Au demeurant, ceci ne vaudrait essentiellement que si l‘Etat colombien, à l‘instar de plusieurs Etats européens, ne continuait pas à avoir des implications dans le capital et/ou la direction des opérateurs économiques. Or il persiste actuellement en Colombie une situation de cumul des fonctions de régulateur et d‘opérateur, qui, sous cet angle, semble contraire à l‘exigence d‘impartialité.

L‘exigence d‘impartialité peut justifier l‘externalisation provisoire des fonctions qu‘exercent aujourd‘hui les autorités chargées de la régulation de la concurrence en Colombie. Elle semble cependant ne pas suffire à expliquer l‘externalisation de ces mêmes fonctions dans les cas où l‘Etat n‘a plus aucune implication ni dans la direction, ni dans le capital de l‘opérateur économique, ou dans ceux où la concurrence effective est bien instaurée sur des marchés ayant acquis une maturité importante. Si bien qu‘une analyse du cas américain doit permettre de

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