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LES FILIATIONS THEORIQUES

3.1. L'ECOLE FRANÇAISE

3.1.2. Gérald de Bernis

La description de la situation léguée par la situation coloniale et la mise en avant de ses traits distinctifs servent de base pour justifier le choix d'un type particulier de développement, celui communément appelé "développement autocentré" et dont les piliers architecturaux ont été présentés précédemment. Cette représentation du développement, auréolé du qualificatif de "spécifiquement national", est avancée comme le fruit d'un travail d'élaboration théorique qui puise sa sève nourricière dans les principes du mouvement national. Mais toujours est-il qu'elle présente des attaches troublantes et évidentes avec la thèse de G. de Bernis, communément appelée "les industries industrialisantes".

1

) GENDARME, R., op. cit. p. 312. 2

Sa présentation succincte, à travers la mise en avant de sa nature et des objectifs qu'elle s'assigne, éclairera sur la dimension des emprunts, et partant de la dette vis-à-vis d'elle de l'expérience algérienne de développement, tout au moins au cours de sa phase de construction qui s'étale jusqu'à la fin des années 70. La démarche de de Bernis se déploie à partir des hypothèses suivantes, reprises dans son article célèbre "Les industries industrialisantes et les options algériennes de développement" publié dans le numéro deux la revue Tiers-Monde.

Il commence par rappeler indirectement son appartenance au courant radical pour qui « le sous- développement n'est pas un retard mais un produit historique » en proclamant avec force que « c'est l'industrialisation des Européens qui est à

l'origine du sous-développement, de la non industrialisation des autres ». De cet état

de non industrialisation découlent deux effets dévastateurs pour les pays anciennement colonisés :

- La prédominance d'une population agricole, extrêmement paupérisée.

- L'existence de deux secteurs, l'un moderne et l'autre traditionnel, au sein d'une économie extravertie et désarticulée.

Cette partie de l'analyse rappelle celle mise en oeuvre par R. Gendarme dans les années cinquante. Elle n'est pas nouvelle et ses résultats sont au carrefour des réflexions et analyses d'une multitude d'économistes aux doctrines divergentes.

Face à la situation décrite, deux objectifs supplémentaires émergent et serviront de guide à toute l'entreprise de transformation qui doit être mise sur rail : élever le niveau de vie de la grande majorité de la population et sortir de la dépendance en cassant la logique qui a entraîné l'extraversion et la désarticulation de l'économie. L'exigence de l'amélioration des conditions de vie de l'écrasante majorité de la population, la paysannerie, tel est leitmotiv qui sert de guide pour le déploiement de toute la démarche de de Bernis. Pour lui, « dans les pays

sous-développés dont la majeure partie de la population est agraire, la question essentielle réside dans l'accroissement du revenu agricole lié à l'élévation des productivités du monde agricole ». Il faut reconnaître que cette dimension de la

productivité a été négligée chez nous.

Certes, ces gains de productivité de l'agriculture ne peuvent être que la résultante d'un processus de développement au sein de cette dernière, mais,

précise-t-il, « que signifie ce développement par l'agriculture et comment le réaliser

sans que ce soit pour l'utilisation d'inputs d'origine industrielle ? Comment augmenter le niveau de vie sans industrialisation ? »

Est-ce à dire que c'est là l'apanage de toutes les industries, sans exclusive

aucune ? L'auteur opte pour une réponse, limitative mais sans équivoque : « L'élévation des productivités du travail agricole [...] appelle un certain type

d'industries dont les caractéristiques doivent être puissamment industrialisantes. Tel est, selon nous, le critère déterminant qui élimine toute une série de faux problèmes habituellement soulevés ».

Telle est la réponse, apportée à la première préoccupation. En ce qui concerne la problématique de la seconde, elle est organiquement liée à celle, plus fondamentale, de la dépendance.

L'extraversion et la désarticulation, sont le produit historique de la dépendance, et seul le dépassement des conditions ayant favorisé son émergence, peut ouvrir des perspectives à une solution radicale. A cet égard la construction d'un système industriel, élaboré consciemment et élevé autour d'une cohérence interne à partir d'une analyse des contraintes et des potentialités objectives existantes, demeure le chemin le mieux indiqué.

Ce système « peut précisément se définir comme une matrice "interindustrielle

noircie", c'est-à-dire dont les différents secteurs sont inter reliés entre eux par leurs inputs et leurs outputs, ce qui implique la présence de secteurs de production de biens d'équipements et de produits intermédiaires destinés à une consommation productive interne. Et l'édification d'une pareille « structure interindustrielle cohérente ne peut se faire qu'à partir d'industries que l'on peut qualifier d'industrialisantes. ».

Tellement tournée vers la réalisation d'une dynamique d'intégration interne, cette forme d'industrialisation tourne le dos à celles qui sont souvent orientées vers l'extérieur. Elle s'éloigne fondamentalement de la stratégie fondée sur la substitution d'importation. La forme retenue a vocation d'assurer un développement national autocentré, à partir d'une valorisation des ressources existantes.

Par ailleurs dans un texte plus antérieur, de Bernis présente trois caractéristiques distinctives de ces industries industrialisantes : « Elles sont de

grande dimension, fortement capitalistiques et sont situées dans les secteurs produisant les moyens de production » (1).

Cet exposé, assez succinct, de la pensée de de Bernis nous a permis de voir les niveaux de rapprochement et parfois d'identification avec les représentations des dirigeants algériens. En conclusion il est opportun de rappeler deux hypothèses de base de son corpus théorique, également reprises à leur compte par les concepteurs de la voie algérienne de développement :

- cette structure des industries industrialisantes s'inscrit dans le long terme et ce, pour des conditions objectives liées à leur condition d'édification, leur délai de maturation et au temps nécessaire pour leur maîtrise technologique ;

- cette construction industrielle ne peut se réaliser spontanément, elle est une œuvre consciente d'élaboration et d'édification. « Il faut que le Plan organise,

chaînon par chaînon, la propagation de leur effet d'industrialisation puisque on ne peut jamais supposer que cette propagation se réalise spontanément » (2).

Le discours et la justification des choix stratégiques et prioritaires des industries de base, empruntent leur argumentaire aux présupposés énumérés par de Bernis relatifs aussi bien à la nature matérielle de leur production, qu'à la dynamique d'ensemble qu'elles seules sont à même d'impulser dans un processus permanent d'élargissement. Cet extrait de la Charte nationale présente suffisamment d'éclairage à ce sujet : « La révolution industrielle doit jeter les fondements d'une industrie de

base capable elle-même d'engendrer de nouvelles industries et dont l'extension doit permettre la création d'une dynamique de développement de l'économie en général » (3).

Ce choix industriel s'accompagne d'une option appuyée pour les technologies avancées, celles qui sont hautement capitalistiques et qui exigent des systèmes de gestion sophistiqués. C'est là la seule issue pour toute nation soucieuse d'avancer vers la consolidation de son indépendance authentique, tant il est vrai que c'est pas

1

) De BERNIS, "Industries industrialisantes et contenu d'une politique d'intégration régionale", in Economie appliquée , 1966, p 426.

2

) Idem, p. 472. 3

« l'affrontement des difficultés et l'acceptation des défis que lancent les systèmes de

production industrielles » (1) que passe la voie de l'émancipation économique.

Ce rejet, de nature constructive, est porteur d'une alternative autre, valorisant le modèle si célèbre et si discuté qui s'élabore et se déploie autour du concept fameux des « industries industrialisantes ».Tout en accordant la fonction de mobilisation des ressources aux échanges avec l'extérieur, ce modèle tranche nettement en faveur de l'option pour une dynamique interne qui, seule, peut engendrer un certain type d'industrialisation. Il est patent, en effet, que tous les investissements ne concourent pas mécaniquement à la naissance d'un authentique processus d'industrialisation. Pour ce faire, « une stratégie efficace doit accorder un

rôle privilégié à des firmes motrices, à des types d'industries qui sont dites industrialisantes parce qu'elles exercent des effets d'entraînement sur l'environnement économique et social » (2).

Cette citation est un concentré de la position défendue par G. de Bernis pour qui « la mise en place d'une [...] structure industrielle cohérente ne peut se faire qu'à

partir d'industries que l'on peut qualifier d'industrialisantes si l'on entend par là celles dont la fonction économique fondamentale est d'entraîner dans leur environnement localisé et daté un noircissement systématique de la matrice inter- industrielle et des fonctions de production grâce à la mise à la disposition de l'entière économie, d'ensembles nouveaux de machines qui accroissent la productivité du travail et entraînent la restructuration économique et sociale d'un ensemble considéré en même temps qu'une transformation des fonctions de comportement au sein de cet ensemble » (3)

Cette vision, par les vertus accordées au sein du système théorique de base aux industries produisant les moyens de production, en particulier les machines-outils, au rôle si décisif au moment de la révolution industrielle en Europe, a fini par se transfigurer pour revêtir les traits d'une véritable hérésie.

L'élaboration théorique engagée dans la Charte nationale présente de profondes similitudes avec les fondements constitutifs du modèle évoqué. La filiation

1

) Charte nationale, p. 81. 2

) GAUTIER DE VILLERS, L'Etat démiurge : le cas algérien, Paris, Ed. L'Harmattan, p. 83 3

est frappante et émerge dans toute sa plénitude tant sont nombreuses les similitudes même si elles ne sont pas officiellement assumées par ceux en charge de fixer le cadre général d'évolution de l'économie. Nous avons eu à caractériser et à fixer, dans les paragraphes précédents, les fondements de la stratégie algérienne de développement. Une lecture comparative permet d'affirmer que le discours, la justification des choix prioritaires, puisent leur argumentaire dans les présupposés de de Bernis. Cette autre citation est révélatrice de ces liens génériques : « La

révolution industrielle doit jeter les fondements d'une industrie de base capable elle-même d'engendrer de nouvelles industries et dont l'extension doit permettre la création d'une dynamique de développement de l'économie en général » (1).

Ainsi la mise en branle d'un processus d'édification industrielle, entretenu par des déséquilibres fréquents eux-mêmes sources créatrices de vitalité et de complémentarité futures, aura été un choix délibéré, mûrement pensé. Les promoteurs du projet sociétal partageaient cette conviction commune que « c'est un

développement délibérément déséquilibré qui doit être provoqué. La puissante dynamique nécessaire pour vaincre les obstacles et les blocages découlant de la désarticulation et de la dépendance initiale de l'économie » (2) y puisera toute sa substance.

3.1.3. F. Perroux

F. Perroux a joué un rôle pionnier dans la conceptualisation du développement, approfondissant par là même la tendance lourde qui a toujours accompagné la réflexion sociale et économique française. Il est en effet bien établi que « dans la tradition colbertiste, l'Etat est l'agent premier du développement, et le

marché n'est pas supposé autorégulateur » (3). Dans toute son oeuvre il aura été fidèle à cet esprit et aux deux présupposés qui fondent cette orientation assez distinctive.

1

) Charte nationale, p. 81. 2

) De VILLERS, G., op. cit. p. 88. 3

) HUGON, P., "Les trois temps de la pensée francophone en économie du développement" in Etats des savoirs sur le développement sous la direction de C. Choquet, O. Dollfus, E. Leroy, M. Vernieres, Paris, Ed. Karthala, 1993, p. 43.

Son impact sur les prises de position doctrinales des responsables algériens fut considérable et elle se manifesta autour des deux questions cruciales qui ont toujours constitué le socle sur lequel s'est élevé leur réflexion théorique autour de la problématique du développement. Ces deux questions qui ont longtemps nourri les débats économiques et qui ont servi de pierre d'achoppement entre les diverses tendances antagonistes, sont celles relatives à l'industrialisation et à l'indépendance nationale. Son ouvrage, L'indépendance de la nation, demeure la référence fondamentale et il a constitué une source inépuisable d'inspiration pour nombre de dirigeants.

En effet, abordant cette problématique, F. Perroux attire l'attention dans un «

propos de départ » (1), sur le fait que sa contribution et son étude concernent « à

titre principal, les nations occidentales depuis longtemps développées et leurs rapports » (2), mais il ajoute qu'elles « pourraient sans doute, moyennant adaptation,

s'appliquer aux nations en voie de développement» (3).

Ecrite pour l'Occident capitaliste, cette oeuvre pose obligation, pour tous ceux qui veulent s'en inspirer, d'en assumer une transposition appropriée à leur contexte historique, faute de voir leurs perspectives s'assombrir, suite à des tentatives d'application mécaniste.

Officiellement en Algérie, le socialisme est présenté comme le système à travers lequel s'accomplit la véritable indépendance économique identifiée avec le parachèvement de l'indépendance politique reconquise après cent trente deux années de colonisation. L'indépendance économique est au coeur de la démarche des pouvoirs successifs jusqu'à la fin des années quatre-vingt et elle est hautement revendiquée comme l'objectif ultime à atteindre.

La vision de l'indépendance nationale revendiquée et développée par les textes doctrinaux algériens est en conformité, elle présente une affinité totale même avec celle élaborée par F. Perroux pour qui « l'indépendance s'évanouit si,

économiquement, les gouvernants ne peuvent pas choisir une fonction d'objectifs et

1

) PERROUX, F., L'indépendance de la nation, Paris, Ed Aubier Montaigne, 1969, p. 4. 2

) Idem, p. 5. 3

favoriser, pour la mettre en oeuvre, un agencement de moyens à la disposition des nationaux et de l' Etat » (1)

Cet objectif d'indépendance est particulièrement pertinent pour les pays nouvellement indépendants qui demeurent faibles et ont un besoin urgent de se prémunir contre les risques qui proviennent de l'extérieur. Et, là également, les interprétations contenues dans les orientations officielles algériennes pour justifier l'industrialisation à partir d'un effort de caractérisation de la situation d'ensemble du pays, tirent leurs soubassements des réflexions de F. Perroux qui, avec insistance martelait : « La nation faible ne possède pas d'industrie "organique". On entend par

là un appareil industriel complet et correctement relié aux autres activités économiques... La nation faible n'a qu'une industrie sporadique, incomplète, mal reliée aux autres activités intérieures » (2).

Néanmoins, cet auteur aura été, à son corps défendant, à l'origine de l'affirmation selon laquelle le développement s'achète. Cette dérive tire sa quintessence de sa description de la situation propre à ces pays sous-développés. Ces derniers se distinguent, selon lui, par l'existence d'un « appareil industriel

incomplet, une insuffisance de main d'oeuvre qualifiée et de cadres » (3) et il ajoutait sans aucune réserve : « Ces efforts peuvent être obtenus moyennant argent » (4). Il approfondit son argumentaire en précisant ce qui, à ses yeux, représente le handicap majeur sur la trajectoire de ces pays : « les insuffisances financières de la

nation "faible" qui n'a pas de réserves financières étendues » (5), voilà à quoi se résume l'enjeu réel pour tous ceux qui veulent se lancer dans l'aventure du développement.

Les dirigeants algériens y puisèrent leur inspiration et, réconfortés par l'accroissement incessant de l'argent du pétrole et du gaz, se laissèrent séduire par la tentation d'acquérir le développement, convaincus qu'ils s'adonnaient à des opérations semblables à celles qui organisent l'achat de marchandises ou de simples moyens de production.

1

) PERROUX, F., L'indépendance de la nation, op. cit., p. 7. 2

) Idem, p. 27. 3

) Ibidem. 4

) PERROUX, F., op. cit., p. 27. 5

Les éléments constitutifs de la doctrine de l'indépendance, affirmés dans le discours officiel algérien,et déjà présentés dans des chapitres précédents, entretiennent des rapports d'une intense proximité avec ceux défendus par F. Perroux relativement à la situation de la France et il est certain que les concepteurs algériens y ont trouvé matière à méditation. Pour cet auteur, il n' y a pas de doute possible : « L'industrialisation est le fondement d'une politique d'indépendance » (1).

Cette conception de l'industrialisation, ses buts et ses moyens de réalisation, nous rappelle celle en action dans la Charte nationale particulièrement, avec laquelle elle tisse des relations organiques. Son statut générique est énoncé avec clarté, comme sont délimités ses contours : « L'industrialisation est un

processus complexe dans lequel un groupe humain se dote d'un système cohérent de machines par lesquels il transforme le monde et se transforme lui-même » (2). Un double résultat est, par ailleurs, attendu de la réalisation de cette « structure

progressive d'industries diverses :

- l'entraînement de l'agriculture par l'industrie

- l'entraînement des industries par les industries de pointe » (3)

Seule manque à ce tableau la perspective socialiste, seule habilitée selon la

Charte nationale, à assumer une réalisation complète et harmonieuse de cet

ensemble de mutations créatrices qui accompagnent le processus d'industrialisation. Elle proclame avec vigueur : « L'option pour le socialisme en Algérie dérive de la

notion de l'indépendance nationale et postule l'indépendance économique » (4). En dehors de cet aspect, le noyau matriciel est le même, le cadre général d'interprétation également, accréditant l'idée, souvent évoquée, que la référence au socialisme n'est qu'une enveloppe extérieure servant de slogan politique pour des considérations intérieures.

Cette affinité se retrouve également dans le processus concret de création du tissu industriel qui sert de soubassement à l'édification du système productif national. En effet les projets industriels réalisés l'ont été en conformité avec les recommandations de F. Perroux pour qui il est préférable de commencer par « les

1

) PERROUX, F., op. cit., p. 213. 2 ) Idem, p. 214. 3 ) Idem, p. 215. 4 ) Charte nationale, p. 79.

industries traditionnelles (textiles, cuir) et ensuite aller vers les industries modernes (construction électrique, mécanique, chimie) » (1).

Il est ainsi palpable que la démarche retenue par les officiels algériens reprend à son compte cette double perspective définie par ce pionnier de l'école francophone de développement, et qui finit par doter cette stratégie d'une double motivation. Elle est en même temps un rejet et une perspective.

C'est le rejet de la mainmise étrangère, c'est-à-dire, de l'affirmation à ne pas «

laisser un pouvoir extérieur exploiter à son compte exclusif et pour son profit exclusif les ressources naturelles et humaines » (2) de la nation et c'est aussi « le refus de

laisser un pouvoir extérieur déstructurer et désorganiser la combinaison d'industries et d'activités qui constituent la nation » (3).

C'est aussi, l'affirmation d'un choix assumé en vue d'une mise « en oeuvre

d'une structure préférée par la nation » (4), dans la perspective de se constituer « une dose de contre pouvoir à l'égard des Grands et des Super grands» (5).

A l'évidence, les attaches avec le courant structuraliste sont évidentes, en particulier avec son aile francophone que représentait F. Perroux. Ce dernier affirmait l'incapacité du modèle néo-classique à réaliser une allocation cohérente des ressources, particulièrement pour les pays nouvellement indépendants et il insistait sur le rôle crucial de l’Etat dans la régulation économique comme dans la correction des imperfections du marché. Il fondait son approche sur l'étude des structures propres aux pays du tiers-monde, structures qui font leur originalité du fait de leur désarticulation, conséquence de la domination qu'ils ont subie et de la fonction particulière qui leur était assignée dans le cadre de la division internationale du travail.

Partir de l'analyse de ces structures créditées d'une place centrale dans l'analyse, aura constitué une forme de rupture épistémologique pour l'époque, avec les pratiques théoriques antérieures, ce qui créa des conditions propices à une

1

) PERROUX, F., L'indépendance de la nation, op. cit., p. 215. 2 ) Idem, p. 302. 3 ) Ibidem. 4 ) Idem, p. 302. 5 ) Idem, p. 303.

meilleure compréhension des défis auxquels étaient confrontées ces sociétés dont la logique ne pouvait être appréhendée grâce aux outils conceptuels qui sont ceux des pays capitalistes évolués.

Les problèmes du sous-développement, du chômage chronique et de la détérioration des termes de l'échange perdaient leur caractère exclusivement technique et s'inscrivaient dorénavant dans le cadre d'une mise en perspective, vaste, des sociétés où s'exercent leurs manifestations. Elles accédaient à un statut cognitif différent et la genèse de leur apparition, comme la délimitation historique de leurs phases d'évolution dans leurs particularités distinctives, s'avérait possible.

En s'alimentant à cette sève nourricière, les dirigeants algériens se sont hissés au niveau des échanges théoriques qui prévalaient sur la scène internationale et ils ont pu se doter d'un appareil conceptuel qui leur à permis de confectionner un