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Pour terminer, il est important de découvrir comment cette représentation s'applique à la caractérisation d'une situation concrète qui est celle de l'Algérie.

Là aussi la Charte d'Alger précise que le capitalisme en Algérie s'est manifesté à travers deux forces : celle relative à la "phase coloniale" et celle relative à la "phase actuelle" (2).

La première correspondrait à l'accaparement des moyens de production et d'

"échange par l'étranger" (3) et elle a revêtu, en définitive, les contours d'une

"économie de comptoirs" (4).

La seconde est caractéristique de "deux secteurs de l'économie :

1

) MARX et ENGELS, Le Programme de Gotha, Oeuvres choisies, Ed. de Moscou, t. 3, p. 11. 2 ) Charte d'Alger, p. 57. 3 ) Ibidem. 4 ) Ibidem.

- Les grandes propriétés agricoles privées - Les grandes entreprises commerciales" (1).

Aux côtés de ce capital national, il y a l'existence du "capitalisme étranger" qui représenta "une présence beaucoup plus menaçante" (2) et il est important de

"penser avec clarté la relation que l'État peut avoir avec les capitaux étrangers investis, en fonction de son objectif fondamental" (3)

Quelques critiques peuvent être présentées.

La particularité de l'introduction des rapports de production capitalistes en Algérie n'est pas appréhendée et la délimitation par rapport aux périodes coloniale et post-coloniale ne nous fournit pas d'indications sur les transformations qualitatives. Si, dans la première phase, "l'étranger a fini par s'approprier les principaux moyens

de production et d'échange", il aurait été intéressant de savoir comment se sont

formées les "grandes propriétés agricoles privées" et "les grandes entreprises

commerciales appartenant à des nationaux."

S'il est question de la nécessité de prévoir et de préciser les types de relations au capital étranger avec l'État, il y a, par contre, sous-estimation de la possibilité de jonction entre le capital national et l'étranger, c'est à dire du danger potentiel que représente l'existence de cette classe comme relais au sein des États indépendants.

1.3. LE SOCIALISME

Le Programme de Tripoli, élaboré au moment où l'indépendance politique était acquise, se veut une affirmation de la capacité de l'Algérie à prendre place parmi les nations libres, par la définition des grandes lignes de la société future appelée à se substituer à la société coloniale. Par cela même, elle manifeste sa maturité, aux yeux de tous ceux qui en doutaient, à assumer et à maîtriser son indépendance.

C'est le premier essai, après les années de feu, de détermination d'un projet de société et il est normal qu'il soit marqué par le retard idéologique et théorique pris durant la guerre de libération nationale, ce qui favorisera la précipitation, le manque de précision et de nuances dans les concepts utilisés.

1 ) Charte d'Alger, p. 57. 2 ) Idem, p. 58. 3 ) Ibidem.

Le concept de "socialisme" est à cet égard, le terrain privilégié de manifestation de toutes les ambiguïtés, malgré le très peu de place qui lui sera réservé. Comme nous le verrons, l'idée du socialisme n'est pas liée organiquement à l'ensemble des développements contenus dans le texte.

Par contre, les problèmes du socialisme et de son édification accaparent l'attention de la Charte d'Alger qui présente un double avantage, comparativement au

Programme de Tripoli. Son élaboration a été ouverte sur les masses à travers la

diffusion d'un avant projet, comme elle a été imprégnée de leurs initiatives historiques dans le domaine économique et social, symbolisés particulièrement par le mouvement d'occupation des terres abandonnées par les colons.

Dans ce texte, c'est à partir de la compréhension que l'on se fait du socialisme et des modalités de sa concrétisation, que toute la réflexion est engagée. C'est dire

que l'effort de théorisation est important et l'évolution certaine, ce qui nous pousse à

juger du degré de cohérence atteint.

Pour la Charte Nationale, "il s'agit, en un mot, de donner au socialisme, dans

notre pays, son contenu théorique et pratique adéquat, et c'est là l'objet de la Charte Nationale" (1).

Cette citation nous indique les deux axes qui sous-tendent les efforts des rédacteurs et attirent notre attention sur ce type de démarche. Vouloir concentrer son attention sur la dimension théorique et pratique, expose à toutes sortes de dangers, pour deux groupes de considérations, au moins. La liaison dialectique entre les deux dimensions est toujours difficile à opérer et cette difficulté est encore plus grande quand il s'agit de textes politiques. D'un autre côté, le désir de s'appuyer sur la réalité et de définir des tâches concrètes, peut entraîner une sous-estimation de la complexité et de la diversité de cette réalité : la tentation est grande de vouloir l'insérer dans l'étau de principes définis au préalable.

A travers la citation, nous saisissons la place centrale occupée par la notion de socialisme. Cette importance apparaît déjà au niveau du premier titre intitulé "De

l'édification de la société socialiste" (2) et elle sera complétée par le troisième titre :

1

) Charte nationale, p. 29. 2

"Les grands axes de l'édification socialiste" (1). La différence est déjà grande par rapport à la Charte d'Alger qui évoquait "la transition du capitalisme au socialisme" (2), après avoir commencé la première partie par : "Pour une révolution socialiste" (3).

Nous ne reviendrons pas au Programme de Tripoli qui ne consacre aucune partie ni aucun titre aux problèmes du socialisme. Ces changements dans les titres sont évocateurs en eux-mêmes. La Charte d'Alger se fixe des objectifs et le socialisme demeure à préparer, à réaliser. Pour la Charte Nationale, il est devenu une question urgente, déjà entamée et ayant besoin d'un approfondissement. Les réalisations enregistrées ont créé une base plus étendue et c'est à partir d'elle que la réflexion est engagée dans quatre directions complémentaires. L'évolution par rapport à la Charte d'Alger - et elle est de taille - s'exprime déjà à ce niveau car le champ embrassé par la Charte Nationale est plus large et, comme nous le verrons, plus fécond.

Cette évolution, qui ne constitue pas une rupture et qui reprend à son compte, mais de manière adaptée comme nous le verrons, certaines inconséquences propres aux deux autres textes, apparaîtra dans l'effort de théorisation et de recherche des caractéristiques du socialisme moderne.

Elle se poursuivra dans l'essai de fixation, à partir de la spécificité des pays du tiers-monde, de l'originalité de leur passage au socialisme.

Elle se terminera par l'exposé des particularités de l'option et de la construction du socialisme en Algérie, ainsi que par la présentation des différentes formes de propriété qui en exprimeront l'essence.

Ces quatre niveaux représenteront les différents paliers de notre progression méthodologique pour ce chapitre.