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Formulations des mesures d’accompagnement souhaitables

Chapitre III. L’impact de la microfinance sur le financement des entreprises privées et du secteur rural en Tunisie

Section 1. L’analyse de l’impact économique et social de la microfinance en Tunisie

1.5. Les difficultés rencontrées du secteur de la microfinance en Tunisie

2.1.3. Formulations des mesures d’accompagnement souhaitables

La légitimité de la microfinance ne fait aucun doute dans un contexte de financiarisation croissante, les pauvres plus que quiconque ont besoin de services financiers. En pratique toutefois, les effets sont, pour deux raisons principales, beaucoup plus limités que ne le clament les discours actuels sur la microfinance:

- La première est une vision naïve, simpliste de l'offre de microfinance, caractérisée par des services encore peu adéquats, un nombre croissant d'acteurs non seulement inexpérimentés en Tunisie mais dont les motivations sont parfois douteuses et des inégalités territoriales extrêmement fortes.

- Par ailleurs, on observe bel et bien des effets positifs, mais ils sont souvent inattendus. Les services de microfinance traduisent, interprètent et ensuite utilisent de manière souvent subtile et stratégique en empruntant des voies parfois contradictoires avec les objectifs des promoteurs de ces services.

Ainsi, le secteur de la microfinance est en pleine expansion. L'émergence de la microfinance en Tunisie répond alors d'un besoin urgent de mettre à la disposition d'une masse considérable d'exclus du système de financement classique un outil souple et adapté à leur situation de pauvreté afin de les accompagner dans le processus de création de revenus stables. Depuis une décennie la Tunisie a connu des évolutions encourageantes dans les domaines de la réglementation, du financement, de la croissance et des performances du secteur de la microfinance. On compte un nombre croissant d’emprunteurs et d’épargnants et on enregistre des encours croissants de crédit et d’épargne depuis l’année 2007 en Tunisie. Les financements des bailleurs de fonds publics ont cependant décru de 12%62. Avec la crise financière mondiale, démarrée en 2008, il est probable que les financements internationaux continuent de diminuer ; ce qui, néanmoins, devrait avoir un impact mitigé du fait de la forte mobilisation de l’épargne d’ENDA Inter Arabe Tunis et de la BTS.

62 Jennifer Isern, Analyste principale, CGAP • Estelle Lahaye, Analyste microfinance,CGAP • Audrey Linthorst, Analyste Afrique, MIX. « Microfinance Afrique 2009 ».

La microfinance en Tunisie est toujours confrontée à de nombreux défis avec de faibles taux de pénétration et des coûts opérationnels élevés. Cependant, avec l’intégration croissante des systèmes financiers, l’importance de la mobilisation de l’épargne ainsi que la croissance prometteuse des récentes IMF start-up, la Tunisie et d’autres pays africains se donnent progressivement les moyens d’atteindre une portée plus importante et une meilleure rentabilité.

Les programmes de microfinance sont maintenant un élément clé des stratégies de lutte contre la pauvreté en Tunisie et en Afrique. Les innovations financières qu’ils utilisent, par exemple des prêts groupés, l’utilisation de services non financiers ou de mécanismes incitatifs dynamiques ont accru l’intérêt des gouvernements et des bailleurs de fonds en tant que moyens de lutte contre la pauvreté, de façon viable financièrement. Dans cette recherche, nous avons analysé un certain nombre d’informations notamment sur les données obtenues auprès des ménages bénéficiaires ou pas du microcrédit.

2.1.3.1. Les mesures qui visent à toucher les plus pauvres

A la différence de l’Amérique Latine où la population urbaine et rurale s’équilibrent, en Tunisie, la très grande majorité des habitants vit dans la périphérie des grandes villes comme Tunis. La ligne de partage des richesses, qui paraît pertinente, se trouve plutôt entre les zones rurales à production de rente et les zones rurales à production vivrière ou agropastorales. Les zones à production de rente bénéficient généralement d’une infrastructure routière bien entretenue (ne serait-ce que pour faciliter l’évacuation des produits). Elles ne représentent qu’une petite partie des territoires nationaux et la population y vit.

Par contre, les zones vivrières et agropastorales, couvrant la majeure partie des pays sont souvent enclavées, éloignées des capitales et des principaux marchés. Les infrastructures générales sont très insuffisantes, les niveaux de scolarisation et d’alphabétisation sont dérisoires. De plus, ce sont des zones soumises aux aléas climatiques chroniques, créant une situation générale de précarité. Les pouvoirs d’achat locaux sont faibles et tributaires de l’état des récoltes.

En relation avec la configuration géographique de la fertilité des sols et des superficies cultivables de ces zones, les villages y sont généralement assez petits (400 à 1000 habitants) et distants les uns des autres, reliés par de mauvaises pistes. A l’évidence, en Tunisie, pour toucher

s’implanter. Tous les pays africains ont fini par mettre en place un dispositif leur permettant d’aller au plus près de cette clientèle. Mais la réalité du terrain n’a pas beaucoup évolué car plusieurs villages africains n’ont pas encore bénéficié d’un tel dispositif.

2.1.3.2. Les mesures qui visent à viabiliser les services financiers dans les zones rurales

De nombreuses contraintes induisant des surcoûts importants et l’atteinte de l’équilibre financier sont des véritables défis que doivent relever les IMF afin de pouvoir viabiliser leurs activités. Pour atteindre des tels objectifs cela exige un savoir faire et une adoption de certaines pratiques.

Intégrer le système dans le paysage financier local. Ceci implique une bonne connaissance de l’offre et de la demande financière, formelle et informelle dans le milieu, les expériences (bonnes ou mauvaises) et les savoir-faire locaux en la matière, ainsi qu’une bonne compréhension des stratégies économiques des individus, des familles et des groupes. Elles sont à la base d’une définition, avec les clients concernés, du système et des produits financiers à mettre en place, produits susceptibles de compléter, d’élargir et d’améliorer l’offre globale, sans détruire les organisations et les solidarités préexistantes. Dans une zone reculée, un système financier pour être pérenne, doit être culturellement proche des gens, trouver sa place parmi les institutions et les organisations du village ou de la localité et apporter des services supplémentaires justifiant son utilité.

Encourager l’appropriation et la participation

En milieu rural défavorisé, un système de microfinance ne peut réussir que s’il parvient à mobiliser une participation forte, un sentiment fort d’appropriation ou d’identification, se traduisant par une prise en charge de fonctions et de tâches, à un niveau significatif et à titre non salarial. Cette participation est une condition incontournable de réductions de coûts, dans un contexte où les bases salariales sont élevées. Ceci est d’autant plus pertinent que certaines tâches sont mieux accomplies par les villageois ou par des “ techniciens paysans ”, que par le personnel salarié et ne nécessitent pas de déplacements : analyse des demandes de crédits pour les petites activités économiques villageoises, connaissance des emprunteurs et de la réalité de leurs

situations, suivi et recouvrement des crédits, tenue de documents administratifs et comptables simples. La participation et l’appropriation des clients sont des éléments essentiels de fidélisation, qui dans une situation de concurrence forte, jouent un rôle déterminant tant pour préserver un niveau élevé de remboursement que pour stabiliser et consolider le portefeuille.

Introduire des innovations

L’innovation est vitale. Elle peut s’appliquer dans tous les domaines : gestion, organisation, produits, institutionnalisation, mode d’appui. Ensuite, introduire un mécanisme de rémunération des gestionnaires et des membres de comité de gestion en fonction des résultats de fin d’année. Dans le domaine de l’organisation, l’expérimentation du concept de “ techniciens paysans ”, permet de mettre en place des “ superviseurs villageois ” pour assurer un contrôle “ croisé ”, premier niveau de contrôle externe au village, allégeant la tâche des certains IMF. La création des caisses villageoises favorise des synergies financières et accélère la rentabilité.

Enfin encourager la pluralité des produits dans l’adaptation des produits aux clients, certaines IMF ont mis au point plusieurs produits de crédit (le crédit rural solidaire, le crédit agricole solidaire, le crédit agricole de contre-saison, le crédit moyen terme, et le crédit commercial). Cette diversification favorise l’accès des femmes au crédit, sans épargne en bénéficiant des tout petits crédits.

Transférer des tâches pour alléger au maximum la structure technique

Il apparaît essentiel de procéder à un transfert progressif, tout en veillant à transférer aux responsables villageois les tâches pour lesquelles ils ont un avantage comparatif réel. Des formations adaptées devront accompagner ces transferts. La formation, dans ce cas, sera considérée comme un investissement de nature à induire des réductions de coûts récurrents, une fois le système autonomisé.

A titre d’exemple, les Caisses Villageoises au Mali du Pays Dogon, la MUCODEC au Congo Brazzaville, la FECECAM au Benin, sont parvenus, par ce mécanisme, à transférer des fonctions, assurées auparavant par des cadres salariés, à des agents villageois, prennant ainsi en charge, efficacement, des tâches de contrôles primaires de formation initiale, d’études préalables

pour l’implantation de nouvelles caisses. D’ordre général, l’expérience de plusieurs systèmes montre qu’il n’est pas souhaitable de recruter des salariés de bas niveau scolaire. Toutes fonctions et tâches pouvant être prise en charge par les clients après formation, devront leur être transférées. La structure technique finale sera ainsi assez légère, constituée de fonctions et tâches qu’il n’est pas possible ou pas souhaitable de transférer aux clients.

Au sein de cette structure technique, le personnel devra être recruté à un bon niveau de formation générale et technique, pour être capable d’évoluer et de progresser avec l’institution, d’innover et de proposer des changements. Ces cadres devront être sélectionnés sur des critères d’intégrité, d’engagement professionnel et personnel, si possible issus de la région. Ils seront performants et devront être rémunérés à un niveau de salaire incitatif.

Avoir un accès durable au refinancement à un niveau suffisant

Les pauvres épargnent et même proportionnellement davantage que les plus riches. Cependant, ce constat ne doit pas amener à penser que le volume d’épargne mobilisable en zone défavorisée pourrait être élevé et à la hauteur des besoins en crédits pour le développement économique de la zone. L’épargne est faible et difficilement mobilisable dans ces zones où il y a une longue tradition d’épargne en nature et en animaux. Ainsi, il n’est pas possible de s’appuyer uniquement sur l’épargne pour les crédits. Des ressources externes sont nécessaires et très rapidement. Ces ressources complémentaires peuvent provenir de dotations en capital ou de prêts, provenant de bailleurs de fonds ou de banques.

Former les bénéficiaires à la création de micro-entreprises

La formation et la sensibilisation des bénéficiaires du microcrédit à la création des microentreprises devraient figurer dans tous les programmes de développement de la microfinance en Afrique. En effet, cela permet aux clients des IMF de pouvoir mieux gérer leurs crédits et un bon investissement favorise non seulement les remboursements des prêts mais aussi permet d’améliorer la situation socioéconomique des populations.

Enfin, il est plus judicieux dès l’implantation d’une structure de microfinance de l’intégrer dans la culture de l’entreprise et dans le contrat de collaboration avec les clients, dès le

commencement. Pour parvenir à couvrir les différents coûts du système, il est indispensable de mettre en œuvre un plan de prise en charge progressif, un plan respectant à la fois les capacités des unités de base, qui augmente au fur et à mesure que l’impact économique s’accroit et qui soit suffisamment pédagogique pour permettre aux clients et aux structures de maîtriser le mécanisme et la gestion d’une entreprise de microfinance. La formation constitue le socle de la réussite d’une activité de microfinance tant du côté des clients sur la connaissance de l’institution et de la création de la microentreprise que du côté des praticiens de la microfinance dans l’accompagnement de leurs clients.

2.1.4. Politique d’appui et de financement du secteur de la microfinance en