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Chapitre I. L’analyse macroéconomique des modes et structures de développement en Tunisie

Section 1. Présentation du paysage de la microfinance en Tunisie

2.1. Les principales Institutions de Microfinance de la Tunisie

2.1.1. La Banque Tunisienne de Solidarité

2.1.1.4. Les faiblesses du système de la BTS

Plusieurs institutions relèvent le fait que la BTS perçoit chaque année des subventions de l’Etat Tunisien et elles trouvent que cela fausse en quelque sorte la concurrence. Nous avions des tels débats au département du secteur privé et de la microfinance à la Banque Africaine de Développement à Tunis. Rafik Missaoui -à l’instar d’autres auteurs à la conférence annuel de la Sanabel- évalue le système de microcrédit géré par la BTS, et présente ses différentes limites comme le montre la figure 11.

Figure N°11 : Principales limites du système de la BTS

Source BTS (2008) :

Il constate que puisque le système est incapable de se référer au marché financier pour se refinancer, il reste tributaire des subventions et des crédits prélevés sur les fonds nationaux de solidarité et de l'emploi. La dépendance du système de ces seules sources de financement ainsi que le plafonnement du taux d'intérêt à un bas niveau sont de nature à entraîner la fragilité d'un tel dispositif et mettent en cause à long terme son équilibre et sa pérennité. Plusieurs institutions comme le CGAP en septembre 2004 et d’autres ont fait remarqué que les subventions accordées

par l’Etat Tunisien à la BTS et le plafonnement du taux d’intérêts à 5% constituent plus des freins que d’avantages suivis du manque des données fiables.

2.1.1.4.1. Le plafonnement du taux d’intérêt

Le plafond du taux d'intérêt annuel situé à un niveau de 5% est trop faible pour pouvoir assurer un développement durable de la microfinance. Ce taux ne permet pas de couvrir les charges de fonctionnement des associations et de répondre à la demande croissante de la population. De plus, il limite l'accessibilité au refinancement auprès des banques commerciales tunisiennes ou étrangères. Ce taux ne permet pas la réalisation de l'autosuffisance opérationnelle et financière, ce qui menace la pérennité des associations et peut conduire à l'effondrement total de toute la politique de microcrédit mise en place.

Le rapport du CGAP précise que « Les associations BTS souffrent toutes d'un manque cruel de ressources à la fois pour leur fonctionnement actuel et pour leur croissance, principalement à cause du plafond à 5% du taux d'intérêt, conjugué à un faible niveau de subventions externes. Malgré les lignes de crédit à 0%, une participation étatique aux salaires des employés et un bonus non rentables, à cause du produit financier (les intérêts du crédit) largement inférieur aux charges associées, les associations BTS et la BTS elle-même ne peuvent que s'enfoncer progressivement dans la dépendance subventionnelle. Versé par prêt octroyé, elles sont en perpétuelle recherche de fonds pour subsister ».

Cette dépendance a des répercussions sur le fonctionnement de la BTS et des associations car avec la crise que traverse la Tunisie les subventions tendent à se réduire. Les associations et les bénéficiaires du microcrédit sont conscients de cet état de fait. Et, c’est pour cette raison que beaucoup des voies s’élèvent pour dénoncer cette situation. A la Banque africaine de Développement nous avons eu plusieurs échanges avec les responsables du département de la Microfinance et du Secteur Privé qui nous signifiaient que: « Cet état de fait ne peut pas perdurer dans le temps, il faut que les associations ou la BTS trouvent des formules qui vont leur permettre de ne pas trop dépendre des financements de l’Etat, mais plutôt d’arriver à s’autofinancer soit en relevant les taux d’intérêt ou de s’ouvrir vers les financements privés ». La dépendance aux subventions est nécessaire mais elle peut avoir des répercussions néfastes dans le long terme.

2.1.1.4.2. La forte dépendance envers les subventions

Tout le système étatique de microcrédit géré par la BTS étant largement subventionné ; aussi bien la banque, que les associations ou le fonds de garantie sont tributaires des subventions. Ainsi, toute abstention ou retard des subventions pour une cause ou une autre peut avoir des conséquences néfastes sur leur équilibre. Cette dépendance fragilise l'assise financière du système et ne peut que menacer sa viabilité et sa pérennité à long terme. Elle peut, également, décourager les banques et autres bailleurs de fonds à s'y engager et investir.

En effet la question que l’on se pose est celle de savoir : Pourquoi devrait-on subventionner les IMF?

Les institutions de microfinance sont en effet receveuses de subventions publiques qui sont ensuite distribuées par des opérateurs privés. Cette position intermédiaire entre la sphère publique non marchande (État, collectivités locales, etc.) et la sphère privée marchande (secteur bancaire, organisations privées lucratives, etc.) modifie considérablement les moyens de lutte contre les inégalités sociales.

On passe ainsi d’une politique redistributive étatique, opérant une gestion macroéconomique de la solidarité sociale, à un ensemble d’initiatives privées soutenues par les aides de l'État, déterminant une gestion localisée combinant actions publiques et initiatives privées de solidarité. La question de subvention des IMF doit être appréhendée avec délicatesse et de manière circonspecte. La subvention structurelle peut, certes, faire du tort à la pérennité du programme de la microfinance. Si les donateurs devenaient versatiles, cela porterait des coups durs aux institutions dépendantes de la subvention. Beaucoup d’entre ces dernières convergeront vers le seuil de fermeture. En outre, s’il arrivait que le budget des donateurs ne leur permettrait plus d’apporter suffisamment des appuis aux IMF comme ils le faisaient, beaucoup de ces institutions vont commencer par battre des ailles, signe annonciateur de la faillite. Et là, la microfinance dont on vante tant les mérites et qui fait l’objet de convoitises multiples entrerait dans l’histoire et ne laisserait comme souvenir que des échecs. Cela serait de surcroît un

argument pour ceux qui doutent encore d’un service de crédit à l’endroit des populations démunies.

Par ailleurs, ce serait un désarroi total pour ceux dont tout l’espoir repose aujourd’hui sur la microfinance. De milliers de gens ayant pu améliorer leur niveau de vie grâce à ce programme seraient totalement désorientés car ils seront contraints à l’autofinancement des projets générateurs de revenus. De fait, on reviendrait au phénomène du départ qui est à la source de l’émergence du programme de microfinance. Mais voir la subvention des IMF uniquement sous cet angle, ci-dessus présenté, c’est négligé, voire ignoré, la place qu’elle occupe dans la portée du programme de la microfinance et les raisons qui fondent ce dernier. La subvention des IMF en Tunisie -bien qu’elle soit nécessaire pour inscrire la microfinance dans la durée- peut avoir des coûts exorbitants sur son maintien au niveau de l’Etat car en période de crise les Etats ont tendance à réduire la dépense publique ainsi que les bailleurs des fonds qui accordent des subventions.

Au delà de son aspect économique, la subvention des IMF revêt un caractère moral qui conduit l'État ou les donateurs à répondre à un devoir, à un engagement : celui de contribuer à la lutte contre la pauvreté. Elle est comparable aux appuis apportés par l'État dans le cadre du service public. Qui plus est, la subvention des IMF peut contribuer au bien être global des membres de la collectivité ou de la nation dans la mesure où d’une part elle peut réduire le rapport de dépendance et les dépenses de l'État en matière de revenu d’ « assistance », et d’autre part, elle peut accroître la matière imposable des autorités.

La subvention peut constituer donc un investissement de long terme pour l'État. Cependant, on ne doit pas perdre de vue les inquiétudes soulevées par les acteurs qui s’opposent à la subvention. C’est pourquoi, la subvention doit être accompagnée d’un appui technique et logistique devant permettre aux IMF d’évoluer vers plus de professionnalisme. Cela aura pour effet de rendre les employés qualitativement plus productifs et, ceci, avec moins de coûts. Donc à long terme moins dépendantes, voire totalement indépendantes des subventions.

Corollairement, les IMF auront de moins en moins besoin de subvention au point d’être, à long terme, totalement indépendante. La subvention des IMF constitue à cet effet un support au programme de la microfinance et devient dès lors un outil au service de la société qui fait son

devoir envers ses membres. Implicitement la microfinance et la subvention des IMF (sous certains points de vue) apparaissent comme un devoir de l’état envers ses citoyens ou celui de la collectivité envers ses membres ou encore celui de certains membres envers d’autres membres de la société, si bien que tacitement le droit au crédit peut être revendiqué par les populations qui sont exclues des systèmes bancaires formelles.

2.1.1.4.3. Manques des données fiables

Une des limites du système de la BTS soulevées par l'étude du CGAP, réside dans l'absence des données pour procéder à une analyse objective ; ce qui ne permet pas de détecter les faiblesses du système et y apporter les rectifications nécessaires pour les corriger. Sur ce point, le groupe consultatif affirme que « le système MIS de la BTS est encore trop limité et les données indépendantes et publiquement disponibles ne sont pas assez nombreuses pour analyser objectivement les performances des associations. De plus, aucun mécanisme de contrôle n'existe pour vérifier si les 80% qui doivent être remboursés par les associations à la BTS proviennent effectivement du remboursement des prêts et non d'éventuelles subventions externes ».

2.1.1.4.4. Les restrictions législatives

Le cadre réglementaire peut présenter une entrave à l'essor de la microfinance en Tunisie. En effet, les restrictions légales concernant les taux d'intérêts limitent les possibilités des associations à devenir des entreprises commerciales, comme elles constituent une barrière devant l'intervention des banques dans le créneau de la microfinance. En termes de recommandations, le CGAP envisage, par ailleurs, deux actions qui pourraient être mises en place avec la BTS, à savoir une assistance technique pour plusieurs associations BTS afin d'identifier leurs problèmes et leurs potentiels d'amélioration en termes de performance, et une assistance pour la formation et la remise à niveau de formateurs.