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La formation des médecins en Egypte : expérience de l’école de médecine du

CHAPITRE 3: LA MEDECINE AU MAROC

IV- LES RÉFORMES

1. La formation des médecins en Egypte : expérience de l’école de médecine du

Durant la moitié du XIXème siècle, l’Egypte de Mohamed Ali Pacha a vécu un processus réformateur caractérisé particulièrement par une forte industrialisation qui présentait des analogies avec celle de certaines régions de l’Europe occidentale405. Ce processus d’industrialisation était accompagné, entre autres par la fondation de l'École de médecine du Caire par Clot " Bey "406. En effet, en 1825, Mohamed Ali a chargé le célèbre chirurgien grenoblois « Antoine Clot » d'établir un service de santé pour son armée. Aussitôt en Égypte, il se mit à organiser un service sanitaire pour l'armée et la marine égyptiennes407. Il a créé un hôpital militaire à Abou-Zaâbal, au Caire et en reconnaissance des services rendus, Mohamed Ali lui a confié le titre honorifique de « Bey ». (Voir photo 3)

En 1827, encouragé par les succès de ses premiers efforts, Clot Bey a fondé la première école de médecine en Egypte408. Clot-Bey a dû faire face à plusieurs difficultés au début de la fondation de l’école :

 La première difficulté était le choix de la langue d’éducation : « La première

difficulté était de décider en quelle langue aurait lieu l'enseignement. L'impossibilité de trouver des élèves connaissant le français, (…) et plusieurs autres motifs me démontrèrent la nécessité de leur transmettre la science médicale dans leur propre idiome. Il s'agissait donc de fournir à des professeurs tout à fait étrangers à la connaissance de la langue arabe les moyens d'opérer cette transmission, je crus possible de surmonter cette difficulté à l'aide de traducteurs possédant également bien la langue des élèves et celle des professeurs, traducteurs qui devraient être eux-mêmes les premiers élèves et à qui l'on enseignerait la Science afin qu'ils puissent la communiquer »409.

 La deuxième difficulté était les croyances religieuses sur l’étude de l’anatomie et de la dissection, vu le grand respect de la religion musulmane vis-à-vis des morts : « …

404Jagailloux S, La médicalisation de l'Egypte au XIXe siècle 1798 – 1918, Communication présentée à la séance du 21 février 1987 de la Société française d'Histoire de la Médecine.

405

Zaki A, La fondation de l'École de médecine du Caire par Clot " Bey " de Grenoble (1793-1868), Communication présentée à la séance du 23 février 1985 de la Société française d'Histoire de la médecine.

406 Ibid.

407 Ibid.

408

Clot-Bey A.B, Aperçu général sur l'Égypte, Fortin, Masson et Cie, Paris, Tome II, 1840, p. 409.

j'employai toutes les ressources pour obtenir la permission de disséquer. Elle me fut constamment refusée par l’autorité ; mais je parvins, à force de raisonnements, à avoir un consentement secret de la part des ulémas sous la condition expresse d’en user avec réserve et toutes les précautions possibles. Aussi, dans le commencement, fîmes-nous les autopsies à l’insu du public et en entourant l’amphithéâtre de gardes …. Peu à peu, les élèves surmontèrent tout préjugé, toute répugnance, et se sont convaincus de l'indispensable nécessité de l'étude de l'anatomie. Ils ont porté ensuite cette conviction chez leurs parents, la leur ont fait partager et, aujourd'hui, le public est complètement accoutumé à l'idée de la dissection des cadavres »410.

L'école a été mise en place à l'hôpital d'Abou-Zaâbal avec une centaine d’étudiants répartis en dix sections. Ceux-ci ont eu chacun un chef des plus instruits. Ces étudiants, logés, nourris, vêtus et payés même par l'Etat, formaient un collège411. L’hôpital universitaire comportait un millier de lits et des médecins de garde étaient assignés au service nocturne412.

410 Clot-Bey A.B,…, Op cit, p. 411

411 Ibid.

412

Gédéon E. L’enseignement médical au XIXe siècle au Moyen-Orient. À travers un des pionniers de la

Photo 3 :Clot-Bey413

Les livres étaient gratuits pour les Egyptiens et vendus à prix réduit aux Libano-Syriens. Les étudiants égyptiens décrochaient une bourse d’études. Ces études duraient six ans414.

Le mode d’enseignement était conçu de la manière suivante :

- La leçon était traduite en présence du professeur qui donnait toutes les explications nécessaires aux traducteurs, afin de leur faciliter la compréhension et de s’assurer de l’exactitude de la traduction en en faisant faire le thème415

, puis le dicter aux étudiants416.

- L’explication détaillée se faisait par le professeur et les chefs de sections étaient autorisés à faire des demandes sur tout ce qu’ils ne comprenaient pas et chargés de reproduire après la fin des cours les leçons à leur section respective417.

- Chaque mois, les élèves ont été évalués sur ce qui leur avait été enseigné, et les places de chef de section ouvertes aux concours418.

Les premières années d’études étaient limitées aux sciences de base et durant les dernières années, les cours se rapportaient à l’histologie et à l’anatomie419. Les matières enseignées étaient420 :

- Les éléments de physique, de chimie et de botanique ; - L’anatomie générale, descriptive et pathologique ;

- La pathologie et la clinique chirurgicale, et les opérations ; - La pathologie et la clinique internes ;

- La matière médicale, la thérapeutique ; - L’hygiène, la médecine légale

- La pharmacie.

Des cours de soins primaires, de médecine interne, de chirurgie, de gynécologie, d’ophtalmologie étaient dispensés durant les dernières années421

.

Les examens étaient annuels422, en présence du jury, dont les membres étaient présents, de hauts dignitaires de l’État comme les officiers, les cheikhs et les évêques423. Les certificats délivrés contenaient une description spécialement littéraire de l’étudiant. Par

414

Gédéon E,.…, Op cit.

415 Clot-Bey A.B,…, Op cit, p. 412

416 Ibid.

417 Ibid.

418

Ibid.

419 Gédéon E,.…, Op cit.

420 Clot- A.B, …, Op cit, p. 412.

421 Gédéon E,…, Op cit.

422

Clot-Bey A.B, Aperçu …, Op cit, p. 413.

exemple, un candidat qui avait «émerveillé les présents et rempli de satisfaction les yeux des

spectateurs », ou un autre candidat a donné « des réponses justes, avec calme et sérénité…»424

A cette école de médecine du Caire était annexée une école de pharmacie et une autre de sages-femmes425.

En l'espace de dix ans, 420 médecins ont étés diplômés426. Certains ont été affectés dans les hôpitaux égyptiens ou bien ils ont été retenus à l’école comme des répétiteurs.

En 1832, Clot Bey a choisi 12 étudiants égyptiens parmi les nouveaux diplômés pour partir en expédition pour la France afin de perfectionner leur apprentissage427. Ils ont subi officiellement, en novembre 1832, un examen devant d'illustres professeurs de médecine français. Ils ont effectivement réussi brillamment l'examen428.

En 1837, l'école de médecine et l'hôpital ont été transférés de son ancien emplacement à Abou Zaâbal à un autre lieu à Kasr El-Aini429. La durée d'études, à cette époque, était de cinq ans et le nombre des étudiants atteignait 300430.

Cette école avait connu un grand succès et une grande renommée en Afrique du Nord et en Orient431. En effet, plusieurs jeunes venant de la Syrie, du Liban432 et du Maroc433 ont fait leurs études à l’école de médecine du Caire.

2. La formation des médecins marocains :