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La formation classique des médecins : état des lieux

CHAPITRE 3: LA MEDECINE AU MAROC

IV- LES RÉFORMES

2. La formation des médecins marocains

2.1. La formation des médecins au Maroc

2.1.1. La formation classique des médecins : état des lieux

2.1.1.1. La formation à l’université Al-Quaraouyine :

Au Maroc, les « madrasas » avaient la fonction d’école, d’université et d’hôtel pour les étudiants. Elles abritaient une bibliothèque. C’était le cas de l’université d’Al Quaraouiyine434 durant ses années d’or. Cependant, vers la fin du XIXème siècle elle était en

424 Gédéon E, …, Op cit.

425 Clot-Bey A.B, …, Op cit, p. 413.

426

Zaki A,…, Op cit.

427 Clot-Bey A.B,…, Op cit, p. 414.

428 Zaki A, …, Op cit.

429

Ibid.

430 Ibid.

431 Ibid.

432 Gédéon E,…, Op cit.

433 Jadour M, La médecine marocaine à la fin du XIXème siècle : exemple Abdessalam Alami, In la connaissance

médicale et l’Histoire des maladies au Maghreb, 2011, pp.49-83.

pleine décadence du point de vue de l’enseignement des sciences, en plus d’une situation lamentable dont souffrait sa bibliothèque435. Mais elle gardait encore sa renommée dans le monde islamique, à tel point que beaucoup d’étudiants ne cessaient d’accourir à Fès chercher la science et surtout l’honneur de se dire élève de ses écoles436

.

L’enseignement de la médecine au Maroc se résumait aux notions des soins de santé primaire437 et les étudiants étaient libres d’étudier, sans aucun devoir à l’État.438. A cette époque, les oulémas prêtaient beaucoup d’attention à l’étude de la médecine, mais ces études étaient superficielles. Elles étaient concentrées sur les livres classiques, sans expérimentations ou pratique clinique439.

Les livres étudiés étaient les suivants:

- « Le nectar de la médecine » (Zoubdate At-Tib)

« بطلا ةدبز

» de Djordjani. - « Le rappel » (At-tadkira) « ة

ركذتلا

» d’As-Soueidi.

- « Le rappel d’Antioche » (Tadkirate Al-Antaki) «

يكاطنلأا ةركذت

» de Daoud

Al-Antaki.

- «Les intégrales » (Al-Koullyates) «تايلكلا » d’Ibn Rochd.

- « Les termes médicaux » (Mofradate Al-Adwya Wa Al-Aghdya) «

و ةيودلأا تادرفم

ةيذغلأا

» d’ Ibn Al-Baitar.

- « L’herméneutique » (Kachf Arroumouz) «

زومرلا فشك

» d’Ibn H’madouch

Aljazairi.

Apres 1904 les œuvres étudiées étaient de plus en plus rares :

« Discours sur la préservation de la santé » (Maqualat Hifd Assiha) «

ظفح ةلاقم

ةحصلا

» d’Ibn Rochd.

« Reflexion sur la santé» (Tadabbor As-Siha) «

ةحصلا ربدت

» d’Ibn Al-Hassan

Alqodaii.

435

Ibid.

436 Raynaud L, …, Op cit, p. 104.

437 Benabdellah A, Développement des Sciences au Maroc pendant un Millier d’Années, Dar Al Maarifa, Rabat, 2000, p. 121.

438

Raynaud L,…, Op cit, p. 104.

« Épîtres sur la santé publique» (Urjuza Fi Hifd Assiha Al-Amma) «

في ةزوجرأ

ظفح

ةماعلا ةحصلا

» d’Abdelkarim Ben Moumen Laâlaj.

Depuis plusieurs décennies, Ibn Khaldoun critiquaient les méthodes d’enseignements jugées figées et stériles. En effet, il avait montré la part excessive réservée à la mémorisation dans l’acquisition des connaissances scientifiques440, l’exemple-type en était la Urjuza, poème didactique avec des explications, ou on y trouve de si nombreux exemples, comme ceux d’Abdelouaheb Aderraq ou celui de Benchekroune Meknassi. Une fois apprises, ils étaient gravés dans la mémoire des étudiants.441 Renan décrivait les étudiants comme « rien

que des compilateurs …. Ils dévorent les documents antérieurs, ils ne les digèrent pas »442

.

Au début du XXème siècle, l'enseignement médical n'existait plus au Maroc. Les études étaient surtout relatives aux étiologies des maladies, aux traitements traditionnels des plaies avec quelques notions des soins primaires. Le traitement des maladies de tout genre se réduisait à des applications de talismans, invocations, prières et emploi empirique de quelques drogues443 avec quelques thérapeutiques ophtalmiques.

En revanche, l’ophtalmologie et la chirurgie dentaire étaient présentes.

L’espagnol José Boada y Romeo lors de sa visite au Maroc à la fin du XIXème siècle, s’est étonné à propos de l’université d’Al Quaraouiyine, « …qu’es ce qui reste de cette

époque glorieuse ? Rien, les bibliothèques ont disparu, les grands savants ont été remplacés par des tricheurs et des sorciers ….».444

Une grande partie des livres, qui formaient les bibliothèques si renommées de la ville, avaient disparu445. Les médecins marocains avaient des connaissances médicales géné-rales446 qui se réduisaient à des notions sur les étiologies des maladies, les soins de santé primaires et à la petite chirurgie. Ils se contentaient d’appliquer quelques remèdes et des pansements.447 La notion classique des quatre tempéraments en rapport avec les 4 éléments; le

feu et la terre (tempéraments chauds) et l’eau et l’air (tempéraments froids)448 remontant à

440 Ibn Khaldoun A,…, Op cit, pp. 489

441

Renaud, H.P.J, État de nos connaissances …, Op cit, p.326.

442 Renaud, H.P.J, État de nos connaissances …, Op cit, p.327.

443 Lwoff.S et Sérieux.P, Sur quelques moyens de contrainte appliqués aux aliénés au Maroc. Revue de psychiatrie et de psychologie expérimentale, 7e série, 15e Année Tome XV, Mai 1911, N° 5, pp.185-189

444

José Boada y Romeo, Allende El Estrecho Viajes por Marruecos (1889- 1894), Traduit en arabe et annoté par Mohamed Abdeslam Morabet, 2015, Ed Litograf, p.178.

445 Raynaud L,…, Op cit, p. 103.

446 Raynaud L,…, Op cit, p. 118.

447

Ibid.

l’époque d’Hippocrate était toujours en vogue. L’étude de l’anatomie était également réduite449, et par l’examen du pouls radial, se reconnaissaient les maladies450

.

Les années d’études n’avaient pas de limites dans le temps et les examens n’existaient pas451. Mais les étudiants, dits « Tolbas », suivaient des cours de leurs choix pendant plusieurs années et quand les étudiants se jugeaient suffisamment formés, ils recevaient de leurs maîtres un diplôme, appelé « Ijaza » qui était un certificat d’études452.

Raynaud réédite la Ijaza d’un médecin marocain à Fès en 1893453, probablement la dernière de cette époque454 (Voir ci-dessous):

Diplôme délivré par des savants de Fez à un Toubib marocain

« Louange à Dieu seul !

I-l n’y a do durable que son Empire.

Les vertueux jurisconsultes témoignent ce dont Dieu a complet le porteur dans l’art de guérir les maux, et qui lui a valu la; popularité dans certains pays. Appelé à se présenter devant eux il s’est montré soumis et digne.

Il a été questionné sur la science de la médecine, et sur ce que Dieu lui a appris dans cet art, la séance ayant été ouverte par des vœux de bénédiction à l’adresse du prophète Hachmi et Koraïchi dont le rang est le plus haut.

Cette assemblée était composée de, notamment, le savant directeur Sid El Hadj Moussa ben Abdesselam, chérif d’origine natif de Fez; le très savant Sid Elliassine ben Driss, natif de Fez, chérif d’origine; le distingué docteur, le pieux Sid El Hadj Ali ben Mohammed, natif de Salé, chérif d’origine ; l’honorable Sid Selimane ben Amar, originaire de Doukala chacun de ce savants chargé spécialement de l’instruction dans la ville de Fez; (la protégée de Dieu suprême).

Lesquels certifient parfaitement connaître nominalement originairement et personnellement le porteur du présent le jurisconsulte, le distingué Si El Hadj Mohammed ben Abd Errhamane ben Ahmed ben Mohammed ben Elhassen natif d’Ouazzan, chérif d’origine.

Ils l’ont examiné sur diverses sciences, aux lieux ordinaires de leurs cours dans la ville de Fez (la protégée de Dieu suprême)

449 Raynaud L,…, Op cit, p. 120. 450 Ibid. 451 Ibid. 452 Ibid. 453 Raynaud L,…, Op cit, pp. 107-109.

Ils ont constaté que le candidat a une connaissance réelle des sciences certaines, telles que l’art de la médecine, reconnue par la loi, et ses applications, aussi la science fondamentale et l’étude fies quatre éléments, d’où découlent les connaissances physiques ; qu’il sait composer les médicaments entre eux pour en obtenir des effets violents ou modérés.

Il sait classer les veines du corps, connaît leurs fonctions et .leur nombre, ainsi que le nombre des os.

Il distingue les nerfs fléchisseurs et extenseurs du corps parmi 'les tendons et les muscles.

Il connaît aussi les plantes, les herbes médicinales et les fleurs ; leurs vertus actives ou négatives, leurs noms, leurs genres, leurs espèces.

Il sait les distiller à l’époque utile de leur force ou de leur innocuité et les administrer aux heures convenables.

Il a enfin la connaissance d’autres branches qu’il serait trop long d’énumérer ici. Il a été reconnu capable, instruit et maître de la noble science, qui le distingue de ses contemporains.

En conséquence, après en avoir délibéré entre eux, les examinateurs lui ont conféré ce diplôme, qui lui fait honneur dans l’art pour lequel il a été examiné. Après quoi ils l’ont congédié ; pour se rendre où bon lui semblera.

De tout quoi les susnommés l’ont investi. Puisse Dieu les faire participer à sa bénédiction. Fait le 8 choual 1310 (25 avril 1893).

Ecrit avec l’autorisation des susnommés ainsi qu’il a été dit et expliqué455 .

2.1.1.2. La formation des médecins aux zaouias

Parallèlement à l’université Al Quaraouiyine, il y avait un enseignement dispensé dans les zaouïas où l’étudiant pouvait s’instruire auprès d’un maître 456

qui se limitait à des connaissances théoriques, sans examen, sans anatomie et les leçons étaient apprises par cœur457

.

Les ouvrages de médecine458 les plus répandus étaient imprimés en Egypte.

C’était des compilations de toutes sortes de recettes. À côté de ces ouvrages, il y avait des manuscrits marocains459

Pour les diplômes, les étudiants, dits « Tolbas », étaient reçus par les habitants, ou

dans les zaouïas, sinon ils louaient, ensemble, une chambre dans les Medersas de la ville. Les étudiants recevaient une subvention de l’État, un morceau de pain par jour460 et quand les étudiants se jugeaient suffisamment formés, ils recevaient de leurs maîtres un diplôme, appelé « Ijaza » qui était une sorte de certificat d’études461.

2.1.2. La formation moderne des médecins : expérience de