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CHAPITRE 3: LA MEDECINE AU MAROC

III- LA DÉCADENCE

1. Les facteurs de la décadence

La décadence au Maroc durant cette période était le résultat de plusieurs facteurs complexes politiques, culturels et sociaux.

1.1. Les facteurs politiques :

L’instabilité qui avait régné au Maroc après le décès du puissant Sultan Moulay Ismaïl, avait beaucoup retenti sur l’état général du pays. En effet, la période qui a suivi son décès a vu le retour à l’anarchie et aux troubles dus à la succession des Sultans provoqués par l’armée Boukhari qui, durant ces trente années (1727-1757), a causé la ruine faisant rentrer le pays dans une crise financière et alimentaire grave.

En 1757, dès la mort du Sultan Moulay Abdallah, son fils Sidi Mohammed Ben Abdallah fut proclamé nouveau Sultan dans un pays ravagé par les conflits et les famines. Il a commencé alors une politique de rétablissement de l’ordre et de restauration de l’autorité dans tout le pays en s’imposant aux Boukharis et aux tribus. Il a équipé l’artillerie sur les côtes marocaines pour les protéger contre les européens puis il reconquiert Mazagan en 1769.

Il fonde et reconstruit plusieurs villes et ports sur la côte atlantique comme la ville de Mogador en 1765 et celle d’Anfa. La ville de Fès, sous son règne a connu une véritable renaissance.

Le Sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah meurt en 1790, laissant un pays plus au moins stable mais avec un pouvoir grandissant des zaouïas.

Le Sultan Moulay Slimane (1792-1822) entame son règne par des conflits politiques avec ses frères Moulay Yazid, Moulay Hicham et Moulay Abderrahmane à cause du problème de la succession au trône. En 1799, dans ce climat tendu, le Maroc a connu de graves épidémies247 provoquant des famines et des catastrophes démographiques sans précédents, en plus des problèmes politiques. Il n’a pas hésité à instrumentaliser certaines zaouïas pour faire face à ces problèmes surtout les Derkaouya et Tijanya.

La fin de son règne se caractérise par l’affaiblissement du pouvoir central et surtout par une très grande défaite contre les tribus de l’atlas sous l’égide de leur chef Boubker Amhaouech en 1822 conduisant cette même année le Sultan à céder le pouvoir à son neveu, Moulay Abderrahmane Ben Hicham. Dès son accession au trône, et contrairement à son prédécesseur Moulay Slimane, il est tenté d’ouvrir le Maroc à des partenaires commerciaux européens248.

Son règne de trente-sept ans Moulay Abderrahmane (1822-1859) a subi plus que jamais les pressions des puissances coloniales européennes.

L’un des faits marquant de cette période était l’Occupation française de l’Algérie en 1830, ce qui a déclenché une série d’évènements graves sur l’avenir de l’intégrité territoriale du Maroc prenant une grande ampleur lors de la bataille d’Isly. En effet, cette bataille n’a duré selon certaines sources que six heures249 et constitué un véritable choc dans les relations entre l’Europe et le Maroc du XIXème

siècle250.

1.2. Les facteurs sociaux:

Les facteurs sociaux étaient surtout incarnés par les épidémies et les famines, ou peut en citer les famines et épidémies majeures:

1.2.1. Les famines :

 La famine de 1721 – 1724 :

247 Renaud.H, La peste de 1799 d'après des documents inédits, Hespéris, Tome 1, 2ème Trimestre, 1921, p. 160-182.

248Brignon.J, …, Op cit, pp.288-289

249

Al-Nasiri A,…, Op cit, Tome 8, p.61.

Avant le décès du Sultan Moulay Ismail, le Maroc a connu une grande sécheresse qui a duré quatre ans, doublée d’une famine et d’une hausse des prix remarquable251.

 La famine de 1738 -1737252

:

Cette famine est liée essentiellement aux troubles des trente ans et au manque des pluies. Les prix ont augmenté surtout en matière des céréales et de la viande qui a disparu des marchés. Le Maroc a connu de graves conséquences dermographiques253.

 La famine de 1742 :

L’historien Doaif Ribati rapporte que les habitants de Fès ont été obligés à vendre leurs maisons et de déménager vers d’autres villes à cause de cette famine254.

 La famine de 1749 :

La sécheresse et le manque de pluie, ont entraîné effectivement une grande crise économique255.

 La famine de 1776 – 1782 :

C’était des années de sècheresse pénible où les gens ont mangé les cadavres et les cochons. Elle a débuté avec la grande famine en 1776256. Après deux ans de baisse de prix257 et de redressement, la famine a repris en 1779 en coïncidant avec une vague de criquet en 1779. Il a duré jusqu’au 1782258. Les marchés ne trouvaient plus d’approvisionnement. Les autorités du makhzen ont fait beaucoup d’efforts au temps du Sultan sidi Mohamed Ben Abdellah pour aider financièrement la population marocaine afin de surpasser cette crise259,

 La famine de 1810- 1818 :

C’était une famine du temps du Sultan Moulay Slimane, coïncidant encore une fois avec la sècheresse et l’invasion de criquets. Cette famine a pris plus d’ampleur avec l’épidémie de la peste et du choléra de 1818260.

 La famine de 1825 – 1826 :

C’était la famine du début de l’ère du Sultan Moulay Abderrahmane Ben Hicham261

. C’était une grave famine mais moins importante que celle de 1850262

.

251 Bezzaz M.A, Histoire des épidémies et des famines au Maroc, Faculté des lettres et des sciences humaines Rabat N: 18, 1992, p. 35.

252

Bezzaz M.A, Histoire des épidémies …, Op cit, p. 41.

253 Harakate I, Le Maroc à travers l’Histoire, Tome III, …, Op cit, p. 499.

254 Harakate I, Le Maroc à travers l’Histoire, Tome III, …, Op cit, p. 500.

255 Ibid.

256

Bezzaz M.A, Histoire des épidémies …, Op cit, p. 71.

257 Bezzaz M.A, Histoire des épidémies …, Op cit, p. 72.

258 Bezzaz M.A, Histoire des épidémies …, Op cit, p. 75.

259Harakate I, Le Maroc à travers l’Histoire, Tome III, …, Op cit, p. 500.

260

Ibid.

1.2.2. Les pestes:

On cite les épidémies de pestes les plus importantes pour détailler, par la suite, celle de 1818.  La peste de 1742- 1741 :

Cette peste a été dévastatrice à Meknès, Fès, Zerhoun et Ksar El Kébir. Elle a fait par conséquent environ quatorze mille victimes.263

 La peste de 1749 :

Elle était accompagnée d’une sècheresse qui a frappé le Maroc en entier.264

 La peste de 1752 :

L’historien Ezzyani rapporte qu’en 1752 le Maroc a connu cette terrible maladie. Elle a touché toute l’Afrique du Nord, ce sont les pèlerins en provenance d’Istanbul par bateau qui l’avait propagée265.

 La peste de 1799 :

Elle s’est propagée dans tout le Maroc rural et urbain, mais surtout dans les villes de Fès et Meknès, elle a été introduite au Maroc par les pèlerins venus de la Mecque266.

 La peste de 1818 :

Cette peste a été introduite, elle aussi, au Maroc par les pèlerins venus de la Mecque. Les chiffres des victimes diffèrent selon les historiens, mais ce qui demeure certain est que cette peste était une peste dévastatrice comme les fléaux précédents.

1.3. Les facteurs culturels : les résistances au

développement

Les résistances étaient surtout religieuses et se résumaient en l’avis des oulémas du Maroc sur les épidémies, surtout les épidémies de peste:

 la peste est une miséricorde pour les croyants et un tourment pour les non croyants.  Il n’y a pas de contagion267

.

L’exemple de la peste et de la quartenaire représente un aspect important des résistances culturelles ou même religieuses et de la décadence médicale au Maroc à tel point que s’est développée au Maroc une forme de littérature appelée « La littérature de la quarantaine ». En effet, chaque auteur fait référence à la religion pour renforcer sa position.

262 Ibid.

263 Harakate I, Le Maroc à travers l’Histoire, Tome III, …, Op cit, p. 479.

264

Ibid.

265 Ibid.

266 Ibid.

267 El Mansour M, La position des oulémas du Maroc des épidémies et des mesures de précaution, In La connaissance médicale et l’Histoire des maladies aux Maghreb, direction d’Assia Benadada, Faculté des lettres et des sciences humaines, Rabat, , 2011, p. 101-102.

Mohamed Bennani dans « Une lettre sur les règles de la peste » «

ماكحأ في ةلاسر

نوعاطلا

» rédigée durant la peste de 1744 à Fès, dit que la fuite d’une région où il y’a la peste

ne sert à rien puisque la mort est un destin du bon Dieu.

Le grand soufi Ahmed Ben Ajiba dans « Salk Dorar Fi Dikri Al Qadaa Wa Al

Qadar » «

ردقلا و ءاضقلا ركذ في رردلا كلس

»268 écrit pendant la peste de 1798- 1800, après le décès de tous ses enfants par la peste, qu’étant esclave du bon Dieu on doit vivre sous son destin, et attendre ce que le bon Dieu tout puissant décide.

Certains ont même on prétendu que les épidémies sont en rapport avec les Djens, que la science ne peut pas les comprendre ou les déchiffrer269.

Mohamed Ben Othman Meknassi lors de son voyage en Espagne, a découvert la quarantaine il l’a critiqué en la décrivant comme trop stricte.270

Même l’élite marocaine de l’époque ainsi que le makhzen ont refusé la quarantaine pour les bateaux revenant des régions épidémiques.271 Abou Qasem Ezzyani qui a découvert la quarantaine en Tunisie, lors de son retour du pèlerinage à la Mecque en 1794, dans le sens où il l’a décrite comme prohibée par la religion et les mœurs.272 Al-Nasiri à quant à lui, refusé la quarantaine, étant donné qu’elle était mal acquis.273

Malgré ces résistances, il y avait certaines voix de la raison comme celle de Mohamed El Filali, décédé en 1818, qui plaidait pour la quarantaine et les mesures de précaution. Il affirmait que ce n’était pas un péché de fuir les zones épidémiques,274

au contraire il fallait combattre les épidémies et les maladies infectieuses en général, en appliquant les règles de la prévention275 notamment dans son œuvre « Lettre de celui qui vient en terre de peste » «

نوعاطلا ضرأب لح نميف ةلاسر

».

Mohamed Ben Yahya Soussi dans « De la médecine » «

بطلا في فيلأت

», a affiché la

même attitude, en affirmant que c’était une maladie contagieuse, dont on devait faire la

268 Benajiba A, Salk Dorar Fi Dikri Al Qadaa Wa Al Qadar, Annoté par Abdelhafid Bekkali, 2015.

269 Hassani A, Le changement handicapé : l’état et la société au Maroc moderne, 2000, p. 202.

270 Ibid.

271

Ibid.

272 Ezzyani A, Tordjmana Al-kobra, Annoté par Abdelkrim Filali, Dar Annachr Al-maarifa, 1991 p.363.

273 Al-Nasiri A,…, Op cit, Tome 5, p.183.

274 El Mansour M, La position…, Op cit, p. 107.

275

El Filali M, Lettre de celui qui vient en terre de peste (Risala Fiman Hala Bi Ardi Taoun)ضرأبلحنميفةلاسر نوعاطلا., Manuscrit a la Bibliothèque Nationale de Rabat, N° 1115 د

prévention par le biais de la quartenaire276.