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Formation des dunes, s´ election de tailles et instabilit´ e de cornes

Dans le document Morphogenese et Dynamique des Barchanes (Page 136-145)

de cornes

Revenons `a notre question de d´epart : d’o`u viennent les barchanes? D’apr`es l’´etude succinte pr´ec´edente, nous pouvons apporter des ´el´ements de r´eponse. Le premier point, c’est qu’une surface de sable initialement plate se d´estabilise et am`ene `a la cr´eation de structure dunaire, comme le montre l’analyse de stabilit´e lin´eaire du mod`ele Ccc et l’ex- p´erience ”aquarium” avec un lit de sable plat comme condition initiale. Cependant, cette explication, satisfaisante pour comprendre la taille minimale, n’est pas facilement trans- posable `a la situation de terrain.

En revanche, les exp´eriences pr´ec´edentes ont montr´e qu’un amas de sable quelconque8

Fig. 4.15 – Emission de barchanes de tailles relativement identique au bout de la corne d’une m´ega barchane de Foum’ Agoutir au Sud Ouest Marocain. La photo est prise en altitude depuis le bras de la m´ega barchane, et les barchanes ´emises font typiquement 30m de long et de large.

donne des dunes dont la morphologie est s´electionn´ee par la hauteur de cet amas, ce qui revient `a dire que c’est l’interaction relief/´ecoulement qui s´electionne directement la taille des barchanes. Cela explique pourquoi il est usuel de trouver des dunes barchanes de tailles ´equivalentes dans un mˆeme endroit, comme dans les couloirs de barchanes par exemple. Ces mˆemes couloirs peuvent trouver une origine dans l’existence de zone d’accumulation de sable qui larguent des barchanes. C’est le cas en particulier des points sources sur le

8. Cet amas de sable doit evidemment ˆetre bien plus grand que la taille minimale pour pouvoir g´en´erer des barchanes.

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terrain. C’est ´egalement ce qui se produit dans l’exp´erience ”aquarium” quand on force une zone d’accumulation de sable `a apparaˆıtre. Les zones d’accumulation peuvent, bien entendu, apparaˆıtre pour d’autres raisons que des raisons topographiques. Une plage par exemple accumule du sable humide qui, lorsqu’il est s´ech´e superficiellement peut ˆetre en- traˆın´e par le vent et former des barchanes ou des dˆomes.

Bagnold [10] avait propos´e une autre raison pour la pr´esence de zone d’accumulation

Fig. 4.16 – Emission de barchanes au bout des cornes. (a) exp´erience ”aquarium” avec des billes de c´eramique, chaque barchane mesurant 5 cm de large. On distingue la d´eposition de petit tas de sable dans le prolongement des cornes, et en particulier la cr´eation d’une petite barchane (dans le cercle rouge) dont la taille doit ˆetre voisine de la taille minimale. (b) Mˆeme situation dans l’exp´erience ”aquarium” mais avec une barchane r´ealis´ee `a partir de billes de verres dont la largeur est de l’ordre de 15 cm. L`a encore des petits dˆomes de sable sont visibles dans le prolongement des cornes.

r´eduite comme les dˆomes de sable. Il remarquait que le transport est plus ´elev´e sur sol dur que sur un sol mou et donc qu’un petit d´epˆot de sable pouvait g´en´erer une zone d’accumu- lation qui ensuite pouvait se transformer en barchane. Ce qui revient `a utiliser l’id´ee du passage d’un dˆome `a une dune, que nous avons vu dans le chapitre pr´ec´edent. Dans cette id´ee de production des barchanes `a partir de la d´estabilisation des zones d’accumulations, nous pouvons ´egalement inclure l’´emission de dunes au bout des cornes des barchanes de grandes tailles. La m´ega barchane de Foum Agoutir, sur laquelle nous avons r´ealis´e l’´etude du chant des dunes dont nous parlerons `a la fin de ce manuscrit (Chapitre 8), pr´esente en effet cette caract´eristique. Sa hauteur atteint 50 m et sa largeur et sa longueur sont de l’ordre du kilom`etre. Sur cette dune, nous observons d’une part l’instabilit´e de type d´e- formation d’une surface plane, puisque son dos est tr`es ”tourment´e” et que de nombreuses formes barchano¨ıdes s’y d´eveloppent et, d’autre part, l’existence de nombreuse barchanes de taille identique qui sont situ´ee dans l’axe de l’une de ses cornes (voir figure Fig. 4.15). Le mod`ele Cccou l’exp´erience ”aquarium” nous montre qu’au niveau des cornes le flux de sable est presque satur´e. Ainsi, de simples fluctuations du flux de sortie de ces grosses barchanes, peuvent provoquer des d´epositions de sable. Ces d´epˆots, s’ils sont suffisamment grands, peuvent ensuite se transformer en plusieurs barchanes. La corne qui relargue barchane apr`es barchane peut donc ˆetre vue comme une zone d’accumulation aliment´ee, puisque du sable nourrit la m´ega barchane constamment. Ce type de m´ecanisme repose sur la taille de la barchane m`ere puisque la taille des cornes augmente avec la taille de la dune. En effet, il a ´et´e possible de reproduire le mˆeme ph´enom`ene avec l’exp´erience pour des barchanes relativement larges comme le montre la Fig. 4.16.

En r´esum´e, `a partir de zones d’accumulation, quelles quelles soient, des barchanes sont nucl´e´ees et leurs tailles caract´eristiques semblent d´ependre essentiellement de la hauteur de cette zone d’accumulation. En parall`ele les grandes structures peuvent, pour les mˆemes raisons, larguer des barchanes de tailles plus modestes. Dans les deux cas, une zone dense en barchane apparaˆıt et se propage dans le sens du vent. Un ”corridor” de barchanes est ainsi cr´e´e. Ce type de macro-structure soul`eve des interrogations fondamentales qui ont trait `a la stabilit´e des barchanes et aux interactions inter dunes. C’est l’objet de la partie suivante.

existence des corridors

Couloir de barchanes dans la r´egion de Tarfaya

c

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Sommaire

5.1 Les Corridors de barchanes . . . 141 5.2 Instabilit´e fondamentale des barchanes solitaires . . . 144 5.2.1 R´esultats du mod`ele Ccc . . . 144 5.2.2 Evolution du flux de sortie avec la taille des barchanes . . . 146 5.2.3 L’instabilit´e des barchanes . . . 147 5.2.4 Temps de retournement . . . 149 5.2.5 Temps d’interaction inter dunes . . . 150 5.2.6 Estimations et ordres de grandeur . . . 150 5.3 Instabilit´e par le flux : le cas du champ de dunes . . . 151 5.4 Instabilit´e par les collisions . . . 153 5.4.1 Collisions absorbantes . . . 153 5.4.2 Collisions complexes ? . . . 154 5.5 Conclusion . . . 158

L’´etude pr´ec´edente sur la nucl´eation des

Fig. 5.1 – Agrandissement d’une zone de grande densit´e de barchanes. R´egion de Tarfaya. Les bar- chanes ont sensiblement la mˆeme taille dans une mˆeme r´egion. c IGN Marocain.

barchanes nous sugg`ere que les barchanes ne sont pas des dunes isol´ees, mais qu’au contraire elles sont g´en´eralement int´egr´ees dans des structures de plus grande ´echelle : les couloirs de dunes. A l’int´erieur de ces couloirs, les barchanes se d´eplacent, inter- agissent avec leurs voisines directes, fusion- -nent, disparaissent. Nous sommes loin de l’´etude de laboratoire que nous avons ef- fectu´ee dans les chapitres 2 et 3. Partant d’une configuration donn´ee, comment ´evo- lue une barchane dans un champ de dunes? Et comment ´evolue l’ensemble du corridor? La mod´elisation Ccc a-t-elle tous les ingr´e- dients pour reproduire l’existence de tels corridors de dunes? Une fois n’est pas cou- tume, nous allons montrer que la mod´eli- sation Ccc n’est pas en mesure de reproduire un corridor stationnaire pour une raison tr`es simple et trop souvent omise dans l’´etude du comportement des barchanes : une barchane isol´ee est un objet instable. Le socle th´eorique que nous avons construit s’effondre quelque peu... Pour notre plus grand plaisir, puisque les chapitres suivants r´ev´elerons des compor- tements encore inexplor´es et passionnants comme les collisions de dunes. La physique des dunes est une science ouverte.

5.1

Les Corridors de barchanes

Les barchanes sont g´en´eralement incluses dans un syst`eme de dunes de plus grande ´echelle : les couloirs de dunes. Ceux ci, d’apr`es les nombreuses photos a´eriennes pr´esent´ees dans cette th`ese, sont caract´eris´es a priori par un nombre restreint de param`etres : leurs largeurs, leurs longueurs, la densit´e de dunes et les statistiques des tailles de ces dunes. D’un couloir `a l’autre ces propri´et´es peuvent varier consid´erablement notamment en ce qui concerne la densit´e et la taille moyenne des dunes. Par exemple sur la Fig. 5.2 les tailles des dunes moyennes varient facilement d’un facteur 4, allant de barchanes de 20 m`etres de large `a des barchanes de plus de 100 m`etres de large. En revanche `a l’int´erieur d’un mˆeme couloir la dispersion des tailles est plus faible et la gamme de taille des barchanes va seulement du simple au double. Sur la Fig. 5.2, on peut observer des densit´es tr`es

Fig. 5.2 –Corridors de barchanes du Sud-Ouest marocain. Selon le corridor les densit´es de dunes peuvent ˆetre tr`es diff´erentes.

´elev´ees sur la partie gauche du corridor et il est mˆeme difficile de distinguer nettement les barchanes les unes des autres. Il s’agit en fait plutˆot d’un champ barchano¨ıde. Sur la droite de cette photographie, les densit´es de dunes sont beaucoup plus faibles. Pour une barchane prise dans un couloir de dune le flux d’entr´ee, qin est impos´e par les dunes en amont. En

142 Les Corridors de barchanes

Fig. 5.3 – Corridors de barchanes dans le Sud-Ouest marocain. Ces corridors s’´etendent sur environ 300km dans la direction des aliz´es. Dans chacun des 4 couloirs, les propri´et´es intrins`eques peuvent varier consid´erablement. C’est notamment le cas de la densit´e de dunes et de la taille moyenne des barchanes. Courtesy of P. Rognon.

effet, les agencements de barchanes en ´echelon indiquent que chaque barchane alimente directement une barchane en aval. Il est alors tentant d’imaginer que cet agencement d´e- finit un flux moyen, q∞ qui ´equilibre l’ensemble du motif et qui maintient une densit´e de

dune et une taille moyenne des barchanes constante dans le temps. Cette taille moyenne des barchanes pouvant ˆetre reli´ee d’apr`es le chapitre pr´ec´edent aux caract´eristiques de la source du corridor. Cependant la s´election de taille ne peut ˆetre parfaite et la dispersion en vitesse des barchanes entraˆıne n´ecessairement l’apparition d’une s´egr´egation de taille le long du couloir si rien ne s’oppose `a son d´eveloppement. Ce n’est pourtant pas ce qu’on observe sur les photographies a´eriennes (voir Fig. 5.2 et Fig. 5.4) o`u la taille moyenne ne semble pas ´evoluer le long du couloir. Comme l’existence de ces couloirs de dunes peut ˆetre estim´ee `a environ 10000 ans [121], une telle s´eparation d’´echelle devrait avoir eu le temps de se d´evelopper. C’est pourquoi les couloirs de dunes semblent ˆetre stables spatialement et temporellement, du moins `a des ´echelles g´eologiques courtes.

Fig. 5.4 –Simulation de couloirs de dunes. A partir d’une configuration initiale quelconque, le Cc c mod`ele

est utilis´e pour essayer de capturer l’existence d’une macro structure stable, o`u chaque barchane nourrit sa suivante. Le r´esultat escompt´e est totalement absent! Au contraire, il ne reste qu’une grosse barchane form´ee par coalescence. La dur´ee entre chaque image correspond `a t = 50 l2s/Q et la taille de la boite de

calcul est de 512 ls. Ceci correspond, avec les param`etres donn´es dans le texte, `a t ' 9 ans et une taille du

champ de dune de l’ordre de 1km.

L’utilisation du mod`ele Ccc, `a partir d’une distribution al´eatoire de barchanes de taille moyenne initiale 30 ls, ne permet pas de retrouver des macro-structures ressemblant `a un

couloir! Au contraire la dispersion en vitesse des barchanes n’est pas contrebalanc´ee par les variations de flux `a l’int´erieur de ce couloir et les dunes de tailles diff´erentes se s´eparent spatialement. De plus une des barchanes absorbe les barchanes ”incidentes” et finalement le corridor de dune tant attendu se r´esume `a une seule et unique gigantesque barchane! Il y a donc, a priori un (ou des) m´ecanisme(s) qui nous a(ont) ´echapp´e(s).

144 Instabilit´e fondamentale des barchanes solitaires

En r´ealit´e, depuis le d´ebut de cette th`ese, nous parlons r´eguli`erement de formation de barchane, tout en supposant implicitement que leur existence `a long terme est une ´

evidence, c’est `a dire en les supposant stables et ´etant plac´ees dans des conditions d’´equi- libre. L’exp´erience ”aquarium” nous a pourtant montr´e que, dans des conditions de flux nul, les barchanes ´etaient vou´ees `a disparaˆıtre lentement `a cause de la perte de sable par les cornes. De mˆeme les exp´eriences sur la nucl´eation des barchanes sugg`ere que celles ci existent ´egalement dans des conditions de flux intense. Naturellement, pour obtenir une barchane qui ne se d´eforme pas, il est n´ecessaire d’avoir un bilan de masse nul et donc que les flux incident et sortant soient ´equilibr´es. Prenons donc une dune dans cette situation, isol´ee de toutes perturbations ext´erieures. Elle se d´eplace tranquillement sans changer de forme, et le syst`eme perdure. Maintenant si, `a cause d’une autre perturbation (petit buis- son, squelette de chameau, ...) le flux de sable incident est diminu´e, la barchane ”voit” un flux de sable plus petit et ”ses besoins” ne sont plus satisfaits. Comme elle continue `a perdre du sable par ses cornes sa taille diminue. Le ”buisson” ´etant maintenant loin, le flux de sable retrouve sa valeur d’origine et on aimerait que la dune se mette `a grossir afin de revenir `a sa position d’´equilibre. Mais qu’en est il vraiment?

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