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Les Fonds et instruments d’équilibre et de cohésion spatiale de l’UE

Chapitre 1.3: L’Union européenne par le prisme des frontières

1.3.3 Les Fonds et instruments d’équilibre et de cohésion spatiale de l’UE

Dès le traité de Rome s’est posé la question de la « cohésion économique et sociale »

communautaire. Le premier élargissement en 1973 de l’espace communautaire de la CEE a

souligné l’enjeu de l’intégration territoriale des nouveaux États membres. Des instruments ont

été mis en place à ce dessein, et étoffés au sein du montage institutionnel, de la CEE à l’UE au

fil des traités. Des fonds structurels ont été mis en place et révisés successivement pour soutenir

et coordonner les politiques visant ces objectifs, dont les États restent les principaux

responsables, conformément au principe de subsidiarité (Bafoil, 2009).

L’Union européenne compte actuellement cinq fonds, prenant en compte des axes

divers. Le Fonds social européen (FSE), orienté sur les politiques de formations

professionnelles

149

, le Fonds européen de développement régional (FEDER), orienté sur la

politique régionale

150

, le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER)

151

,

orienté sur la politique de cohésion agricole, le Fonds européen pour la pêche (FEP)

152

, orienté

sur la restructuration du secteur de la pêche, et le Fonds de cohésion, pour épauler les États

membres les plus fragiles économiquement

153

.

Le Fonds de cohésion et le FEDER financent les politiques et programmes liés plus

particulièrement à l’intégration spatiale et à la politique régionale (Drevet, 2008). Ils ont joué

un rôle important dans l’intégration et l’ « européanisation » progressive des territoires des

nouveaux États membres d’Europe centrale et orientale (Bafoil, Lhommel, 2003 ; Bafoil, 2004),

en contribuant notamment à leur décentralisation et à leur régionalisation administrative via la

logique de projets et de financements européens (Bafoil, 2006). Globalement, à l’échelle de

l’ensemble des États membres, les fonds structurels ont participé à ce changement

149 « Le FSE investit dans le capital humain, l'objectif premier étant d'améliorer l'emploi et les possibilités de formation dans les pays de l'Union européenne. Il s'efforce aussi d'améliorer la situation des personnes les plus vulnérables menacées de pauvreté. L'aide du FSE couvre toutes les régions de l'UE. Entre 2014 et 2020, plus de 80 milliards d'euros seront consacrés à des projets visant à développer le capital humain dans les États membres,

et au moins 3,2 milliards à la seule initiative « Emploi des jeunes » », voir

http://ec.europa.eu/regional_policy/index.cfm/fr/funding/social-fund/

150 « Le Fonds européen de développement régional (FEDER) a pour vocation de renforcer la cohésion économique et sociale dans l'Union européenne en corrigeant les déséquilibres entre ses régions », voir : http://ec.europa.eu/regional_policy/fr/funding/erdf/

151 Second pilier de la Politique agricole commune (PAC), le FEADER contribue au développement des territoires ruraux et à la cohésion dans le secteur agricole.

152 Le Fonds européen pour la pêche (FEP) doit contribuer à la réalisation des objectifs de la politique commune de la pêche (PCP) qui consistent notamment à assurer la conservation et l’exploitation durable des ressources de la mer.

153 Le Fonds de cohésion aide les États membres dont le revenu national brut (RNB) est inférieur à 90 % de la

moyenne communautaire afin d'aplanir les disparités sociales et économiques et de promouvoir le développement durable. Pour la période 2014-2020, le Fonds de cohésion couvre la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l'Estonie, la Grèce, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Voir : http://ec.europa.eu/regional_policy/fr/funding/cohesion-fund/

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paradigmatique opéré à partir de 2009 : rompant avec l’approche traditionnelle de politiques

régionales redistributives « descendantes, d’inspirations « keynésiennes », ils se sont de plus en

plus réorientés sur des approches territoriales « ascendantes » en soutenant des projets et des

programmes cofinancés et impliquant des acteurs à des échelles variées (O’Brien et al., 2015).

Ces politiques ont créé des opportunités inédites pour les acteurs nationaux, régionaux et

locaux, et contribué à leur mise en compétition et concurrence (Hélie, 2004) ; techniques et

transversales, elles ont également fait naître de nouveaux profils d’acteurs intermédiaires locaux

et régionaux ayant à charge la gestion des projets européens au niveau infranational, dans les

administrations publiques comme dans le privé (Lebrou, 2017).

Deux principaux programmes financés par le Fonds de cohésion et le FEDER sont à

l’œuvre concernant la cohésion spatiale du territoire européen.

Premièrement, le réseau transeuropéen de transport (RTE-T), programme de

développement des infrastructures de transport de l'Union européenne, dans les domaines

routiers, ferroviaires, fluviaux, portuaires et aériens. Il vise l’amélioration des réseaux

multimodaux et la réalisation des infrastructures concrètes permettant le marché unique et

charpentant l’espace européen. Neufs corridors de circulation principaux ont été identifiés pour

lesquels le RTE-T principalement

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. Le RTE-T affirme une dimension spatiale de

la construction européenne et l’amorce d’une territorialisation des institutions communautaires,

cette dernière s’opère cependant sans transfert de souveraineté mais repose de fait sur la

capacité d’incitation politique et financière de l’UE vis-à-vis des États membres qui gardent

toute leur capacité d’initiative (Beyer, 2015).

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Deuxièmement, le programme Interreg, qui concerne la coopération transfrontalière et

vise à soutenir les projets de dynamisation et de coopération des interfaces frontalières entre

États membres ou avec leurs voisins. « Même si d’aucuns estiment que la suppression des

frontières est un leurre et que la disparition de certaines d’entre elles donne jour à d’autres

limites, il n’en reste pas moins que, grâce à la programmation Interreg, le projet d’une Europe

sans frontière prend tout son sens et les États peuvent exploiter les potentialités des territoires

frontaliers, jusqu’alors négligés compte tenu de leur éloignement des lieux de décision, pour

en faire des bassins dynamiques de développement. Comme l’écrit Jean-François Drevet, « sur

un continent longtemps traversé par les limites presque étanches (le rideau de fer mais aussi

les frontières entre les démocraties populaires et avec l’URSS), Interreg apporte une

contribution incalculable. En Europe centrale et orientale, au contact de pays aux situations

socio-économiques très contrastées, appelées à gérer des flux de plus en plus importants et

confrontées à des changements de statut (adhésion, reprise de l’acquis Schengen), les zones

frontalières doivent non seulement assurer leur propre mutation, mais jouer un rôle intégrateur

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5). Ce rôle d’intégration concerne toutes les interfaces frontalières, et actuellement, il n’y a pas

de région frontalière à l’intérieur ou aux marges de l’UE qui ne soit pas concernée par un des

54 programmes Interreg

155

.

On retrouve ici la logique de concertation, de projet et de cofinancement caractéristique

des programmes européens : sous la supervision du commissaire européen à la Politique

régionale, les parties prenantes qui codirigent et cofinancent

156

établissent un comité de suivi et

un programme

157

qui sera complété financièrement par des fonds Interreg issus du FEDER. Des

appels à projets selon les priorités choisies sont ouverts à des acteurs locaux et peuvent être

soutenus par le programme

158

. Ainsi, de la construction d’un hôpital dans une région

frontalière

159

au soutien financier à un évènement artistique comme « la nuit de la culture

transfrontalière de Rheinfelden », à la construction du pont sur le Danube entre la ville roumaine

de Calafat et de Vidin en Bulgarie

160

, des milliers de projets sont soutenus et réalisés via

Interreg, comme autant de touches pointillistes visant à faire émerger une cohésion d’ensemble

dans des zones frontalières qui ne sont parfois que récemment des territoires interfaces,

renforçant la dimension transactionnelle des espaces frontaliers (Hamman, 2013). Au-delà des

réalisations concrètes, ce programme incite les acteurs à la coopération transfrontalière, et à

tisser des réseaux et des procès de ce type : il participe ainsi pleinement à une

« européanisation » des institutions et des acteurs.

155 Voir l’infographie sur les 54 programmes de la phase 2014-2020, annexe 1.1.2 page 403

156 Généralement des États et/ou des collectivités locales, d’au moins deux États membres ou associés.

157 Généralement autour d’une réalisation principale, et en définissant des axes prioritaires pour les actions.

158 Associations, entreprises, collectivités locales sont éligibles à un cofinancement de projets qui doivent être multipartites, transfrontaliers et correspondre aux axes sus-cités.

159 Exemple de l'hôpital transfrontalier de Cerdagne, réalisé en 2014 à la frontière franco-espagnole.

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