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En se fondant sur cette conception, les juges considèrent notamment que dans l'examen de la relation entre la personne qui fournit l'information et

celle qui la reçoit, il faut se demander, par exemple, si elles sont du même côté de la barrière ou non; ainsi, retient-on que lorsque le vendeur engage un comptable pour évaluer l'objet de la vente, l'acheteur, qui est "de l'autre côté", dans une position adverse, ne saurait rechercher le comptable en cas d'erreur: il doit lui-même vérifier la qualité des informations données

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en revanche, il pourrait en aller différemment de l'actionnaire de la société qui a engagé la société d'audit"8. On doit se demander aussi s'il

y

a un contrat qui pourrait influencer le contenu des obligations vis-à-vis des tiers de celui qui donne les renseignements ou encore si la victime aurait pu se renseigner auprès d'autres sources. Le fait de destiner une information à quelqu'un

44 Bank oJC",dit and Commerce International (Overseas) v. Priee Waterhouse [1998]

(CA: Nourse, Brooke LU, and Sir Brian Neill), case no. LTA 97/5551CMS3, Smith BernaI International case transcripts. voir annexe 3.4, pp. 261 S5.

4S Cf. BANAKAS, Liability, p. 272 et les réf. citées.

46 Id IDe. cit. L'arrét BCCI est cité à la note 44.

47 Cp. l'arrêt français (note 20) qui retient la solution contraire.

48 Cp. l'arrêt de New York (note 35) qui va dans le sens contraire.

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avec l'intention qu'elle en prenne connaissance et qu'elle s'y fie est égale-ment détenninant49.

B. Les enseignements du droit comparé

À la différence du droit suisse (et allemand), aucun des droits étrangers exa-minés n'envisage une responsabilité de troisième type pour sanctionner la communication de faux renseignements à des tiers. La responsabilité pour la communication de renseignements inexacts est clairement de type extracontractuel. Le fait qu'il existe une relation spéciale entre le responsa-ble et le lésé comme le souligne notamment le droit anglais n'y change rien.

On ne voit d'ailleurs pas pourquoi il en irait autrement à partir du moment où les limites découlant du § 823 BGB et de l'énumération limitative des biens protégés qu'il consacre n'existent pas.

Ce qui fonde la responsabilité dans les droits français, américain et an-glais, c'est le fait de manquer de diligence dans la recherche ou dans la communication d'informations sollicitées ou offertes au lésé, dès lors que celui-ci est en droit de s'y fier: plutôt que d'examiner le seul comportement de l'auteur, il faut aussi s'interroger sur la position du lésé. On peut à cet égard retenir notamment les éléments suivants:

1. Le lésé doit avoir subi un dommage. Il faut en plus que l'auteur ait pu prévoir le dODÙnage et que celui-ci soit en relation de causalité avec la fausse information. On notera que le droit français se sert de cet élément pour limiter la responsabilité: la faute du défendeur n'est pas causale lorsque le lésé avait les moyens de vérifier la qualité de l'information reçue.

2. Dans la même logique, mais sans référence expresse à la causalité, les droits américain et anglais exigent qu'à défaut d'une relation de con-fiance particulière, le lésé soit en droit de se fier à l'information commu-niquée, soit parce que l'auteur connaît ou doit connaître l'importance que le destinataire de l'information donne à celle-ci, soit parce que le lésé n'a pas les moyens de vérifier la mauvaise qualité de l'information transmise. De façon plus restrictive que les autres droits américains et que le Restatement, le droit de New York insiste sur le caractére direct de la relation qui doit exister entre le lésé et le responsable. Il faut qu'il

49 Cf. BCCl (note 44); cf. èg. Andrew & ORS v. Kounnis Freeman [1999] EWCA 2375 (pour plus de détails, cf. annexe 3.4, p. 261 ss).

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de la responsabilité civile révèlent, avec des spécificités propres, une posi-tion intennédiaire, à mi~hemin entre la position du droit allemand et celle du droit français. Le comportement déraisonnable de celui qui communique de mauvais renseignements n' entraine une obligation de réparer que si l'auteur du dommage avait un devoir de ne pas agir au détriment de la victime. Ce devoir découle de façon générale de la confiance que la victime est en droit de placer dans les informations données par l'auteur. À défaut de contrat, cette confiance doit être sanctionnée par le droit de la responsabilité extracontractuelle.

Si la souplesse du droit français a ses mérites, le caractère ouvert mais également détaillé des critères de limitation de la responsabilité des droits anglais et américain paraitra sans doute plus rassurant pour le juriste suisse.

Ce dernier y trouvera en tous les cas des informations concrètes utiles et pratiques. La position intermédiaire de ces droits paraît sans doute particu-lièrement apte à résoudre à la fois le problème de la protection des victimes et celui des limites qu'il convient d'assigner à la responsabilité civile.

En relation avec la responsabilité pour la communication de faux ren-seignements, les critères développés par la jurisprudence américaine et an-glaise montrent de quelle façon le droit suisse pourrait progressivement évo-luer, de façon pragmatique, tout en répondant aux besoins de la sécurité du droit. L'instrument de la causalité utilisé en droit français offre aussi des moyens de délimililtion intéressants que le droit suisse n'exploite pas suffi-samment.

L'étude de l'ensemble de ces droits révèle que, correctement comprise, la responsabilité extracontractuelle est tout à fait adaptée aux besoins que la responsabilité fondée sur la confiance cbercbe à couvrir. Aucun de ces droits n'a fait appel à une responsabilité d'un troisième type, ce qui tend à révéler le caractère pour le moins contingent de cette dernière. Quoi qu'en pensent les adeptes du principe de la légalité dans notre pays, la présente étude

sug-g~ enfm que c'est au juge qu'il revient de faire la loi dans ce domaine. Cela n'a rien d'inquiétant dès lors que lajustice doit s'affirmer dans les faits; si on prend les précédents au sérieux, on verra au contraire que le résultat est en général fiable et précis. En réalité, rien n'est plus redoutable que la fausse sécurité qui s'attache aux barrières rigides posées par les codes lorsque

cel-les~i contredisent le sentiment de la justice. Celles du § 823 BGB que la jurisprudence a introduites dans l'art. 41 CO en sont le plus parfait exemple:

la responsabilité fondée sur la confiance ne serait pas née sans elles.

La responsabilité fondée sur la confiance