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fonction psychique : la culture constitue le moule des personnalités ; elle offre un choix de modèles, de valeurs, de significations symboliques ; mais ce choix n’est

LA REFERENCE SOCIOLOGIQUE

2) fonction psychique : la culture constitue le moule des personnalités ; elle offre un choix de modèles, de valeurs, de significations symboliques ; mais ce choix n’est

pas illimité, il caractérise les options possibles. La culture confère ainsi une « forme » aux individus de la société.

Une culture artificielle est donc un cadre symbolique dans lequel inscrire les agents. Elle caractérise l’ensemble des attributs d’un systèmes social et de ses individus. On peut admettre que tout système collectif artificiel apte au symbolisme a une culture.

Guy Rocher [1968] établit un parallèle intéressant entre la culture et l’instinct. Il montre ainsi que si l’instinct traduit « l’adaptation principale de l’animal à ses besoins et à son environnement », et donc lui permet de « répondre à la réalité », la culture, qui est propre à l’homme, remplit le même rôle pour l’homme dans son cadre social. Cette hypothèse implique en particulier que le recul de l’instinct chez l’homme correspond aux avancées de la culture, comme le montre aussi différentes analyses des évolutions de l’enfant.

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La coexistence dans un système social artificiel de processus de type instinctifs (ou réactifs), et culturels (symboliques), traduit une distinction désormais explicite entre société et environnement.

3.5.1 Idéologie

L’idéologie est un système d’idées et de jugements, explicites et organisé, qui sert à décrire, expliquer, interpréter et justifier la situation d’un groupe ou d’une collectivité, et qui, s’inspirant de valeurs, propose une orientation précise à l’action historique de ce groupe ou de cette collectivité [Rocher, 1968]. L’idéologie est donc cohérente, explicative, et oriente l’action. Elle constitue une représentation symbolique de la société et de ses valeurs par elle-même, et dans sa globalité. Elle affiche explicitement son intention de faire l’unanimité (alors que ceci n’est qu’un effet des systèmes de valeurs). Elle est le premier niveau d’expression symbolique de la société comme entité objective. Et donc elle est un prérequis pour l’élaboration d’une stratégie de changement social.

Une idéologie dans un système collectif artificiel est une construction symbolique qui a pour objet l’action sociale elle-même. Il s’agit donc de ce qu’on pourrait appeler un niveau « méta-social » qui n’est pas encore très répandu, à notre connaissance, parmi les agents artificiels. Cependant, dans tous les systèmes collectifs supervisés (avec un contrôle centralisé) il existe au moins une idéologie implicite qui est celle utilisée par le superviseur.

Les idéologies sont souvent le fait d’élites qui ont la capacité d’analyser le social. Il peut coexister des idéologies différentes autour d’une même société.

3.5.2 Socialisation « culturelle »

Il s’agit ici des processus d’apprentissage et d’intériorisation des éléments socioculturels du milieu, et de leur intégration à la personnalité, sous l’influence d’expériences et d’agents sociaux significatifs. Il y a successivement acquisition symbolique de la culture, intégration à la personnalité, et donc tendance vers la conformité.

Les mécanismes de socialisation sont de nature psychique (et non biologiques), et ils s’inscrivent dans une évolution liée à l’histoire de chaque individu au sein de la collectivité. D’une part, il y a apprentissage par essai, répétition, imitation, avec des récompenses et des punitions. Le milieu social transfère ainsi la culture instituée. D’autre

part, il y a intériorisation d’autrui par des processus spéculaires (j’imagine l’image que j’ai), ou le développement de ce que George Mead appelle la « notion d’autre généralisé », c’est à dire une image unifiée du collectif.

La perspective de construction d’un mécanisme de socialisation culturelle artificielle nous paraît utopique pour au moins deux raisons : tout d’abord la durée et la quantité d’information intégrée durant la socialisation humaine est bien supérieure à tout ce qu’on peut imaginer dans un système artificiel, et d’autre part les bases fonctionnelles physiques et psychiques de la socialisation sont d’une telle complexité que l’on imagine mal de les reproduire (en supposant que l’on puisse les connaître...).

L’apprentissage est un processus artificiel déjà largement étudié. Articulé autour de normes, valeurs et sanctions, il se rapproche des notions de « renforcement ». L’intériorisation d’autrui est aussi intégrée dans les modèles artificiels d’agents cognitifs, qui disposent de modèles des autres et de processus spéculaires d’élaboration de plans coopératifs.

3.6. L’alternative stratégique

Les théories sociologiques sont très nombreuses et très variées. Nous n’avons considéré ici que les théories classiques. Nous souhaitons cependant citer l’approche « stratégique » de Crozier et Friedberg [1977] (voir aussi l’annexe sur « acteurs et négociation »), qui pose trois postulats :

1. les acteurs conservent toujours des objectifs propres, et ne sont donc jamais de simples rouages dans une « grande machine sociale »,

2. les acteurs se conservent toujours une marge de manoeuvre, une liberté individuelle, et en usent,

3. la rationalité des stratégies est limitée (cf. les travaux de Simon [1977]).

Sur cette base s’élabore une théorie compréhensive qui illustre en particulier comment le social est une combinaison de tensions contradictoires qui s’équilibrent, et donc qui instituent le conflit comme « moteur social ».

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102 4. Conclusion : implications sur la conception des SMA et agents

Cette approche de la sociologie n’a pas vocation à servir directement pour l’analyse des contextes de décision dans les domaines nous intéressant ici. Comme nous l’avons annoncé en introduction, il s’agissait plutôt d’avancer quelques hypothèses sur le fondement de la conception des systèmes sociaux artificiels, à partir de l’analyse des systèmes sociaux humains.

Nous reprenons ici quelque unes des caractéristiques principales susceptibles de nous intéresser :

1. L’action sociale peut être considérée soit du point de vue individuel (dépendance de l’action à celles des autres acteurs), soit du point de vue collectif (existence de structures contraignantes). Classiquement, pour les systèmes multi-agents, la première approche est retenue, car elle repose sur la définition des agents, et la spécification de modes interactifs particuliers. Mais la deuxième approche, fondée sur l’explicitation des

organisations, peut être intéressante dans une perspective de réorganisation dynamique,

où la structure, représentée sous une forme symbolique, devient l’objet d’une stratégie. A cet effet, l’organisation peut être décrite en tant que système d’interactions, ou en tant qu’ensemble de normes attachées à des rôles particuliers. L’innovation sociale repose alors sur la reconfiguration des interactions, ou sur l’émergence ou la disparition de nouveaux rôles. La conception ou négociation d’une nouvelle forme d’organisation ne préjuge en rien de l’acceptation des positions sociales par les acteurs concernés.

2. La position sociale, les valeurs, la culture, d’un acteur résultent d’un processus évolutif, au cours duquel l’acteur a été confronté à autrui, et s’est, peu à peu, déterminé socialement. En général, les systèmes multi-agents sont construits statiquement, et le concepteur suppose un ensemble cohérent, qu’il serait capable de spécifier a priori. Par référence au cadre social humain, on peut donc proposer une approche dynamique, dans laquelle les différents déterminants sociaux sont acquis par l’agent en fonction d’interactions. Ce type d’approche est déjà reconnue dans le cas des agents adaptatifs, mais elle concerne souvent les connaissances de l’agent, et non sa structure d’action, ou ses déterminants stratégiques.

3. L’idéologie, en tant que justification construite d’un fonctionnement social particulier, peut être le support d’une négociation portant sur le changement social. Cette référence

gagnerait cependant à être enrichie par une analyse du caractère « stabilisateur » des idéologies, en particulier dans le cas de systèmes sociaux soumis à des contraintes fortes.

4. L’appréhension d’une sanction négative par un agent artificiel pourrait être l’instrument d’une forme de socialisation. De plus, la représentation de la sanction permet d’éviter la sanction elle-même. Or, la sanction, lorsqu’elle est effective, conduit à une perturbation majeure du système, qui, dans une approche constructive, est rarement souhaitable. Ainsi, si les agents peuvent élaborer leur action et ses conséquences prévisibles, sans l’expérimenter dans le cadre interactif réel, alors on fait l’économie d’une « crise structurelle ». On notera cependant, que le recours, pour la décision des agents, à un modèle d’évaluation fondée sur une fonction de préférence, revient à considérer des possibilités de sanctions positives ou négatives, traduites en coûts.

L’ensemble de ces options sont discutées de façon plus appliquée dans le chapitre 4, partie 3. Par ailleurs, à partir de cette réflexion, nous avons raisonné les bases « sociales » du système SANPA (chapitre 7), notamment les modèles d’acteurs et d’organisations que les agents utilisent (explicitation de l’organisation), et l’acquisition progressive des modèles de communication (structuration du graphe de performatifs).

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Partie 2

Propositions

De la conception des Systèmes Multi-Agents