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Les flux de nitrates des cours d’eau arrivent en mer et ont des conséquences sur le littoral

Dans le document ÉTAT DES LIEUX 2019 (Page 110-117)

SOUTERRAINES SONT MULTIPLES

ZOOM : UN EXEMPLE DE LIEN ENTRE LES MESURES PRISES EN TERMES D’OCCUPATION DU SOL ET L’ÉVOLUTION DE LA TENEUR EN NITRATES D’UN

4.4.3 Les flux de nitrates des cours d’eau arrivent en mer et ont des conséquences sur le littoral

19 Le flux est obtenu par le produit de la concentration moyenne de nitrates pondérée par les débits avec le débit moyen annuel.

Les flux d’azote qui arrivent en Baie de Seine provoquent des déséquilibres aux impacts préoccupants, comme des échouages d’algues et des développements épisodiques de microalgues toxiques. Toutefois, les flux de nitrates transitant par les fleuves, à l’origine de problèmes d’eutrophisation marine, montrent très peu d’évolution au cours des 20 dernières années sur le bassin. Sur la façade, la Seine représente quantitativement la source principale. Les apports de nitrates par les fleuves de la baie du Mont-Saint-Michel constituent également un enjeu.

Dans l’objectif de limiter l’eutrophisation, la stratégie de façade maritime prévoit de fixer des objectifs de concentration en nitrates à l’exutoire des principaux fleuve. Ces objectifs seront pris en compte dans le SDAGE.

Les apports fluviaux et atmosphériques sont à ce jour les deux principales sources de nitrates en milieu côtier. Des travaux conduits en applica-tion de la convenapplica-tion OSPAR, il apparait qu’entre 1995 et 2008 les apports atmosphériques à la mer représentaient environ 20 % des apports totaux en azote. Les flux transitant par les fleuves constituent donc la source majoritaire.

Grâce à la mise en place du modèle Pégase, il a été possible d’estimer les débits journaliers aux points de suivis physico-chimiques du bassin. À ce jour, seule l’année 2015 est disponible. Ainsi, les flux de nitrates à la mer ont pu être calculés par application de la méthode adoptée dans la convention OSPAR (DWC19).

Figure 43. Flux de nitrates des principaux fleuves de la façade en 2015 Flux de nitrates en 2015 (t NO3-N/an) Flux bruts exprimés en tonne d’azote

Flux spécifiques exprimés en kilogramme d’azote nitrique par hectare de bassin versant

Flux spécifiques de nitrates en 2015 (kg NO3-N/ha/an) Figure 35. Nombre de rejets significatifs industriels par branche

50 000 20 000 10 000 5 000 2 000 1 000 500 200 100 50 20

40

30

20

10

0

Sélune Sée Thar Vanlée Bosq Sienne Soulles Ay Dielette Divette Saire Sinope Douve Taute Vire Aure Seulles Orne Dives Touques Risle Seine Lézarde Valmont Durdent Veules Dun Saane Scie Béthune Yères Bresle

Sélune Sée Thar Vanlée Bosq Sienne Soulles Ay Dielette Divette Saire Sinope Douve Taute Vire Aure Seulles Orne Dives Touques Risle Seine Lézarde Valmont Durdent Veules Dun Saane Scie Béthune Yères Bresle

En flux bruts, la Seine reste très largement le fleuve le plus contributeur en apports de nitrates sur la façade avec environ 77 kilotonnes en 2015, soit plus de 75 % (Figure 43, haut). Compte tenu de l’étendue du panache de la Seine, ces

apports touchent une très grande partie de la Baie de Seine voire la mer du Nord. La Carte 34 illustre ce phénomène à travers la présence de chlorophylle-a, un marqueur d’eutrophisation.

Carte 34. Évaluation du critère D5C2-chlorophylle-a dans la sous-région marine Manche-Mer du Nord Extrait du rapport Évaluation DCSMM 2018 de l’état d’eutrophisation des eaux marines françaises. Ifremer.

D’autres fleuves présentent des flux élevés comme la Risle, l’Orne ou bien encore la Sélune (environ 30 000 tonnes). Néanmoins il est nécessaire d’analyser également les apports via les flux spécifiques qui permettent de prendre en considération la taille des bassins versants. Dans ce cas, l’ordre des principaux contributeurs apparait très remanié (Figure 43, bas) : la Sée, la Veules et la Sélune présentent les flux spécifiques les plus élevés (à minima une trentaine de kg de nitrates par hectare en 2015).

La Figure 44 illustre sur quelques exemples, en s’affranchissant des variations de débit, l’évolution globale des flux de nitrates sur la façade entre 1995 et 2015, à savoir une stabilité, en dehors de quelques cas particuliers (ici, variations interannuelles fortes sur la Vire). En prenant pour chacun des fleuves l’ensemble de la chronique, les flux de nitrates présentent une augmentation statistiquement significative pour la Seine (en rouge) et la Bresle (en gris), une diminution pour la Vire (en bleu). En ne conservant que les données à partir de 2000, plus aucune tendance statistiquement significative n’est détectée, en dehors de la Bresle, en augmentation.

5 10 15 20 25 30 35 40

Sélune Orne Seine Bresle

Vire

Flux spécifiques de nitrates pondérés en 2015 (kg NO3-N/ha/an) par hectare de bassin versant

1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Figure 44. Évolution temporelle des flux spécifiques de nitrates pondérés pour 5 fleuves de la façade

Si plus aucun cas extrême de type anoxie n’est constaté, d’autres manifestations de l’eutro-phisation restent toujours bien présentes sur la façade. Les échouages d’algues vertes ne régressent pas et une tendance à la hausse est même observée sur certains sites embléma-tiques, comme la côte de Nacre ou l’est de la baie des Veys. Par ailleurs, les déséquilibres des nutriments provoquent la prolifération de certaines espèces de phytoplancton, produc-trices de toxines qui contaminent les bivalves.

Ces phénomènes apparaissent essentiellement à l’embouchure de la Seine, avec cependant une progression sur la façade de la présence de toxines dans les coquillages, pour le moment à des niveaux sans conséquence d’un point de vue sanitaire. Rappelons tout de même que la pêche de la coquille Saint-Jacques avait été fermée plusieurs mois en 2011-2012 pour cette raison.

Les apports excessifs de nutriments favorisent également la production d’algues vertes oppor-tunistes, les ulves. Dans de telles conditions nutritives, elles peuvent se développer au moins dans un premier temps aux détriments d’autres espèces d’algues classiques. Ces ulves viennent s’échouer sur les estrans, provoquant, lors de leur décomposition, la production d’un gaz nocif, le sulfure d’hydrogène, qui peut être, dans des cas extrêmes non rencontrés sur la façade, à l’origine de problèmes sanitaires. Par ailleurs, ces dépôts parfois très importants et odorants peuvent avoir un impact sur le tourisme. Ces échouages sont fortement conditionnés par la configuration de chaque site : présence d’un platier rocheux permettant l’ancrage et le déve-loppement des algues, sens des courants et du vent, présence d’ouvrages côtiers, occurrence des tempêtes, conditions d’ensoleillement…

Il est donc difficile de relier directement ces échouages avec les zones de production, d’une part, et d’autre part d’observer des tendances nettes sur des chroniques relativement courtes.

Carte 35. Cumul des surfaces couvertes par les Ulves lors des 3 inventaires annuels (surfaces exprimées en équivalent 100 % de couverture)

Les échouages d’algues vertes déclassent en outre l’état des masses d’eau de Barfleur et de la Côte de Nacre. Le phénomène n’est pas en régression, voire franchement en augmentation sur le secteur de Courseulles. Les échouages significatifs du côté de Julouville s’explique-raient par les forts apports de nutriments en Baie du Mont-Saint-Michel tout en étant accrus par la courantologie et la configuration côtière du secteur.

Les experts s’accordent pour dire que les chan-gements climatiques, dont certains effets se font déjà sentir, vont impacter l’ensemble des mécanismes intervenant dans l’eutrophi-sation et en amplifier les symptômes (ESCo Eutrophisation). Les principales prévisions - à savoir l’augmentation de la température globale, la prépondérance d’évènements extrêmes, une forte variabilité…- induiront des effets sur les éléments physico-chimiques – augmentation

de la température de l’eau, érosion plus forte, augmentation des nutriments – qui à leur tour impacteront les écosystèmes et leurs fonc-tionnements. Il est impossible aujourd’hui de prévoir comment les espèces phytoplancto-niques, qui ont un cycle de vie de l’ordre de quelques jours, ou même les communautés de macro-algues, vont s’adapter à ces change-ments rapides. L’expérience montre cependant que ce sont les espèces les plus proliférantes qui sortent gagnantes de ce type de situation, et que ces nouvelles conditions pourraient favoriser certaines espèces productrices de phycotoxines.

Il est donc très plausible que les manifesta-tions d’eutrophisation soient aggravées par le changement climatique.

4.4.4 189 masses d’eau de cours d’eau sont impactées de manière significative par le phosphore diffus

20 Modèle WATEM/SEDEM (Borelli et al., CE-JRC, 2018)

21 Base de données de l’European Soil Data Center du JRC (Commission Européenne)

Le phosphore d’origine diffuse, qui vient principalement de l’érosion de sols riches en phosphore du fait d’apports passés, impacte plus de masses d’eau que lors du dernier état des lieux. C’est probablement dû à un accroissement de l’érosion. Ce phosphore peut être à l’origine de phénomènes d’eutrophisation des eaux continentales.

Quelles sont ces pressions ?

Les flux de phosphore transférés aux masses d’eau de surface sont évalués à partir de la teneur en phosphore des sols. Puis les masses d’eau pour lesquelles ces flux, y compris ceux apportés par les masses d’eau amont, sont signi-ficatifs, sont évaluées.

Contrairement au cas de l’azote, dont la source de rejets diffus est liée au surplus résultant des pratiques agricoles annuelles, les sources prépondérantes de phosphore diffus sont les

stocks de phosphore constitués des surplus accumulés au fil de plusieurs décennies de ferti-lisation intensive dans la deuxième moitié du XXe siècle (ces apports agricoles sont aujourd’hui en forte baisse). Cela est dû à la propriété du phosphore de se lier fortement aux particules du sol. Le mécanisme principal responsable des apports diffus de phosphore vers les eaux de surface est l’érosion des sols.

Méthode d’évaluation

Le calcul des apports diffus de phosphore se base sur l’estimation des flux de matières en suspension d’une part et du contenu des sols en phosphore total d’autre part.

Les flux de matières en suspension sont issus de flux érosifs nets, représentés ci-dessous et établis au moyen d’un modèle20 renseigné par une base de données européenne21.

Carte 36. Bilan des flux annuels érosifs nets par bassin versant

Ces flux sont ensuite agrégés par bassin versant élémentaire et convertis en concentrations de matières en suspension dans les eaux de surface via les données SAFRAN-ISBA-MODCOU de flux d’eau infiltrés et ruisselés annuels moyens.

Les teneurs en phosphore des sols sont extraites de la base de données des concentrations en phosphore total des sols22.

Pression en phosphore diffus et évolution Les flux d’apport diffus de phosphore par masse d’eau de surface, représentés dans la Carte 37, et leurs concentrations en moyennes annuelles au cours de la période 2010-2016 ont ensuite été calculés. Aucun effet du passage à travers la zone riparienne n’est pris en compte dans le cas du phosphore par manque de données.

Carte 37. Apports en phosphore diffus aux masses d’eau de surface

Les régions sujettes à forte érosion comme la Normandie ou l’Oise sont également les plus émettrices de phosphore diffus. À contrario, les régions de faible érosion, comme la Champagne, sont les régions les moins émettrices de phosphore diffus vers les cours d’eau.

Ces apports ne sont pas en relation directe avec les pratiques agricoles actuelles. Ils reflètent plutôt le stock de phosphore présent dans la couche superficielle du sol, qui lui-même est principalement un héritage des pratiques agricoles antérieures. Actuellement, les pratiques agricoles aboutissent plutôt à réduire lentement le stock considérable de phosphore

accumulé dans les sols. Même si l’efficacité d’abattement du phosphore des eaux usées par le parc de stations d’épuration est supérieure à 75 %, les apports ponctuels restent, à l’échelle du bassin de la Seine, du même ordre de grandeur que les apports diffus.

Le nombre de masses d’eau superficielles impactées de manière significative a doublé depuis le dernier état des lieux

La pression en phosphore est jugée significa-tive sur la base du croisement entre la qualité de la masse d’eau en matière de phosphore (état écologique 2019) et la contribution du lessivage des sols agricoles à l’impact global du phosphore déterminé à l’aval de chaque masse d’eau établie

par le modèle PEGASE. Les résultats obtenus ont été soumis à l’expertise locale des services de l’agence de l’eau et de l’Etat, compte tenu des données de surveillance de la qualité de l’eau disponibles ainsi que d’éventuelles données de pression plus précises.

Les masses d’eau dont l’état écologique est déclassé par le phosphore et dont le bilan des flux de phosphore à l’exutoire montre une part

significative du lessivage des sols (seuil de 10 à 40 % suivant le niveau de déclassement par le phosphore) sont considérées comme subissant une pression diffuse significative en phosphore total. Comme le montre la Carte 38, 189 masses d’eau sont concernées sur les 334 masses d’eau déclassées par le phosphore (les autres proviennent significativement de rejets ponctuels).

Carte 38. Bassins versants de masses d’eau impactées par une pression significative en phosphore diffus

Le nombre de masses d’eau déclassées par le phosphore diffus a doublé depuis l’état des lieux de 2013, qui les chiffrait alors à 94.

4.4.5 Les manifestations du phosphore

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