• Aucun résultat trouvé

Intermède pratique

2 La lecture, pour interagir et devenir

2.1 Une expérience dʼimmersion fictionnelle

2.1.2 La fiction, un texte du lecteur

Le responsable n’est pas le livre, ni même tout à fait le lecteur, mais la combinaison malheureuse des deux.

Charles Dantzig Les nombreux travaux portant sur la fictionnalité et d’autres provenant d’approches critiques diverses412, témoignent de l’intérêt relativement récent, mais

soutenu de la recherche littéraire pour la fiction en tant que telle et pour le rôle actif du lecteur face au texte. Dans Fictional Worlds, par exemple, Thomas Pavel met en avant une interprétation des fictions comme mondes possibles à partir d’une réflexion philosophique. Notre approche du dispositif littéraire et de son fonctionnement s’appuie sur cette théorie et nous considérons le texte littéraire comme une porte d’entrée sur des mondes parallèles à la réalité. Cette conception renvoie à des principes métaphysiques théorisant l’existence de tous les mondes possibles ou « non-actualized possibles413 », comme

le précise Lubomír Dolezel dans son article « Possible worlds and literary fictions ». Ceux- ci sont toutefois restreints par leur réalisation textuelle : nous n’envisageons pas que ces mondes existent d’eux-mêmes, avant d’être décrits dans les récits. Nous verrons qu’en réalité, ces mondes ne correspondent pas à la description dont en font les textes, mais bien à l’actualisation de ces textes par le lecteur, comme l’indique Umberto Eco :

Étant une construction culturelle, un monde possible ne peut être identifié à la

manifestation linéaire du texte qui le décrit. Le texte qui décrit cet état ou cours

d’événements est une stratégie linguistique destinée à déclencher une interprétation de la part du Lecteur Modèle. Cette interprétation (de quelque façon qu’elle soit exprimée) représente le monde possible dessiné au cours de l’interaction coopérative entre le texte et le Lecteur Modèle414.

412 Voir notamment : BESSIÈRE, Jean (dir.), Littérature, représentation, fiction, Paris, Honoré Champion, 2007 ;

LANGLADE, Gérard et ROUXEL, Annie (dir.), Le Sujet lecteur : lecture subjective et enseignement de la littérature, Rennes, PUR, 2004 ; LAVOCAT, Françoise (dir.), La Théorie littéraire des mondes possibles, Paris, CNRS, 2010 ;

MAR, Raymond A. et OATLEY, Keith, « The Function of Fiction is the Abstraction and Simulation of Social Experience », Perspectives on Psychological Science, vol. 3(3), 2008, p. 173-192 ; MIALL, David, « Literary

Discourse », dans GRASSER, Art, GERNSBACHER, Morton A. et GOLDMAN, Susan R., Handbook of

Discourse Processes, Mahwah, NJ, Lawrence Erlbaum Associates, 2002, p. 321-355 ; ORTEL, Philippe (dir.),

Discours, image, dispositif : Penser la représentation II, Paris, L'Harmattan, coll. « Champs visuels », 2008 ;

PAVEL, Thomas, Univers de la fiction, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1998 ; SCHAEFFER, Jean-Marie, Pourquoi

la fiction ?, Paris, Seuil, 1999 ; ZUNSHINE, Lisa, Why we Read Fiction : Theory of Mind and the Novel, Columbus,

Ohio State University Press, 2006.

413 « possibles non-actualisés » DOLEZEL, Lubomír, « Possible Worlds and Literary Fictions », loc.cit., p.

230.

Bien que nous ne partagions pas les vues d’Eco sur le Lecteur Modèle inscrit dans le texte et sa coopération, sa description des mondes possibles comme interprétation du lecteur correspond à notre proposition vis-à-vis du lecteur réel. Nous considérons également que le monde réel, comme les mondes possibles, est une construction culturelle.

Chaque texte écrit est donc une porte ouverte sur un monde différent pour chaque lecteur, voire chaque lecture d’un même texte pour un même lecteur. Selon Gérard Langlade, chaque lecture est une expérience unique :

Chaque œuvre littéraire engendre ainsi une multitude d’œuvres originales produites par les expériences à chaque fois uniques des lecteurs empiriques415.

Le « texte du lecteur416 », créé à chaque lecture, implique une certaine sélection, consciente

ou non, des matériaux de l’œuvre. On retrouve un indice de cette appropriation du texte par le lecteur notamment dans les « retentissements intimes qui accompagnent une lecture417 », lesquels, note Langlade,

[…] apparaissent souvent sous la forme à la fois dérisoire et encombrante de détails minuscules – une odeur, une couleur, une image, un bruit, une émotion, etc. – suscités par une rêverie qui concerne cette lointaine périphérie du texte où se confondent l’univers de la fiction, la banale réalité du monde et le miroir voilé des fantasmes418.

Nous pouvons imaginer le texte du lecteur comme une version personnelle du texte. Cette hypothèse prend tout son sens dans le roman La Tête en friche de Marie-Sabine Roger, dans lequel le personnage de Margueritte fait la lecture de La Peste à Germain en sélectionnant certains passages. Cette lecture devient alors la « version » du roman que découvre Germain et qu’il choisit de conserver même lorsqu’il a l’occasion de lire le livre en entier :

Mais ce bouquin, comment vous dire ?... Je le lirai jamais tout à fait en entier.

Parce que la version – Voir : interprétation – que je préfère, c’est celle de Margueritte419.

Chaque lecture supporte en effet la production d’un modèle mental et symbolique par le lecteur, c’est-à-dire une représentation du récit, qui apparaît comme un monde en

415 LANGLADE, Gérard, « Le sujet lecteur auteur de la singularité de l’œuvre », loc.cit., p. 87.

416 MAZAURIC, Catherine, FOURTANIER, Marie-Josée et LANGLADE, Gérard (dir.), « Présentation. Le

texte du lecteur », Le Texte du lecteur, op.cit., 2011, p. 19-25.

417 LANGLADE, Gérard, « Le sujet lecteur auteur de la singularité de l’œuvre », loc.cit., p. 81. 418 Ibid.

lui-même. Celui-ci est accessible à partir du nôtre à travers le support sémiotique du texte lorsque ce dernier est déchiffré par le lecteur. Même lorsqu’il fait référence à la réalité, le modèle n’a pas qu’une fonction descriptive, il crée une entité autonome, comme l’indique Philippe Quéau dans son Éloge de la simulation :

Il s’agit toujours en premier lieu de représenter le réel, ou certains de ses aspects, par des figures plus maniables, c’est-à-dire plus transportables ou mieux mémorisables. Mais il ne s’agit pas seulement de représentation. Il y a parfois beaucoup plus de choses dans le monde des symboles que dans l’intention de ceux qui les créent. En effet, loin d’être des entités passives, simples traductrices d’un désir de représentation, de dénomination on peut parler métaphoriquement d’une sorte de « vie » des symboles420.

Lorsque nous reprenons l’idée de cette « vie » des symboles évoquée par Philippe Quéau pour l’appliquer à la littérature, nous pouvons alors penser le texte comme dépassant l’expression de la pensée de l’auteur alors qu’il est singularisé par le lecteur. Celui-ci, par son interprétation subjective du texte, témoigne de l’autonomie de l’œuvre littéraire et du monde qu’elle peut contenir. L’activité du lecteur, précisément, « ne renverrait, selon Langlade, ni à la littérature, ni à la réalité421 », mais à cet univers parallèle créé par la

rencontre d’un texte et d’un lecteur.

L’auteur contrôle pourtant les indications données aux lecteurs dans son texte pour reconstruire le monde qu’il contient. Ce schéma de Lubomír Dolezel présente bien le phénomène de reconstruction par le lecteur :

420 QUÉAU, Philippe, Éloge de la simulation, Seyssel, Éditions du Champ Vallon, coll. « Milieux », 1986,

p. 125.

Figure 3 : « Literary Transduction » (Transduction littéraire), dans DOLEZEL,

Lubomír, Heterocosmica : Fiction and Possible Worlds, Baltimore/London, John Hopkins University Press, coll. « Parallax », 1998, p. 203.

Le schéma indique que l’auteur écrit le texte tandis que le lecteur le lit, et que le texte construit ou reconstruit, selon que l’on considère l’auteur ou le lecteur, un monde fictionnel. Nous constatons donc que les indications fournies par le texte permettent au lecteur de reconstruire le monde fictionnel élaboré par l’auteur. Toutefois, le schéma de Dolezel montre des limites quant à l’identité du monde en question. En effet, même s’il prend naissance dans un texte donné, celui-ci souffre nécessairement de quelques disparités entre sa construction par l’auteur et sa reconstruction par le lecteur, et donc par chaque lecteur empirique.

L’objet de la lecture est le texte en lui-même et la représentation dont s’en fait le lecteur. La saisie du texte comme objet du monde ne peut toutefois être que fragmentaire, partielle et même parfois décevante, car comme l’indique Isabelle Daunais,

[…] la littérature est un des rares lieux qui accepte de décevoir, de retirer, de faire douter422.

Le processus de la lecture montre comment le lecteur met en signe le texte comme objet du monde pour le comprendre et y voir du sens. Ce processus, ouvert et indéfini, tend à se stabiliser par épuisement ou désintérêt, mais il reste toujours ouvert. Ce qui est en jeu dans la lecture, c’est donc, comme ce qu’ont identifié Brigitte Almudever et Alexis Le Blanc pour la communication, des significations, du sens donné aux mots et aux éléments non-discursifs :

Les significations avec lesquelles les interlocuteurs « se débattent » sont des significations « co-construites ». Elles résultent de la confrontation des « mondes vécus » de chacun des interlocuteurs et de l'élaboration d'une référence commune. Celle-ci concerne les représentations réciproques que les sujets se font l'une de l'autre, les représentations qu'ils ont de l'objet de la communication et leurs représentations de la situation elle-même423.

Aussi, bien que la lecture soit une forme de communication tronquée, elle implique des significations « co-construites » résultant de la « confrontation des "mondes vécus" » du texte et du lecteur.

Même si l’activité du lecteur est silencieuse, celui-ci construit le monde de l’œuvre en fonction de ce qu’il en a retiré et participe à l’élaboration d’une référence commune. La lecture ne consiste pas en un simple transfert d'informations, car le sens ne se transporte pas, uniquement les signes. Le sens est construit par le lecteur. C’est pourquoi Charles Dantzig, dans la foulée de Michel de Certeau, décrit ainsi le lecteur qui appose sa marque :

Le bon lecteur est un tatoueur. Il s’approprie, tant soit peu, le bétail des livres424.

Le travail du lecteur implique deux types de processus425 : un filtrage, c’est-à-dire une

sélection en fonction du niveau d'information préalable du lecteur, de ses intérêts, de ses valeurs et de sa perception du texte et de l’auteur ; et un effet de halo, qui élabore le sens en fonction de ce que le texte évoque pour le lecteur, par association avec des connaissances préalables, émotions, expériences, etc.

Cet effet de halo est, par exemple, visible dans La Tête en friche, alors que le personnage de Germain découvre La Peste et qu’il est particulièrement marqué par la

423 ALMUDEVER, Brigitte et LE BLANC, Alexis, « La spécificité de l’approche psychosociale des processus

de communication : l’exemple d’une situation d’écoute professionnelle », loc.cit., p. 290.

424 DANTZIG, Charles, Pourquoi lire ?, op.cit., p. 23.

425 En référence à la distinction faite par l’approche psychosociale de la communication, dont rend compte

scène du voisin qui veut se suicider et écrit sur sa porte « Entrez je suis pendu ». Il explique sa réaction par l’association suivante :

J’avais bien apprécié La Peste, parce que ça me rappelait cette péripétie […] de mon voisin qui s’était fait bouffer la tête par son chien – et qu’on a beau faire on tient toujours un peu aux souvenirs d’enfance426.

Cette scène du roman prend une signification toute particulière pour le personnage car son propre voisin avait aussi laissé un message sur sa porte lorsqu’il s’est tué d’un coup fusil dans la tête, pour éviter que ses enfants entrent et découvrent son corps à leur retour de l’école. Il n’avait toutefois pas prévu que son chien serait attiré par son sang et nettoierait sa boîte crânienne, et que son fils, en entendant le chien gratter à l’intérieur, entrerait malgré tout, pour découvrir une scène horrible. Il n’est pas surprenant qu’un tel souvenir produise un effet de halo sur la lecture de La Peste.

Il va de soi que l’actualisation d’un texte par le lecteur diffère toujours plus ou moins de l'intention de l'auteur, qui n’a pas d’autorité sur l’assimilation de son œuvre car, comme l’indique Charles Dantzig,

[…] chaque lecteur d’un livre lui trouve une résonance particulière427.

L’œuvre n’est pas un texte fini, mais l’amorce d’une élaboration personnelle, un objet

textuel, lequel a été décrit notamment par Jauss et Iser et, de manière particulièrement

suggestive, par Jacques Geninasca :

D’ailleurs, l’écrit – ou le dit – n’est pas le texte. Préalablement à sa prise en charge par un sujet, à la saisie/construction que doit encore assurer une instance énonciative, il n’est pour le lecteur, pour l’auditeur, que la promesse ou la virtualité d’un texte : un objet textuel, ce sur quoi, à partir de quoi, il convient d’instaurer un (plusieurs) texte(s). Chaque usage, chaque « pratique discursive » a pour effet d’actualiser certaines des virtualités de cet objet, par et à travers l’actualisation simultanée d’un sujet (une instance énonciative) et d’un objet (un texte). Lire, interpréter un énoncé, en constituer la cohérence, cela revient à actualiser le texte dont l’objet textuel n’est encore que la promesse, le saisir comme un tout de signification, comme un ensemble organisé de relations428.

Dans l’actualisation de l’objet textuel, comme dans ce que décrivent Didier Anzieu et Jean-Yves Martin pour la communication,

426 ROGER, Marie-Sabine, La Tête en friche, op.cit., p. 165. 427 DANTZIG, Charles, Pourquoi lire ?, op.cit., p. 23.

428 GENINASCA, Jacques, « Du texte au discours littéraire et à son sujet », dans MILOT, Louise et ROY,

[…] la charge symbolique des significations des mots utilisés au fur et à mesure induit des associations de sens qui ouvrent des champs de compréhension […]429.

Contrairement à une communication entre interlocuteurs, ces champs de compréhension ne progressent pas des deux côtés dans l’activité lectorale, mais le travail du lecteur fait avancer ses propres représentations. Il construit ainsi une référentialité, qui n’appartient pas au texte, mais qui le prend comme point de départ. La référentialité, même pour Michael Riffaterre, qui récuse pourtant la dimension référentielle des œuvres,

[…] est en fait dans le lecteur, dans l’œil de celui qui regarde […] elle n’est que la rationalisation du texte opérée par le lecteur430.

On trouve un bon exemple de cette référentialité personnelle et, de plus, culturellement infléchie dans Un ange cornu avec des ailes de tôle, où Michel Tremblay, enfant lecteur de la Comtesse de Ségur, s’interroge sur la signification « d’un haricot de mouton aux pommes de terre431. » Ce plat n’étant pas connu, du moins sous cette appellation,

dans le Québec des années 1950432, le garçon demande à sa mère et sa grand-mère ce qu’il

peut désigner. Après réflexion, les deux femmes et le garçon en déduisent que le haricot doit désigner une pièce de viande, les rognons en l’occurrence – à cause de leur forme de haricot et du rapprochement avec l’anglais kidney beans –, servie avec des pommes de terre. Cette déduction, bien qu’erronée, fixera cette croyance chez Michel :

C’est ainsi que je pensai pendant toute mon enfance que les Français appelaient les rognons des haricots433 !

Le jeune lecteur part donc des indices du texte pour construire sa propre signification, faisant sens pour lui en fonction de son milieu culturel, assez éloigné de celui de l’auteure même s’il partage la même langue qu’elle.

Attardons nous brièvement au potentiel constructeur des mots, lequel permet au lecteur de (ré)élaborer le monde fictionnel décrit par le texte. Afin d’illustrer notre propos, nous ferons référence à un passage de L’Usage de la parole de Nathalie Sarraute, recueil de

429 ANZIEU, Didier et MARTIN, Jean-Yves, « Les communications dans les groupes restreints », dans La

Dynamique des groupes restreints, Paris, Quadrige/PUF, coll. « Psycho », 2007 [1968], p. 194.

430 RIFFATERRE, Michel, « L’illusion référentielle » loc.cit., p. 93.

431 de SÉGUR, S., L’Auberge de l’Ange-Gardien, cité dans TREMBLAY, Michel, Un ange cornu avec des ailes de tôle,

op.cit., p. 49.

432 D’ailleurs, encore aujourd’hui, ce plat est désigné comme un ragoût de mouton et non un haricot. Le

terme n’est plus utilisé en France, remplacé par d’autres comme pot-au-feu ou civet.

textes courts dont l’autoréflexivité éclaire la mise en place du monde fictionnel. Dans le texte « Le mot Amour », l’échange entre les amoureux mentionnés précédemment est prétexte à une explication sur le mot « amour » qui émerge de la conversation et se matérialise jusqu’à devenir lui-même un personnage. Le mot acquiert donc une existence propre et s’inscrit dans un espace, lequel s’affirme aussi pour les amoureux, comme s’ils entraient dans un nouveau monde :

Le mot « amour » passant de l’un à l’autre accomplit ce miracle : des mondes infinis, fluides, incernables, insaisissables prennent de la consistance, deviennent en tous points semblables, faits d’une même substance. « L’amour » est en chacun d’eux434.

Le monde qui se matérialise pour les personnages de ce récit est comparable aux mondes fictionnels tels qu’ils apparaissent au lecteur lorsque celui-ci déchiffre le texte. Les mots allant du texte au lecteur, « passant de l’un à l’autre » dans le cas des personnages, dessinent le monde de la fiction perçu par le lecteur, qui prend alors « de la consistance », comme dans le texte de Sarraute.

Par ailleurs, il n’est pas anodin que l’amour soit le sujet de ce récit. D’une part, l’auteure renouvelle le thème le plus classique de la littérature pour montrer que l’amour ne réside pas dans les mots les plus voyants, mais qu’il réussit quand même à percer ceux- ci par sa vitalité et son authenticité. Le propos de Sarraute rafraîchit les lieux communs de la littérature, il resitue sa force « dans ces mots, les plus modestes et discrets qui soient, les plus effacés […] dans les espaces vides en eux435 » dit le récit. Il montre ainsi que les

mondes de la littérature se construisent notamment « dans les espaces vides » du texte, lesquels nous renvoient aux « blancs » théorisés par Iser et Eco dans lesquels le lecteur peut s’investir de manière créative. D’autre part, l’amour renvoie à un sentiment développé entre deux personnes qui interagissent et s’approche, en ce sens, de la relation développée entre le lecteur et le texte donnant, bien sûr, naissance à toute une gamme de sentiment chez le lecteur. Il rappelle la proximité particulière du texte et du lecteur, l’échange qui a lieu entre les deux. Aussi, les personnages du récit incarnent en quelque sorte la relation entre texte et lecteur, rassemblés par un mot qui « fait monde » et qui ouvre à un espace parallèle.

434 SARRAUTE, Nathalie, L’Usage de la parole, op.cit., p. 76. 435 Ibid., p. 83.

La lecture, parce qu’elle est un processus dynamique, sollicite la créativité du lecteur et l’aide à développer son imaginaire, à considérer de nouvelles possibilités et à affiner sa sensibilité. Le lecteur est tout sauf passif et il doit, indiquent Raymond Mar et Keith Oatley, faire appel à ses capacités cognitives pour construire et non récolter du sens :

Narvaez (2002) stresses that readers are active and that they construct rather than collect meaning from story texts, which is consistent with our idea that readers may respond to the actions of protagonists rather than adopting them unthinkingly436.

Parce que certains schémas préexistants sont parfois inappropriés pour comprendre un texte, une reconstruction des connaissances du lecteur peut être nécessaire afin de surmonter cet obstacle à la lecture. Dans un de ses articles, Halász437 suggère que les

souvenirs personnels peuvent être l’une des sources de cette réadaptation et que, à cette