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IV. TEMPORALISATION DU METIER D’ACTEUR

IV. 3. B) Sous les feux des projecteurs

• Temps de la répétition – temps de la représentation

La représentation de théâtre est toujours précédée d’un moment de répétition, temps de recherche et également de création. Le temps de la répétition au théâtre est paradoxalement souvent très peu répétitif. La troupe répète tant qu’il y a des modifications à apporter. Ce

528 Interview Philippe – annexe n°8, p. 336 529 FERAL J., Op. cit., p. 20

161 temps de préparation et de recherche est d’une part un temps solitaire et d’autre part, un temps de groupe. L’apprentissage du texte est un travail relativement solitaire, chacun s’entraine, cherche son personnage puis il s’agit de mettre en commun ses trouvailles, pour travailler une mise en scène collective. D. Podalydès fait part de la façon dont il envisage ce travail pré-représentation comme assez régressif : « je poursuis mon travail solitaire, exercice de mémoire, entrainement physique, monologue, rêverie désordonnée à voix haute, pleine d’inspiration et de pannes, selon. Des heures entières parfois, mélangeant tout, dans une grande jubilation régressive, dont il m’arrive de sortir exténué. »530 Le jeu semble en effet bien présent pour le comédien dès ces instants de préparation mais d’une nature différente de celle du jeu théâtral à proprement parler. Cette jubilation régressive évoquée par l’auteur n’est-elle pas celle qui permet d’accéder à nouveau à l’infantile en lui-même, au caractère exploratoire du jeu qui précisément lui permet de se construire ?

Est-ce le fait même que le théâtre garantit la représentation à l’issu de la répétition, qui rend celle-ci agréable et ludique ? Elle pourrait en effet s’avérer potentiellement mortifère à l’image de la compulsion de répétition théorisée par S. Freud531 qui contraint le sujet à un

éternel recommencement dans l’espoir que ce qui a fait effraction pour le sujet puisse être intégré par le psychisme et contenu dans une représentation ? Le but de la représentation est connu par l’artiste. Ainsi le travail de répétition revêt un caractère exploratoire. Il invite le comédien à un lâcher prise qui lui permettrait de rester dans une dynamique de construction et de changement sans risquer de s’adonner à un travail de répétition à l’identique. Il s’agit de faire, de refaire et de s’abandonner, de lâcher-prise pour qu’advienne quelque chose de nouveau comme source de création. A. Dussolier témoigne de l’importance de la confiance qui s’établie avec le metteur en scène, qu’il a connue notamment connu grâce au réalisateur A. Resnais : « Je sentais de la part de Resnais un regard si bienveillant, une telle écoute, une telle confiance que je me suis abandonné. Au fur et à mesure des répétitions, je me rendais compte de l'économie de mes gestes, de ma voix qui devenait de plus en plus grave, des expressions qui se concentraient sur l'essentiel... C'est ça le travail de l'acteur, cette bataille avec la vérité. Même si nous ne nous exprimons pas avec notre vérité propre, le travail nous rend accessible la vérité du personnage et sa sincérité. »532

530 PODALYDES D., Op. cit., p. 135

531 FREUD S. Œuvres Complètes, Volume XV, Op. cit. 532 DUSSOLIER A., Op. cit., - annexe n°3, p. 277

162 Une fois un résultat satisfaisant obtenu selon l’avis du metteur en scène, il s’agit d’arrêter une mise en scène. Concernant le jeu théâtral, « arrêter une répétition, marquer sa fin, reconnaître que l’on touche une limite, que « c’est fini », c’est presque dire : « quelque chose d’autre doit m’arriver » »533, explique D. Sibony. L’enjeu du comédien semble se

situer à ce niveau-là, celui de jouer en apparence à l’identique sans pour autant se vider de la vitalité de son jeu. Tout le travail de répétition pour le comédien consiste à accéder à un niveau d’interprétation le plus juste possible pour l’arrêter dans une forme qu’il pourra convoquer chaque soir. D. Podalydès envisage trois temps qui alternent durant la phase de répétition. D’abord l’ « invention de jeu dans et par l’état d’incertitude » ce qu’il nomme la cristallisation de l’interprétation, le temps de l’ « agencement et construction » qui serait celui de la solidification et enfin le moment de « fixation et mémorisation définitive »534, phase de pétrification. Selon lui, ces temps « rythment une trajectoire affective, partant de l’enfance du jeu, joyeuse, impatiente, pleine de retrouvailles, traversant le doute, l’anxiété, le découragement, et parvenant à la paix, à l’ordre, au mécanisme (Jouvet) de la représentation régulière. »535 La métaphore utilisée par D. Podalydès apparait tout à fait intéressante à

considérer du point de vue de la psychanalyse. En effet, lorsque S. Freud introduit et développe la notion de sublimation, il fait référence à cette notion dans le domaine de la chimie qui désigne le passage d’un corps directement de l’état solide à l’état gazeux, sans passer par l’état liquide, pour évoquer un processus qui rend compte « d’activités humaines apparemment sans rapport avec la sexualité, mais qui trouveraient leur ressort dans la force de la pulsion sexuelle. »536 En envisageant sous l’angle de la chimie le travail d’acteur D. Podalydès semble insister sur l’importance du corps et de la matière ainsi que sur le travail de transformation qui s’opère jusqu’à une réaction finale. On pourrait ainsi ici questionner la façon dont le jeu d’acteur revêt ou non un caractère sublimatoire à l’issu du travail préliminaire de répétition. A l’intérieur de la forme de jeu retenue pour le spectacle, comment l’acteur continue-t-il de faire circuler ce qui l’anime au-delà de la matière, au-delà du corps, comme réalité physique pour ne pas rester figé, pétrifié, selon les termes de D. Podalydès? La beauté de la représentation pourrait résider dans la possibilité des acteurs d’accéder à un quatrième temps à l’issu des phases de cristallisation, solidification et pétrification, qui serait celui de la sublimation qui permettrait de laisser s’échapper de cette forme solide et bien ancrée quelque chose d’invisible qui viendrait toucher le public. Pour

533 SIBONY D., Op. cit., p. 43 534 PODALYDES D., Op. cit.,p. 55 535 Ibidem.

163 que l’action théâtrale ait lieu, il s’agit pour l’acteur de participer à une représentation esthétique qui ne serait pas pure décharge pulsionnelle mal contrôlée. En un mot il ne s’agit pas d’extérioriser ce qui agit le comédien à son insu mais bien d’établir un travail de transformation sans cesse renouvelé.

L. Jouvet explique qu’il « faut partir du réalisme, mais le sublimer, l’évaporer pour qu’il atteigne au général et donc au spirituel. »537 L’enjeu du comédien dans sa pratique, ne serait- il pas de toujours apporter une nouveauté dans le jeu ? Il semble qu’une fois la répétition achevée, le comédien s’efforce de ne pas figer son interprétation dans le sens où elle manquerait de vitalité, quand bien même la mise en scène serait arrêtée. En effet, « répéter c’est d’abord cela, le sommet est que le texte – cet exercice – apporte intérieurement à l’acteur le sentiment qu’il finit par éprouver, comme une récompense, avec certitude, et qui lui sert à se hausser, à personnaliser des vertus choisies en lui et conséquences du personnage, de son habitude, jusqu’à ce que les critiques appellent une interprétation ; c’est la conséquence d’une pratique humble, d’un exercice méthodique. »538 Tout le travail de

création théâtrale offre un dispositif qui favorise l’accès à l’interprétation pour le comédien. Et plus il s’agira d’interpréter l’irreprésentable, pour reprendre la formule de J. McDougall, plus la portée artistique sera grande. Mais cela n’est pas chose aisée. « En dehors de la force et de l’intensité du processus créateur lui-même, les artistes sont des êtres violents en ce qu’ils cherchent à exercer leur pouvoir sur le monde extérieur, c’est-à-dire à imposer leurs pensées, leurs images, leurs rêves ou leurs cauchemars », explique l’auteur, pour rendre compte de la force de ce qui anime les artistes et ainsi des angoisses 539et des résistances auxquelles ils peuvent parfois avoir à faire face.

C’est au soir de la première, nom donnée à la première représentation d’un spectacle dans une salle, que le temps de la répétition théâtrale s’arrête pour laisser place à la répétitivité des représentations soirée après soirée. Le risque d’une certaine routine mortifère pourrait alors s’y glisser. Grégory s’en inquiète parfois, notamment avec la pièce qu’il joue où moment où je le rencontre. « J’ai jamais joué autant de fois un spectacle. La je vais l’avoir fait 300 fois presque. Par exemple j’aime bien le mardi. J’ai joué à 18h le dimanche, y’a eu tout le dimanche soir, le lundi. Le repos c’est important. La répétition au bout d’un moment on sait plus. C’est comme quand tu prends un mot. Par exemple, tu prends le mot « élastique », tu le répètes 10 fois, 20 fois, 100 fois, au bout d’un moment il n’a plus aucune

537 JOUVET L. Op. cit., p. 46 538 Ibid., p. 112

164 matière, ça ne veut plus rien dire, tu ne mets plus rien derrière, ça flotte. Quand ça fait ça, c’est chiant. Et du coup t’es en automatique […] c’est bizarre. »540 Ce dont le comédien

parle ici serait une sorte de répétition à l’identique qui se viderait de sa substance. Jeanne fait également part de l’importance qu’elle accorde au fait de continuer d’éprouver dans le temps de la représentation quelque chose d’inattendu, qui garde en éveil. « On […] a fait deux cent soixante [représentations], on va sur la trois-centième, je suis encore surprise parfois. […] Evidemment y’en a qui disent que c’est la même chose, mais toi à l’intérieur tu en es à la micro différence qui fait que c’est une énorme différence pour toi. »541 Chacun

l’exprime à sa manière mais témoigne de la difficulté à continuer de jouer lorsque le confort laisse place à l’ennui. Quand un comédien n’arrive plus à s’amuser, comment jouer ? Lorsque jouer chaque soir devient la contrainte de recommencer encore et encore, alors la répétition peut enfermer là où au départ elle était source de trouvailles et d’amusement.

Répéter pour le comédien, c’est précisément rechercher, explorer, garder en mouvement. Pour certains comédiens, ce serait d’ailleurs le temps le plus important. « Ce qui pourrait tuer l’acteur c’est d’arrêter de travailler, d’arrêter de chercher. […] Au début tu as des boulevards. Tu sculptes. Y’a rien donc c’est hyper facile, t’es sans arrêt en train de trouver des trucs nouveaux, tout le temps, tout le temps, tout le temps »542 explique Jeanne. Le comédien semble accepter sans trop d’angoisse l’état de non-savoir dans lequel il se trouve. Il l’appréhende comme un moment propice qui lui permettra de chercher. Le plaisir d’essayer sans cesse est au cœur de son travail. L. Jouvet souligne d’ailleurs la « facilité qu’ont les comédiens qui répètent un texte de rire et de s’animer d’une faute qu’ils font en le disant, quiproquo, amphibologie, lapsus, oubli, réflexions aussi qu’ils mêlent, difficulté d’articuler, souvenirs d’un autre texte, anecdote qui naît tout à coup, interruption. »543

La répétition au théâtre permet, dans un temps plus ou moins long, d’effectuer ce travail d’exploration et de s’amuser des états, des sensations et des paroles qui pourraient advenir.

André Dussolier se souvient qu’au cinéma, après des prises courtes et peu nombreuses, il aurait bien voulu « en faire d'autres pour avoir le sentiment d'avoir donné le maximum, d'être allé le plus loin possible dans l'exploration du rôle. Après les prises, je m'isolais dans un coin et je rejouais toute la scène »544.

540 Interview Grégory – annexe n°5, p. 288 541 Interview Jeanne – annexe n°6, p. 296 542 Interview Jeanne – annexe n°6, p. 297 543 JOUVET L., Op. cit., p. 91

165 Le comédien semble s’engager dans une quête sans fin. B.J. Robb remarque au sujet de l’acteur Johnny Depp que : « Sa peur de l’échec, tant sentimental que professionnel, fit évoluer sa carrière et sa vie privée à travers une quête constante de la nouveauté et de la différence, aux dépens de la stabilité et de la construction »545. Tel est l’enjeu du comédien : garder toujours du jeu pour que les choses continuent de bouger. Et quand la représentation est arrêtée, que la forme propice au spectacle convient et qu’il ne faut plus y toucher, c’est le relais psychique de la créativité du comédien qui lui permet de continuer en lui-même de faire circuler des forces vitales. La sublimation s’inscrit dans une quête d’un idéal jamais atteint. « La représentation sublimée de soi est liée à un projet précis et limité dont la quête elle-même aura le pouvoir de renvoyer au Moi l’image de lui-même qu’il a perdue »546. La représentation gardera son pouvoir d’illusion tant que l’acteur proposera un jeu en mouvement.

• L’illusion du spectateur : la figurabilité dans la représentation

Au théâtre comme au cinéma, c’est par l’acteur que la magie de l’illusion se crée entrainant le spectateur dans une confusion agréable entre fiction et réalité. En incarnant son personnage l’acteur s’engage-t-il dans un processus de création ? L’acteur est un magicien. Il agit avec une précision telle qu’il ne se met pas à rêver ce qu’il fait. Il a rêvé à son personnage mais sur scène, il entre en action. Evoquant ses productions sur scène chaque soir, Grégory s’exprime ainsi : « Ca me fait pas rêver, pendant que je le fais je ne rêve pas. Il se passe des trucs […] Et il faut trouver le chemin pour dire ce qu’il t’arrive à un moment. Donc t’es obligé de vivre des trucs. » 547

Il témoigne ainsi du fait que le rêve n’est pas le fait de l’acteur sur scène qui au contraire, est dans l’action pour rendre compte au spectateur de ce que le personnage vit. C’est davantage le spectateur qui rêve. Telle une chimère, l’équilibre de la représentation est fragile pour maintenir l’intensité nécessaire, afin que le spectateur ne sorte pas de l’illusion de la fiction qui se déroule sous ses yeux. Un faux-pas, un acteur qui sort de son rôle ou qui en fait trop un instant et la magie de l’équilibre se brise. « Dès d’un figurant figure, je ne m’intéresse plus à rien, je vois la mise en scène mise en scène, le comédien jouer la comédie »548, explique D. Podalydès. L’enjeu de figurabilité pris en charge par le metteur en

545 ROBB BJ., Johnny Depp (trad. C. Le Breton), Paris, Flammarion, 2006, p.39 546 Ibidem.

547 Interview Grégory – annexe n°5, p. 291 548 PODALYDES D., Op. cit., p. 199

166 scène, et porté par les acteurs sur scène, constitue l’essence même du théâtre. Le travail de mise en scène articulé au travail d’interprétation dramatique permet de passer d’un dialogue écrit à une représentation figurée.

Et c’est précisément cette figurabilité qui assure au théâtre son existence, invitant le public à pousser les portes de la salle de spectacle pour vivre une expérience dans laquelle ils pourront éprouver le plaisir de l’identification. En effet, M. Wolf-Fédida nous rappelle que « Freud indique […] que l’identification est moins à des personnages qu’à des figures de ces personnages. Autrement dit les processus d’identification sont entravés si un trop de

réalité est présent. L’idéal supposé des identifications est celui que comporte un texte

littéraire (roman, biographie, pièce de théâtre) dont le style est mis au service de notre vie psychique et de son mouvement constant d’identification/ désidentification/ identification. »549 A l’instar du rêve, tous les personnages imaginés par l’auteur sont issus

de son inconscient. Il œuvre à une mise en conflit intrapsychique en proposant une histoire avec plusieurs personnages. L’histoire est-elle première nécessitant de donner vie à certains personnages où est-elle seconde comme dans la dernière étape du travail du rêve qui par l’effort de l’élaboration secondaire fait que « le rêve perd son apparence d’absurdité et d’incohérence et se rapproche du modèle d’une expérience vécue compréhensible »550 ? Le

mystère de l’écriture semble parfois suivre une telle logique, au point d’ailleurs que des personnages pourraient naître de la pensée d’un auteur en peinant à prendre vie dans une histoire véritablement élaborée comme en témoigne le point de départ de la pièce de L. Pirandello, Six personnages en quête d’auteur. L’auteur écrit ceci : « sans avoir conscience de les avoir le moins du monde cherchés, je trouvais devant moi, vivants au point de pouvoir les toucher, vivants au point de pouvoir en entendre même le souffle, ces six personnages que l’on voit maintenant sur la scène. »551 Et il imagina ainsi qu’il pouvait représenter le cas

tout à fait nouveau « d’un auteur qui se refuse à faire des personnages à lui, nés vivants de son imagination, et celui de ces personnages qui, ayant désormais la vie infuse en eux, ne se résignent pas à demeurer exclus du monde de leur art »552. Ainsi les personnages éprouveraient comme une nécessité à vivre, nécessité dont s’emparent les acteurs qui éprouvent quant à eux, celle de jouer.

549 WOLF-FEDIDA, Théorie de l’action psychothérapique, Paris, PUF, 1995, p. 156

550 FREUD S. (1900), « L’interprétation du rêve » in Œuvres Complètes (trad), Volume IV, Paris, PUF, 2004

(réed), p. 541

551 PIRANDELLO L. (1925), « Préface » in Six personnages en quête d’auteur, coll « Folioplus Classiques »,

Paris, Gallimard, 2006 (rééd), p. 9

167 Il s’agit pour le comédien de prendre part à une histoire qui est née du talent de l’auteur mais qui comporte naturellement des lacunes plus ou moins comblées par ce dernier, lui permettant ainsi de créer par le travail de l’interprétation. Le comédien se garde bien d’effectuer une analyse trop poussée de la pièce. Si un travail de compréhension de l’œuvre sera sans doute utile, il ne s’agit pas pour le comédien de maitriser l’œuvre sur le plan intellectuel. En effet, on pourrait supposer que décortiquer l’œuvre poétique de l’auteur risquerait, à l’instar de l’analyse du rêve de mener l’acteur au point où le récit « devient insensé et confus »553. Une part de mystère demeure. « Jouer le personnage, c’est jouer, non ce qu’il dit et ce qu’il fait, mais le manque qui le fait parler et agir. »554 L’acteur se

positionnerait davantage comme médiateur car il passerait par « un foisonnement d’états que l’on peut comprendre par empathie, que l’on ne connait que par l’expérience personnelle de ce métier, mais qu’il est bien difficile d’expliquer et d’inscrire dans des cases préétablies. »555

Le comédien éprouve sur scène des sentiments authentiques et sincères mais sitôt que le rideau tombe, cet état se termine et c’est l’acteur qui revient sur scène pour saluer une dernière fois le public.

• La trace laissée par le jeu

Lorsque L. Jouvet évoque l’innocence du jeu théâtral pour souligner l’importance du métier d’acteur, qui se doit de n’être pas uniquement orienté vers lui-même mais dont le jeu s’adresse à l’autre. Prendre part à l’histoire d’un auteur ou d’un metteur en scène, c’est participer d’une certaine manière à un devoir de transmission. L’acteur est un intermédiaire. « Pour moi [explique Jeanne], [le public] a une place fondamentale, parce qu’on cherche à transmettre quelque chose. J’en ai connu des acteurs qui sortent de scène, ils ont été traversés par des tonnes de choses mais en fait c’était nul. C’est comme la dernière fois j’ai vu un acteur qui jouait à moitié des yeux fermés : « Arrête de kiffer mon pote », c’est juste pour toi, dans ce cas-là fais ça dans ta salle de bain. […] Je cherche le moyen de transmettre une histoire, une émotion. Voilà. Moi j’aime que les gens soient dans une position d’enfant à qui on raconte une histoire. Après j’aime bien aussi quand ça fait réfléchir les gens, mais

553 FREUD S. Œuvres Complètes, Volume IV, Op. cit., p. 541 554 ERNAUDEAU C., Op. cit., p. 41-42