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IV. TEMPORALISATION DU METIER D’ACTEUR

IV. 1. C) Découvrir l’autre : l’observer et le vivre

• Une observation active

Devenir d’acteur c’est monter sur un plateau pour agir. Racontant la façon dont il en est venu au théâtre Grégory fait part du fait qu’il s’est d’abord laissé porter par les opportunités : « un jour le prof m’a dit : « voilà, si tu n’as rien à faire, viens avec nous, on construit un décor ». Voilà c’est comme ça que j’ai commencé. […] J’avais 21-22 ans. Après on m’a dit de passer le conservatoire de Rouen, le conservatoire de Paris, et puis voilà. Et après tu te dis : Tiens je suis acteur !»345

Au-delà de la dimension artistique, devenir acteur est empreint de significations au niveau subjectif. Tous les comédiens font part de l’importance fondamentale de l’observation dans leur travail. Il s’agit d’ouvrir les yeux sur le monde pour nourrir une créativité qui s’exprimera sur scène. Ainsi ce comédien poursuit en expliquant comment son art s’est constitué comme moyen d’expression : « Dès que j’ai eu une mob, j’ai trainé les cafés […]. Y’avais toujours un gars qui disait quelque chose dans un café, je trouvais ça génial alors je revenais je le racontais à mes copains. Ils s’en foutaient les trois quarts du temps. Et un jour […] tout ça trouve une utilité. J’avais ressenti ça. Ouais ça m’a toujours plu de regarder les gens vivre. »346 Mettre sa capacité d’observation au service de son art, tel

est un élément particulièrement important du métier de comédien. L’attention portée à chaque situation de vie est ce qui lui permettra d’en inventer de nouvelles, sur scène. L’observation ne reste pas passive, il s’agit pour le comédien de s’approprier des éléments d’une personne pour nourrir toujours le réservoir de créativité nécessaire à la construction de personnages. Ce qui pourrait s’apparenter à une observation passive fait en réalité déjà partie du travail d’acteur. En effet, la plupart des comédiens témoignent du fait qu’il n’y a pas d’horaires dans leur métier puisque tout les nourrit en dehors du plateau. « Forcément tu continues de penser aux choses, tu choppes des trucs des gens : « Ha c’est marrant, cette personne-là, elle a l’air hyper triste, pourquoi elle a l’air hyper triste ? Parce qu’en fait, ha t’as vu comment elle tient son pull, elle se réconforte avec ça, ou elle a pas lâché... »347,

explique Jeanne. Il s’agit pour l’acteur d’observer la vie autour de lui et ainsi il occupe une place tout à fait singulière : en retrait d’une certaine façon et pourtant complètement à

345 Interview Grégory – annexe n°5, p. 282 346 Ibid., p. 293

108 l’intérieur. Cette possibilité de prendre du recul sur le monde s’offre à l’acteur. Par la nécessité de l’observation qui précède la création, il peut comme faire une pause, se mettre en retrait sans pour autant se risquer à un repli narcissique qui l’isolerait complètement. Certains acteurs témoignent d’une propension à la solitude : « entre deux tournages, j'ai besoin de me délier dans l'atmosphère, de rencontrer des amis, de m'octroyer du temps pour la rêverie, pour lire, écouter de la musique dans ce petit “ terrier ” où je me retrouve un peu en dehors de l'agitation de la maison. Pour moi, la solitude est une affinité, une manière d'être »348, raconte André Dussolier. Ce sont les aller-retours entre moments de solitude, d’observation, et moments d’action avec les autres, qui vont constituer l’équilibre du comédien. « Et ce truc d’être en même temps dehors et dedans, très concrètement dedans, avec les gens. Moi j’adore ça »349 témoigne Grégory qui précise que chacun voit le monde

au travers de la bulle dans laquelle il se trouve. D’une certaine façon le métier d’acteur permet d’être dans une bulle « qui englobe toutes les bulles »350.

Ainsi l’observation active à laquelle s’adonne l’acteur lui permet, même à l’écart du monde, de rester en contact avec la réalité extérieure. A des niveaux variés, les comédiens expliquent qu’ils ne s’arrêtent jamais vraiment de travailler. Qu’est-ce que les vacances, sinon un peu plus de temps pour l’observation de la vie, au service d’un prochain rôle ? C’est l’équilibre entre ses perceptions du monde réel et son imagination qui lui permettront de créer. Et cela aussi peut varier beaucoup d’un comédien à l’autre.

• Action, réaction et création

Au-delà du travail d’observation, le métier d’acteur se passe sur scène. Et l’activité est le propre de l’acteur. Il suffit d’entendre la voix du réalisateur sur un plateau de tournage : « Moteur ! Ça tourne… Action ! » s’écrit-il pour lancer la scène. Il faut que quelque chose se passe sur scène et cela arrive par l’action individuelle de chaque comédien. « Lorsque vous êtes sur la scène, vous devez toujours être en train de faire quelque chose. L’activité, le mouvement sont à la base de l’art de l’acteur »351 écrit C. Stanislavski, avant d’ajouter que

« l’immobilité apparente d’une personne assise sur la scène n’implique pas la passivité. […] Il arrive même souvent que l’immobilité physique soit la conséquence directe d’une grande intensité de pensée, et c’est cette activité intérieure qui est de beaucoup la plus importante du

348 DUSSOLIER A., Op. cit., - annexe n°3, p. 276 349 Interview Grégory – annexe n°5, p. 293 350 Ibid., p. 293

109 point de vue artistique. »352 Rien de plus difficile que de jouer l’ennui ! Si en apparence il suffirait de ne rien faire, pour que le jeu atteigne le public, l’acteur en réalité doit redoubler d’effort pour jouer, se mobiliser activement même pour exprimer l’ennui et la passivité.

L’action au théâtre et au cinéma, peut trouver sa source à différents niveaux qui ne sont pas nécessairement indépendants les uns des autres. L’action peut être réaction. Philippe explique que pour lui « ce qui est premier […] c’est la situation, et qui dit situation dit évènement. Tout part de l’évènement au théâtre et au cinéma aussi. »353 Il précise : « une

action c’est très exactement ce qui est déterminé par une situation. Une situation c’est un ensemble de données extérieures à vous, qui vont être telles [qu’elles] vont d’une certaine manière vous contraindre à réagir, parce qu’il faut que ce soit une situation exceptionnelle pour que ce soit intéressant. »354 De ce point de vue, le travail de l’acteur serait de réagir à une situation exceptionnelle donnée. Le jeu d’acteur serait réaction. Quel lien existe-il ainsi entre la réaction et la création ?

La réaction serait l’action en réponse à une autre action. Dans le domaine de la mécanique, elle serait la « force qu’exerce en retour un corps soumis à l’action d’un autre corps. »355 Le préfixe -re vient exprimer ici l’idée la notion de réponse voire de résistance et une façon de ne pas se laisser aller à quelque chose. Cela laisse entendre que le comédien se laisse toucher par la situation d’où un nécessaire laisser-aller, qui permet l’ouverture à l’autre, pour ensuite exercer une résistance de laquelle émergera l’action artistique. Le lâcher-prise ne serait ainsi en aucun cas synonyme de passivité mais s’exercerait afin de permettre au corps de se laisser-toucher par la situation, non pas pour la subir mais précisément pour pouvoir réagir. « La meilleure façon de faire surgir une émotion est de lui

résister. Tant que je la poursuis, l’émotion s’échappe. Si par contre, je cherche à ne pas me

laisser submerger par cette émotion (que moi, acteur, je n’éprouve pas encore), alors, paradoxalement, le processus suffit pour provoquer, comme malgré moi, cette bouffée émotionnelle qui me faisait jusqu’à présent défaut… »356

Quant à la création, elle relève d’un procédé différent en ce qu’elle permettrait de faire advenir quelque chose à partir de rien. Elle serait l’« action d’établir, de fonder quelque

352 Ibidem.

353 Interview Philippe – annexe n°8, p. 328 354 Interview Philippe – annexe n°8, p. 327 355 LAROUSSE Dictionnaire sur le lien suivant :

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/r%C3%A9action/66794?q=r%C3%A9action#66048 356 DUSIGNE JF., L’acteur naissant – la passion du jeu, Op. cit., p. 120-121

110 chose qui n’existait pas encore »357. La création de l’acteur pourrait-elle ainsi être considérée

comme une nouvelle façon de réagir face à une situation donnée ? D’ailleurs lorsqu’un acteur décide de reproduire l’interprétation d’un texte à la manière d’un acteur avant lui, on lui reproche aisément son manque de créativité. De la même façon, un comédien qui réagirait toujours de la même façon à une situation, certainement d’une façon similaire à celle qui serait la sienne dans sa vie privée, ne serait pas un grand acteur. On pourrait dire alors que l’acteur est créateur de réactions.

A partir du texte qui est le support de tout comédien, la richesse de l’interprétation passera par la capacité d’imaginer une réaction toujours nouvelle. Le comédien s’imprègne tout entier de la situation et s’imagine un univers qui lui est propre pour proposer une interprétation singulière dans le jeu. « L’art de l’artiste est de faire surgir comme de nulle part ce qui vient de nul autre que de lui. »358

• Entrer dans la peau du personnage : travail de l’empathie

La création de réactions est précisément ce qui permettra de créer de l’humain. Le personnage émergera de l’ensemble de ses actions et paroles dans la pièce. C’est à cet endroit que tout le travail de recherche du comédien se situe. « Comment rendre quelqu’un qui n’existe pas, tout à fait humain ? En étant tout à fait différent de moi »359, s’interroge

Jeanne, précisant qu’elle est très peu intéressée par le fait d’être choisie dans un rôle pour sa propre nature, ce qu’elle est. C’est la liberté d’explorer des facettes de soi insoupçonnées pour créer de la nouveauté qui attirent la plupart des comédiens. « L’acteur il doit réfléchir à ce qu’il a à jouer, à la couleur de son personnage » explique Grégory, « sinon faut prendre un playmobile. »360 C’est au comédien de faire des propositions de jeu, et cela ne peut se déployer que dans un contexte où il est effectivement possible pour le comédien d’essayer différentes choses. Si on demande à quelqu’un, qui n’est pas acteur, de réagir différemment à une situation quotidienne, comme de prendre avec humour son licenciement, de se mettre en colère contre un adorable bébé qui boit son biberon, de regarder avec tendresse un homme égorger un chat ou de sursauter de peur au moindre toussotement d’un présentateur à

357 LAROUSSE Dictionnaire sur le lien suivant :

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/cr%C3%A9ation/20297?q=cr%C3%A9ation#20186

358 ASSOUN PL. « La « création » à l’épreuve de la métapsychologie – l’objet inconscient de la création » in

Psychisme et création, Bègles, L’esprit du Temps, 2004, p. 24

359 Interview Jeanne – annexe n°6, p. 298 360 Interview Grégory – annexe n°5, p. 283

111 la télé, cela s’avèrera sans doute une tâche particulièrement difficile. C’est précisément tout le travail exploratoire de l’acteur.

De nombreux comédiens que je rencontre se définissent comme des interprètes. « Je suis au service d’un texte, ou d’un metteur en scène, au service d’un projet. Je me définis comme interprète. [..] Dans le but d’exprimer une idée, une pensée »361, témoigne Fleur. Il s’agirait ainsi pour elle de considérer que le message global est porté par le metteur en scène qui se saisit de l’histoire initialement imaginée par l’auteur quand le comédien incarne une partie seulement de cette histoire. Pour autant l’acteur s’engage tout entier dans son rôle qui comporte en lui-même une nouvelle histoire à raconter, celle du personnage. La créativité de l’acteur n’est d’une certaine façon permise que par la liberté d’interprétation. « Tout ceci implique une attitude, un système d’attitude spécialement curieux dans le métier d’interprète dans cette révélation de soi par l’imitation d’un autre être, et pose le problème comme un dilemme définitif dans l’art d’exécuter. Être soi, ou être un autre. »362

En interprétant un texte, le comédien incarne un rôle dans lequel il s’engage et par lequel il s’efface. « Le costume de la femme que j’interprète vient aussi très souvent à mon secours, comme une féminité du personnage qui s’impose à moi et qui me débarrasse d’une partie de la mienne »363, explique l’actrice J. Godrèche dans une interview. Un lien se noue entre le personnage et l’acteur. « J’adore comprendre les gens mais c’est le corps qui me donne des signaux »364, explique Jeanne, soulignant ainsi que c’est bien par le corps que l’acteur appréhende l’autre. Il ne s’agit pas de chercher à comprendre l’autre dans une analyse intellectualisée mais à le vivre. « Faire le travail de l’intérieur. Je crois que c’est ça qui me plait le plus, »365 ajoute-elle. Ainsi un formidable travail d’empathie s’amorce entre comédien et personnage. Jeanne se demande ainsi si faire du théâtre ne rendrait pas plus tolérant ? A partager le vécu de personnages, aussi cruels et pathétiques apparaissent-ils, cela les rend-il plus humains et aimables à nos yeux ? Car parler avec les mots d’un autre, les laisser s’exprimer par sa bouche, et le laisser vivre dans son corps, c’est une façon de le comprendre. « Comprendre les mécanismes de quelqu’un d’autre, je trouve ça salutaire, même pour l’humanité ! […] Y’a une possibilité d’aimer son prochain avec le théâtre »366 ajoute Fleur.

361 Interview Fleur – annexe n°7, p. 313 362 JOUVET L., Op. cit., 2009, p. 68

363 GODRECHE J., Op. cit., – annexe n°1, p. 272 364 Interview Jeanne – annexe n°6, p. 299 365 Ibid., p. 294

112 L’acteur doit chercher à comprendre son personnage pour pouvoir le jouer et apprendre à l’aimer. Mais le travail d’empathie ne se situe pas uniquement dans une analyse intellectuelle car en le mettant en jeu, en donnant la réplique à son partenaire, le comédien chemine avec ce personnage qu’il incarne. S’il ne saisit pas tout de lui, il avance à la rencontre d’autres personnages pour l’expérimenter. « L’acteur n’est donc pas celui qui, ayant compris le personnage, le sens de ce qu’il dit, pourrait habiller ce sens d’une voix, de gestes et de regards. Il est celui qui, ne comprenant pas le personnage cherche dans quel corps son énigme pourrait s’épaissir. »367 Et cela s’alimente des répliques des autres personnages sur scène avec lesquels le personnage interagit. Au théâtre, quand les répliques sont connues à l’avance par le comédien, un cadre sécurisant s’établit pour risquer de se glisser dans la peau de l’autre, pour se mettre vraiment à sa place, sans se confronter à la surprise et à la dimension traumatique et excessive qu’elle pourrait comporter. Une parole nouvelle peut ainsi advenir. Le comédien s’autorise à se laisser surprendre par ce qui peut émerger de lui-même contenu dans les mots du personnage. « Si nous prétendons savoir ce que nous allons dire, nous ne savons pas ou a minima comment nous allons le dire. Il faut le par cœur de la récitation, le dire de mémoire pour qu’une parole contrevienne à l’« impréparé ». Et encore ! Tout discours est sur le point de trébucher, de scandaliser son déroulé. »368

• L’alibi du texte : laisser parler l’autre en soi-même

Grégory raconte que pour lui, le texte est l’alibi de l’acteur pour jouer à peu près tout : « J’ai compris ça il n’y a pas longtemps avec un monsieur qui voulait faire un film. Il disait : « j’écrirai mais on improvisera ». Je lui ai dit : « je ne sais pas improviser ». Il m’avait fait le coup du copain. Et en fait je me suis rendu compte que j’avais raison de vouloir le texte. Je ne suis pas auteur. Il y a des acteurs qui sont auteurs, mais pas tous, enfin pas beaucoup. Pourquoi mes mots seraient intéressants ? Un texte ça te dit ce qu’il faut faire, ce qu’il faut jouer. T’as l’alibi pour jouer ce qui est écrit. C’est vraiment un alibi le texte. »369 Le choix

de ce terme en particulier renvoie à mon sens à un élément particulièrement précieux. L’alibi lors d’un interrogatoire de police est précisément ce qui permet au sujet de prouver qu’il

367 ERNAUDEAU C. (2001), « Le corps de l’absence dans la présence de l’acteur » in Brûler les planches,

crever l’écran, la présence de l’acteur, Paris, L’entretemps, 33-44, p. 43

368 BIDAUD E., « Réflexions sur la parole : entre le rire et l’ennui » in Cliniques méditerranéennes 2016/1 (n°

93), p. 73

113 n’était pas là au moment du crime et qu’ainsi il n’est pas possible qu’il en soit l’auteur. Le texte revêt ainsi cette fonction de faire place au personnage quand bien même l’acteur ne s’efface pas complètement puisque c’est bien lui qui joue. Le paradoxe du comédien serait intimement lié à sa volonté de se sentir enfin vivant sur scène dans un mouvement de disparition, se laissant happer par son personnage.

Mais qui dans l’acteur est en train de jouer ? D’où l’acteur s’exprime-t-il ? D. Podalydès se souvient de sorties de scène, du retour à la vie lorsqu’il retrouve ses proches après une représentation : « Je m’enveloppe et disparais dans le grand alibi de mon trac. Ce n’est pas moi qui ce soir ai joué, mais l’enfant fou d’angoisse que vous ne pouvez pas ne pas consoler, à cet instant dans ce hall que vous voulons tous quitter au plus vite. »370

Au-delà du personnage que le comédien incarne, c’est un rôle en lui-même que d’une certaine façon il convoque. Par le pouvoir du texte, l’acteur peut jouer et ainsi instaurer une séparation de soi à soi. En ce sens c’est bien la question de la subjectivité qui est soulevée par le métier d’acteur. On pourrait ainsi envisager la façon dont le texte adopte une fonction de masque pour le comédien. Caché derrière les mots d’un autre, il peut s’en approprier une partie et disparaître un temps. Lorsque S. Freud propose le concept d’identification comme « processus psychologique par lequel un sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut de l’autre et se transforme, totalement ou partiellement, sur le modèle de celui-ci. »371, on

peut naturellement questionner la façon dont le jeu d’acteur remet en mouvement les processus d’identification à l’œuvre chez un sujet. L’acteur d’une certaine façon s’enrichit des personnages qu’il interprète, « parce qu’un texte ça change forcément de ce qu’on est. Puisque c’est une vision du monde un texte. Les gens ne voient pas le monde de la même manière et c’est ça qui change leur caractère. Tout est fait en fonction de ça. »372 De

nombreux comédiens témoignent après de nombreuses représentations ou le tournage d’un film qui les a beaucoup mobilisés, qu’ils ne s’en sont pas tout à fait sorti indemne.

L. Jouvet souligne l’importance du sentiment qu’éprouve l’acteur d’une vie incomplète, d’un manque à être soi-même. Ainsi il s’agirait pour le comédien d’expérimenter d’autres vies que la sienne dans un double mouvement de s’enrichir et de se révéler. L’autre présent en soi-même qu’il s’agit de faire revivre, relève sans doute du travail de l’infantile qui, bien qu’inaccessible ne cesse d’agir le sujet. L’expression consacrée pour parler du processus de création de l’acteur consiste d’ailleurs à dire qu’il se produit sur scène. La notion de

370 PODALYDES D., Op. cit., p. 49

371 LAPLANCHE J., PONTALIS JB., Op. cit., p. 187 372 Interview Grégory – annexe n°5, p. 286

114 production renvoie précisément à la création mais la forme réflexive la ramène sur le sujet. Ainsi l’œuvre éphémère de l’acteur reste dans son corps et se vit dans l’instant de la représentation.