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Pinhel, Parauá, Alter do Chão Un aperçu ethnographique

3. Le temps de la fête à Alter do Chão, Parauá et Pinhel

3.3 Les dons faits aux saints

Qui prend en charge les coûts de ces festivités dédiées aux saints ? Avant que le processus de patrimonialisation des fêtes ne soit amorcé, ces évènements étaient entièrement pris en charge par les habitants. Les responsables de l’organisation de la fête - les « propriétaires ou maîtres des saints » (donos do santo), juges et majordomes - collectaient des « donations » (doações), appelées aussi « aumône du saint » (esmola do Santo). Les donateurs individuels existent encore en petit nombre à Alter do Chão, ils sont plus nombreux à Pinhel, et à Parauá ils sont les seuls sponsors de la festivité qui sera décrite. Et qu’est-ce qui motive ces donations ? Comme le veut la tradition du catholicisme populaire, les personnes font ces donations pour « payer une promesse » (pagar uma promessa) faite au saint. Face à une difficulté, les dévots demandent de l’aide à un saint auquel ils tiennent et lui promettent une offrande qui est clairement spécifiée lors du vœu. Cette « promesse » doit être « payée » après l’obtention de ce qui a été demandé, mais, le plus souvent, elle l’est avant même l’accomplissement de la sollicitation, comme une façon de renforcer la demande et de démontrer sa confiance dans le saint.

Dans le Tapajós, les paiements des promesses ont, à ma connaissance, toujours un lien avec les fêtes en l’honneur du saint en question. Peuvent être l’objet de promesses : des denrées, de l’argent, des bougies ou des feux d’artifice, tous utilisés pendant la fête, pour « honorer le saint »55. Elle peut aussi consister en un moment de prière. Dans le bas- Tapajós, je n’ai jamais entendu parler de promesses qui demanderaient un acte purement auto-sacrificiel (pénitence, abstention alimentaire, parcourir un trajet à genoux...), même si cela est chose commune ailleurs en Amazonie (par exemple lors du Círio de Nazaré à

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En 2011 par exemple, les donations pour la fête de saint Benoît, à Pinhel, furent les suivantes : 2 quarts de bœufs (de deux villageois différentes) ; 1 bœuf entier d’un habitant du village Daniel de Carvalho ; 1 bœuf entier offert par le saint lui-même (c’est-à-dire acheté avec l’argent du bénéfice de la fête de l’année précédente) ; 300,00 Reais en argent (pour servir de premier prix lors du tournoi de football féminin) et un mixeur (qui aurait dû servir de prix pour un loto qui n’a pas pu avoir lieu), donné par une femme originaire de Pinhel qui vit à Manaus depuis une quinzaine d’années et était venue pour la fête ; 7 poules, des fruits et de la farine de manioc de la part apportés par d’autres familles. Toutes les donations ont été utilisées pour la fête : les aliments ont servi à la confection de repas offerts (gratuitement) aux participants ; l’argent et les objets ont servi comme prix des tournois sportifs.

Belém). Que demande-t-on en contrepartie de l’offrande ? Il s’agit surtout de questions de santé : les villageois souhaitent se rétablir d’une maladie, accoucher sereinement, réaliser une opération chirurgicale, ou encore connaître le diagnostic d’une maladie. C’est ce qu’a demandé dona Arlinda, une des donatrices du Gambá de 2011. Elle m’explique :

« Tous les ans je donne quelque chose au saint. Parce qu’il est toujours là pour nous aider. Regarde, ma fille Maria do Socorro, [quand elle était bébé], elle avait un ronflement terrible à l’heure de s’endormir ! Alors je suis allée parler au saint (me peguei com o santo). Je lui ai demandé de me montrer de quoi il s’agissait. Et voilà. Un jour, elle a ronflé de telle façon qu’on aurait dit le miaulement d’un chat, alors j’ai compris que c’était une vengeance du chat-tigre [maracajá, petit félin sylvestre de la famille des léopards : Leopardus wiedii]. Son père en chassait beaucoup à l’époque… Alors nous sommes allés consulter un homme [un guérisseur], il nous a dit de faire une fumigation avec des morceaux de cuir de chat-tigre, et de la faire respirer à la petite. Après avoir reçu la fumée du cuir, elle a guéri. Du coup, on l’a appelée Maria do Socorro, parce que le saint nous a porté secours. Je pense donc que c’est une bonne chose de toujours lui donner quelque chose, comme cela il pense déjà à nous »56.

Dona Arlinda juge important de donner quelque chose au saint tous les ans, en rétribution de l’aide déjà obtenue, mais aussi de manière préventive : « comme cela il pense déjà à nous (assim ele já se lembra d’agente ) ».

Depuis la fin des années 1990, on a vu que l’État et des entreprises sont les principaux « donateurs » du Sairé. Depuis cette même époque, la mairie d’Aveiro

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« Todo ano eu dou pro santo. Porque sempre ele ajuda. Olha, essa minha filha Maria do Socorro, ela tinha um roncadeiro na hora de dormir que aquilo, deus o livre ! Aí eu me peguei com o santo. Pedi pra ele me mostrar o que era. Aí pronto. Um dia ela roncou de um jeito que ela miou igual um gato e aí eu vi que era vingança de maracajá. O pai dela caçava muito disso naquela época… Aí nós fomos num homem [um curador], ele mandou defumar uns pedaços de coro do maracajá pra menina respirar. E depois que ela recebeu a fumaça daquele coro, ela sarou. Aí o nome dela ficou Maria do Socorro, porque ele me socorreu, o santo. Então eu digo que é sempre bom a gente dar, que assim ele já se lembra d’agente. »

contribue également à la fête du Gambá à Pinhel ; aujourd’hui elle prend en charge la plupart de ses coûts57. Les donations individuelles continuent cependant. Elles sont l’expression de la foi des villageois dans le pouvoir protecteur des saints. À Parauá comme nous le verrons par la suite, elles constituent toujours le principal mode de financement des fêtes en l’honneur des saints objets de dévotion.

3.4 Parauá : fête de saint François d’Assise (são Francisco das Chagas), fête du club

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