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Chapitre I Éducation : universités, studia et yeshivot 53

1.   Universités et studia 54

1.1.   L’université de Paris (1215) 54

1.1.2.   Faculté des arts, faculté de théologie 57

1.1.2.3.   Programmes d’études 63

1.1.2.3.2.   À la faculté de théologie 72

1.1.2.3.2.1.   Disciplines et contenu des cours

À la faculté de théologie, le programme d’étude est différent de celui de la faculté des arts. Malheureusement, le contenu des cours n’est pas très connu au XIIIe siècle, puisqu’il n’y a pas un programme précis. Les maîtres sont en effet assez libres dans l’organisation de leurs lectures magistrales et dans leur contenu. Les principaux statuts de la faculté de théologie de Paris proviennent, en effet, des années 1335-1387. Il est donc difficile de connaître précisément le déroulement des cours au siècle précédent, d’autant plus que les textes ne sont pas très clairs. Néanmoins, si nous supposons que le programme est resté relativement inchangé au cours des XIIIe et XIVe siècles, ces statuts fournissent plusieurs indices.

Selon le statut de la faculté de théologie de 1366, un bachelier en étude biblique (baccalarii

biblici), doit lire tous les jours un chapitre de la Bible : « Item, quod nullus cursor Biblie legere presumat ultra unum capitulum in una lectione de libro quem leget, exceptis biblicis ordinarie legentibus »54. Au baccalauréat, à chaque début de cours, le maître commence par donner un éloge de l’Écriture, pour ensuite présenter de façon générale le livre commenté. Il continue par expliquer plus en profondeur le livre, mais rapidement, en ayant recours à la Glose et aux commentateurs autorisés55. Certains maîtres (principalement les séculiers) négligent les lectures bibliques pour se consacrer avant tout à l’organisation des disputes. Pour qu’il soit possible de retenir la matière considérable des autorités scripturaires, les maîtres de la faculté de théologie n’ont pas le choix de transmettre une connaissance théologiquement superficielle.

Les matières apprises à la faculté des arts (ou aux studia d’arts pour les Prêcheurs et les Mineurs) ne sont pas perdues à la faculté de théologie. Étudier le sens littéral de la Bible est un exercice très difficile pour les étudiants qui doivent recourir notamment au trivium pour analyser

54 CUP, II, no 1189, p. 698.

55 VERGER Jacques, « L’exégèse de l’Université », dans RICHÉ Pierre, LOBRICHON Guy (éds.) Le

minutieusement le texte de façon grammaticale et logique. De ce fait, les leçons des cours de grammaire (de la morphologie beaucoup plus que la syntaxe) et de la dialectique sont nécessaires afin de comprendre le sens exact des mots. La dialectique aide à structurer leur commentaire, par exemple, comment écrire et ordonner le prologue, puis comment diviser et subdiviser le commentaire56. Outre les cours du trivium, l’astrologie semble également nécessaire. Roland de Crémone (1178-1259) explique, dans son commentaire sur Job, que cette matière est utile pour comprendre certains passages de l’Écriture sainte.

Vers la fin du XIVe siècle, la faculté de théologie à Paris semble entrer dans un déclin. À partir de 1380, les lectures des biblistes ne deviennent plus obligatoires, il n’y a presque plus de commentaires, principalement sur l’Ancient Testament, et les exégètes dominicains et franciscains ne produisent plus comme au siècle précédent57. Les courants mystiques deviennent de plus en plus populaires, ce qui fait en sorte que l’interprétation des textes bibliques passe du sens littéral à un sens évangélique.

1.1.2.3.2.2.   Manuels

Les statuts de la faculté de théologie à Paris ne précisent pas les manuels obligatoires, sans doute parce que les maîtres sont assez libres dans leur programme. En fait, la pédagogie est essentiellement orale. Néanmoins, nous savons grâce au Statuta Universitatis Parisiensis de

ordine legendi que les textes lus principalement sont la Bible et les Sentences de Pierre

Lombard58. En ce qui concerne l’utilisation de la Bible, c’est la Vulgate (« Bible de Paris ») mise au point par Étienne Langton au tournant des XIIe et XIIIe siècles qui est la plus utilisée, quoique les bibles monastiques du XIIe siècle le soient aussi, puisqu’elles sont facilement accessibles59. Les étudiants lisent également des commentaires bibliques d’auteurs

56 VERGER Jacques, « L’exégèse de l’Université », …, p. 213.

57 VERGER Jacques, « L’exégèse, parente pauvre de la théologie scolastique ? », …, p. 34. 58 CUP, II, no1188, p. 692. La date exacte du statut n’est pas connue, mais se situe après 1335. 59 VERGER Jacques, « L’exégèse, parente pauvre de la théologie scolastique ? », …, p. 46.

contemporains ou antérieurs et ont recours aux livres d’auteurs païens (Aristote, les savants grecs et arabes) pour expliquer rationnellement le sens littéral des Écritures.

Les inventaires de bibliothèques aident à connaître les livres à la disponibilité des étudiants en théologie, mais sont rares avant le XVe siècle. Toutefois, un inventaire de 1328, à la bibliothèque de la Sorbonne, présente les œuvres mises à la disposition des membres de l’université. Le catalogue recense mille-huit-cent-vingt-quatre volumes :

-   424 textes bibliques : Bible, Histoire scolastique de Pierre le Mangeur, gloses, etc. -   184 œuvres sur les Pères et auteurs ecclésiastiques antérieurs au XIIIe siècle. -   279 livres de théologie scolastique : les Sentences, les Questions et les Sommes -   402 ouvrages de piété et de pastorale : la vie des saints et les sermons, etc.

-   463 livres portant sur les « arts » (grammaire, logique, quadrivium) et la philosophie : Aristote, philosophie naturelle, éthique.

-   62 textes de droit. -   10 livres en français60.

Nous pouvons ainsi constater que la bibliothèque comporte un large éventail de sujets, probablement parce que ces ouvrages viennent principalement de legs laissés par les maîtres théologiens et artiens.

En somme, dès 1231, l’université de Paris est une institution à maturité. Les facultés des arts et de théologie font d’elle un établissement renommé. Les étudiants y viennent faire leur formation qui peut durer plus de vingt ans s’ils complètent leur cursus à la faculté de théologie. À la moitié du XIIIe siècle, les programmes sont plus diversifiés, les cursus mieux définis et les examens rendus obligatoires pour l’obtention d’un grade. Enfin, des manuels sont spécialement conçus pour aider les étudiants. Cette institution n’est toutefois pas la seule à mettre à disposition une formation de haut prestige. Les studia, destinés aux ordres religieux, sont des centres analogues à l’université de Paris.