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Rapporter les résultats détaillés de l’estimation des effets des autres facteurs exigerait d’ajouter huit tableaux semblables au tableau 1. La chose semble difficile à justifier et nous nous limitons ici à les résumer. Nous renvoyons le lecteur à la note de recherche (Laplante et collab., 2010) pour le détail des résultats.

Trois facteurs favorisent le retour aux études dans un programme universitaire ou menant à l’université lorsqu’on détient déjà un diplôme : résider au Québec, avoir des parents qui ont suivi des études universitaires et travailler de 9 à 16 heures par semaine. Quatre facteurs défavorisent ce retour : avoir

complété des études postsecondaires de niveau professionnel, vivre en couple, avoir un travail salarié permanent ou non permanent et travailler à temps plein.

L’effet de la résidence au Québec tient selon toute vraisemblance à deux choses. La première est l’organisation de l’enseignement postsecondaire qu’on y trouve : contrairement à ce qui se pratique dans le reste du Canada, on n’y entre pas à l’université en sortant de l’école secondaire. On termine le secondaire après onze années d’étude plutôt que douze, puis on suit un programme pré-universitaire de deux ans; on entreprend ensuite le premier cycle universitaire qui dure trois ans plutôt que quatre comme dans le reste du Canada. Autrement dit, l’effet de la résidence au Québec tient à ce qu’au Québec, on entre à l’université après avoir déjà obtenu un diplôme d’études postsecondaires. Cet effet tient également au fait que les universités québécoises ont développé une vaste offre de programmes universitaires de courte durée qui correspondent à environ une année d’études à temps plein. Cette formule très populaire auprès des adultes de nombreuses professions et on l’utilise plus au Québec que dans les autres provinces.

Les deux autres facteurs qui favorisent le retour aux études universitaires des diplômés sont de nature différente. Avoir des parents qui ont suivi des études universitaires est clairement un effet de l’origine sociale et un mécanisme de reproduction sociale. Travailler de 9 à 16 heures par semaine témoigne du mode de vie typique de l’étudiant diplômé qui étudie encore.

Les facteurs qui réduisent la probabilité du retour aux études universitaires des diplômés sont des marques du passage à la vie adulte. Dans la mesure où l’on admet que les études servent à se préparer à vivre comme un adulte de manière indépendante, on comprend que le temps des études paraisse révolu lorsqu’on a un conjoint et un emploi à temps plein.

Un seul facteur favorise le retour aux études dans un programme professionnel lorsqu’on détient déjà un diplôme : résider dans les Prairies. Quatre facteurs défavorisent ce retour : avoir un travail salarié permanent, travailler à temps plein, occuper un poste semi-professionnel ou intermédiaire et avoir un revenu moyen ou élevé. Comme ceux qui réduisent le retour aux études universitaires, les facteurs qui réduisent la probabilité du retour aux études professionnelles des diplômés sont des marques du passage à la vie adulte. Ils sont cependant plus nettement liés à l’intégration économique et au succès professionnel. Le temps des études paraît vraiment révolu lorsqu’on un emploi permanent à temps plein, un salaire relativement élevé et un poste clairement qualifié.

Un seul facteur favorise le retour aux études dans un programme universitaire ou menant à l’université lorsqu’on a abandonné ses études postsecondaires : avoir des parents qui ont suivi des études universitaires. Sept facteurs défavorisent ce retour : avoir suivi un programme de niveau professionnel, résider dans les Prairies, vivre en couple, avoir un travail salarié permanent, travailler à temps plein, occuper un poste semi-professionnel ou intermédiaire, et avoir un revenu moyen.

L’effet négatif du fait d’avoir suivi et abandonné un programme de niveau professionnel s’explique sans mal : il est probablement difficile de se convaincre d’entreprendre des études universitaires, habituellement longues, lorsqu’on n’a pas complété des études professionnelles, généralement plus courtes. Les autres facteurs qui réduisent la probabilité du retour aux études universitaires lorsqu’on a abandonné des études professionnelles sont les indicateurs du passage à la vie adulte que nous avons déjà remarqués : le retour aux études se justifie mal lorsqu’on dispose déjà des avantages de la vie adulte que les études sont censées servir à obtenir.

Un seul facteur favorise le retour aux études dans un programme professionnel lorsqu’on a abandonné ses études postsecondaires : avoir des parents qui ont suivi des études postsecondaires. Six facteurs défavorisent ce retour : résider dans les Prairies, vivre en couple, avoir un travail salarié permanent, travailler à temps plein, occuper un poste semi-professionnel ou intermédiaire, avoir un revenu moyen. On retrouve ici des résultats que nous avons déjà commentés. Il convient cependant de s’attarder sur l’un d’eux : résider dans les Prairies. La région des Prairies regroupe trois provinces du Canada : l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. Depuis plusieurs années, l’Alberta et la Saskatchewan jouissent de croissances économique et démographique fortes soutenues principalement par le développement de l’exploitation de leurs gisements de sables bitumineux. On sait par ailleurs que les jeunes des Prairies sont, au Canada, proportionnellement plus nombreux à mettre fin à leurs études après le secondaire (Doray et al., 2009). On explique généralement ce fait par l’attrait du marché du travail qui offre des emplois bien rémunérés qui n’exigent pas de formation longue. On remarquera que nos résultats sont plus

nuancés : résider dans les Prairies réduit en effet le risque de retourner aux études dans la plupart des cas, mais augmente le risque de retourner aux études dans un programme professionnel lorsqu’on détient déjà un diplôme postsecondaire. Il y a là la trace d’un phénomène qui reste à expliquer.

Conclusion

Nous nous intéressons au calendrier du retour aux études postsecondaires et aux facteurs qui influencent le retour aux études postsecondaires, plus spécialement aux effets du niveau du programme d’études précédent, des caractéristiques sociodémographiques et des conditions de vie. Nous admettons que le processus qui régit le retour aux études pouvait varier selon qu’on avait mis fin à ses études après avoir obtenu le diplôme ou au contraire en les abandonnant.

Comme prévu, le risque de retourner aux études varie selon le temps écoulé depuis la fin des études. La plupart des jeunes qui ont interrompu les études ou arrêté après l’obtention d’un diplôme se réinscrivent le premier et le troisième trimestre où nous les considérons à risque de revenir aux études, c’est-à-dire entre le troisième et le cinquième trimestre qui suivent le trimestre de la dernière inscription. Ainsi, la première conclusion qui se dégage de l’étude est que le retour est plus probable dans les deux trimestres qui suivent l’arrêt des études. En d’autres termes, le risque de retourner aux études diminue avec le temps écoulé depuis la fin des études.

On constate deux différences notables entre les provinces. Le retour aux études est plus élevé au Québec lorsqu’on a un diplôme universitaire, ce qui est une conséquence d’une particularité du système québécois – les études postsecondaires sont réparties entre le cégep et l’université – et de son développement – les programmes de certificats universitaires y sont plus fréquentés qu’ailleurs. La situation du marché du travail en Alberta et en Saskatchewan expliquerait l’effet de résider dans les Prairies.

Le retour aux études est influencé par la scolarité antérieure. Il est plus élevé chez les jeunes qui sont sortis sans avoir obtenu le diplôme que chez les diplômés. D’une manière générale, le retour aux études est plus fréquent chez les jeunes qui étaient auparavant inscrits dans un programme universitaire ou préuniversitaire. Parmi eux, ceux qui sont sortis avec un diplôme ont eu davantage tendance à s’inscrire à nouveau dans un programme universitaire ou préuniversitaire. Par contre, ceux qui sont sortis sans diplôme s’orientent aussi bien dans un programme universitaire que dans un programme professionnel. Il existe des liens entre les caractéristiques sociodémographiques de l’individu, ses conditions de vie et la décision de retourner aux études.

Un facteur se distingue par l’effet important qu’il exerce dans tous les cas que nous avons examiné : le capital scolaire des parents. Avoir des parents qui ont un diplôme d’études universitaires favorise le retour aux études, que l’individu soit sorti avec ou sans diplôme. L’influence positive du capital scolaire des parents corrobore ainsi l’idée selon laquelle le retour aux études est moins probable chez les groupes socialement défavorisés et les plus disposés à l’interruption des études (Marcus, 1986). On peut cependant compléter l’interprétation de ce résultat en examinant son revers : les individus issus des catégories sociales défavorisées retournent moins aux études, bien sûr, mais ceux qui sont issus des catégories favorisées y retournent plus et apparemment pour se hisser au moins au même niveau que leurs parents dans la hiérarchie de l’éducation. Le système exclut, bien sûr, mais il sert également à la reproduction sociale et ici, dans le cas du retour aux études, apparemment par effet de rappel (Thélot, 1982) : ce qu’on n’a pas retrouvé au terme du parcours continu, on le retrouve au terme d’un parcours discontinu.

Le fait d’occuper un emploi pendant la période d’interruption réduit la probabilité de retour aux études, mais cet effet varie selon le type d’emploi exercé. Le retour aux études est moins élevé chez les personnes qui bénéficient des conditions de travail relativement bonnes, ce qui corrobore les résultats des études antérieures, notamment celle de Marcus (1986). Le retour aux études est associé à l’objectif d’acquérir un capital humain supplémentaire pour augmenter les chances d’accès à un emploi désiré ou améliorer les conditions de travail. Cependant, vivre en couple, tout comme le fait d’occuper un emploi intéressant, permanent, à temps plein et bien rémunéré, réduit la probabilité de retourner aux études. Encore une fois, on peut compléter l’interprétation des résultats en examinant leur revers : bien sûr, on retourne aux études pour augmenter son capital humain lorsque l’emploi qu’on occupe est insatisfaisant, mais on peut également ne pas juger utile de retourner aux études lorsqu’on a un emploi satisfaisant et qu’on a fondé

une famille. On est alors pleinement devenu un adulte et le temps des études est révolu. La décision de ne pas retourner aux études ne relève pas alors simplement de la logique de l’accumulation du capital humain, mais plus largement de celle du cycle de vie.

Si le retour aux études constitue un indicateur de l’institutionnalisation de l’apprentissage tout au long de la vie, force est de constater que celles-ci demeure limitée. D’une part, l’intensité du retour aux études diminue avec la durée de l’interruption. Plus les études disparaissent à l’horizon, moins elles font appel. Est-ce à dire que plus les individus pénètrent dans la vie adulte, plus il est difficile de trouver du temps pour étudier ? Est-ce à dire que les mesures de soutien aux études, qui devraient accompagner une véritable politique d’éducation et de formation tout au cours de la vie, ne sont pas suffisantes et réduisent ainsi la possibilité de retourner aux études. Notre analyse ne permet de trancher entre les deux interprétations, mais elle a le mérite de poser l’enjeu. Par ailleurs, le retour aux études est gouverné par la logique de la reproduction sociale : le capital scolaire des parents et la scolarité antérieure ont un effet positif sur la probabilité de retourner aux études. Dans l’état actuel des choses, l’éducation et la formation tout au long de la vie paraissent contribuer à la reproduction sociale plutôt qu’à l’atténuer.

Toutefois, il nous faut pondérer cette conclusion dans la mesure où notre analyse porte sur les jeunes adultes – âgés de 26 ans ou moins – et que nous n’avons pas étudié les adultes plus âgés dont les conditions de vie, peut-être meilleures ou plus stables, pourraient favoriser le retour aux études. Ainsi, Kamanzi et collab. (2009) ont montré que 45 % des étudiants qui fréquentent le réseau de l’Université du Québec sont âgés de 26 ans ou plus (ICOPE, Bureau de la recherche institutionnelle de l’Université du

Québec).

Nous n’avons pas étudié les motifs qui amènent les individus à abandonner leurs études, lorsqu’ils le font, ni à revenir aux études lorsqu’ils le font. L’enquête que nous utilisons a recueilli des informations sur ces motifs et permet en principe qu’on les étudie. Les effectifs ne sont cependant pas suffisants pour qu’on ajoute ces informations à une étude comme celle que nous avons réalisée. L’étude des motifs exigerait des analyses distinctes et différentes.

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Figure 1.

PROPORTION D’ENQUETES QUI SONT RETOURNES AUX ETUDES A CHAQUE TRIMESTRE SELON LE NIVEAU DU