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C ARACTERISTIQUES SOCIO SCOLAIRES DES ETUDIANTS DE 1 ERE ANNEE D ’AES EN 2005-06, SELON L ’ ETABLISSEMENT D ’ INSCRIPTION (%)

Quels effets sur les parcours de formation ?

C ARACTERISTIQUES SOCIO SCOLAIRES DES ETUDIANTS DE 1 ERE ANNEE D ’AES EN 2005-06, SELON L ’ ETABLISSEMENT D ’ INSCRIPTION (%)

Indicateur Modalité UVSQ UP13

Général 48,9 40,9

Techno 38,8 35,4

Pro 7 11,7

Type de Bac

Etranger 12 5,3

Age au bac Retard d’au moins 1 an 46,3 52,6

Cadre 37 12,0

Prof Intermédiaire + indépendant 16,7 14,4

Employé 20,3 12,0

Ouvrier 15,4 24,4

PCS du parent de référence

Inactifs + Non réponse 10,6 37,3

France 89 78,5

Pays de naissance

Etranger 11 21,5

Source : Fichiers administratifs UVSQ/P13, 2005-06.

Pour autant, cette indifférenciation sociale à Paris 13, mesurée à partir de critères objectifs, ne se retrouve pas dans la perception qu’ont les enseignants des différentes filières de formation. S’agissant d’AES, tant

à Paris 13 qu’à l’UVSQ, la majorité des enseignants n’hésite pas à parler d’une filière de « relégation » déplorant régulièrement le niveau inférieur de ces étudiants en comparaison avec les autres. Certains tiennent des propos sur un registre misérabiliste « je vais faire ma B-A quand je fais mes cours en AES » laissant ainsi apparaître la très forte différence sociale entre les étudiants et eux-mêmes. « Quand j’ai commencé à enseigner ici, j’ai eu un choc, je venais d’une université très bourgeoise. C’est ici que j’ai vraiment compris qu’il y a deux France » ; « Je ne retrouve pas chez eux la curiosité que j’avais moi- même quand j’étais étudiant, ici c’est le désert culturel, les deux premières années font le tri entre ceux qui ont des capacités intellectuelles et les autres ».

Ainsi, les étudiants qui ne perçoivent pas cette différenciation, notamment en première année, intériorisent ensuite qu’ils sont dans une filière peu reconnue au sein de l’université. D’autant que cette formation ne bénéficie pas de la spécialisation disciplinaire qui permet aux enseignants-chercheurs d’y cultiver et d’y développer leurs recherches et se trouve alors prise dans un processus de distinction qui propose une hiérarchie de valeur au sein de l’université ou d’un UFR. Les étudiants d’AES sont présentés régulièrement par les enseignants comme moins « bons », moins « motivés », moins « adaptés à l’université », « pas à leur place », etc. S’exprime ainsi la perception d’un risque de déclassement associé à l’enseignement en AES. A ce titre, certains enseignants refusent d’y réaliser une partie de leur service, d’autres de s’y cantonner.

Quelques enseignants, moins nombreux, vont en revanche investir leur rôle d’une responsabilité sociale et développent des approches pédagogiques spécifiques, et surtout des modalités relationnelles qui assignent moins les étudiants à des positions d’infériorité culturelle. On retrouve notamment cette démarche chez d’anciens enseignants du secondaire qui ont travaillé en zone d’éducation prioritaire.

4. L’évaporation étudiante : un phénomène commun aux deux universités

Point de départ du cursus en AES, l’entrée à l’université en 1ère année inaugure un cheminement non rectiligne pour la majorité des étudiants. Les trajectoires sont marquées par des abandons, des réorientations, des redoublements pour environ les quatre cinquièmes des étudiants. Le suivi de la cohorte à partir des données administrative permet d’établir que 16% des inscrits en L1 d’AES à Paris 13 arrivent en L3 d’AES dans la même université 3 ans plus tard, ils sont 22% à l’UVSQ (schéma.1). Que se passe t- il dans cet intervalle de trois ans ? Comment se construisent les parcours ? Quelles différences observe-t- on entre les deux universités ?

Le déroulé de la 1ère année présente d’assez faibles différences d’une université à l’autre. La part des défaillants - les étudiants ne se présentant pas aux examens - est équivalente, en revanche la proportion de réussite en L1 est légèrement supérieure à l’UVSQ (41,4%) qu’à Paris 13 (37%) (schéma 1 en fin d’article). Autre point commun, seul 1 bachelier professionnel sur 20 valide sa 1ère année, contre 1 bachelier technologique sur 5 et près de 3 bacheliers des séries générales sur 5. Les étudiants les moins armés scolairement (en particulier les bacheliers technologiques et professionnels) décrochent plus ou moins vite. C’est à la fois un processus de sélection qui s’opère, les résultats aux évaluations en contrôle continu ou aux examens confirment l’inadéquation du bagage scolaire aux attentes académiques, mais également le résultat d’une auto-exclusion lié au sentiment de ne pas être « à sa place ».

Au fil des 3 années après l’entrée en AES la déperdition se poursuit cette fois selon des modalités différentes dans les deux universités (schéma 1). A l’UVSQ, selon un modèle assez courant, une part importante des étudiants quitte la formation et l’université au cours ou à l’issue de la première année (50%). Nombreux sont les étudiants qui cumulent leurs études avec de « petits boulots »4, aussi la force de rappel des conditions socio-économiques est-elle très forte en cas de difficultés ou d’échec. Le passage à l’université n’aura eu aucune rentabilité ni individuelle ni professionnelle à ce stade.

A Paris 13, la moindre proportion de départs (45%) en première année est compensée par un taux de redoublement plus élevé. Ceci signifie qu’une partie des étudiants de Paris 13 ne prend pas le risque d’abandonner les études engagées et tente de s’accrocher, dans une logique de précaution, faute d’une alternative viable d’étude ou d’emploi mais aussi dans une logique de continuité d’une trajectoire scolaire qui a ouvert des perspectives inédites dans leur milieu d’origine. En effet, bien des étudiants de Paris 13

4 46% des étudiants de l’UVSQ et 35% de ceux de Paris 13 ont déclaré avoir un emploi. La durée de travail

hebdomadaire est supérieur à 9h pour la moitié des étudiants de l’UVSQ et les trois quarts de Paris 13. 111

sont les premiers de leur famille à avoir décroché le bac5, Leurs études secondaires accomplies, même parfois de façon chaotique, puis l’obtention d’un bac a conduit ces « enfants de la démocratisation » à aspirer à une promotion sociale par l’enseignement supérieur. Ces étudiants s’accrochent, conscients que peu d’autres voies leur sont ouvertes. D’ailleurs, 38% de ces étudiants d’AES ont demandé une autre formation à la sortie du lycée mais n’y ont pas été admis (c’est le cas de 24% des étudiants de l’UVSQ) ; il s’agit en général de formations sélectives de type BTS et DUT. L’année suivante (année 2 de la cohorte), la fréquence des abandons est encore très élevée à Paris 13 (28%). La persévérance n’a pas été payante, peut-être d’ailleurs ne s’est-elle pas accompagnée d’une adaptation aux codes et exigences universitaires faute d’y avoir été préparé bien en amont. Certains de ces étudiants ont fait deux inscriptions en première année, puis face à un nouvel échec, ont quitté l’université. Le taux de redoublement est également important au cours de la 2ème année. Au bout du compte, un étudiant sur six y fera un parcours complet et sans retard (obtention de la Licence d’AES en 3 ans) à Paris 13 ; à l’UVSQ le résultat n’est que légèrement meilleur (1 étudiant sur 5).

5. Les effets du processus de sélection sur la composition socio-scolaire des

promotions d’étudiants

A mesure que s’opère le processus de sélection, auto-sélection et réorientation des étudiants, la cohorte initiale se transforme. Les nombreux étudiants qui quittent l’université (dans un certain nombre de cas pour se réinscrire ailleurs) n’ont pas le même profil socio-scolaire que ceux qui restent, en particulier à Paris 13. Peu à peu, les étudiants à moindre capital scolaire disparaissent : ceux issus des bacs technologiques ou professionnels et ceux qui ont accumulé un retard scolaire.

Au bout de 3 années, la composition sociale des filières AES dans les deux universités a peu changé, en revanche, les étudiants les plus dépourvus des pré-requis attendus par l’université, ont en grande partie disparu.

Les conditions matérielles d’existence, l’environnement social, le soutien familial, l’encadrement pédagogique, les exigences académiques, les perspectives d’avenir, ou encore (et surtout) le capital scolaire, voilà une série de facteurs qui vont se cumuler et conditionner les parcours d’étude. A partir des données administratives des universités, il est possible de mesurer l’effet de certains de ces facteurs sur la réussite à diverses étapes du parcours étudiant. Si on examine les parcours de licence des inscrits en première année d’AES en 2005-06, en retenant les deux étapes clé que constituent l’obtention de la première année et de la troisième année sans redoublement, on constate que le parcours scolaire des étudiants (type de bac), l’établissement d’inscription (UVSQ ou Paris 13) et l’origine sociale ont une incidence sur la réussite à ces deux étapes.

Les étudiants issus de milieu populaire ont plus de chance d’obtenir leur licence en 3 ans que ceux de milieu favorisé. C’est l’acharnement d’une partie de ces étudiants qui permet de l’expliquer et, probablement aussi, un départ plus fréquent vers d’autres voies de formation, éventuellement sélectives ou privées pour les étudiants mieux dotés économiquement. Les étudiants peu privilégiés mettent tout en œuvre pour rentabiliser au mieux le temps passé à l’université d’autant que leurs ressources ne leur permettent pas de se risquer dans d’autres voies, surtout si elles sont couteuses. La régression logistique présentée dans le tableau 5, introduit également le lieu de naissance comme illustration d’un ancrage territorial au voisinage de chacune des universités. Toutes choses égales par ailleurs, cette dimension n’a pas d’effet sur la réussite en L1 ou en L3, alors que l’université d’appartenance joue notablement. Les étudiants de Paris 13, à mêmes caractéristiques, échouent davantage que ceux de l’UVSQ. C’est certainement dans les conditions particulières d’études, de situations pédagogiques, d’encadrement, de relations entre étudiants et de distance aux enseignants, mais aussi des effets non mesurés des inégalités sociales et culturelles, que se situe l’explication. Mais, l’effet le plus puissant sur la réussite aux examens reste le bagage scolaire, en particulier le type d’études secondaires aboutissant à un bac général.

5 A l’UP13, 1 répondant sur 2 à l’enquête a au moins un de ses deux parents qui n’a pas atteint le niveau bac, c’est le

cas d’1 répondant sur 3 à l’UVSQ.

Tableau 5