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Expressions d’une dépression d’allure « essentielle » avec de possibles

3. Opérationnalisation des hypothèses

3.2.2. Expressions d’une dépression d’allure « essentielle » avec de possibles

Pour le Rorschach, Claude de Tychey523, dans son intéressant travail comparatif sur le concept anglo-saxon d’alexithymie et celui de pensée opératoire de Marty, nous propose les grilles de

deux auteurs que nous reprenons ici et qui se rejoignent d’ailleurs sur plusieurs points : celle de Meyer Timsit524 et celle de Catherine Chabert525.

L’approche de Meyer Timsit se base sur les indices suivants :

- Un dessèchement relatif exprimant des processus de formalisation-intellectualisation excessifs (F% élevé) ;

- Un contrôle excessif de la fonction de contrôle du réel (F+% élevé) témoignant de la massivité excessive des processus secondaires ;

- L’augmentation du nombre de banalités traduisant l’excès de conformisme social

521 Chabert C. (1992), Les problématiques dépressives et leurs aménagements : approche clinique et projective, in Bulletin de la Société du Rorschach et des méthodes projectives, n° 36, p.25-40.

522 Baudin M. (2007), op. cit., p.67. 523 de Tychey C. (2010), op. cit..

524 Timsit M. (1978), Test de Rorschach et pathologie psychosomatique, in Bulletin de la Société Française du Rorschach et des Méthodes Projectives, 31, 11-31.

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largement observé dans ce type d’organisation défensive, de même que la stéréotypie

de la pensée qui serait l’expression de la carence de fantasme ;

- La coartation du TRI comme un indice possible de la répression des affects. Catherine Chabert souligne les points suivants :

- le surinvestissement de la réalité externe dans ses aspects les plus conformistes et

factuels. Elle note l’expression d’une quotidienneté banale et anonyme et, en même

temps, la tendance au désinvestissement du monde interne. Cela renvoie, notamment à

l’inhibition majeure de l’activité fantasmatique qui, dans certains cas, peut paraître quasi totalement abrasée ;

- une faible productivité (R bas) ;

- une carence de l’espace imaginaire (peu ou pas de réponses kinesthésiques) ;

- l’insensibilité à la couleur (avec la coartation du T.R.I). ; - le recours important au formel et au factuel (F% élevé) ;

- l’accrochage à une réalité conformiste (A% et Ban élevés).

Nous rajoutons aussi :

- la tendance à donner des réponses dévitalisées et/ou très conventionnelles qui

traduisent un collage dans l’ici et maintenant, émaillées d’irruption de matériaux

archaïques qui renvoient au fonctionnement opératoire de sujets atteints de certaines maladies psychosomatiques, selon Pierre Marty526 ;

- la pauvreté du pôle kinesthésique qui renvoie à la carence du fonctionnement imaginaire (présences de kinesthésies statiques, par exemple) ;

- la rigidité des mécanismes d’inhibition peut aussi se traduire par des agirs comportementaux comme la manipulation du matériel et les retournements, ou

s’exprimer corporellement par des plaintes somatiques, attestant ainsi des difficultés

d’élaboration de l’angoisse.

Ces caractéristiques peuvent également se retrouver au TAT avec une tendance à des réponses restrictives, plaquées sur la réalité extérieure, sans épaisseur symbolique. Dans ce cas, les procédés de la série C1 (inhibition) et CF (surinvestissement de la réalité externe) devraient

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occuper le devant de la scène. La planche 16 est à ce titre exemplaire, car elle met en évidence les difficultés du sujet à faire appel à leurs objets internes et aux relations établies avec eux. Le blanc de la planche 16, le cadre blanc entourant les planches de TAT permettent, selon Pascal Roman527, d’accéder à « autre modalité d'actualisation du support de la perception, dans une confirmation implicite de la participation de ce matériel à une fonction de jeu, au travers de la manifestation de la capacité du sujet à délimiter une aire de jeu, délimitation parfois surinvestie par un recours présentifié au cadre (réponses de mise en tableau au TAT par exemple) ». Pour lui, au TAT comme au Rorschach, le blanc est à considérer dans une perspective métapsychologique, comme témoin d'un mode de traitement spécifique de la pulsion. Il concourt au travail de symbolisation car il constitue un cadre pour la représentation et pour symboliser de l'absence de représentation : ainsi « la planche VII du Rorschach, avec son importante vacance centrale, peut constituer un support pour des expressions exacerbées de la problématique du lien entre l'absence et la représentation ».

Le « moment projectif » est donc une invitation au travail de symbolisation et ce faisant il agit dans une « fonction objectalisante528 » de la fonction de vie et s’oppose ainsi à la « fonction désobjectalisante» de la pulsion de mort où le blanc est investi dans le sens de « l’inexistence, l’anesthésie, le vide [. . .] que ce blanc investisse l’affect (l’indifférence), la représentation

(l’hallucination négative), la pensée (psychose blanche)529».

Nous analyserons également la dynamique inter-planches, en mettant la planche 16 en perspective avec deux autres planches susceptibles de mettre en évidence les difficultés du sujet à faire appel à leurs objets internes et aux relations établies avec eux. Ainsi, nous considérerons ici les planches 12BG, 13B et 16, afin de les mettre en perspective, car ces

planches mettent particulièrement à l’épreuve le fonctionnement du sujet face à ces

sollicitations, et nous renseigne à la fois, sur la présence-absence de l’objet et sur la façon

choisie par le sujet pour symboliser l'absence de représentation.

Nous rappelons enfin que nous nous plaçons toujours dans l’optique de l’existence chez les

fibromyalgiques d’un processus que pourrait, secondairement, mener à l’épuisement puis à une

forme de dépression rappelant la dépression essentielle. En ce sens, les épreuves projectives sollicitent chez ces sujets leur part libidinale toujours vivante qui constitue un levier puissant pour le travail de symbolisation.

527 Roman P. (2001), Des enveloppes psychiques aux enveloppes projectives : travail de la symbolisation et paradoxe de la négativité, in Psychologie clinique et projective, 2001/1 n° 7, p. 71-84.

528 Green A. (1984), Pulsion de mort, narcissisme négatif, fonction désobjectalisante, in Green A., Ikonen P., Laplanche J. et al. (1986), La pulsion de mort, (1986) Paris, PUF, pp.49-59

529 Green A. (1983b), Un, autre, neutre : valeurs narcissiques du même, in Narcissisme de vie, narcissisme de mort, Paris, éd. de Minuit, pp.37-79, p 39.

164 3.3. Hypothèse 3

Le modèle de l’hystérie et, en particulier, celui de la conversion hystérique est pertinent pour

rendre compte du fonctionnement psychique des personnes atteintes de fibromyalgie.

En prenant comme point de départ l’hypothèse d’un fonctionnement de type hystérique, il convient de repérer à partir du matériel fourni par l’entretien clinique le comportement dans la relation et les modalités du discours sur le plan du style et du contenu. Le comportement attendu serait marqué par la séduction avec une labilité émotionnelle et une tendance à la mise en scène, au théâtralisme.

Pour ce qui concerne le style du discours, nous nous attendons à trouver une tonalité générale labile et la présence prédominante de procédés de ce type, en particulier de type hystérique. Nous nous inspirons ici des critères de la grille de dépouillement du TAT530 Cette approche

permet de garder une certaine cohérence avec l’analyse des éléments issus des épreuves

projectives, notamment du TAT. Quant au contenu, nous pensons pouvoir repérer des formes de représentations dépréciées de soi et du féminin. Nous nous intéresserons aussi aux représentations du couple, notamment celles du couple parental, ce qui renvoie aux représentations féminines et masculines.

Nous nous attendons également à ce que les sujets rencontrent des difficultés dans leur vie sexuelle, ressentie comme insatisfaisante voire génératrice de dégoût. En effet, Freud a écrit dans le cas Dora : « Je tiens sans hésiter pour hystérique toute personne chez laquelle une

occasion d’excitation sexuelle provoque surtout ou exclusivement du dégoût531».

Le refoulement présent dans ce type de fonctionnement peut aussi se repérer lors de la passation par des silences, des blancs, des formulations de type « je sais pas / je vois pas », un temps de latence plus long. Des affects à tonalité agressive pourraient ressortir lors de la passation et de

l’entretien mais seraient repris et rattachés à la relation à l’autre, avec une gêne.

L’analyse des épreuves projectives permet de vérifier l’existence du refoulement comme mécanisme de défense prévalent. Plus spécifiquement, au Rorschach, on s’attend à trouver

conjointement remplis les critères suivants532:

- qualité générale de la production de facture labile : commentaires, théâtralisme,

530 Brelet-Foulard F., Chabert C. (dir) (2003), Nouveau manuel du TAT, Paris, Dunod. 531 Freud S. (1905a), Trois Essais sur la théorie sexuelle, Paris, Gallimard, 1987., p. 18. 532 Catherine Chabert, (1983), op. cit., p. 230.

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dramatisation ... ;

- une sensibilité sensorielle et émotionnelle importante (TRI extratensif), traduite par

l’inflation de réponses couleur, ce qui va de pair avec une surabondance de

commentaires ;

- réactions spécifiques aux planches à symbolisme sexuel : refus, aggravation des

procédés labiles. Il s’agit principalement des planches IV, VI et VII, mais aussi, dans

un second temps, des planches II et III qui confrontent à la castration ;

- épaisseur symbolique des contenus, témoin de l’impact fantasmatique du stimulus ; - oscillation entre défense et retour du refoulé rendant compte du conflit psychique.

A travers le matériel appréhendé par le TAT, on s’attend à trouver une prédominance de

procédés labiles.

Dans l’hystérie, les manifestations d’affects comme celles de l’excitation sont toujours associées à des représentations et toujours adressées à l’autre. Cela se traduit au TAT par des

récits organisés autour des relations interpersonnelles (procédé B1-1) et de la dramatisation (procédé B2-1).

Le conflit psychique se manifeste à travers une problématique œdipienne très chaude,

problématique qui devrait se retrouver dans les modalités de traitement des planches qui la sollicitent, notamment les planches 2, 4, 10 et 13MF pour tous, les planches 6GF,7GF, 9GF

(pour les personnes de sexe masculin ce serait 6BM, 7BM et 8BM). L’angoisse de castration

serait ainsi au premier plan533.

167 V - DONNEES CLINIQUES ET RESULTATS