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10. La question du féminin

10.2. Tribulations du féminin ou comment le féminin vient aux filles

10.2.1. La castration au féminin

Dans son texte « La féminité369 » Freud précise qu’il « appartient à la psychanalyse, non pas

de décrire ce qu’est la femme– tâche irréalisable –mais de rechercher comment l’enfant aux

dispositions bisexuelles devient une femme ».

C’est qui est tenté ici est donc de suive ce cheminement du « devenir femme » à travers

l’œuvre de Freud et aussi à travers les contributions d’autres psychanalystes.

A partir du trauma scopique qui ouvre vers « le complexe de masculinité », sous le primat

du phallus, le développement sexuel de la fille l’amène à quitter cette phase au caractère

masculin pour aborder une seconde phase plus spécifiquement féminine370. Ainsi, le féminin

ne viendrait pas d’emblée aux filles, il serait à conquérir.

La question de la castration au féminin semble se poser de façon spécifique. La fille échappe à la menace de castration dans la mesure où l’intimidation des adultes ne se traduirait pas par

une sanction impliquant une coupure. Aussi, « la castration ne serait pas identifiée à la

section d’un pénis qu’elle aurait eu mais bien à des craintes concernant son intérieur371». Cela rejoint la pensée de Jacques André372 pour qui l'angoisse de castration féminine serait mal nommée car en l'absence d'un objet détachable dont la perte serait symbolisable, la femme serait menacée par la crainte de la destruction de l'intérieur de son corps ainsi que par

la perte d'amour, puisqu’elle perd son premier objet, la mère. Ce raisonnement semble

attribuer à la phase phallique du développement de la petite fille des angoisses qui ont était identifiées par Mélanie Klein à des phases plus précoces.

Dans ce même mouvement, Jacqueline Schaeffer373 avance l’idée que chez les filles, chez les

femmes, le pulsionnel reste très proche du corporel, de la source. De ce fait, c'est le ventre, l'intérieur du corps qui peut être objet d'angoisse, ou menacé de destruction. Il serait

davantage menacé par l’envahissement et l’intrusion que par ce qui peut être arraché. Ces

369 Freud S. (1932a), op. cit., p 153.

370 Freud S. (1931), Sur la sexualité féminine, in La vie sexuelle, Paris, PUF, 2004, p. 142. 371 Green, A. (2007), op. cit., p. 110

372 Cité dans Schaeffer J. (dir.), Cornut-Janin M. ( dir), Faure-Pragier S. (dir), Guignard F. (dir) (1999), Clés pour le féminin, Paris, PUF, p.p. 8 et 9.

373 Schaeffer J. (2008), Peur et conquête du féminin à l’adolescence dans les deux sexes, in Controverses dans la Psychanalyse d'Enfants et d'Adolescents, n° 2 :

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angoisses plus diffuses rendraient la petite fille plus susceptible au danger de rester plus longtemps dépendante de la mère par la prolongation excessive de la menace de perdre son

amour. En 1996, lors d’un débat confrontant Jacques André et Michel de M’Uzan, ce dernier a considéré que l'angoisse de castration est liée à la mère, à l’interdit sexuel vis-à-vis du père proféré par celle-ci à l'égard de la fille374.

Certes, filles et garçons ont la mère comme objet primaire d’attachement. Mais contrairement au garçon qui garde le même objet d’attachement à la phase œdipienne, la fille doit accomplir un changement d’objet, le père devenant l’objet œdipien, et doit également procéder à l’égard de l’objet maternel à un renversement en son contraire puisque d’objet d’attachement elle devient un objet rival œdipien. Ce processus est d’autant plus délicat que dans la phase

phallique, se réalisent des motions de désirs intensives actives envers la mère375 , qui

débouchent, notamment lors de l’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur, sur le désir de

lui avoir fait cet enfant.

Alors, comment trouve-t-elle son chemin jusqu'à son père ?

C’est le fantasme qui attribue l’absence de pénis à la castration préalablement infligée par une mauvaise mère rivale et jalouse qui permettrait à la fille de se détourner de son premier objet

d’amour et de se retourner vers le père pour obtenir réparation, un bébé, dans une équation

« pénis=bébé ». Pour Freud, cette absence de pénis serait appréhendée comme un préjudice, une blessure narcissique376. De plus, il pointe l’abandon de la masturbation clitoridienne par la

petite fille, « activité masculine », comme condition du déploiement de la féminité377 car cela renvoie à un fort abaissement des motions sexuelles actives et une augmentation des motions sexuelles passives. Il juge avec Hélène Deutsch378 que le passage à l’objet paternel est réalisé grâce aux tendances passives. Ces tendances passives, valables pour l’enfant masculin comme

pour l’enfant féminin, sont ancrées dans les premiers vécus sexuels en rapport avec les

activités de maternage où l’enfant est « nourri, alimenté, lavé, habillé et préparé à toutes les opérations379». Dans la notion d’actif et de passif se profile une attitude ou posture envers la castration qui sous-tend l’affiliation au masculin et/ou féminin. Il s’agit d’une attitude interne, une façon de se positionner envers la castration. Ce positionnement peut aller d’une attitude

résolue à la féminisation allant jusqu’au « plaisir de castration » au refus de l’attitude passive

374 Cité dans : Schaeffer J. (dir.), Cornut-Janin M. ( dir), Faure-Pragier S. (dir), Guignard F. (dir) (1999), op. cit., pp. 8 et 9. 375 Feud S. (1931), op. cit., pp 150-151.

376 Freud S. (1925), op. cit., p. 128. 377 Freud S. (1931), op. cit., p.145-146.

378 Deutsch H. (1925), Psychanalyse des fonctions sexuelles de la femme, Paris, , PUF, 1994 379 Freud S. (1931), op. cit., p.149.

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qui est « la conséquence du cabrement contre la castration380». Dans ce cas, la passivation est

ressentie comme un danger et pourrait s’expliquer éventuellement par la crainte du retour de la « passivité pulsionnelle primaire », effet de ce que Jean Laplanche appelle la séduction généralisée.

Point ici de référence au vagin que Freud considère comme méconnu du petit garçon comme de la petite fille. Cette question partage les psychanalystes et ce depuis longtemps, notamment chez les contemporains de Freud, entre ceux qui soutiennent la méconnaissance du vagin381

jusqu'à une époque tardive et ceux qui pensent qu’il y a une connaissance de cet organe très

précoce382. Janine Chasseguet-Smirgel383 relève de multiples représentations du vagin chez

l’enfant dans le matériel de Freud. Le vagin et le désir de pénétration qu’il implique sont bien

présents par exemple, chez le petit Hans à propos duquel Freud écrit : « Si j’avais été le seul

maître de la situation, j’aurais osé fournir encore à l’enfant le seul éclaircissement que ses parents lui refusèrent. J’aurais apporté une confirmation à ses prémonitions instinctives en lui

révélant l’existence du vagin et du coït, j’aurais ainsi largement diminué le résidu qui restait

en lui et j’aurais mis fin à son torrent de questions384».

Jacques André385 attribue cette idée freudienne de la « méconnaissance du vagin » davantage

à une nécessité théorique, qui débouche sur le primat du phallus, qu’à une découverte clinique

et rappelle qu’en analysant le rêve de Dora sur l’incendie et la boîte à bijoux, il avait reconnu, avant 1925, l’excitabilité du vagin. Plus tôt encore, Freud a confirmé l’approche cloacale qui a

été entre autres défendue par Lou Andréas Salomé386 en 1916, approche qui sous-tend une

représentation du vagin. L’auteure repère alors une étroite analogie organique entre l’anal et le génital ainsi que leurs rapports réciproques. L’appareil génital reste «voisin du cloaque » et

« chez la femme il n’en est même guère qu’une partie prise en location387». La célèbre expression : « le vagin est « loué » à l’anus traduit l’idée que la jouissance suscitée par le

vagin aurait une origine érotico-anale.

380 Freud S. (1923c), Une névrose diabolique du dix-septième siècle, in L’inquiétante étrangeté et autres essais, pp.

269-315, Gallimard, 1985, pp. 251-253, pp. 294-295. La traduction de cette édition parle de « résistance», nous avons préféré garder le terme « cabrement » d’une traduction précédente, ce terme nous paraissant plus imagé.

381 Ruth Mack Brunswick, Jeanne Lampl de Groot, Hélène Deutsch, Marie Bonaparte, par exemple. 382 Josine Muller, Karen Horney, Karl Abraham, Mélanie Klein, Ernest Jones, entre autres. 383 Chasseguet-Smirgel J. (1988), op. cit.

384 Freud S. (1909), op. cit., p.196.

385 André J. (1999b), L’élément féminin impur, in Clés pour le féminin, Paris, PUF, p.p. 143-151.

386 Andréas-Salomé L. (1915), Anal et Sexual, in L’amour du Narcissisme, 1913/1933, Paris, Gallimard, 1980, p. 112. 387 Ibid., p. 107.

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En 1933, Karen Horney388 reprenant les idées de Josine Müller, postule que cette prétendue ignorance du vagin jusqu'à la puberté serait le résultat d'un refoulement extrêmement puissant; la masturbation clitoridienne serait plus tardive. En raison d'une angoisse fondamentale spécifiquement féminine, la fillette transférerait en effet, sur un mode défensif ses pulsions

vaginales à l’organe sexuel externe, le clitoris. Il s’en suit que le complexe de castration chez

les filles serait un phénomène secondaire au refoulement de la connaissance préalable du vagin. Danielle Quinodoz389 considère que si chez la petite fille il n'existe pas d'angoisse de castration au sens strict, c'est-à-dire l'angoisse d'être amputée du sexe masculin, il en existe en revanche un équivalent, l'angoisse d'être amputée du sexe féminin. Pour elle, le fait que le sexe féminin soit invisible, ou peu visible, ne suffit pas à justifier qu'il ne soit pas connu de la petite fille, car il y a une perception proprioceptive d'organes invisibles, ainsi qu'une connaissance fantasmatique de l'image du corps propre entretenue dans la rêverie de la mère et dans la façon dont l'entourage s'adresse à l'enfant. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'une connaissance rationnelle anatomique ou physiologique en relation avec la réalité extérieure,

puisqu’il s'agit de représentations internes du corps propre liées à des fantasmes corporels

inconscients.

Le complexe de castration avec son corollaire freudien, l’envie du pénis chez la fille, reste

également un grand sujet de débat. Janine Filloux390 rappelle que Freud a reproché à certains de ses contemporains391 de prétendre ainsi étudier la sexualité féminine de façon autonome et parallèle au développement de la sexualité masculine alors que la différence des sexes ne peut

être comprise qu’à partir du complexe de castration qui est le pilier de sa première représentation. Il maintient sa théorie de la sexualité féminine élaborée en rapport à la

sexualité masculine, en admettant avoir décrit l’Œdipe masculin pour ensuite se référer aux

processus propres à la configuration œdipienne féminine. L’auteure partage avec M.

Cournut-Janin392 l’idée qu’il convient d’aborder l’élaboration du discours freudien « non comme une vérité entachée d’erreur qu’il s’agirait d’apurer, mais comme une construction

toujours reliée à la sexualité de son auteur393».

388 Horney K. (1933), The denial of the vagina, in International Journal of Psycho Analysis, 14, pp. 57-70

389 Quinodoz D. (1993), L’angoisse de castration a-t-elle un équivalent féminin ?, in Revue Française de Psychanalyse, n° 5, tome 57, 1993, p. 1650

390 Filloux J. (2002), La peur du féminin : de « La tête de Méduse » (1922) à « La féminité » (1932) », in Topique, 2002/1 no 78, p. 103-117

391 En particulier à M. Klein, K. Horney et E. Jones.

392 Cournut-Janin M. (1998), Féminin et féminité, coll. Epîtres, Paris, P.U.F. 393 Filloux, J. (2002), op. cit.

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Ce qui paraît important ici est que Freud reste centré sur la sexualité psychique et plus

particulièrement la bisexualité psychique, se démarquant bien d’un abord proche du biologique, car il s’agit bien de psychosexualité. En effet, il nous semble que ce n’est pas la

conscience du vagin seule, aussi précoce soit-elle, qui permettrait à la petite fille de se sentir une être féminin mais les bouleversements du processus même de différenciation : d’abord la

différenciation entre le soi et le non-soi, la dé-fusion d’avec les objets primaires, puis, surtout, l’épreuve d’altérité qui représente la castration. C’est donc, à notre avis, bien la castration qui fait la différence, l’expérience scopique inaugurant une exigence de travail pour la psyché. Ce

travail n’est du reste, jamais terminé puisque l’identité psychosexuelle, sur le trajet qui la mène jusqu’au couple masculin/féminin, ne s’acquiert pas de manière définitive, elle est à

construire et à maintenir de manière constante, en raison de la constance de la poussée libidinale, et du conflit de la différence des sexes394.

Peut-être bien que cette conscience précoce du vagin pourrait avoir partie liée avec ces

angoisses diffuses d’envahissement qui, selon certains auteurs, caractériseraient en particulier

la phase phallique chez la fille. En effet, en rejoignant l’idée que chez les filles le pulsionnel

reste très proche du corporel, de la source, comme le souligne Jacqueline Schaeffer395 en faisant référence à la pensée kleinienne, l’angoisse aurait pour objet l’intérieur du corps, le ventre, objet qui serait davantage menacé d’envahissement et d’intrusion que par ce qui peut

être arraché, coupé. La connaissance du vagin serait pour Jacqueline Schaeffer, « la grande découverte de la puberté », même si les petites filles n’ignorent pas qu’elles ont un creux, une

fente, puisque sa dimension érogène ne peut être découverte que dans la relation sexuelle de jouissance396.Il nous semble qu’il s’agit ici de la découverte de la dimension érogène du vagin

prise dans le contexte génitalisé de l’adolescence et introduite par la rencontre sexuelle.

Cette approche ne nous parait pas incompatible avec la connaissance précoce du vagin dans le

sens évoqué par Danielle Quinodoz, c’est-à-dire, d’une représentation interne du corps propre liée à des fantasmes corporels inconscients. Nous voyons plutôt dans cette « grande découverte » pubertaire un effet de l’après-coup dans le sens où l'élaboration d'un deuxième événement permet de donner sens à un premier qui était resté non élaboré, suspendu, sans prise psychique. Un traumatisme que Monique Cournut-Janin et Jean Cournut397 évoquent

394 Schaeffer J. (2002), Une instable identité psychosexuelle, in L'orientation scolaire et professionnelle, 31/4, 2002, mis en ligne le 01 décembre 2005. URL : http://osp.revues.org/index3409.html, p. 2.

395 Schaeffer, J. (2008), Peur et conquête du féminin à l’adolescence dans les deux sexes , in Controverses dans la Psychanalyse d'Enfants et d'Adolescents, Année 2008, n° 2, p. 2.

396 Schaeffer J. (2002), op. cit., p. 3.

397 Cournut-Janin M., Cournut J., (1993a), La castration et le féminin dans les deux sexes, in Revue Française de Psychanalyse, n° 5, tome 57, 1993, p. 1358.

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comme étant lié à « une détresse narcissique éprouvée devant les petites mais étranges et inquiétantes différences, celle des générations et celle des sexes ». Et ce qui est « ignoré » (peut-on dire « refoulé » ?) recouvrerait pour Freud des représentations que les enfants élaborent et qui peut-être les assaillent et les débordent dans la terreur. Ces représentations sont en lien avec ventre maternel et son contenu. N’ont échappé au Petit Hans ni la grossesse

de sa mère et la cuvette sanglante de l'accouchement, ni les comportements sexuels des animaux.

En mettant l’accent sur une représentation de la femme mutilée, la théorie freudienne rend impensable l'existence d'une cavité, nous dit Monique Cournut-Janin : « Voilà donc le ventre maternel, la définition de la femme et les questionnements sur les intérieurs encore une fois reniés (on cherche le mot : répudiés, forclos?)398 ». Pour elle, le postulat de l'ignorance du vagin présente l'avantage théorique de mettre en jeu l'analité dont l'avantage clinique est de renforcer la négation de la différence des sexes : «Si les enfants sont mis au monde par l'anus, l'homme peut aussi bien enfanter que la femme». Au total, « il n'y a pas de différence, il n'y a que de la castration. Le pénis est universel, parfois il est coupé. Le fantasme de la castration des femmes corrobore la théorie du pénis universel399».

Revenons à Freud. Pour lui, nous l’avons vu, le trauma scopique chez la petite fille débouche

sur le « complexe de masculinité ». Sous la houlette de la théorie sexuelle infantile du pénis

universel, l’absence du pénis ne serait pas comprise comme caractéristique d’une

détermination sexuelle mais comme l’effet d’une castration.

Jacqueline Schaeffer400 conçoit l’envie du pénis chez la fille comme étant une défense contre l’angoisse « de féminin », c’est-à-dire, contre l'angoisse de ce qui entre et qui envahit. Freud estime que la femme reste rivée à l’envie du pénis, à l’instar de l’angoisse homosexuelle de l’homme d’être pénétré. Cette « permanence »401 de l’envie de pénis pourrait être interprétée comme l'expression d’une défense prégénitale contre une angoisse de pénétration génitale402. De ces différentes approches semble se dégager l’idée de la valeur défensive de l’envie de

pénis chez la fille : défense contre des angoisses d’envahissement qui mettraient à mal l’intégrité narcissique d’une part et d’autre part, lutte pour échapper au péril de rester rivée au

398 Cournut-Janin M. (1993b), Enjeux, in Revue Française de Psychanalyse, n° 5, tome 57, 1993, p. 1353 399 Cournut-Janin M. (1993), op. cit., p. 1364

400 Schaeffer J. (2008), op. cit., p. 2

401Concernant ce sujet, Freud dit : « L’espoir de finir par avoir tout de même un jour un pénis et par là de devenir égale à

l’homme peut se maintenir jusqu’en des temps invraisemblablement tardifs et devenir le motif d’actions singulières

incompréhensibles autrement ». Freud S. (1925), op.cit., p. 127.

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premier objet d’amour et de se perdre dans la fusion. Ainsi, comme le soulignent Monique

Cournut-Janin et Jean Cournut, le scénario de la castration fonctionne comme métaphore, il apporte du sens et une dramatisation là où régnait l'énergétique brute des processus. Pour Janine Filloux403, la clinique atteste chez la femme de la persistance de l’attachement à la mère et d’un lien au père qui se constitue à partir de ce que l’on souhaite posséder de lui, de ce que l’on trouve enviable en lui. Cela apporterait, selon elle, une justification à la fois sur le

plan théorique et clinique de l’envie du pénis puisque c’est à partir de là que la petite fille va

se tourner vers le père pour exiger de lui, sous un mode passif, ce dont elle a envie, le pénis-enfant qu’elle attend de lui. Cette demande permettrait d’établir et de maintenir la

puissance phallique du père comme défense contre la position de double narcissique de la mère.

En suivant les pas de Dora dans la cure, Freud avance l’hypothèse du complexe de

masculinité chez la femme (et l’envie du pénis le concernant) quoique dans ce texte il ne soit

pas explicitement question de castration. Il illustre dès 1905 son idée des deux temps du développement sexuel de la fille : « Dans un certain sens, c'était un "souvenir-écran" quand elle disait avoir pu, jusqu'à sa première maladie, marcher du même pas que son frère et que ce ne fut qu'à partir de cette époque qu'elle se trouva en retard dans ses études, tout à fait comme si elle eût été jusqu'alors un garçon et qu'elle ne put devenir fille qu'à ce moment. Dora était en effet une sauvage ; par contre, à partir de "l'asthme" elle devint calme et sage. Cette maladie fut chez elle comme une borne entre deux phases de sa vie sexuelle, dont la première avait un caractère viril et l'autre un caractère féminin404. »

Freud soutient une plus grande « affinité » de l’hystérie avec la féminité qu’avec les autres

fonctionnements psychiques405 dans la mesure où il existe pour lui, une prédominance du

passif chez l’hystérique. Cette insistance sur le couple « passivité/féminin » renvoie à ce que

serait justement la suppression d’une « activité », la masturbation, qui rendrait possible le déploiement de la féminité406. Lorsque la fillette reste campée sur ce que Freud nomme le complexe de masculinité, en refusant le désinvestissement clitoridien et la castration, elle

s’identifie de façon secondaire et défensive au père, après une première identification à la

mère phallique. Ce serait à l'entrée dans la période de latence que l’activité exploratoire et

masturbatoire cèderait au refoulement. Pour Freud, ce refoulement est lié à la déception

403 Filloux J. (2002), op. cit., p.114.

404 Freud S. (1905b), Fragment d’une analyse d’hystérie (Dora), in Cinq psychanalyses, PUF, 2001, Paris, p.60 405 Freud S. (1926), op. cit., p. 174.

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causée par l'infériorité de leur clitoris par comparaison avec le pénis. Nous rejoignons Litza Gutierres-Green407 dans l’idée qu’il pourrait être plutôt le fruit de la culpabilité liée aux

fantasmes sadiques qui accompagnent la masturbation et dont la mère serait l'objet, l'objet