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6. DISCUSSION

6.7. Expression de CIITA in vivo par transgénèse

Les souris transgéniques mCIITA obtenues dans le cadre de ce travail induisent l’expression des molécules CMH-II. En effet, les résultats préliminaires montrent que de multiples organes répondent à l’expression du transgène CIITA de type IV par une induction de l’ARN des gènes I-Eα et I-Aα, et par une induction à la surface cellulaire de I-E et I-A. La réponse de plusieurs gènes CMH-II au transgène mCIITA est la preuve que celui-ci est fonctionnel. Les gènes CMH-I répondent à CIITA de manière limitée in vivo.

Comme prédit par les études in vitro [77;78], CIITA est capable d’induire l’ARNm du gène H-2 K et pas celui du gène β2 microglobuline. Cette réponse partielle explique la faible induction des molécules CMH-I à la surface (Figure 5.8). Le rôle de CIITA apparaît

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encore plus limité, lorsqu’on remarque que cette action de CIITA sur les gènes CMH-I n’a lieu que lors de forte expression du transgène CIITA (Figure 5.6).

Les deux constructions transgéniques visant une expression large et dérégulée de mCIITA sont efficaces. Les promoteurs utilisés SRα [155] et CMV [154], de même que le locus métallothionine, en sont probablement les éléments clés. S’il faut noter que les deux approches utilisées dans ce travail ont été employées avec succès, celle utilisant la construction MT-SRα-mCIITA (MC) a été plus efficace que celle avec CMV-mCIITA (CC). La différence est certainement liée à la fois au choix du promoteur et aux séquences métallothionines (MT) de type Locus Control Region (LCR) [157]. Les séquences issues du locus métallothinonine ont probablement permis d’obtenir le nombre élevé de lignées de souris MC exprimant le transgène. En effet, il est probable que ce locus exerce une action de type Locus Control Region (LCR) pour l’expression du transgène CIITA. Les arguments sont les suivants : la forte proportion de souris MC exprimant le transgène, le profil similaire d’expression entre les lignées, et la corrélation entre le nombre de copies du transgène et le taux d’expression du transgène. Cette dernière corrélation, qui n’est pas absolue (Figure 5.7), est comparable à celle trouvée pour le locus métallothinonine dans l’étude originale [157]. Dans les articles traitant de ce sujet, un tel effet est généralement montré pour un organe ou un type de cellules donné

[156]

. Il est donc remarquable que dans quatre des six organes examinés des souris MC, cette relation quantitative entre l’ARN du transgène et le nombre de copies est effectivement observée.

De manière surprenante, l’expresion du transgène dans le foie ne semble pas bénéficier de l’effet LCR du locus MT. Pourtant ces séquences MT associées avec leur promoteur homologue fonctionnent comme LCR dans le foie [157] ! Dans l’étude du groupe de Palmiter, l’association du locus MT avec des promoteurs hétérologues conduit à un profil d’expression différent du profil original donné par le promoteur utilisé sans séquence LCR. Des changements de profil d’expression ne sont pas propres à ce locus MT. En effet, des introns insérés dans un transgène modifient aussi le profil d’expression

[173]

. Ces données suggèrent que les divers éléments du transgène entrent en interaction dans le processus d’expression de celui-ci. En d’autres mots, lors de la construction d’un transgène, une nouvelle entité fonctionnelle est crée dont l’efficacité et la spécificité ne sont pas précisément prédictibles. Dans notre cas, il est possible que l’expression variable du transgène CIITA dans le foie soit due à une mauvaise « interaction » des éléments MT avec le reste du transgène MT-SRα-mCIITA. En conclusion, ce travail montre que le locus MT en procurant un effet de type LCR est un moyen efficace pour augmenter l’expression de transgène dans de nombreux organes de la souris. Malheureusement, l’utilisation du locus MT rend encore plus difficile de prédire le territoire d’expression

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d’un transgène. Ce locus MT, qui est un moyen de transgénie plus léger que la recombinaison homologue, devrait donc être utilisé chaque fois qu’une expression élevée d’un transgène est recherchée.

La comparaison entre l’expression des gènes I-E et I-A et celle de CIITA endogène et transgénique donne certaines informations sur CIITA qui sont parfois limitées. Dans le foie et les reins, la corrélation observée entre le niveau d’expression de CIITA et celui de gènes I-Eα et I-Aα est modérée. Cette corrélation quantitative est moins bonne que celle observée dans l’ARN provenant de plusieurs souris Balb/c (voir partie 3). Infirmer la régulation quantitative de CIITA sur l’expression des gènes CMH-II n’est pas soutenable à partir de ces résultats dans les transgéniques. En voici les raisons.

D’abord, plusieurs contraintes techniques peuvent expliquer ce résultat. Ainsi, le niveau global d’expression de protéine CIITA n’a pas été mesuré. Les niveaux d’ARNm du transgène et du gène endogène CIITA, les deux sources de protéine CIITA, ont été mesurés séparement. En conséquences, la corrélation quantitative n’a pu être effectuée que dans le nombre réduit d’organes où l’expression du transgène est prépondérante. Un autre problème technique est le fond génétique de ces souris transgéniques partiellement

« backcrossées » ; ceci induit de la variabilité. L’hétérogénéité d’expression d’un transgène au sein d’un même tissu peut aussi apporter de la variabilité : le taux d’expression de CIITA, éventuellement saturant dans une fraction variable de cellules, ne serait que partiellement corrélé avec celui des gènes CMH-II. Il faut rappeler que la corrélation entre CIITA et I-Eα dans de l’ARN provenant de plusieurs souris Balb/c d’une même portée a été observée en absence de toutes ces contraintes (voir partie 3).

Afin d’étudier plus avant le rôle in vivo de CIITA dans la régulation des gènes CMH-II dans ces souris transgéniques, il faudrait idéalement étudier l’expression de ces gènes au niveau de cellules individuelles.

L’expression saturante de CIITA pour les gènes CMH-II a été recherchée dans les souris MT-SRα-mCIITA. Dans une telle situation, en comparant plusieurs lignées, on devrait observer un plateau entre le niveau d’expression de CIITA et le niveau d’expression de gènes CMH-II. Dans le foie, une telle situation semble se produire. Une analyse par Western contre CIITA serait intéressante pour confirmer cet éventuel plateau pour l’action de CIITA. Il est intriguant de noter que le foie qui exprime pourtant de fortes quantités d’ARN de CIITA transgénique n’exprime pas I-Eα à un niveau aussi élevé que les reins ou les poumons. Est-ce que dans le foie, les protéines partenaires de CIITA seraient plus facilement limitantes ?

L’absence de réponse à CIITA ou une réponse partielle dans certains tissus permettrait de mieux comprendre le mode d’action de CIITA in vivo. Par exemple, il se pourrait que certaines cellules ne répondent pas à l’expression de CIITA transgénique.

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Pour les détecter, il serait souhaitable d’examiner par immunohistologie l’induction des molécules CMH-II pour démasquer de telles cellules éventuellement « résistantes » à l’action de CIITA. Dans ce but, il faut remarquer que le transgène CIITA aurait dû inclure un tag afin de détecter CIITA in situ. En effet, CIITA est difficilement détectable à l’état natif. Une éventuelle discordance entre l’expression de CIITA et de molécules CMH-II aurait pu être mise en évidence beaucoup plus facilement. Une réponse partielle à CIITA ou un niveau maximal peu élevé d’ARNm des gènes CMH-II semble avoir lieu dans le foie et la rate. Ainsi, les hépatocytes des souris MC expriment environ deux fois moins les gènes I-Eα et I-Aα que les cellules rénales pour une même quantité d’ARN CIITA transgénique. Les lymphocytes B de la rate n’augmentent guère l’expression des gènes CMH-II selon l’analyse par FACS, malgré un niveau élevé d’ARN CIITA transgénique dans la rate. En cas d’une bonne expression protéique de CIITA dans les hépatocytes et les lymphocytes B des souris MC, il serait intéressant de rechercher quel est le mécanisme de cette réponse partielle à CIITA. Dans ces cellules, il est possible que la forme IV de CIITA soit peu efficace ou qu’un des partenaires de CIITA soit exprimé en quantités limitantes. Une faible expression de partenaires probables de CIITA comme RFX [61], CREB [50] ou CBP [87;88] serait un argument pour impliquer ces facteurs dans des interactions avec CIITA.

Dans les souris MT-SRα-mCIITA, des effets pléïotropiques délétères n’ont pas été trouvés. Aucune différence de croissance, de fertilité, ou de longévité n’a été mise en évidence dans ces souris transgéniques. Les analyses histologiques n’ont pas non plus montré de grossières anomalies. Dans les très préliminaires résultats de FACS, le système hématopoïétique ne semble pas affecté du moins dans la lignée lymphoïde. Avec ces résultats préliminaires, on peut juste conclure que CIITA en surexpression ne semble pas in vivo être incompatible avec une des fonctions vitales de la souris. Ces premiers résultats sont rassurants pour de futures thérapies visant à modifier l’activité de CIITA, soit pour l’augmenter comme dans les cas de déficit congénital en CIITA, soit pour diminuer l’activité d’un système immunitaire fonctionnel. Une activation de CIITA soit par thérapie génique ou par des moyens plus conventionnels semble être envisageable plus sereinement chez l’homme [174]. Bien sûr, dans ces souris, les analyses dans les divers compartiments du système hématopoïétique doivent être poursuivies. La différenciation des lymphocytes B mérite, en particulier, notre attention. En effet, la maturation de ces lymphocytes est affecté par une absence de la chaîne invariante [21]. En ce sens, il sera intéressant d’étudier de plus près la maturation des lymphocytes B dans la moelle.

CIITA en tant que transgène est fonctionnel. Ce nouveau moyen de moduler l’expression et la fonction des molécules CMH-II in vivo ouvre la porte à une série

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d’expériences futures concernant la régulation des gènes CMH-II et l’immunologie. Un exemple d’éventuelle expérience pour chacun de ces deux domaines va être détaillé. Pour le premier sujet, des croisements de ces souris transgéniques avec des mutants de la régulation des gènes CMH-II pourraient être instructifs. Par exemple, la besoin pour CIITA de RFX in vivo est un point à étudier. En effet, la comparaison des phénotypes des souris mutantes CIITA et RFX5 suggère qu’il existe des cellules qui expriment les molécules CMH-II grâce à CIITA sans l’aide de RFX [60;106]. L’expression du transgène mCIITA dans un fond génétique RFX5 –/- révèlerait le territoire d’expression de ces éventuels facteurs remplaçant RFX. En immunologie, les souris transgéniques mCIITA pourrait servir à étudier la présentation d’antigène par les molécules CMH-II.

L’expression de molécules CMH-II dans des cellules habituellement négatives servirait à révéler le potentiel de ces cellules à présenter des antigènes in vivo. Ainsi, la présentation de superantigènes qui dépend essentiellement des CMH-II pourrait être avantageusement étudiée [148]. D’un autre côté, l’absence de présentation efficace d’antigènes par de telles cellules CMH-II positives à des lymphocytes CD4 + pourrait permettre de rechercher les facteurs manquants, soit pour le processing d’antigène, soit pour la costimulation.

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