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3. ACTION QUANTITATIVE DE CIITA SUR LES GENES CMH-II

3.2. Approches techniques et mises au point

La démonstration du contrôle quantitatif de l’expression des molécules CMH-II par CIITA a requis d’exprimer CIITA de manière contrôlée. Il s’agissait essentiellement de trouver les conditions expérimentales permettant une modulation “à volonté” du niveau d’expression de CIITA sans altérer d’autres paramètres cellulaires. Il fallait idéalement exprimer CIITA, après transfections, à différents niveaux prédéfinis et stables dans des cellules par ailleurs identiques. Dans ces conditions, un effet quantitatif sur le niveau d’expression des gènes CMH-II endogènes pouvait être objectivé. Les prochains paragraphes vont présenter les raisons et les mises au point de l’approche expérimentale choisie.

3.2.1 Système d’expression de CIITA

L’approche par expression inductible d’ADNc fut choisie pour des raisons à la fois de polyvalence et comme travaux préparatoires de souris transgéniques. La capacité de contrôler le niveau d’expression d’un gène est possible par plusieurs systèmes génétiques classiques soumis à des agents inducteurs (revues : [135]). La plupart de ces systèmes sont limités par deux problèmes: le contrôle de l’expression du gène d’intérêt n’est souvent que partiel (bruit de fond élevé) et l’agent inductible a des effets non spécifiques. Le système de régulation transcriptionnelle à la tetracycline, inventé par Gossen et Bujard [136], représente une avancée majeure par rapport à ces deux limites (revues :[137;138]). D’un côté, il est basé sur un promoteur inductible (tet-op) composé d’un promoteur minimal issu d’un promoteur CMV et d’une partie régulée, l’opérateur Tet en heptamère. Soumis à son contrôle, bien sûr, se trouve l’ADNc du gène à réguler. En trans, un facteur de transcription artificiel (tTA) est formé du domaine viral d’activation de la transcription VP16 et du domaine bactérien répresseur Tet se liant aux opérateurs Tet en absence de l’antibiotique. Ce système est remarquable par sa spécificité de régulation dans les eucaryotes, un bruit de fond souvent faible, l’extrême amplitude de la réponse (3 à 5 ordres de grandeur) et la rapidité de la réponse (moins de 24 heures)

[136;139]

. La modularité de ce système a augmenté au fil des années : versions répressible (tTA) [136], inductible (rtTA) [139], ou avec une spécificité altérée [140] ou encore avec une répression active [141].

La lignée cellulaire HtTA, dérivée de HeLa, exprime le transactivateur tTA sous le contrôle du promoteur hCMV [136]. Cette lignée a été transfectée avec deux constructions CIITA. En premier, en transfectant l’ADNc CIITA sous le contrôle du

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puissant promoteur SRα, nous avons exclu un éventuel effet non spécifique de la doxycycline sur les cellules. En effet, deux semaines d’exposition à la doxycycline (2 ng/ml) ne modifie pas le niveau d’expression des molécules CMH-II à la surface cellulaire (données non montrées). Ensuite, nous avons comparé la puissance du promoteur tet-op par rapport à celle de SRα (Figure 3.1). L’expression en HLA-DR est comparable dans les deux types de transfectants. Le niveau ainsi atteint en HLA-DR à la surface grâce à un ADNc transfecté de CIITA est élevé et supérieur à celui induit par l’IFN-γ même à hautes concentrations (1000 U/ml induisent typiquement moins d’un log d’augmentation de fluorescence de DR au FACS). Ces contrôles ont donc permis de vérifier la spécificité et la puissance du système de régulation à la tetracycline pour l’étude de CIITA.

10 4 10 3 10 2 10 1 10 0 0 120

Figure 3.1. Comparaison de l’expression en HLA-DR des cellules HtTA exprimant CIITA grâce à 2 promoteurs différents. Les cellules HtTA, exprimant l’activateur tTA, ont été transfectées de deux manières : mCIITA sous le contrôle du promoteur constitutif SRα ou celui inductible tet-op. Après la sélection à l’hygromycine, les 2 types de transfectants ont été sélectionnés par billes magnétiques pour l’expression de HLA-DR. Les cellules non transfectées (noir), transfectées avec SRα-mCIITA (gris) ou tet-op/mCIITA (blanc) ont été analysées par FACS pour l’expression en HLA-DR.

Après la transfection de tet-op/mCIITA dans HtTA, nous avons dérivé des clones à partir de la population totale par FACS-STAR. Par la suite, ces clones ont été sélectionnés périodiquement par FACS-STAR ou par billes magnétiques. Chacun de ces clones a montré le même phénotype : une expression des molécules CMH-II restant soumise au système tetracycline. La cinétique de la répression puis l’induction de mCIITA régulé par la doxycycline a été déterminée empiriquement. La répression de l’expression de CIITA par exposition à la doxycycline à des concentrations élevées (2 ng/ml) [139] a été contrôlée par FACS en marquant les molécules CMH-II. Malgré une cinétique rapide du système tetracycline selon les données de Gossen et Bujard, il a fallu

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attendre au moins 13 jours pour atteindre une négativité totale pour l’expression de HLA-DR au FACS. La lenteur de la disparition de molécules CMH-II peut être expliquée par plusieurs phénomènes comprenant une longue ½ vie de CIITA [127] et/ou une longue ½ vie des molécules CMH-II à la surface cellulaire comme parfois observée [43]. La détermination de la durée nécessaire pour induire un taux constant des molécules CMH-II par un système tet-op/CIITA a été effectuée de la manière que voici. A partir de cellules transfectées non clonées soumises pendant deux semaines à la doxycline 2 ng/ml, l’antibiotique a été enlevé et l’expression de surface en CMH-II a été suivie jusqu’à obtenir un taux d’expression stable. Quatre jours sans doxycycline permettent aux transfectants non clonés de retrouver l’expression maximale en HLA-DR et DQ.

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Figure 3.2. Titration de la doxycycline dans les cellules HtTA transfectées avec tet-op/mCIITA. Après 2 semaines d’exposition à la doxycycline 10 ng/ml, les transfectants reçoivent trois régimes de doxycline avant d’analyser leur expression en HLA-DR.: 10 ng/ml pendant plus que 2 semaines, 80 pg/ml pendant 9 jours ou retrait pendant 4 jours. Les contrôles négatifs en gris sont analysés sans premier anticorps.

Afin d’exprimer CIITA à des taux différents, une titration de l’activité de la doxycycline a aussi été effectuée de manière empirique entre les deux extrêmes que sont l’absence et la concentration de 10 ng/ml. La “fenêtre” de concentration de doxycycline donnant des niveaux d’expression partielle de CMH-II est étroite et se situe entre 300 et 30 pg/ml. La dose intermédiaire de 80 pg/ml a permis de confirmer la cinétique

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d’induction des molécules CMH-II à la fois sur les transfectants non clonés et sur plusieurs clones dont le clone 4.13 (Figure 3.2). Par ailleurs, le taux d’expression de DR, dans les transfectants non clonés comme dans le clone 4.13, est stable dès 4 jours d’exposition à cette concentration de doxycycline (données non montrées). Ce phénotype du clone 4.13, qui demeure identique à la population transfectée de départ, exclut un changement important des autres composants de la régulation des gènes CMH-II. Après ces mises au point, l’effet d’une quantité différente de CIITA sur l’expression des gènes endogènes CMH-II pouvait donc être menée expérimentalement dans le clone 4.13.

3.2.2 Système de mesure de l’activité de CIITA:

L’activité de CIITA dans ce système inductible a été étudiée à deux niveaux:

mesure des taux d’expression des ARNm de HLA-DRA et de CIITA et étude de l’expression au niveau des isotypes HLA-DR, DP et DQ à la surface des cellules individuelles. Ces mesures ont été effectuées avec l’objectif suivant: établir une courbe dose-réponse entre CIITA et les gènes CMH-II. Le niveau en ARNm de DRA fut considéré comme le reflet « direct » de l’activité de CIITA vu les conditions de « steady state ». Comme mesure du niveau d’expression de CIITA, l’ARNm fut préféré à la protéine pour des raisons de sensibilité. L’analyse de l’expression des molécules CMH-II à la surface par FACS permit de vérifier que des différences de niveau d’expression de DR détecté en ARNm, préparé à partir d’une population cellulaire, étaient bien suivies de différences d’expression à la surface membranaire des cellules individuelles.

La mesure des niveaux d’expression des ARNm de CIITA et de DRA fut contrôlée pour sa sensibilité, sa linéarité et sa marge d’erreur. La détection des ARNm fut effectuée par RPA suivie d’une quantification par Phosphorimager et ImageQuant. Afin de contrôler ces étapes en bloc, l’ARN cytoplasmique des transfectants HtTA tet-op/mCIITA fut dilué avec de l’ARN de levure. Sur ces échantillons, les signaux pour DRA, mCIITA et TBP furent mesurés (Figure 3.3). Après substraction du bruit de fond (comparer la colonne gauche et droite), la mesure est linéaire pour les divers messagers jusqu’aux dilutions suivantes: DRA jusqu’à 1/125, CIITA jusqu’à 1/625, et TBP jusqu’à 1/25. Il est frappant de noter que pour ces trois types d’ARNm, la mesure ne devient plus fiable lorsque le rapport signal/bruit de fond atteint une valeur autour de 1,25 x. Après cette soustraction du bruit de fond, la marge d’erreur a été estimée à environ 20% en comparant les signaux calculés et mesurés. La marge d’erreur est identique lors de mesures d’échantillons analysés sur des gels différents. En conclusion, la courbe dose-réponse des ARNm de DRA et de CIITA peut être précisément mesurée sur deux ordres

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de grandeur au minimum. Exprimé en unités arbitraires en rapport avec TBP, le taux d’expression de ces deux gènes peut ainsi être détecté à partir de 0,03 UA avec une marge d’erreur de 20%.

1/3125 1/625 1/125 1/25 1/5 1/1 1/3125 1/625 1/125 1/25 1/5 1/1

CIITA

Figure 3.3. Contrôle de la sensibilité, de la linéarité et de l’erreur des mesures de l’expression des ARNm de DRA, de CIITA et de TBP.

L’ARN des transfectants HtTA tet-op/mCIITA est dilué avec de l’ARN de levure aux taux indiqués. Dans ces échantillons, la détection des ARNm de ces trois gènes fut effectuée par RPA suivi d’une analyse par Phosphorimager et par ImageQuant software par intégration du volume.

Le bruit de fond a été mesuré sur une surface équivalente en dessus du signal. Les deux colonnes montrent les résultats sans et avec soustraction du bruit de fond. Les signaux mesurés sont comparés avec ceux prédits à partir du rapport de dilution.